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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 10 mars 2011, n° 10-04028

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BMCA Lola (SA)

Défendeur :

Stégéma (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Touzery-Champion, Pomonti

Avoués :

Me Couturier, SCP Guizard

Avocats :

Mes Ennedam, Duhalde

T. com. Paris, du 11 févr. 2010

11 février 2010

La société BMCA Lola, dont le siège social est à Sassenage en Isère, a pour objet la conception, la fabrication et la distribution d'articles de prêt-à-porter féminin sous la marque Lola et pour représentant en région parisienne M. Charton, engagé en qualité de représentant multicartes jusqu'au 30 mars 2007, date à laquelle il a fait l'objet d'un licenciement.

La SARL Stégéma, dirigée par les époux Bruggeman, est une agence commerciale établie à Paris, spécialisée en articles d'habillement.

Se prévalant d'un accord écrit tripartite de cession de carte d'agent commercial passé le 2 février 2007 au salon du prêt-à-porter féminin collection automne-hiver à Paris entre elle-même, M. Charton et la société BMCA Lola, la société Stégéma a fait assigner cette dernière société devant le Tribunal de commerce de Paris, lequel par jugement du 11 février 2010, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- s'est déclaré territorialement compétent,

- a condamné la société BMCA Lola à payer à la société Stégéma les sommes de :

. 13 024,26 euro à titre de commissions avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2007,

. 12 210 euro représentant l'indemnité de préavis avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2007,

. 13 024, 26 euro correspondant à l'indemnité de rupture avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2010,

. 3 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par conclusions récapitulatives du 2 juin 2010, la société BMCA Lola, appelante, poursuit l'infirmation du jugement querellé. Elle soulève une exception d'incompétence matérielle au profit du Tribunal de commerce de Grenoble ; elle sollicite en conséquence le renvoi des parties à mieux se pourvoir et l'irrecevabilité des prétentions de son adversaire.

A titre subsidiaire, estimant que la société Stégéma ne peut justifier de sa qualité d'agent commercial, elle réclame le rejet des prétentions de l'intimée ainsi que sa condamnation à lui verser les sommes de :

- 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- 3 500 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 30 juin 2010, la société Stégéma, intimée formant appel incident, requiert la confirmation de la décision entreprise. Elle sollicite en outre l'allocation d'une indemnité de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR,

Sur l'exception d'incompétence :

Considérant que la société BMCA Lola soulève une exception d'incompétence matérielle du Tribunal de commerce de Paris au profit du Tribunal de commerce de Grenoble, en application des dispositions des articles 42 et 43 du Code de procédure civile ; que réfutant la qualité d'agent commercial de la société Stégéma et donc de tout lien contractuel avec elle, la société BMCA Lola estime que seul le tribunal grenoblois, dans le ressort duquel se trouve son siège social, est compétent ;

Mais considérant qu'à juste titre l'intimée oppose l'article 46 du même Code selon lequel le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière contractuelle la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ;

Qu'au cas particulier, les relations contractuelles entre les parties se déduisent nécessairement de la remise tant de la collection Lola à la société Stégéma que de la liasse de bons de commandes imprimés au nom de Lola, avec mention du représentant Stégéma pour la plupart de ces bons, permettant à cette dernière de prendre des ordres, de l'établissement de 21 factures auprès de clients prospectés par la société Stégéma, de la livraison des marchandises à ces mêmes clients par la société Lola, du paiement par lesdits clients de leur factures ;

Que bon nombre de ces clients, qui demeurent dans la région parisienne ou à Paris, ont attesté avoir pris commande des marchandises dans les locaux parisiens de la société Stégéma, laquelle leur a livré la marchandise ;

Que par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il s'est estimé compétent pour statuer sur le litige ;

Sur le fond :

Considérant que la société BMCA Lola conteste avoir conclu un contrat d'agent commercial avec la société Stégéma ; qu'elle affirme que cette qualité d'agent commercial était conditionnée à la cession de la carte d'agent commercial, cession qui en définitive n'est pas intervenue entre elles et dont le prix n'a pas été réglé par l'intimée ; qu'elle ajoute qu'à supposer que l'accord tripartite, dont se prévaut son adversaire, ait existé, elle devrait pouvoir se rembourser du paiement de la carte d'un montant de 80 000 F par prélèvement échelonné sur les commissions de la société Stégéma ;

Considérant qu'il a déjà été statué, au paragraphe précédent, sur l'existence de relations contractuelles entre les deux sociétés ; que l'ensemble des éléments (remise de la collection automne-hiver, remise de bon de commandes avec mention du représentant Stégéma, livraison des marchandises par la société BMCA Lola, paiement des factures et encaissement par la société BMCA Lola) démontre, contrairement aux simples allégations de l'appelante, que la société Stégéma avait bien reçu mandat de la société BMCA Lola pour représenter ses produits ;

Que si l'activité ainsi déployée par la société Stégéma peut correspondre à la définition de l'agent commercial visée à l'article L. 134-1 du Code de commerce, qui le décrit comme un mandataire, qui à titre de profession indépendante, sans être lié par contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de commerçants, il n'en reste pas moins qu'il manque un élément essentiel relatif au caractère permanent de l'activité ;

Que la société Stégéma précise elle-même que la société BMCA Lola a brutalement mis fin à son activité dès le 5 mars 2007 ; que dans ces conditions la société Stégéma, qui a la charge de la preuve, ne démontre pas l'accord de la société BMCA pour exercer son activité d'agent commercial de façon permanente ;

Considérant par ailleurs que si un accord tripartite a pu être signé entre M. Charton, les sociétés BMCA Lola et Stégéma dans un acte manuscrit daté du 2 février 2007 aux termes duquel M. Charton s'est engagé à vendre sa carte Lola à la société Stégéma en contrepartie de la somme de 80 000 euro, remboursable mensuellement sur deux ans par M. Partouche PDG de la société BMCA Lola en lieu et place de la société Stégéma, cette dernière s'engageant pour sa part à rembourser ladite carte à la société BMCA à mi-commissions, cet accord n'a pas en définitive été exécuté, ainsi que le certifie M. Charton dans une attestation en date du 23 août 2009; qu'il explique que des négociations avaient bien été entamées avec la société Stégéma en présence de la société BMCA Lola pour un prix de cession de la carte Lola de 80 000 F mais que la société Stégéma n'a pas souhaité y donner suite ; qu'en toute hypothèse la société Stégéma n'ayant pas perçu de commissions, cet accord n'a pas pu être mis en œuvre ;

Que dès lors la société Stégéma, qui a travaillé pour le compte de la société BMCA Lola pendant un mois, n'est pas fondée à réclamer une indemnité de préavis et une indemnité compensatrice conformément aux dispositions des articles L. 134-11 et L. 134-12 du Code de commerce, qui ne sont attribuées qu'aux agents commerciaux ;

Qu'en revanche elle est en droit de réclamer les commissions d'un montant de 13 024,26 euro TTC, ayant réalisé un chiffre d'affaires de 130 242,60 euro TTC pour le compte de son mandant ;

Que la société BMCA Lola sera donc condamnée à verser à la société Stégéma la somme de 13 024,26 euro TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2007, date de la lettre recommandée valant mise en demeure ;

Considérant que l'équité commande en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile d'allouer à la société Stégéma une indemnité de 2 000 euro ;

Considérant que les demandes en dommages et intérêts et en frais irrépétibles formées par la société BMCA Lola ne peuvent prospérer, eu égard à la solution du litige.

Par ces motifs, Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives à l'indemnité de préavis et l'indemnité de rupture, Statuant à nouveau de ces chefs, Déboute la société Stégéma de ses demandes d'indemnité de préavis et d'indemnité de rupture, Condamne la société BMCA Lola à payer à la société Stégéma, en plus de celle allouée à ce titre par les premiers juges, une indemnité de 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes des parties, Condamne la société BMCA Lola aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.