CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 6 janvier 2011, n° 09-08147
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Claude Lapabe Développement (SARLAU)
Défendeur :
Kreno Consulting (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Maron
Conseillers :
Mmes Brylinski, Beauvois
Avoués :
SCP Gas, SCP Jullien, Lecharny, Rol, Fertier
Avocats :
Mes Agatensi Aimé, Pireddu
Faits, procédures
Le premier septembre 2004, la société Kreno Consulting (Kreno) et la société Claude Lapabe Développement (Claude Lapabe) ont signé un contrat intitulé " contrat-cadre de sous-traitance ".
Par acte d'huissier en date du 28 octobre 2008, la société Claude Lapabe a saisi le Tribunal de commerce de Nanterre en revendiquant le statut d'agent commercial, en invoquant des manquements contractuels de la société Kreno à ses obligations, en sollicitant la condamnation de cette dernière à lui payer 100 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations contractuelles et un solde de facture.
Par jugement rendu le 10 septembre 2009, le Tribunal de commerce de Nanterre a condamné la société Kreno à payer, avec exécution provisoire, à la société Claude Lapabe la somme de 6 054,05 euro avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2008 et l'a déboutée de toutes ses autres demandes.
La société Lapabe a relevé appel de ce jugement.
Par dernières conclusions signifiées le 21 juillet 2010, la société Claude Lapabe Développement demande à la cour, au visa des articles 1134 du Code civil, L. 134-1 et L. 134-15 du Code de commerce, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, après lui avoir reconnu la qualification d'agent commercial et avoir dit que la rupture était imputable à la société Kreno, de condamner la société Kreno Consulting à lui payer une indemnité de fin de contrat de 175 520 euro et une indemnité de réemploi de 46 000 euro, outre la somme de 6 005,71 euro pour solde de factures restant dues, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir, et celle de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées le 2 juin 2010, la société Kreno Consulting demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qui concerne la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 6 054,05 euro, de condamner la société Claude Lapabe Développement à lui rembourser cette somme, de la condamner à lui payer une indemnité de 7 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Claude Lapabe rappelle les circonstances qui ont conduit à la signature du contrat-cadre de sous-traitance lequel prévoit en son article 2 que pour chaque mission, une convention d'application spécifiant l'identité du client, le contenu précis de la mission et le mouvement des honoraires facturés devra être établie.
Or, il n'y a jamais eu de convention d'application.
En effet très rapidement il a été demandé à la société Claude Lapabe de démarcher les clients pour leur vendre des missions de formation de recrutement et de conseil au nom et pour le compte de la société Kreno. Il lui a été également demandé de procéder à la mise à jour de ses prospects pour tenir compte des démarches réalisées, à la mise à jour du tableau des missions ainsi que d'établir un plan de développement avec des actions de prospection.
La société Claude Lapabe identifiait les prospects, participait aux entretiens annuels mis en place par la société Kreno pour fixer aux consultants des objectifs tant quantitatifs que qualitatifs définis par la direction. Contrairement à un sous-traitant ou un simple prestataire de services qui accomplit la tâche qui lui a été demandée à partir d'un cahier des charges précis moyennant un paiement forfaitaire, puis cesse toute relation avec son donneur d'ordre, la société Claude Lapabe se devait au contraire de rendre des comptes non seulement de ses prospects et donc des démarches commerciales réalisées mais aussi de la transformation des prospects en client, puis de la réalisation des missions.
La société Claude Lapabe participait également à des réunions de travail concernant la politique et la stratégie mises en place par la société Kreno.
Il ressort ainsi de l'ensemble des pièces du dossier que la société Claude Lapabe a créé, en sa qualité de mandataire, une relation juridique directe entre la société Kreno et les clients avec lesquels elle traitait. En somme, l'activité de la société Claude Lapabe débouchait sur la conclusion de contrats dont les parties étaient la société Kreno et les clients que la société Claude Lapabe avait prospectés.
Les bons de commande étaient bien réalisés par la société Claude Lapabe. Tout ceci accrédite le fait que la société Claude Lapabe agissait pour le compte de la société Kreno et en son nom conformément aux dispositions de l'article L. 134-1 du Code de commerce.
Il est également attesté que les consultants, pour ceux qui ne sont pas salariés, sont des apporteurs d'affaires ou des agents commerciaux.
À partir d'octobre 2007, les relations se sont compliquées quand la société Kreno a décidé de supprimer sans préavis l'accès donné à la société Claude Lapabe à un certain nombre de ses services intranet, lui rendant ainsi difficile et problématique l'exécution de son mandat alors que le contrat initialement signé entre les parties prévoit en son article 4 une mise à disposition permanente des supports et des services.
Cette action traduit sans équivoque la manifestation de la décision de la société Kreno de rompre les relations entretenues jusque-là avec la société Lapabe. Ceci s'est poursuivi par l'interdiction qui a été faite à la société Claude Lapabe par la société Kreno de se présenter aux réunions de travail ajoutant une mise à l'écart vexatoire. Un tel comportement du mandant ne pourra qu'être qualifié de fautif parce que la société Kreno a manqué à ses obligations d'exécution loyale et de bonne foi.
A partir du mois d'août 2008, la société Kreno a supprimé purement et simplement le lien figurant au curriculum vitae de Monsieur Claude Lapabe dans le listing du site Internet Kreno de la plus grande partie de ses expertises, supprimant ainsi non seulement toute crédibilité à son travail mais également les possibilités d'être contacté par un prospect en recherche de consultants sur lesdites expertises.
La société Kreno a également informé la société Claude Lapabe qu'elle n'entendait plus se positionner sur des recrutements de type chef de secteur et qu'il fallait cesser de prospecter ce type de mission. Or la société Claude Lapabe développait 73 % de son chiffre d'affaires dans le recrutement de ce type. Ainsi, la société Kreno a supprimé unilatéralement un volume considérable de chiffre d'affaires développé par la société Claude Lapabe.
Pour finir, la société Kreno a bloqué l'envoi des contrats conclus par la société Claude Lapabe pour l'obliger à accepter les nouvelles modalités de calcul des commissions qu'elle entendait imposer unilatéralement sur la base d'un tarif nettement supérieur à la concurrence sans prestations différentielles.
En définitive, la société Claude Lapabe rapporte la preuve des demandes de la société Kreno pour démarcher, négocier, conclure, mais aussi pour relancer les clients pour les paiements ceci au nom et pour le compte de la société Kreno, agissant ainsi en qualité d'agent commercial et ceci en dépit du titre donné au contrat conclu entre les parties.
La définition du statut d'agent commercial résulte de l'article L. 134-1 du Code de commerce et il n'est pas nécessaire de conclure un contrat écrit pour prétendre à la qualité d'agent commercial. La qualification du contrat portée sur le document contractuel conclu entre les parties ne saurait suffire à qualifier juridiquement les relations qui se sont réellement effectivement nouées entre les parties durant les quatre ans.
Il est donc demandé à la cour de restituer à la relation contractuelle une exacte qualification juridique en application de l'article 12 du Code de procédure civile et de reconnaître à la société Claude Lapabe la qualification d'agent commercial.
C'est seulement pour deux missions en quatre années de collaboration, que la société Kreno a sollicité la société Claude Lapabe pour réaliser une formation d'une journée pour un client et reprendre le dossier de recrutement pour un autre client.
Pour l'ensemble des autres prestations réalisées pour le compte de la société Kreno, la société Claude Lapabe a mené les contrats de prospection jusqu'à leur terme.
Selon une jurisprudence tout à fait établie, toute clause écrite qui tendrait à écarter le statut d'agent commercial devrait être réputé non écrite.
En raison des agissements reprochés à la société Kreno qui a entendu imposer unilatéralement à compter d'octobre 2007, une réduction importante des commissions perçues par la société Claude Lapabe, modifier l'assiette de calcul en déduisant du montant des honoraires des coûts de fonctionnement arrêté de façon arbitraire, la société Kreno doit être considérée comme à l'origine de la rupture du contrat en ce qu'elle reconnaît appliquer de facto et sans accord une modification d'un élément essentiel de la relation contractuelle, à savoir la rémunération.
La cessation du contrat d'agence commerciale donne droit à réparation mandataire du préjudice résultant de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune, dès lors qu'elle intervient dans des conditions abusives.
La société Claude Lapabe a ainsi développé pendant plusieurs années une clientèle dont elle se trouve aujourd'hui privée des fruits de façon tout à fait abusive, arbitraire et injustifiée.
Le montant de cette indemnité ne saurait être inférieur à deux années calculées sur la moyenne des commissions réalisées par la société Claude Lapabe au cours des trois derniers exercices.
Il sera également alloué une indemnité de réemploi qui devra correspondre à l'impôt que la société Claude Lapabe devra supporter au titre de l'indemnité de son contrat.
La société Kreno conteste pour la première fois en cause d'appel des factures de 2006 et 2008 restantes dues sans apporter une quelconque preuve à ses arguments. La cour devra faire droit à la demande de condamnation au paiement de ces créances anciennes de la société Lapabe s'élevant à 6 005,71 euro.
En réponse, la société Kreno entend démontrer que la relation existant avec la société Lapabe s'analyse en une relation entre un entrepreneur principal et un sous-traitant, que ce lien contractuel n'a jamais été rompu et que l'appelante a pris l'initiative de la rupture.
La société Kreno rappelle qu'elle a créé une structure d'exploitation articulée autour de consultants qui ont, soit la qualité de salarié, soit la qualité d'entrepreneur individuel indépendant avec lequel elle se lie par un contrat-cadre de sous-traitance.
Lorsqu'elle est l'objet d'une sollicitation dans un domaine qui requiert une compétence dont elle ne dispose pas chez ses salariés, la société Kreno s'adresse à des sous-traitants qu'elle connaît et qui ont avec elle une relation pérenne.
Afin de définir les conditions générales d'intervention du sous-traitant et d'éviter d'initier une négociation lors de chaque sollicitation, la société Kreno et les sous-traitants ont signé un contrat-cadre de sous-traitance définissant les conditions financières d'intervention, les prestations que se réserve l'entrepreneur principal, et une clause de non-concurrence.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, la société Kreno et la société Lapabe sont liées par un contrat de sous-traitance et non par un contrat d'agent commercial. La société Lapabe n'est pas investie d'un mandat mais chargé d'exécuter des prestations.
La société Lapabe ne peut revendiquer aucun élément constitutif du statut d'agent commercial.
La société Lapabe est un locateur de services. Sa mission ne consiste pas à négocier au nom et pour le compte de la société Kreno mais à accomplir une partie de la prestation qui consiste à définir la nature du poste à pourvoir chez le client, le profil du candidat à rechercher.
La société Lapabe ne conclut pas de contrat pour le compte de la société Kreno, elle les exécute.
C'est la société Kreno qui conclut le contrat avec son client. Ce contrat est également signé par la société Lapabe, non pas en qualité de mandataire représentant la société Kreno, mais en qualité de sous-traitant locateur d'ouvrage devant exécuter la prestation au titre de la direction de projet.
La prestation du sous-traitant est adaptée aux spécificités de ce secteur d'activité, savoir qu'elle consistait à assurer une direction de mission et une direction de projet.
La convention du sous-traitant à l'occasion de la direction de mission crée un très fort intuitu personae entre le client et l'intervenant, qu'il soit sous-traitant ou salarié.
C'est une exigence du client que de s'assurer de ce que le directeur de mission va être directeur de projet.
C'est la raison pour laquelle le sous-traitant est associé à la conclusion du contrat.
La société Lapabe ne démarche pas de prospects. Les sous-traitants spécialisés, comme la société Lapabe s'agissant de la grande consommation, ont été associés à des actions de communication et de promotion effectuées par la société Kreno auprès de clients appartenant à ce secteur d'activité et figurant dans le fichier CRM. Cependant, la société Lapabe n'a jamais été autorisée à effectuer une prospection indépendante.
Les attestations produites par la société Lapabe ne sont pas probantes et toutes les sociétés figurent dans le fichier CRM.
La société Lapabe facture des prestations et non des commissions.
La société Lapabe est un concurrent de la société Kreno. Elle s'interdit de contracter directement avec les clients de la société Kreno mais il ne lui est pas interdit d'accepter des missions avec toute entreprise au sein de laquelle elle n'est pas intervenue comme sous-traitant de la société Kreno. Cette activité représente une part importante de son chiffre d'affaires. Ainsi, en conclusion, la société Kreno fait valoir que l'agent commercial a pour tâche de négocier et de conclure éventuellement un engagement au nom et pour le compte du mandant.
Or, la société Lapabe exécute une partie des tâches inhérentes aux contrats de prestations de services conclus entre la société Kreno Consulting et ses clients.
L'agent commercial œuvre pour l'obtention du marché. La société Kreno exécute tout ou partie du marché, aux termes d'un contrat de sous-traitance.
Le contrat d'agent commercial permet, comme le prévoit le texte, une activité permanente, c'est-à-dire que l'agent commercial se voit désigner soit une aire géographique, soit une catégorie de prospects à démarcher.
En l'espèce, l'activité de sous-traitance peut parfaitement être nulle si la société Kreno ne sollicite pas la société Lapabe pour exécuter une prestation, soit parce qu'elle considère que le marché n'entre pas dans son champ de compétence, soit parce que le client, qui peut connaître la société Lapabe pour avoir déjà bénéficié d'une prestation sous-traitée, ne souhaite pas lui voir confier la mission.
L'agent commercial n'est pas le concurrent de l'entrepreneur principal.
Il ne peut être reproché à la société Kreno de démarcher ses propres clients.
La société Kreno n'a pas eu de pratiques discriminatoires à l'égard de la société Lapabe et elle est totalement libre de définir sa politique commerciale en matière de recrutement.
La nouvelle pratique imposée par l'adaptation aux conditions de rémunération du marché était plus avantageuse pour le sous-traitant.
La société Kreno n'a jamais confié à la société Lapabe le soin de démarcher une clientèle afin de réaliser un chiffre d'affaires.
Il n'y a pas eu d'interdiction d'accès au site Internet pour la société Lapabe mais seulement une contrainte technique liée à la mise en place d'un nouveau site.
La société Lapabe n'a pas été privée de l'accès à certains tiroirs du site Intranet par la société Kreno, dans la mesure où cet accès est soumis à l'autorisation des consultants qui ont fait l'apport desdites données.
La société Lapabe s'est toujours montrée rétive pour publier des études de cas, entendant sans doute protéger son savoir-faire et les éléments de son propre fonds de commerce.
Cette réticence explique que Monsieur Lapabe n'ait pas été fréquemment désigné comme invité par les autres consultants, salariés ou sous-traitants, animateurs du site.
Si la société Lapabe n'a pas pu accéder à certains tiroirs, c'est donc parce qu'elle n'alimentait jamais la bibliothèque.
La société Kreno n'a pas refusé de contracter avec la société Lapabe s'agissant des prestations de directeur de projet conduisant à une facturation inférieure à moins de 6 000 euro, elle a refusé de contracter avec ses clients.
Il s'agit là de la politique générale de l'entreprise, qui a décidé de ne plus exécuter elle-même, par l'intermédiaire de ses consultants salariés ou par l'intermédiaire de ses consultants sous-traitants, des projets de ce coût. La société Lapabe ne dispose d'aucun droit acquis de se voir confier des travaux en sous-traitance.
La rupture des relations entre les deux sociétés est exclusivement imputable à la société Lapabe et procède d'une rupture préméditée.
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 7 octobre 2010.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR,
Selon l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.
La qualité d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans leur contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.
C'est à celui qui se prévaut du statut d'agent commercial d'en apporter la preuve.
Il résulte des pièces produites que la société KC est spécialisée dans l'activité de conseil en relation avec la direction, l'administration, la gestion des hommes et des organisations, l'accompagnement, le recrutement et la formation, et que la société Lapabe exerce une activité similaire.
La société Lapabe est notamment immatriculée au registre du commerce et des sociétés avec l'activité de conseil en relation avec le management, l'administration, la gestion des hommes et des organisations, l'accompagnement, le recrutement et la formation.
Le contrat-cadre du 1er septembre 2004 même s'il ne permet pas d'écarter la qualification revendiquée par la société Lapabe d'agent commercial exprime la commune intention des parties au moment de sa signature, la société Kreno déclarant souhaiter confier à des intervenants extérieurs, par le biais de la sous-traitance, les missions qu'elle n'est pas en mesure d'exécuter elle-même et la société Lapabe, développer son activité de façon indépendante dans ce même domaine de compétence, sans être subordonnée à la société Kreno.
Les prestations telles que prévues au contrat qui pouvaient être confiées par la société Kreno à la société Lapabe étaient de deux ordres:
- La direction de mission à l'occasion de laquelle la société Lapabe doit avec le client affiner la définition du besoin, proposer au client un certain nombre d'outils et de programmes d'intervention qui diffèrent selon qu'il s'agit de formation ou de recrutement, qui constitue la phase préparatoire à la direction de projet, comprenant les phases d'écoute, de formulation, puis de recommandation/proposition auprès du client, le management de la relation client au cours du projet ainsi que le suivi contractuel et financier en relation avec le service administratif et financier de la société Kreno.
Lorsque la prestation est définie, la société Kreno signe avec le client le contrat.
Le sous-traitant, qui est chargé de la direction de projet, signe également ce contrat. Son intervention formalise l'acceptation de la direction de projet et permet au client de connaître l'identité de l'intervenant.
- La direction de projet qui correspond à la fourniture de la prestation qui a été déterminée avec le client.
Il n'est pas contesté que malgré les termes du contrat-cadre de sous-traitance, aucune convention d'application pour chaque mission n'a été établie.
Le contrat ne prévoit pas que la société Lapabe soit chargée de missions de prospection de la clientèle.
Néanmoins, il résulte des pièces versées aux débats que la société Lapabe était effectivement chargée de prospecter les clients, de leur proposer les prestations adaptées à leurs besoins, de définir les missions prévues au contrat et ensuite de réaliser lesdites missions.
La société Lapabe produit des courriels et des courriers qui justifient de ses démarches de prospection et de ce que c'est la société Kreno elle-même qui a demandé à Monsieur Lapabe d'effectuer ces démarches (pièce 55).
Tous les courriels de prospection produits par la société Lapabe l'ont été sur des courriers électroniques sur lesquels figure l'adresse e-mail [email protected], avec le logo de la société Kreno, avec comme expéditeur Claude Lapabe, invitant le prospect à consulter le site de la société Kreno.
Tous les courriers de prospection le sont sur papier de la société Kreno, signé par Monsieur Lapabe, consultant, et dans certains cas, en sus par Monsieur Delaporte comme président de la société Kreno.
Tous les contrats produits signés à la suite d'une intervention de Monsieur Lapabe se présentent comme une convention entre la société Kreno et le client bénéficiaire de la prestation, définissent la prestation assurée par la société Kreno, comportant le cachet de la société Kreno, ainsi que les signatures, soit conjointes de Monsieur Delaporte et de Monsieur Lapabe, soit celle de Monsieur Lapabe seul avec la mention "consultant".
Si Monsieur Lapabe apparaît bien sur tous ces documents, en qualité de consultant, et non la société Lapabe, il n'est fait mention à aucun moment de sa qualité d'agent commercial.
Par ailleurs, sa mission ne se limitait pas, contrairement à celle d'un agent commercial à négocier et, éventuellement, conclure des contrats de vente de prestations de services, au nom et pour le compte de la société Kreno mais il était également chargé d'exécuter les prestations fournies par la société Kreno aux clients en matière de formation ou de recrutement.
En réalité, l'ensemble des pièces produites par la société Lapabe démontre que Monsieur Lapabe exerçait son activité pour le compte de la société Kreno dans les mêmes conditions que les salariés de la société elle-même, hormis pour ce qui concerne les modalités de la rémunération.
La description que la société Lapabe donne des tâches confiées à Monsieur Claude Lapabe, qui sont justifiées par les nombreuses pièces versées aux débats, en justifie.
En effet, Monsieur Lapabe était soumis aux mêmes exigences en matière de détermination d'objectifs de chiffre d'affaires à réaliser (demandes d'établir des business plan), de mise à jour de ses prospects pour justifier des démarches réalisées, de mise à jour du tableau des missions, lui ayant été reproché le cas échéant le caractère fantaisiste de certains prévisionnels et la non-atteinte de ses objectifs.
Monsieur Lapabe était convié comme tous les salariés à participer aux réunions concernant la stratégie commerciale mise en œuvre par la société Kreno. Il participait à certains entretiens annuels et était lui-même soumis à des entretiens annuels professionnels, comme un salarié, visant à fixer ses objectifs quantitatifs et qualitatifs.
Il rendait des comptes non seulement de ses prospects, des démarches commerciales réalisées mais également de la réalisation de ses missions.
Il était intégré dans l'organisation interne de la société Kreno, qui mettait à sa disposition tous les outils offerts à ses salariés. Il était destinataire des mêmes instructions et mêmes consignes que les salariés de la société Kreno, par exemple sur l'élargissement des cibles de prospection, la facturation, les relances à faire aux clients pour les impayés.
Les mails et mémos internes versés aux débats par la société Lapabe établissent en effet que Monsieur Lapabe figurait dans les listes de diffusion au même titre que les salariés de la société Kreno dont cette dernière a fait figurer les noms dans ses conclusions.
Il ressort de l'ensemble des documents produits que la société Kreno a exercé un pouvoir de contrôle sur les activités de Monsieur Lapabe semblable à celui qu'elle pouvait avoir sur ses salariés mais encore qu'elle a considéré disposer d'un pouvoir de sanction, reprochant à Monsieur Lapabe de ne pas respecter les valeurs du cabinet, son manque d'engagement et une insuffisance professionnelle (voir notamment pièces 6, 49, 89).
Comme le prétend à juste titre la société Lapabe, les tâches effectuées par Monsieur Lapabe comme "consultant" ont largement excédé celles prévues par le contrat-cadre de sous-traitance puisqu'en réalité, Monsieur Lapabe a recherché de nouveaux clients pour le compte de la société Kreno et ne s'est pas borné à exécuter des missions ou des directions de projets que lui auraient confié la société Kreno.
En revanche, la circonstance que Monsieur Lapabe ait été chargé par la société Kreno de façon permanente de prospection commerciale pour le compte de la société Kreno, tout comme les salariés de la société elle-même, ne démontre pas que Monsieur Lapabe disposait d'une quelconque marge de négociation avec le client par rapport à la société Kreno, qu'il exerçait son activité à titre de profession indépendante, en bénéficiant de l'autonomie qui caractérise l'exercice du mandat d'agent commercial.
En particulier, rien ne démontre que Monsieur Lapabe disposait d'une quelconque liberté d'exercice de sa mission, qu'il aurait pu par exemple octroyer des remises aux clients à ses frais ou réaliser de la publicité à ses frais, négocier les prix avec les clients sans prendre des instructions de la société Kreno. Au contraire, bien qu'il ne soit pas lié par un contrat de louage de services, il est établi que Monsieur Lapabe a été soumis en permanence au pouvoir de direction et de contrôle de la société Kreno.
Les attestations produites par la société Lapabe dont il ressort seulement que les trois clients en cause n'ont été en contact qu'avec Monsieur Lapabe même s'ils ont signé un contrat de prestations de services avec la société Kreno et que c'est lui-même qui a assuré ensuite les prestations de formation et de recrutement ne sont pas susceptibles d'apporter la preuve de la qualité d'agent commercial de la société Lapabe.
La société Kreno précise dans ses écritures que pour étendre ses domaines d'intervention et diversifier son champ de compétence, elle a recours pour l'exécution de ses prestations soit à des consultants salariés, soit à des consultants extérieurs, comme pouvait l'être Monsieur Lapabe qui avait une parfaite connaissance de la grande distribution, compte tenu de son passé professionnel. A l'évidence en effet, les tâches confiées aux consultants salariés ou aux consultants extérieurs ne diffèrent pas dans leur nature mais uniquement dans la clientèle et le secteur d'activité concernés.
La société Lapabe, par le truchement de Monsieur Lapabe, a donc exercé son activité sans aucune indépendance envers la société Kreno et au surplus, sa mission ne s'est pas limitée à rechercher des clients et le cas échéant à permettre la conclusion de contrats de prestations de services directement entre la société Kreno et les clients démarchés mais s'est poursuivie jusqu'à, et y compris, l'exécution des prestations vendues en matière de formation ou de recrutement pour le compte la société Kreno.
Dans ces conditions, la société Lapabe est mal fondée en sa demande de se voir reconnaître la qualification d'agent commercial.
Dès lors, la société Lapabe ne peut qu'être déboutée de la demande en paiement de l'indemnité de cessation de contrat prévue au profit de l'agent commercial par l'article L. 134-12 du Code de commerce et de la demande accessoire en paiement de l'indemnité de réemploi.
Sur la demande en paiement d'un solde de factures
La société Lapabe demande le paiement de quatre factures pour un montant total de 6 005,71 euro, suivant le détail figurant dans ses écritures, dont deux factures émises en 2006 et deux en 2008.
C'est à la société Lapabe qu'il appartient d'apporter la preuve du bien-fondé de sa réclamation.
La seule pièce visée dans ses conclusions sur ce point est la pièce 92 de son bordereau qui consiste en une attestation de son expert-comptable établie le 14 décembre 2009 relative au chiffre d'affaires hors taxes et hors frais de déplacement facturé par la société Lapabe à la société Kreno. Ce document n'est pas de nature à apporter la preuve des créances alléguées par la société Lapabe.
Les factures en cause ne figurent pas au bordereau de pièces.
Aucune prestation n'est justifiée en regard des sommes réclamées.
Les sommes sont contestées par la société Kreno.
La demande en paiement n'est pas justifiée par les pièces produites et le jugement qui a fait droit à la demande sera infirmé.
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Kreno en restitution de la somme payée au titre de l'exécution provisoire dont le jugement était assorti, le présent arrêt infirmatif sur ce point constituant le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement.
Sur les dépens
Les dépens seront à la charge de la société Lapabe qui succombe en toutes ses prétentions.
L'équité s'oppose à condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Kreno Consulting à payer à la société Claude Lapabe Développement un solde de factures et l'a condamné aux dépens. Statuant à nouveau, Déboute la société Claude Lapabe Développement de sa demande en paiement de la somme de 6 005,71 euro pour règlement des factures restant dues, Condamne la société Claude Lapabe Développement aux dépens de première instance et d'appel, Admet la SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la société Claude Lapabe Développement de sa demande au même titre.