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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 15 mars 2011, n° 10-01711

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Disfra (SA)

Défendeur :

Gustav Digel GmbH, Digel France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Hoffbeck

Conseillers :

MM. Cuenot, Allard

Avocats :

SCP Cahn & Associés, Mes Contet de Rochegonde, Puijalon-Radv

TGI Strasbourg, ch. com., du 9 mars 2010

9 mars 2010

La société Gustav Digel GmbH est un fabricant allemand de prêt-à-porter.

La SARL Digel France commercialise les produits Digel, en particulier des costumes hommes, sur le territoire français.

Elle a été amenée à proposer à la vente des produits Digel sur un site Internet en mars et septembre 2009.

Courant octobre 2009, la SA Disfra, société concurrente implantée sur le territoire français, a fait paraître, sur son propre site Internet, un article dénonçant fermement les pratiques de " ventes privées " sur Internet, consistant à casser les prix et ayant pour effet de désorganiser le marché. Elle a simultanément adressé à des détaillants de prêt-à-porter masculin, qui étaient également ses clients, un courrier similaire.

La publication litigieuse, manifestement destinée aux détaillants français du prêt-à-porter masculin, avait pour titre " Internet - Ventes Privées Coup de gueule : On se moque de vous !!! " et comportait une soixante de lignes, avec notamment les passages suivants :

" Bien que cela ne rentre pas dans nos habitudes, permettez que nous exprimions par cette tribune notre désapprobation et notre inquiétude devant l'accélération, en particulier depuis la rentrée, des ventes directes grand public réalisées par certains fournisseurs.

Personnellement, en tant que responsable d'entreprise, je ne puis accepter une dérive très dangereuse pour l'ensemble de notre profession.

Au-delà de l'aspect concurrentiel, je me sens le devoir de vous informer mais aussi de dénoncer des pratiques qui risquent à terme de mettre très sérieusement à mal notre système de distribution.

Venons-en au fait : après avoir été alertés par de nombreux clients, nous avons constaté que plusieurs de vos fournisseurs s'affichent sur la toile ces dernières semaines sur des sites de vente privées, n'hésitant pas à proposer des articles à prix cassés (3 fois moins cher que le tarif " normal ") au grand public ! C'est-à-dire des tarifs identiques et souvent même inférieurs à ceux qu'ils vous consentent !

Non ce n'est pas possible ! Comment voulez-vous que le consommateur s'y retrouve !

N'a-t-on pas déjà pas assez à nous battre contre des périodes de soldes de moins en moins adaptées, des soldes flottantes, aberrantes, des promotions sauvages ?

Faut-il que des fournisseurs, au demeurant à la réputation plutôt sérieuse jusqu'à présent, participent à ce chaos commercial ?

Il y a 3 semaines, c'est un fabricant de costumes, vestes et pantalons, spécialiste des vêtements coordonnables, implanté Outre-Rhin (...) qui s'est ainsi affiché en début de saison !

Ce week-end, un fabricant de chemises réputé (Outre-Rhin lui aussi) (...) s'y met !

Où va-t-on " Nos amis germaniques en l'occurrence auraient-ils perdu le sens de la mesure " Peut-on tolérer cela ?

Doit-on accepter d'un côté un discours séducteur voir charmeur, des notions de partenariat affichées dans la presse professionnelle à l'intérieur de grands placards où le sens de la formule n'a d'égal que le cocufiage en règle dont il fait preuve aujourd'hui à votre égard ! Car c'est bien de cela dont il s'agit : vous mettre en difficultés !

Alors oui la réponse on la connaît : ce sont des anciens stocks, tout le monde le sait... sauf que:

...Rien ne spécifie la notion d'ancien stock...

...Que les très grands noms de la mode affichent une partie de leurs offres sur Internet fait effectivement partie du jeu, mais la plupart du temps ce sont des actions totalement maîtrisées et voulues par ces très grands noms (stratégie marketing), tandis qu'en ce qui vous concerne, il s'agit de marques, certes connues par les professionnels, mais excusez, à la notoriété assez faible auprès du grand public...

Attention, nous avons tous un devoir de très grande vigilance vis-à-vis de ces pratiques ! Certains d'entre vous ont déjà vu des clients venir essayer des produits pour s'assurer de la taille sans achat derrière... c'est tellement mieux sur le web !

...Non, nous devons dire Non à ces pratiques qui ne peuvent que s'accélérer si personne ne réagit.

Nous avons un devoir de résistance active vis-à-vis de ces méthodes outrancières car Oui, on se moque de vous !

...C'est notre, c'est votre avenir qui s'écrit aujourd'hui... ".

Par acte d'huissier du 18 novembre 2009, exposant en substance que la publication litigieuse était dénigrante à leur égard et que Digel était identifiable à travers les termes utilisés, la société Gustav Digel GmbH et la SARL Digel France ont fait assigner en référé la SA Disfra pour obtenir la cessation immédiate de la publication, de la diffusion et de l'utilisation à des fins commerciales du courrier dénigrant sous quelque forme que ce soit, sous peine d'astreinte, la publication de la décision à intervenir et son affichage sur le site Internet de la SA Disfra, enfin le paiement d'une provision de 15 000 euro au profit de la société demanderesse allemande et de 10 000 euro au profit de la société demanderesse française.

Par une ordonnance du 9 mars 2010, le juge des référés commerciaux au Tribunal de grande instance de Strasbourg, après avoir rejeté une exception d'incompétence et écarté une fin de non-recevoir, a dit que le document diffusé par la SA Disfra sous le titre " Internet ventes privées coup de gueule " était un acte de concurrence déloyale constitutif d'un trouble manifestement illicite, a ordonné en conséquence l'affichage du disposition de la présente décision sur la page du site Internet de la SA Disfra dans un délai de 8 jours à compter de sa signification pendant deux mois, sous peine d'astreinte, a condamné ensuite la SA Disfra à payer une provision de 5 000 euro à la SARL Digel France et une provision de 2 500 euro à la société Gustav Digel GmbH, à valoir sur la réparation des préjudices subis, outre une somme totale de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

Selon une déclaration enregistrée au greffe le 16 mars 2010, la SA Disfra a interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions déposées le 23 novembre 2010, elle demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la concluante à l'encontre de l'ordonnance entreprise ;

En conséquence,

- réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau,

Vu les articles 46, 872 et 873 du Code de procédure civile,

- se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes de la SARL Digel France et de la société Gustav Digel GmbH (seul le Tribunal de commerce de Limoges étant compétent) et renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;

- déclarer irrecevables les demandes de la société Gustav Digel GmbH pour défaut de qualité à agir ;

En toute hypothèse,

- déclarer mal fondées les demandes de la SARL Digel France et de la société Gustav Digel GmbH ;

- les débouter de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner la SARL Digel France et la société Gustav Digel GmbH in solidum à payer à la SA Disfra une indemnité de 50 000 euro à titre de justes dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- les condamner également à payer une indemnité de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par leurs dernières conclusions déposées le 27 janvier 2011, la société Gustav Digel GmbH et la SARL Digel France demandent à la cour de :

- déclarer irrecevable et non fondé l'appel interjeté par la SA Disfra ;

- dire et juger que les concluantes sont recevables et bien fondées en leurs prétentions;

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

En toute hypothèse,

- débouter la SA Disfra de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- la condamner à verser à la société Gustav Digel GmbH la somme de 150 000 euro au titre de la perte du chiffre d'affaires non réalisé sur vente-privée.com ;

- la condamner à verser à la SARL Digel France la somme de 21 000 euro au titre de la commission non perçue du fait de vente-privée.com ;

- la condamner à verser aux sociétés intimées une indemnité de 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur ce, LA COUR,

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits et moyens ;

Sur la compétence du juge des référés du Tribunal de grande instance de Strasbourg:

Attendu que, devant la cour, la SA Disfra reprend préalablement l'exception d'incompétence territoriale, en faisant valoir :

- qu'aux termes de l'article 46 du Code de procédure civile, en matière délictuelle, le demandeur peut saisir, à son choix, le lieu du domicile du défendeur ou la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;

- qu'aux termes de l'acte introductif d'instance, il était impossible de savoir quel genre de préjudice la société Digel avait subi et à quel endroit s'étaient produits les prétendus faits délictueux;

- que c'est à tort que le premier juge a cru devoir écarter l'exception d'incompétence en indiquant que ce moyen aurait été soulevé après conclusions déposées au fond ; que la procédure devant le juge des référés est une procédure orale ; que dès lors, cette exception était parfaitement recevable;

- qu'en tout état de cause, faute de pouvoir démontrer l'existence d'un préjudice ou le lieu du fait dommageable, seul le tribunal du siège social de la SA Disfra (soit le Tribunal de commerce de Limoges) est compétent pour connaître du litige ;

Attendu cependant qu'en dépit de l'oralité des débats en première instance, il ressort du dossier que la SA Disfra avait préalablement conclu au fond le 8 décembre 2009 sans soulever l'exception d'incompétence territoriale, ne l'évoquant qu'ultérieurement dans ses dernières conclusions déposées à l'audience le 16 février 2010 ;

Attendu dès lors que le premier juge a fait une exacte application de l'article 74 du Code de procédure civile en déclarant irrecevable cette exception d'incompétence soulevée tardivement ;

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir de la société Gustav Digel GmbH:

Attendu que la SA Disfra fait grief au premier juge d'avoir écarté la fin de non-recevoir tirée d'un " défaut de qualité à agir " de la société de droit allemand, dans la mesure où cette dernière admet que les produits Digel ne sont vendus sur le territoire français que par la SARL Digel France ; que si préjudice il y a, seule cette dernière société est susceptible d'en être la victime ;

Attendu cependant que la société de droit allemand avait intérêt, du moins sur la base de son argumentation tendant à démontrer qu'elle était principalement visée dans la publication litigieuse, à défendre l'image de la marque Distel ;

Attendu que l'ordonnance entreprise sera par conséquent également confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir ;

Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite invoqué par les sociétés demanderesses :

Attendu que la société Gustav Digel GmbH et la SARL Digel France ont déclaré agir sur le fondement de l'article 873 alinéa 1er du Code de procédure civile, aux termes duquel le président peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires qui s'imposent, notamment pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Attendu que la société appelante, estimant que cette condition n'est pas remplie, fait valoir :

- que les sociétés adverses ne démontrent pas les faits de concurrence déloyale dont elles se prévalent et ne démontrent pas davantage un préjudice ;

- que la liberté d'expression est une liberté fondamentale reconnue tant par la Constitution que par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme ;

- qu'elle autorise quiconque à émettre des opinions, mêmes défavorables, sur des méthodes de vente que l'on estime critiquables ;

- que dès lors, la chronique litigieuse ne saurait constituer un acte de concurrence déloyale à partir du moment où, contrairement à ce que prétendent les intimées, il n'existe aucun propos injurieux, diffamatoire ou dénigrant vis-à-vis d'un concurrent particulier ;

- qu'elle ne dénigre aucunement la SARL Digel France ou la société Gustav Digel GmbH, lesquelles ne se trouvent pas désignées ;

- qu'il est uniquement dénoncé une pratique qui est malheureusement le fait d'un grand nombre de fournisseurs actuels, consistant à vendre leurs produits au prix fort aux détaillants et à mettre les mêmes produits en vente à des prix défiant toute concurrence sur des sites de ventes privées sur Internet ;

- que cette méthode, consistant à faire de la propre concurrence à ses clients dans les conditions qui sont dénoncées, est en soi une pratique de concurrence déloyale en ce qu'elle a pour effet de désorganiser totalement le marché ;

- que la presse s'est largement fait l'écho de cette concurrence déloyale des fournisseurs vis-à-vis de leurs propres détaillants ;

- que la concluante verse aux débats de nombreuses attestations émanant de ses clients qui, tous, s'insurgent contre de telles pratiques ;

- que c'est donc à tort que le premier juge a cru devoir considérer que ces pratiques de ventes sur Internet étaient anormales et que, en tirant quelques mots de la chronique, a pu considérer qu'elles constituaient un acte de dénigrement et de concurrence déloyale ;

Attendu cependant que, ainsi que le soutiennent les sociétés intimées, la publication et le courrier litigieux Disfra tendent à jeter le discrédit sur les méthodes commerciales pratiquées par elles, consistant à " vendre sur un site Internet, de manière occasionnelle, le stock de ses invendus avant le lancement d'une nouvelle saison vestimentaire " (cf conclusions des sociétés intimées page 7) ;

Attendu en effet qu'en critiquant en des termes vifs et appuyés la pratique des " ventes privées sur Internet " suivie par certains fournisseurs d'outre-Rhin, accusés de brader des stocks inexistants, et allant jusqu'à dire que ceux-ci en arrivaient à " cocufier " les détaillants par l'usage de ces méthodes, avec la volonté implicite de les mettre en difficultés et de provoquer un " chaos commercial ", la SA Disfra, qui avait la position de simple fournisseur au même titre que la société Gustav Digel GmbH, a tout fait pour renvoyer aux détaillants français une image dévalorisante des pratiques commerciales dénoncées et de ceux qui les utilisent ;

Attendu certes que l'appelante fait aujourd'hui valoir que ces méthodes relèveraient de la concurrence déloyale ;

Attendu cependant qu'elle ne met en avant aucune décision de justice, dont elle bénéficierait et qui condamnerait de telles pratiques ; qu'en tout état de cause, il n'appartient pas la cour de se prononcer à cet égard dans le cadre d'une action en référé tendant à obtenir la cessation d'une campagne de dénigrement entreprise par une société concurrente ;

Attendu par ailleurs que, soutenant elle-même que ce sont les détaillants qui en seraient les victimes, l'appelante ne saurait légitimement vouloir faire justice en leur nom, alors qu'elle est fournisseur de ces mêmes détaillants et en situation de concurrence avec le groupe Digel ;

Attendu qu'il importe peu à cet égard que d'autres acteurs économiques partageraient l'indignation de la SA Disfra ;

Attendu enfin que, loin de constituer une simple manifestation d'opinion relevant de la liberté d'expression, la publication litigieuse, même si elle ne vise pas un concurrent nommément désigné, discrédite directement la société Gustav Digel GmbH, facilement identifiable à travers les termes du message ; qu'en effet, ainsi que l'a fait ressortir le premier juge par des motifs que la cour fait siens, la publication vise en particulier un " fabricant de costumes, vestes et pantalons, spécialiste des vêtements coordonnables, implanté Outre-Rhin, qui s'est ainsi affiché en début de saison ", le nom de la société visée étant remplacé par cinq tirets entre parenthèses (correspondant au nombre de lettres de Digel) ; que s'il résulte des pièces versées aux débats que la société Gustav Digel GmbH n'est pas le seul fournisseur allemand de costumes masculins dits coordonnables, c'est bien elle seule qui, trois semaines avant le courrier incriminé, a procédé aux ventes critiquées, étant relevé que le courrier litigieux du 12 octobre 2009 fait expressément référence à une vente réalisée à cette époque ; que si la SA Disfra affirme que d'autres fournisseurs, dont le nom s'écrit également en cinq lettres, ont effectué des ventes par Internet, elle ne démontre pas qu'une autre société allemande, comportant un nom de cinq lettres, aurait pratiqué les ventes critiquées dans le laps de temps indiqué (la seule société dont il est fait état dans un constat d'huissier du 29 septembre 2010 étant la société Hugo Boss, d'origine allemande, mais qui ne comporte pas cinq lettres à l'instar de Digel) ;

Attendu qu'il en résulte que les destinataires du courrier incriminé ou les lecteurs de la publication litigieuse, qui étaient nécessairement des professionnels du secteur commercial concerné, en particulier les détaillants français du marché du prêt-à-porter masculin, ne pouvaient qu'identifier aisément la marque Digel commercialisée par le fournisseur allemand Gustav Digel GmbH et par son intermédiaire en France, la SARL Digel France ;

Attendu que cette dernière a subi les effets du dénigrement par contrecoup ;

Attendu que l'ordonnance entreprise sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a retenu un comportement fautif au détriment de la société Gustav Digel GmbH et de la SARL Digel France ;

Attendu ensuite qu'il est acquis aux débats que, à réception de l'assignation, la SA Disfra a fait disparaître de son site Internet la publication litigieuse et n'a plus adressé de courriers (en reproduisant les termes) aux détaillants français du prêt-à-porter masculin ;

Attendu que c'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que la demande tendant à obtenir la cessation de la diffusion de l'article litigieux était devenue sans objet ; que l'action n'en restait pas moins fondée dans son principe, puisqu'elle avait abouti à faire cesser la campagne de dénigrement ;

Sur le préjudice et la demande de provisions :

Attendu que le préjudice dont peut se plaindre la société Gustav Digel GmbH, directement mise en cause comme étant à l'origine de pratiques commerciales intolérables, est exclusivement moral; qu'en effet, il consiste uniquement en une atteinte à son image, du moins en l'état des pièces versées aux débats ;

Attendu que la cour estime à 3 000 euro le montant de la créance non sérieusement contestable de la société Gustav Digel GmbH, destiné à réparer ledit préjudice résultant du dénigrement fautif commis par la SA Disfra ;

Attendu que, de son côté, la SARL Digel France justifie s'être heurtée à l'annulation d'une vente par l'un de ses clients ; que l'on peut également retenir les difficultés qu'elle a rencontrées à l'égard de certains de ses clients pour défendre l'image de la marque Digel ; qu'il convient toutefois de limiter la provision allouée à la somme de 1 000 euro ;

Attendu que l'ordonnance entreprise sera très partiellement infirmée dans ce sens ;

Sur la demande de publication formée en première instance :

Attendu que, si la publication du dispositif de la décision sur le site Internet de la SA Disfra sous peine d'astreinte pouvait présenter un intérêt certain, au regard du mode de dénigrement utilisé, il est toutefois impossible de confirmer cette disposition de l'ordonnance entreprise ;

Attendu en effet qu'une infirmation partielle étant intervenue au sujet des provisions versées, la cour ne peut, en l'absence de toute nouvelle demande de publication formée dans l'instance d'appel, maintenir la publication d'un dispositif qui a subi des modifications, même si celles-ci sont très limitées ;

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Attendu que, si la condamnation intervenue en première instance sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile doit être confirmée, il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais relevant de ce texte dans l'instance d'appel ;

Attendu enfin que les montants exorbitants réclamés par les sociétés intimées dans le cadre d'un appel incident implicite commandent que chacune des parties supporte ses propres dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Reçoit l'appel, régulier en la forme ; Au fond, Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, exception faite du montant des provisions allouées, de la publication et de la charge des dépens ; L'infirmant partiellement sur ces point et, statuant à nouveau dans cette limite, Condamne la SA Disfra à payer à la société Gustav Digel GmbH une provision de 3 000 euro (trois mille euro) à valoir sur son préjudice, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jour de la présente décision ; Condamne la SA Disfra à payer à la SARL Digel France une provision de 1 000 euro (mille euro) à valoir sur son préjudice, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jour de la présente décision ; Rejette toutes autres prétentions ; Condamne chaque partie à supporter ses propres dépens de première instance et d'appel.