CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 29 mars 2011, n° 09-03420
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sotral (SA)
Défendeur :
Association pour la sauvegarde des enfants invalides
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron (faisant fonction)
Conseillers :
MM. Roger, Delmotte
Avoués :
SCP Boyer Lescat Merle, SCP Cantaloube-Ferrieu Cerri
Avocats :
SCP Massol, Me Carcy
Faits et procédure
L'institut d'éducation motrice Fonneuve, établissement dépendant de l'Association pour la sauvegarde des enfants invalides (l'ASEI), accueille les enfants et adolescents handicapés, pensionnaires ou demi-pensionnaires. De longue date, cet établissement de Montauban fait appel à des transporteurs privés et plusieurs entreprises artisanales de taxis intervenaient pour assurer chacune un ou plusieurs circuits, dont la SA Sotral.
Pour l'année 2007/2008, l'ASEI a décidé d'adjuger le marché à une nouvelle entreprise, la société Ulysse.
Les entreprises non retenues, dont la Sotral, ont été avisées individuellement.
La SA Sotral a saisi le Tribunal de grande instance de Montauban en réclamant le paiement d'une somme de 120 000 euro à titre de dommages et intérêts en exposant que, en mettant brutalement fin à ce qu'elle considérait comme une tacite reconduction automatique du contrat depuis plus de 12 ans, l'ASEI n'a pas eu un comportement loyal.
Par jugement en date du 28 avril 2009, le Tribunal de grande instance de Montauban a débouté la SA Sotral de l'ensemble de ses demandes.
La SA Sotral a interjeté appel le 7 juillet 2009.
Prétentions et moyens des parties
Par conclusions déposées le 25 mai 2010, la SA Sotral rappelle qu'elle assure depuis 17 ans le transport des enfants handicapés et qu'elle a pour cela formé spécialement ses chauffeurs et investi dans des véhicules spécialisés. Elle considère que l'ASEI n'a pas exécuté de bonne foi les conventions la liant à la SA Sotral en ne l'informant pas de son intention de mettre les marchés de transport en adjudication pour l'année 2007/2008 alors que, pour l'année 2006/ 2007, le renouvellement était intervenu après simple négociation du tarif kilométrique et que l'ASEI est revenue à une technique des appels d'offre qui avait été abandonnée depuis deux années. Elle invoque qu'il y a une brusque rupture des relations commerciales au sens de l'article L. 442-6, I, 5°. En effet, en organisant des transports, l'ASEI effectue des actes de commerce. Elle sollicite une réparation correspondant à une année de chiffre d'affaires.
La SA Sotral demande à la cour de :
- Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 avril 2009 par le Tribunal de grande instance de Montauban,
1°) A titre principal sur la responsabilité contractuelles :
- Condamner l'Association pour la sauvegarde des enfants invalides à payer à la SA Sotral la somme de 120 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi;
2°) A titre subsidiaire sur la responsabilité délictuelle :
- Dire et juger que la relation entre la SA Sotral et l'Association pour la sauvegarde des enfants invalides est commerciale;
- Constater que la rupture de cette relation n'a été précédée d'aucun préavis;
- Constater que la rupture de la relation commerciale a été brutale et fautive;
- Constater que cette rupture brutale a causé un préjudice à la SA Sotral,
En conséquence,
- Condamner l'Association pour la sauvegarde des enfants invalides à payer à la SA Sotral la somme de 120 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi;
- Condamner l'Association pour la sauvegarde des enfants invalides à payer à la SA Sotral la somme de 1 800 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
- Condamner l'Association pour la sauvegarde des enfants invalides à tous les frais et dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP Jean-Yves Massol, Michèle Albert-Massol et Olivier Massol, sur ses dires et affirmations de droit;
- Autoriser le recouvrement direct des dépens au profit de son avoué en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 15 mars 2010, l'ASEI fait valoir que l'argument tiré de l'article 1134 est sans portée sauf pour la Sotral à démontrer qu'en dépit de l'apparent respect de clauses contractuelles, l'ASEI s'est comportée avec déloyauté, dans le but l'occasionner un préjudice à sa cocontractante ou son ex-cocontractante et que l'argument nouveau tiré de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce est sans application en la cause, l'ASEI étant une association sans but lucratif reconnue d'utilité publique et exerçant une activité civile.
Elle explique que, si elle a décidé, pour l'année 2007/2008, d'élargir l'appel d'offres, c'est dans le souci d'optimisation du service rendu et de maîtrise de ses coûts et que, si la Commission d'appel d'offres a décidé d'adjuger le marché à une nouvelle entreprise, la société Ulysse, c'est parce que celle-ci était mieux disante.
L'ASEI demande à la cour de :
- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- Condamner la SA Sotral à payer à l'ASEI en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour frais irrépétibles exposés devant la cour, une indemnité supplémentaire de 3 000 euro,
- Condamner la SA Sotral aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction pour ces derniers au profit de la SCP Cantaloube Ferrieu.
Motifs de l'arrêt
C'est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour approuve que le premier juge a débouté la SA Sotral de sa demande sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil. En effet, les clauses administratives et techniques des contrats conclus annuellement stipulent clairement une durée annuelle non reconductible tacitement et la clause de préavis n'est applicable qu'en cas de dénonciation du marché en cours d'exécution.
Il est prévu expressément que le marché « ne peut être renouvelé par tacite reconduction, sauf pour des motifs d'intérêt général décrétés par le Directeur de l'IEM.... ».
La SA Sotral ne rapporte pas la preuve que les parties auraient entendu déroger à ces règles et entendu procéder à une tacite reconduction.
C'est également à bon droit et par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a débouté la SA Sotral de sa demande sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Dès lors que les règles contractuelles avaient clairement fixé le principe d'une renégociation annuelle des marchés, il ne peut pas être reproché à l'Association pour la sauvegarde des enfants invalides, après deux années de dérogation, d'avoir eu, à nouveau, recours à la procédure d'appel d'offres pour l'année 2007/2008.
S'agissant de l'argument de la rupture fautive de relations commerciales tiré de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la cour relève qu'en l'espèce, seule la SA Sotral réalisait des actes de commerce et qu'elle ne peut opposer à l'ASEI ce texte applicable aux seuls «producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre des métiers».
Le jugement dont donc être pleinement confirmé.
L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à l'intimé contraint d'exposer des frais devant la cour.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la SA Sotral à payer à l'ASEI en application de l'article 700 du CPC pour frais irrépétibles exposés devant la cour, une indemnité supplémentaire de 2 500 euro, Condamne la SA Sotral aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction pour ces derniers au profit de la SCP Cantaloube Ferrieu.