CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 24 mars 2011, n° 07-07337
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Accorequip (GIE), Accor (SA)
Défendeur :
Ministre de lEconomie, des Finances et de lIndustrie, Transfer (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Touzery-Champion, Pomonti
Avoués :
SCP Fisselier Chiloux Boulay, SCP Roblin Chaix de Lavarenne
Avocats :
Mes Faizant, Arene
La société Transfer, créée en 1985, a pour activité la formation professionnelle en langues pour les salariés des entreprises et des administrations.
La société Accor regroupe quant à elle de nombreux établissements hôteliers et de restauration commerciale dans le monde. En 1996, elle a créé un GIE dénommé Accorequip comme centrale de référencement de ses membres afin de rationaliser les achats de produits non alimentaires, de produits déquipement et de services ; un des adhérents du GIE est la SNC Academie Accor qui participe au référencement des fournisseurs linguistiques.
Dès 1985, la société Transfer a réalisé des prestations pour différentes sociétés du groupe Accor; elle a signé un premier contrat de référencement en 1999 visant lensemble des établissements des enseignes du groupe Accor dans la région parisienne Ile-de-France adhérant à la centrale Accorequip le 1er janvier 2001, elle a signé avec le GIE Accorequip, un contrat de référencement dune durée dun an, renouvelable pour une durée indéterminée, visant le territoire national, aux termes duquel Transfer, moyennant une commission annuelle de 6 %, était référencée en qualité de fournisseur du groupe Accor, Accorequip sengageant à présenter activement Transfer et à recommander lachat de ses services à toutes les entités du groupe et à ses partenaires sans toutefois lui garantir un volume dheures annuel.
En 2003, Accorequip a lancé un nouvel appel doffres pour choisir des fournisseurs référencés en langues sur le marché national.
Loffre de Transfer a été rejetée au motif que son prix était plus élevé que celui de son concurrent et Transfer a été officiellement informée par courrier recommandé en date du 30 mars 2004 que, pour ce motif, il était mis fin à son contrat à compter du 1er octobre 2004.
La société Transfer estime que, sans même attendre le résultat de lappel doffres, Accorequip a brutalement, dès le mois de janvier 2004, diminué ses commandes de prestations denviron 60 % sur le site dEvry et de près de 40 % sur la totalité de lentreprise et quelle a ainsi été victime dune rupture brutale de son contrat.
Aucune solution amiable nayant pu être trouvée entre les parties, la société Transfer, par courrier recommandé en date du 24 juin 2004, a mis en demeure le GIE Accorequip de lindemniser du préjudice subi du fait de la rupture brutale de leurs relations commerciales par lallocation dune somme de 2 207 720 euro et de lui rembourser la prime de référencement de 100 008 euro versée sans contrepartie et en violation des dispositions de larticle L. 442-6 I-3 du Code de commerce, en lui indiquant quelle nentendait pas lui régler la commission de 8 039 euro qui lui était réclamée à ce titre comme solde de lannée 2003.
Saisi du litige, le ministre de lEconomie et des Finances a fait procéder à une enquête.
Cest dans ces circonstances que la société Transfer par actes en date du 5 octobre 2004, a assigné Accorequip et Accor en présence de Monsieur le ministre de lEconomie, des Finances et de lIndustrie.
Par jugement du 22 février 2007, le Tribunal de commerce de Paris a jugé quAccor et Accorequip avaient brutalement rompu, à leurs torts exclusifs, les relations commerciales qui les liaient à la société Transfer et a :
- condamné solidairement Accor et Accorequip à lui payer la somme de 200 000 euro de dommages et intérêts ainsi que la somme de 15 000 euro au titre de larticle 700 du Code de procédure civile,
- ordonné lexécution provisoire du jugement à charge pour Transfer de fournir une caution bancaire ou équivalente couvrant en cas dexigibilité de leur remboursement éventuel toutes les sommes versées en exécution du présent jugement plus les intérêts éventuellement courus en ces sommes,
- dit les parties mal fondées en leurs demandes autres, plus amples ou contraires et les a déboutées,
- dit le présent jugement opposable à Monsieur le ministre de lEconomie, des Finances et de lindustrie,
- condamné solidairement la société Accor et Accorequip aux dépens.
LA COUR
Vu lappel interjeté le 25 avril 2007 par le GIE Accorequip et la société Accor;
Vu les conclusions signifiées le 31 juillet 2009 par lesquelles Accorequip et Accor demandent à la cour:
À titre liminaire, de mettre hors de cause Accor,
Sur la cessation des relations commerciales entre Accorequip et Transfer:
À titre principal :
- dire et juger que la résiliation des relations commerciales entre Accorequip et Transfer est intervenue régulièrement et que Transfer a bénéficié dun délai de préavis suffisant,
- dire et juger quaucun abus de droit na été commis par Accorequip,
À titre subsidiaire:
- dire et juger que Transfer nétablit pas la réalité du préjudice quelle prétend avoir subi, en conséquence, débouter Transfer de lintégralité de ses demandes, fins et conclusion à ce titre.
Sur le contrat de référencement:
- dire et juger quaux termes du contrat de référencement conclu avec Transfer, Accorequip nexige aucun avantage constitutif dune condition préalable à la passation de commandes,
- dire et juger justifiée la rémunération perçue par Accorequip au titre des prestations quil a réalisées pour le compte de Transfer,
En conséquence, débouter Transfer de lintégralité de ses demandes, fins et conclusions à ce titre.
A titre reconventionnel:
- recevoir Accorequip en ses demandes, fins et conclusions et le dire bien fondé,
- condamner Transfer à payer à Accorequip la somme de 14 850 euro hors taxe soit 17 760,60 euro TTC au titre des prestations de référencement réalisées pendant les trois premiers trimestres de lannée 2004 et la somme de 8 039,31 euro majorées des intérêts contractuels à compter du 24 mars 2005,
- condamner Transfer à payer à Accorequip la somme de 30 000 euro pour procédure abusive,
- condamner Transfer à payer tant à Accorequip quà Accor la somme de 30 000 euro au titre de larticle 700 du Code de procédure civile,
- dire et juger, à titre principal, irrecevable la demande du ministre en paiement dune amende et à titre subsidiaire dire et juger celle-ci infondée,
- condamner Transfer aux entiers dépens.
Vu les conclusions signifiées le 8 octobre 2009 par lesquelles le ministre de lEconomie, de lIndustrie et de lEmploi demande à la cour de:
- recevoir lintervention du ministre chargé de lEconomie sur le fondement de larticle L. 470-5 du Code de commerce,
- dire et juger que la rupture partielle des relations commerciales mise en œuvre par Accor et Accorequip vis-à-vis de Transfer constitue un trouble à lordre public économique et présente un caractère abusif au sens de larticle L. 442-6-I-1° du Code de commerce,
- dire et juger quen soumettant lors de lappel doffres de 2003 Transfer à des conditions commerciales ou des obligations discriminatoires, Accor et Accorequip ont commis une faute au sens de larticle L 442-6-I-1° du Code de commerce, au préjudice de Transfer,
- condamner Accor et Accorequip aux entiers dépens et au paiement au profit de lEtat de la somme de 3 000 euro au titre de larticle 700 du Code de procédure civile.
Vu les conclusions signifiées le 10 novembre 2009 par lesquelles Transfer demande à la cour de confirmer en tous points le jugement du 22 février 2007, de déclarer Transfer recevable et bien fondée en ses demandes et ce faisant de :
- condamner solidairement Accor et Accorequip à payer à Transfer la somme de 2 000 000 euro à titre de dommages et intérêts,
Vu les dispositions de larticle L. 442-6 3° du Code de commerce, de dire et juger abusive, nulle et de nul effet toute clause prévoyant une prime de référencement sans contrepartie,
- de dire et juger que les primes de référencement versées par Transfer sont indues et en conséquence, condamner solidairement Accor et Accorequip à payer à Transfer la somme de 100 008 euro au titre des primes indûment versées,
Vu larticle L. 470-5 du Code de commerce,
- dire larrêt à intervenir opposable au ministre de lEconomie, des Finances et de lIndustrie,
- condamner solidairement Accor et Accorequip à payer à Transfer la somme de 15 000 euro au titre de larticle 700 du Code de procédure civile, ainsi quaux entiers dépens.
Sur ce
Sur la demande de la société Accor visant à être mise hors de cause
Considérant que le GIE Accorequip a été créé alors que des relations commerciales existaient entre la société Transfer et plusieurs sociétés du groupe Accor ; que cette création sest inscrite dans le cadre de lorganisation administrative du groupe sans pour autant modifier le rôle de la société Accor, le GIE intervenant seulement comme centrale dachats auprès des prestataires référencés;
Que lenquête effectuée par la DGCCRF a mis en évidence labsence dautonomie du GIE Accorequip et de son adhérent, la société Académie Accor, également filiale du groupe Accor, qui participait au référencement des fournisseurs de prestations linguistiques ;
Quainsi le gérant de lAcadémie Accor décrit celle-ci comme "un centre de ressources pour le groupe Accor qui a pour vocation de vendre des prestations de formation aux divisions et filiales du groupe, prestations soit produites directement par lAcadémie soit par des sous-traitants";
Que Mme Herblin, directrice des achats du groupe indique que lAcadémie Accor est le pôle dexpertise de la formation. Cest lendroit où lon se rend pour se former, mais que "tout ce qui a trait à la formation sous laspect commercial et en ce qui concerne les fournisseurs référencés est géré par la direction générale des achats";
Quelle relate que cest sa direction qui a organisé lappel doffres et informé la société Transfer;
Que le courrier en date du 12 novembre adressé à Transfer pour lui annoncer la consultation est à entête de Accorequip mais est cosigné par M. Bertrand pour lAcadémie Accor et par M. Charles, DGA Accor avec la mention "services transversaux, direction générale des achats" et les références sociales de la SA Accor;
Que le courrier avisant Transfer que son offre na pas été retenue est également signé par le DGA Accor;
Que ces éléments démontrent que le GIE Accorequip et la société Académie Accor ne sont que des structures administratives dépourvues dautonomie, les décisions étant prises par la SA Accor; quen conséquence, cest à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de mise hors de cause de la société Accor;
Sur la rupture des relations commerciales
Considérant que les sociétés Accorequip et Accor font valoir que larticle L. 442-6 I 5° du Code de commerce est inapplicable et que Accorequip a mis fin au contrat la liant à Transfer en respectant le préavis contractuel sans se rendre coupable dune quelconque rupture brutale, et estime que celui-ci a couru à compter de lavis du lancement dappel doffre, concernant les activités qui faisaient lobjet des relations contractuelles, soit le 12 novembre 2003 ; que le préavis qui sen déduit est de onze mois et que par conséquent il ne peut lui être reproché une rupture abusive ;
Considérant que la société Transfer soutient quil y a lieu de tenir compte des relations commerciales dune durée de 19 années et affirme que lintention définitive de ne plus poursuivre les relations commerciales na pas été notifiée dans le lancement de lappel doffres, et que le délai de préavis n'a jamais commencé à courir;
Considérant que le ministre de lEconomie, de lIndustrie et de lEmploi indique que lenquête a permis détablir que la modification unilatérale de lorganisation du marché par le groupe Accor a constitué une rupture abusive des relations commerciales au sens de la loi et de la jurisprudence ;
Considérant que les relations commerciales ont débuté en 1985 par des prestations fournies à différentes sociétés ayant des liens capitalistiques avec la société Accor ou utilisant lenseigne Accor; que celles-ci se sont poursuivies à partir de 1988 avec la société Académie Accor, puis avec le GIE et ce, de manière ininterrompue jusquà la fin 2004, soit pendant 19 ans ; que la mise en place de nouvelles structures administratives par le groupe et la signature de contrats de référencement à partir de 1999 na eu pour but que de rationaliser la gestion de ces prestations, den assurer un meilleur suivi par la société Accor, quelle nocculte pas pour autant les relations commerciales antérieures établies avec la société Transfer ; que le gérant de la société Académie Accor indique quà partir de 2001, celle-ci a été retenue comme prestataire quasi exclusif, démontrant ainsi la montée en puissance de cette relation ; quil sagit en conséquence dune relation stable et bien établie;
Considérant que les appelantes prétendent que la société Transfer a bénéficié dun préavis de 10 mois, décomptant celui-ci à compter de lappel doffres, notifié à la société Transfer le 12 novembre 2003 et par lequel Accorequip avise celle-ci quune consultation doffres Formation Langues à laquelle Transfer serait invitée à participer allait être organisée, ajoutant « le contrat de référencement n° 900048 dont vous êtes titulaire est maintenu dans ses termes actuels jusquà létablissement dun nouveau contrat de référencement au profit du ou des candidats qui aura/auront été sélectionnés dans le cadre de ladite consultation» ;
Que la société Transfer qui déposait sa candidature manifestait ainsi son acceptation dune modification des termes de son contrat ; que lappel doffres qui visait le territoire national ne lui permettait pas de supposer quelle ne remplirait pas les conditions par rapport à dautres candidats et quelle serait totalement écartée, dautant quil était indiqué que le but était de retenir 1, 2 ou 3 prestataires et que, si depuis 2001 elle était devenue le prestataire quasi exclusif de lAcadémie Accor, il était loisible aux entités du groupe de choisir directement leur prestataire en matière de formation linguistique;
Que le 6 février 2004, Accor a écrit à la société Transfer « nous avons tenu compte de votre antériorité au sein du groupe Accor et à ce titre nous avons pris la décision de vous retenir dans la short-list à loccasion du deuxième tour de notre consultation... Cependant nous tenons à vous préciser quen létat actuel, votre proposition en date du 3 février 2004, nous paraît difficilement acceptable. En effet cette dernière nest pas conforme à la grille tarifaire qui vous a été remise et ne nous permet pas de comparer votre offre à celles des autres partenaires qui ont respecté le cadre de réponse» ;
Que ce courrier faisait expressément référence à un problème de présentation tarifaire et à une difficulté de comparer les différentes offres en termes de prix ; quil ne constitue pas plus que lappel doffres une notification claire et sans ambiguïté de lintention de résilier le contrat de référencement ;
Quil convient de relever que la société Accor et le GIE nont pas manifesté leur intention de ne pas poursuivre leurs relations avant lappel doffres ;
Que la société Transfer na fait lobjet daucune remarque au titre des prestations fournies pendant 19 ans, ni en termes de qualité, ni de prix;
Considérant que lappel doffres a été présenté comme étant destiné à référencer plusieurs prestataires au plan national ; que, si depuis plusieurs années, la société Transfer était devenue le prestataire quasi exclusif de lAcadémie Accor, il nétait pas interdit aux sociétés du groupe de faire appel à dautres prestataires ; que dès lors lappel doffres en vue dun référencement pouvait légitimement laisser supposer à Transfer quelle avait des chances de faire partie des sociétés retenues ; que ni lavis dappel doffres, ni le courrier lui annonçant quelle faisait partie de la short-list ne dénonçaient clairement et sans ambiguïté la fin de son contrat de référencement ; que lavis dappel doffres ne peut dès lors être retenu comme marquant le début du préavis ;
Considérant que lors de lenquête diligentée par lAdministration, M. Hervé Bertrand, gérant de la SNC Académie Accor a relaté « quà partir du mois de mars 2004 cest-à-dire au moment de la signature du nouveau contrat de référencement, lAcadémie Accor a cessé de vendre des formations en langues. A partir de ce moment là les divisions et filiales ont été invitées à sadresser aux fournisseurs référencés. Cette information sest faite verbalement, lors dappels téléphoniques ou lors de réunions tenues avec les DRH. Nous avons toujours veillé lors des échanges à ne pas mettre en avant les nouveaux fournisseurs pour préserver la continuité du courant daffaires de Transfer» ; quil résulte de ces dires que la nouvelle organisation qui prévoyait que désormais lorganisme de formation reprenait la maitrise en direct des formations, a été mise en place avant même la notification à Transfer de ce quelle nétait pas retenue et ne lui a pas été notifiée;
Que, de plus, cest dès décembre 2003 soit dès le lancement de lappel doffres, que Accorequip a brutalement réduit ses commandes et a continué en 2004 par rapport à lannée précédente à hauteur de 56 % du chiffre daffaires, la baisse saccentuant de 60 % au premier trimestre à 87,5 % au dernier trimestre ;
Que lAdministration a relevé que cette diminution présentait un caractère exceptionnel tenant à la réorganisation des formations linguistiques par lAcadémie Accor et au référencement dun deuxième fournisseur ; quainsi le chiffre daffaires réalisé avec le nouveau prestataire Langues et Entreprises avait été de 104 406,90 euro pour le 2e et 3e trimestre 2004 ce qui correspondait quasiment à la diminution par rapport à lannée précédente du chiffre daffaires réalisé avec Transfer;
Considérant en conséquence, que contrairement à la notification le 31 mars 2004 de la fin des relations commerciales au 1er octobre 2004, les relations commerciales ont brutalement cessé dès la fin de lannée 2003;
Quil sensuit que, dès lappel doffres, Accorequip a mis fin brutalement et abusivement au contrat de référencement conclu avec la société Transfer en modifiant lorganisation de la prestation et en référençant un nouveau prestataire;
Quil sensuit que ce nest quau terme final de lappel doffres que le GIE a clairement manifesté son intention de rompre les relations ; que le préavis doit démarrer à cette date ; quen conséquence la société Transfer na bénéficié daucun préavis ;
Considérant quau regard de relations commerciales stables et établies pendant 19 ans, il nest pas déraisonnable de considérer que la société Transfer aurait dû bénéficier dun préavis de 12 mois et quen raison du comportement fautif de la société Accor et du GIE Accorequip, la rupture a été abusive;
Sur les pratiques discriminatoires
Considérant que la société Transfer soutient, quà loccasion de lappel doffres, les pratiques dAccor ont été discriminatoires, déloyales et contraires au droit de la concurrence, en ce que lappel doffres na été quune couverture juridique à son éviction brutale et sans motif, pour la remplacer par un autre prestataire et que cet appel doffres a favorisé de manière discriminatoire une autre entreprise, la société Langues et Entreprises, avec laquelle la société Accor a des intérêts liés ;
Considérant que, les appelantes font valoir que plusieurs critères objectifs ont été pris en compte pour faire le choix dune autre société dont la proposition sest révélée, à plusieurs titres, de meilleure qualité que celle de la société Transfer et que les deux sociétés ont en outre répondu aux même appel doffres, de sorte quil ny a eu aucune discrimination;
Considérant que la société Transfer a, dès le premier contrat de référencement, eu pour obligation dacquitter une redevance de 6 % sur le chiffre daffaires réalisé avec les entités et filiales du groupe avec lesquelles elle traitait directement jusquen 2001 ; quà compter de cette date elle devait passer par lintermédiaire de lAcadémie Accor seule habilitée à facturer les entités, le coût interne annuel de cette organisation étant chiffrée par Accor à 88 740 euro ;
Considérant que lappel doffres de décembre 2003 reprenait le système en vigueur avant 2001 ;
Que Transfer expose que si son offre a été considérée comme moins intéressante cest parce que Accor lui a appliqué ce coût de gestion qui navait pas lieu dêtre ce que ne conteste pas Accor qui indique que «la société Langues et Entreprises a proposé un outil extranet (qui existait depuis 1999), alors que Transfer a évoqué dans sa réponse «la création dun outil extranet» ;
Que lAdministration relève que les deux sociétés nont pas répondu au même cahier des charges, Transfer sen tenant, « stricto sensu, aux services prévus par le contrat de référencement, la société Langues et Entreprises ayant négocié « une offre intégrant la conduite de projet et lutilisation dun outil extranet développé spécifiquement pour Accor» et « faute davoir été informée de lexistence dune telle possibilité, la société Transfer se trouvait manifestement dans limpossibilité de concurrencer loffre de Langues et Entreprises» ;
Considérant que la « short-list» comprenant 8 candidats a laissé en blanc la partie relative aux tarifs de chaque prestataire ; quAccor ne fournit aucun élément chiffré sur ce point; que dès lors aucune comparaison objective des tarifs pratiqués par chacune des entreprises visées dans la « short-list » na pu être réalisée ; que la demande formulée par Accorequip concernant la présentation tarifaire par la société Transfer navait pas dutilité;
Considérant de plus que la société Langues et Entreprises a bénéficié dun référencement en contrepartie dune redevance de 3 % soit la moitié par rapport à Transfer tout en bénéficiant dun marché plus important que celui prévu dans lappel doffres puisquil sagit du marché Europe ;
Quelle a bénéficié au surplus de linsertion publicitaire de son nom sur les tickets de restaurant distribués par la société Foragora, filiale dAccor qui sur le site Internet Accor Services figure comme regroupant « des prestations de conseils et services achats de formations, organisation logistique et administrative, évaluation de la qualité et de lefficacité des formations dispensées»; que la société Transfer indique que, lors de lappel doffres, M. Joffre était le directeur général de Foragora Accor Services ; quil est devenu administrateur puis a pris des fonctions de direction et dadministration au sein de Langues et Entreprises ; que dès lors la société Accor ne conteste pas lexistence de ces relations privilégiées ;
Que ces éléments démontrent que lappel doffres a constitué un simulacre ; que si Accor était libre de changer de prestataire, elle devait le faire en respectant ses obligations contractuelles vis-à-vis de la société Transfer dune part en lui assurant un préavis suffisant pour se réorganiser, dautre part si elle entendait mettre en concurrence plusieurs prestataires, dont le prestataire avec lequel elle était en relations daffaires depuis 19 ans, en adoptant un comportement loyal ;
Sur la réparation du préjudice
Considérant que la société Transfer verse un rapport établi par M. Jeunehomme, expert judiciaire qui a constaté entre 2001 et 2003 une progression moyenne du chiffre daffaires de 19 % par année et un pourcentage de marge de 50,95 %, en déduisant un bénéfice perdu de 1 244 600 euro au titre des quatre années nécessaires selon la société Transfer à sa réorganisation, outre une pondération au titre de latteinte à son image et à celui dune perte du marché «France entière » et « Europe », ce dernier ayant été finalement apporté au candidat retenu;
Considérant que la société Transfer ne peut obtenir que la réparation du préjudice résultant du caractère brutal de la rupture et non celui découlant de la rupture ;
Quelle ne peut se prévaloir dun préjudice résultant du choix dun autre prestataire par la société Accor, ni des accords passés avec ce dernier pour chiffrer son propre préjudice ; quau demeurant en participant à lappel doffres elle avait nécessairement envisagé un aléa susceptible daffecter au moins partiellement le montant de ses prestations avec le groupe ;
Que, de plus son contrat de référencement visait le territoire français ; que si elle a fait des investissements particuliers en région parisienne, elle ne justifie pas avoir dédié ceux-ci à ses seules relations avec le GIE Accorequip ;
Que la société Transfer ne démontre pas une atteinte à son image, le choix dun nouveau partenaire faisant partie de la vie des affaires ; que son seul préjudice consiste dans linobservation dun délai de préavis suffisant quil y a lieu de calculer en fonction de son chiffre daffaire et de sa marge brute;
Considérant quil résulte du rapport de la Direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes que le chiffre daffaires de la société Transfer avec le groupe Accor na enregistré quune seule diminution en 2001, année où ont été privilégiées les formations informatiques et quil a été de :
- 313 768 euro en 2001
- 360 480 euro en 2002
- 444 681 euro en 2003;
Que lexpert Jeunehomme a affecté ces mêmes chiffres des frais proportionnels et a retenu un pourcentage de marge de 50,95 %, ramenée à 50 % par la société Transfer et qui est raisonnable au regard des prestations de service réalisées nécessitant le recours à du personnel qualifié ;
Que, au regard de la moyenne du chiffre daffaires et de la marge brute, cest à juste titre que les premiers juges ont alloué à la société Transfer la somme de 200 000 euro en réparation de son préjudice lié à la rupture brutale des relations commerciales ;
Sur la validité du contrat de référencement
Considérant que les sociétés Accorequip et Accor soutiennent quAccorequip a parfaitement réalisé les prestations prévues par le contrat de référencement, que la rémunération de 6 % prévue dans le contrat et qui correspond au prix de ces différentes prestations est parfaitement justifiée ; que si elle a consenti un taux de 3 % à la société Langues et Entreprises cest en raison des prestations de cette dernière ;
Considérant que la société Transfer fait valoir que la clause de référencement ne contenait aucune contrepartie ; quainsi elle doit être qualifiée dabusive et être réputée nulle et que les primes de référencement versées à ce titre doivent être remboursées au titre de la répétition de lindu;
Considérant que larticle 3 du contrat de référencement stipulait que la rémunération correspondait aux prestations suivantes :
- sélection du fournisseur et de ses services,
- recommandation des produits et des services du fournisseur aux établissements et expédition des tarifs,
- présentation au fournisseur des membres par Accorequip,
- mise en avant des conditions sur lintranet;
Considérant que si Accorequip verse aux débats un constat en date du 6 octobre 2004 réalisé dans les bureaux de la direction « des partenariats du groupe Accor » ayant eu pour objet de consulter le site Internet, il est relevé lexistence de pages écran intitulées « catalogue Accorequip » listant les hôtels du groupe et un fichier intitulé « offre privilégiée groupe Accor 2003 » concernant les prestations de la société Transfer ; quil convient de relever que cette fiche qui comporte des tarifs détaillés est identique à celle en termes de présentation matérielle, de prestations offertes et de tarifs à celle de lannée 2001, les appelantes nen produisant pas dautres ;
Que les catalogues produits par Accorequip, qui concernent les années 2000 et 2001, sont constitués de la liste des fournisseurs avec leurs coordonnés sans aucune description des services proposés;
Que le GIE ne produit aucun document justifiant dune recommandation des services des prestataires à ses membres ; que si un courrier du 12 mars 1999 a été adressé aux fournisseurs référencés afin de leur présenter les membres du GIE et de les aviser quils pouvaient prendre contact directement avec ceux-ci, cet envoi ne peut être retenu comme une exécution par le GIE de ses obligations dautant quaux termes du nouveau contrat de référencement passé en 2001, il était interdit aux fournisseurs référencés de sadresser directement aux membres du GIE ;
Que le GIE produit des courriers mentionnant lenvoi de CDROM aux directeurs des hôtels du groupe indiquant « vous pourrez y consulter toutes les fiches des fournisseurs référencés », il ne justifie pas de lenvoi de fiches autres que celles versées au titre des offres 2001 et 2003 ce qui démontre labsence de mise à jour des tarifs et des prestations réalisées, étant observé que les deux fiches ne comportent aucune description du fournisseur, ni de recommandation de celui-ci alors même que les prestations de présentation et de recommandation à charge du GIE étaient essentielles puisque la société Transfer avait été privée par le contrat de référencement de 2001 dorganiser directement sa promotion auprès des membres du GIE, et que ceux-ci restaient libres de recourir à dautres prestations ;
Considérant quil a été prévu à la charge de la société Langues et Entreprises une redevance fixée à 3 % alors que lAdministration relève que les services offerts par cette dernière ne sont pas ceux visés au contrat de référencement dAccorequip et quen conséquence, ils ne constituent pas un allègement des prestations de lAcadémie Accor ; quainsi lécart avec le taux de rémunération demandé à Transfer nest pas justifié alors même que Langues et Entreprises a bénéficié de contreparties beaucoup plus importantes et avait toute liberté de contacts directs avec les membres du GIE ;
Considérant quil sensuit que le taux de la redevance mise à la charge Transfer soit 6 % versée est manifestement disproportionné au regard des prestations qui devaient lui être fournies et que de plus les prestations prévues à la charge dAccor qui avaient notamment pour objet de la recommander auprès des membres du GIE nont pas été réalisées ;
Considérant quil y a lieu de constater que le GIE na pas exécuté les prestations dont il avait la charge ; quil y a lieu de prononcer lannulation du contrat de référencement du 1er janvier 2001, de condamner les appelantes à verser une somme de 100 008 euro au titre des redevances indûment versées et de rejeter les demandes du GIE Accorequip au titre des redevances non perçues;
Sur la demande du GIE Accorequip à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
Considérant que le GIE Accorequip ne démontre pas que la procédure engagée par la société Transfer destinée à faire reconnaître ses droits, pas plus que ses conclusions sur le délai dexécution du jugement ne présentent un caractère abusif; quil y a lieu de rejeter la demande du GIE Accorequip;
Sur lamende civile
Considérant que dans ses dernières conclusions, le ministre de lEconomie, de lIndustrie et de lEmploi ne demande pas le prononcé dune amende civile ; quil ny a pas lieu de statuer sur ce point sur larticle 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que la société Transfer et lEtat ont engagé des frais non compris dans les dépens quil serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge, quil y a lieu de faire application de larticle 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif et de rejeter la demande de la société Accor et du GIE Accorequip à ce titre.
Par ces motifs, Reçoit l'intervention du ministre chargé de l'Economie sur le fondement de l'article L. 470-5 du Code de commerce, Dit l'arrêt opposable au ministre chargé de l'Economie, Rejette la demande de la société Accor visant à sa mise hors de cause, Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la SA Accor et le GIE Accorequip ont brutalement rompu à leurs torts exclusifs, les relations commerciales qui les liaient à la SA Transfer et condamné solidairement Accor et Accorequip à lui payer la somme de 200 000 euro de dommages et intérêts ainsi que la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et y ajoutant : Dit que la rupture partielle des relations commerciales mise en œuvre par la société Accor elle GIE Accorequip vis-à-vis de la société Transfer constitue un trouble à l'ordre public économique et présente un caractère abusif, Dit que la redevance de 6 % au titre du contrat de référencement en date du 1er janvier 2001 est abusive et prononce son annulation, Condamne solidairement la société Accor et le GIE Accorequip à payer la somme de 100 008 euro au titre des primes indûment versées, Rejette toute autre demande, fin ou conclusion, Condamne solidairement la société Accor et le GIE Accorequip à payer la somme de 3 000 euro à l'Etat et celle de 5 000 euro à la société Transfer au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne solidairement la société Accor elle GIE Accorequip aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.