CA Pau, 2e ch. sect. 1, 24 mars 2011, n° 09-04442
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Daf Trucks France (SARL)
Défendeur :
Garage Haristoy (SARL), Toulouse Services VI (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bertrand
Conseillers :
Mme Meallonnier, M. Beauclai
Avoués :
SCP Longin Longin-Dupeyron Mariol, SCP Piault Lacrampe-Carraze, SCP Rodon
Avocats :
Mes Vogel, Frezouls, Mercié
Vu l'appel interjeté le 17 décembre 2009 par la SARL Daf Trucks France à l'encontre d'un jugement du Tribunal de commerce de Dax du 17 novembre 2009,
Vu les conclusions de la SARL Garage Haristoy du 22 septembre 2009,
Vu les conclusions de la SAS Toulouse Services VI du 28 septembre 2010,
Vu les conclusions de la SARL Daf Trucks France du 18 novembre 2010,
Vu l'ordonnance de clôture du 11 janvier 2011 pour l'affaire fixée à l'audience du 1er février 2011,
La SARL Garage Haristoy exerce l'activité de vente, entretien, réparation de véhicules poids lourds. A partir de 1992, la société Daf France qui distribuait en France à cette époque, les véhicules industriels de la marque Daf ainsi que les pièces de rechange Daf par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs et de réparateurs agréés s'est rapprochée de la SARL Garage Haristoy, afin que cette dernière assure des prestations de services sous la marque Daf. Aucun contrat n'a été signé.
En 2004, la SARL Daf Trucks France créée en 1994 a demandé à la SARL Garage Haristoy de réaménager la structure de ses locaux et de faire évoluer le fonctionnement de la société afin de se conformer aux nouvelles normes techniques et à la nouvelle image du réseau décidée par Daf.
L'objectif affiché par la SARL Daf Trucks France était que la SARL Garage Haristoy devienne un membre à part entière du réseau " Daf Service Dealer Officiel ". La SARL Garage Haristoy a accepté malgré la lourdeur des investissements. Aucun document n'a été signé.
Dès le mois d'octobre 2004, la SARL Garage Haristoy s'est plainte du manque de coopération de la SAS Toulouse Services VI, concessionnaire Daf, distributeur régional de la marque Daf, dont elle dépendait.
La SARL Garage Haristoy a rencontré des difficultés et une procédure de redressement par continuation a été ouverte à compter du 15 décembre 2004.
Estimant que la SARL Daf Trucks France et la SAS Toulouse Services VI n'avaient pas respecté leurs engagements, la SARL Garage Haristoy représentée par Maître Jun en qualité de commissaire à l'exécution du plan a assigné ces sociétés par exploits des 21 janvier 2008 pour la première et 18 janvier 2008 pour la seconde devant le Tribunal de commerce de Dax.
La SARL Daf Trucks France a soulevé la nullité de l'assignation au motif que Maître Jun, ès qualités, n'avait pas la qualité pour représenter la SARL Garage Haristoy qui du fait de la continuation était " in bonis ".
Par conclusions du 18 juin 2008, la SARL Garage Haristoy est intervenue volontairement et a demandé la mise hors de cause de Maître Jun, ès qualités.
Par jugement du 17 novembre 2009, auquel il est expressément référé pour le rappel des faits et de la procédure antérieure, le Tribunal de commerce de Dax a :
- donné acte à la SARL Garage Haristoy de son intervention volontaire à l'instance,
- constaté la mise hors de cause de Maître Jun, ès qualités,
- mis hors de cause la SAS Toulouse Services VI,
- condamné la SARL Daf Trucks France à payer à la SARL Garage Haristoy la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 3 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- déclaré la SAS Toulouse Services VI mal fondée en sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et l'en a déboutée,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement sans condition de caution bancaire,
- condamné la SARL Daf Trucks France aux dépens de l'instance, en ce compris les frais du présent jugement liquidés à la somme de 116,61 euro TTC.
La SARL Daf Trucks France soutient contrairement à ce qui a été dit par les premiers juges qu'il n'y a eu aucune relation commerciale avec la SARL Garage Haristoy avant les discussions menées pour l'agréer en juin 2004 en qualité de " Service Support Point ".
Pour la SARL Daf Trucks France, la SARL Garage Haristoy, garage indépendant, réparait des camions Daf ainsi que d'autres véhicules et se fournissait à cette fin auprès de la SAS Toulouse Services VI. Aucune relation commerciale ou contractuelle n'a jamais existé entre la SARL Daf Trucks France ou la société Daf Trucks NV et la SARL Garage Haristoy contrairement à ce qu'ont affirmé péremptoirement les premiers juges.
Dans les faits la SARL Garage Haristoy se contente de commander et de régler à la SAS Toulouse Services VI des pièces de rechange de la marque Daf qui lui sont ensuite livrées. Les relations commerciales n'existent qu'entre ces deux sociétés. La SARL Garage Haristoy ne peut se prévaloir d'une prétendue "exclusivité territoriale".
Aux termes du règlement européen n° 1400-2002, le fournisseur automobile ne saurait limiter la capacité d'une entreprise tierce d'obtenir, de la part d'un partenaire d'une marque donnée, la vente de pièces détachées pour la réparation et l'entretien d'un véhicule. En outre, l'outillage nécessaire aux réparations et à l'entretien des véhicules est tenu à disposition des réparateurs indépendants.
Ces éléments ne constituent en rien des indices permettant de qualifier le réparateur indépendant, telle que la SARL Garage Haristoy, de réparateur agréé titulaire d'un contrat avec le fournisseur.
C'est dans ce contexte et afin de pouvoir réparer les véhicules Daf que la SARL Garage Haristoy commandait les pièces détachées nécessaires auprès de la SAS Toulouse Services VI.
Il ne peut être déduit des commandes, fussent-elles fréquentes et ayant perduré pendant de nombreuses années, l'existence d'une quelconque relation contractuelle ou commerciale entre la SARL Garage Haristoy et la SARL Daf Trucks France.
Si les discussions tripartites intervenues en 2003/2004 avaient abouti, elles auraient marqué le début des relations commerciales entre la SARL Garage Haristoy et la société Daf Trucks NV mais non avec la SARL Daf Trucks France. Un tel contrat n'a pas été signé.
La lettre produite par la SARL Garage Haristoy qui lui a été adressée en juin 2004 par la SARL Daf Trucks France par laquelle les techniciens de la SARL Garage Haristoy avaient été invités à Eindhoven ne démontre pas l'existence d'un contrat entre elles mais confirme simplement l'existence d'un contact entre elles lié aux négociations qui se tenaient à cette période précise, en vue d'envisager la possibilité d'entrer dans des relations contractuelles.
En fait, la SARL Garage Haristoy n'a jamais rempli les critères d'agrément qui lui ont été communiqués et explicités par la société Daf Trucks NV alors que cette dernière a accordé à la SARL Garage Haristoy un accompagnement financier afin de l'aider à respecter l'ensemble des standards minimum requis pour pouvoir être agréée comme partenaire Daf.
La SARL Garage Haristoy n'a jamais rempli ces pré-requis contractuels impératifs. Elle n'a pas non plus réalisé les travaux nécessaires à la mise en conformité aux normes Daf. Si la SARL Garage Haristoy avait rempli les critères contractuels, il lui suffisait de se porter candidate à l'agrément, ce qu'elle n'a jamais fait.
Il n'y a pas eu rupture brutale de relations contractuelles et commerciales puisqu'elles n'existaient pas. La société Daf Trucks NV ne pouvait contracter avec la SARL Garage Haristoy qui n'avait pas respecté les normes Daf.
Les pièces fournies en cause d'appel et notamment le contrat de 1992 n'a pas été signé, ce qui montrait à l'époque le peu de motivation de la SARL Garage Haristoy pour devenir membre du réseau Daf. Le papier à en-tête Daf ou les panneaux Daf ne prouvent pas un contrat avec la SARL Daf Trucks France. Elle n'était pas autorisée à se prévaloir de tels signes distinctifs, ce qui lui a été rappelé par courrier du 6 novembre 2008.
Le contrat non signé de 1992 était envisagé avec Daf France SA, société mise en liquidation judiciaire en 1993. La SARL Daf Trucks France a été créée en 1994, date à laquelle le réseau de distribution Daf a été complètement réorganisé. Les contrats ont désormais été signés directement avec la maison mère. Tel n'a jamais été le cas pour la SARL Garage Haristoy. Il n'y a pas non plus la nécessité d'être membre du réseau Daf pour agir en qualité d'apporteurs d'affaires puisque l'apporteur d'affaires ne vend pas lui-même de véhicules.
Si par extraordinaire, la cour devait considérer la possibilité de l'existence de relations commerciales entre les sociétés en cause, il n'y a pas eu de rupture puisque la situation de la SARL Garage Haristoy n'a jamais été modifiée.
Dans les faits suite au courrier de la SARL Garage Haristoy du 25 mars 2005 annonçant la mise en chantier de son site pour 2006, la SARL Daf Trucks France n'a jamais décidé que cette mise en chantier était tardive et que la SARL Garage Haristoy ne serait plus agréée par Daf. Au contraire, la SARL Daf Trucks France soutient qu'elle a pris bonne note de l'information et a attendu d'autres nouvelles concernant l'avancement de la mise en conformité aux standards Daf.
La SARL Garage Haristoy n'a pas réalisé les travaux nécessaires. Le chantier n'a pas abouti, raison pour laquelle la SARL Garage Haristoy n'a jamais été agréée par Daf. Il n'y a eu aucune faute de la SARL Daf Trucks France. L'allégation de la SARL Garage Haristoy est fausse. Aucun membre du réseau Daf n'a été nommé sur la ville de Bayonne.
Ce n'est qu'après l'assignation délivrée en 2008 que la société Daf Trucks NV s'est aperçue que la SARL Garage Haristoy faisait usage de la marque Daf et de son logo alors qu'aucun effort n'avait été fait par la SARL Garage Haristoy depuis plus de 4 ans à cette époque pour se mettre en conformité avec les exigences du réseau Daf et que celle-ci n'en a jamais fait partie.
Les relations qui n'ont jamais commencé n'ont donc jamais été rompues.
La SARL Adour Services VI n'a jamais été nommée en tant que "service dealer Daf" à partir de la ville de Bayonne. La publicité émise par la SARL Adour Services VI ne démontre en rien l'existence prétendue d'un contrat entre cette société et Daf à partir de la ville de Bayonne. Ce comportement, à le supposer établi ne peut être reproché à la SARL Daf Trucks France. Dans ces conditions, il n'y avait pas d'obligation de préavis qui pouvait peser sur elle. La SARL Adour Services VI n'a sur son site de Bayonne aucun élément conduisant à l'identifier comme partenaire Daf (aucun panneau ni enseigne notamment).
Si la SARL Garage Haristoy avait réalisé les investissements nécessaires, elle aurait pu être agréée, l'exclusivité n'étant pas permise par le règlement n° 1400-2002. Le seul contrat conclu entre la société Daf Trucks NV et la SARL Adour Services VI est un contrat de " service dealer " à partir de la ville de Pau en janvier 2006. La clientèle n'est donc pas la même du fait de la distance importante entre ces deux villes.
La nomination de la SARL Adour Services VI sur la ville de Pau n'a eu aucun impact sur l'activité de la SARL Garage Haristoy liée à la réparation des véhicules Daf.
A titre très subsidiaire, il n'y a pas de préjudice. L'attestation du comptable est sans valeur, puisque la SARL Garage Haristoy n'a pas la qualité pour vendre des véhicules neufs Daf. La chute alléguée mais non démontrée du chiffre d'affaires ventes de pièces de rechange ne saurait représenter plus de 10 000 euro de perte de marge de cette activité.
Seule la marge perdue pourrait avoir un quelconque intérêt pour l'appréciation d'un préjudice. En outre, pendant la période incriminée entre 2006 et 2008, le chiffre d'affaires de la SARL Garage Haristoy a augmenté de 27 %. Aucun préjudice n'est démontré par la SARL Garage Haristoy.
Enfin, montrer qu'entre 1998 et 2002, certains véhicules ont été vendus par l'intermédiaire de la SARL Garage Haristoy ne démontre nullement l'existence d'un quelconque préjudice du fait d'une prétendue rupture des relations commerciales en 2007. Les pièces fournies par la SARL Garage Haristoy sont sujettes à caution du fait de leur incohérence.
Si la SARL Garage Haristoy générait un certain chiffre d'affaires grâce à d'éventuelles commissions perçues en raison de sa qualité d'intermédiaire dans le cadre de la vente de véhicules neufs Daf, aucun obstacle n'empêche celle-ci de continuer à agir comme tel. C'est ce qu'elle fait auprès d'autres distributeurs Daf et notamment pour la société Soviac à Bordeaux.
La SARL Garage Haristoy succombe dans la démonstration d'un quelconque préjudice.
La SARL Daf Trucks France demande à la cour :
- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Dax du 17 novembre 2009, sauf en ce qu'il donne acte à la SARL Garage Haristoy de son intervention volontaire à l'instance et en ce qu'il a mis hors de cause Maître Jun, ès qualités,
- dire et juger en conséquence que la SARL Daf Trucks France ne pouvait rompre des relations commerciales avec la SARL Garage Haristoy qui n'ont jamais existé,
- dire et juger que la SARL Garage Haristoy ne rapporte pas la preuve d'aucune relation commerciale avec la SARL Daf Trucks France,
- d'ordonner la restitution à la SARL Daf Trucks France de la somme de 52 500 euro versée au titre de l'exécution provisoire du jugement précité,
- de débouter la SARL Garage Haristoy de l'intégralité de ses demandes,
- de dire et juger subsidiairement que la SARL Garage Haristoy ne démontre nullement le préjudice qu'elle allègue,
- de condamner la SARL Garage Haristoy à lui verser la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens.
La SAS Toulouse Services VI fait tout d'abord observer que la SARL Daf Trucks France conteste devoir supporter une quelconque part de responsabilité à l'égard de la SARL Garage Haristoy, mais ne présente aucune demande en garantie à son égard. La SAS Toulouse Services VI reconnaît qu'il y a eu des discussions entre la SARL Daf Trucks France, la SARL Garage Haristoy et elle-même sous condition que la SARL Garage Haristoy satisfasse aux exigences énoncées par la SARL Daf Trucks France. Aucune suite n'a été donnée par la SARL Garage Haristoy.
Pour ce qui est des relations ayant existé entre elle et la SARL Garage Haristoy, la SAS Toulouse Services VI indique qu'elles n'ont jamais donné lieu à une quelconque convention générale, les seules relations se sont limitées à l'exécution par elle de commandes ponctuelles qui lui étaient adressées par la SARL Garage Haristoy, même si ces simples contrats de vente se sont fréquemment renouvelés.
Dans la mesure où il n'y avait pas de contrat, il ne peut être reproché à la SAS Toulouse Services VI d'avoir modifié unilatéralement et brutalement le périmètre contractuel les liant.
Quant au fait que la SAS Toulouse Services VI se soit vue reconnaître la qualité de distributeur et réparateur agréé de la marque Daf par la société Daf Trucks NV, matérialisée par deux contrats " sales dealer " et " service dealer " notamment pour son établissement Adour Services VI à partir de la ville de Pau, cela n'a aucune incidence sur la demande de la SARL Garage Haristoy.
La SAS Toulouse Services VI demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause et y ajoutant de condamner la SARL Garage Haristoy à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La SARL Garage Haristoy expose tout d'abord la nature de ses relations avec la SARL Daf Trucks France qui ont perduré pendant 19 ans. Aucun autre représentant Daf n'intervenait sur la région Landes Pays Basque. La situation rapportée par les pièces versées au dossier caractérise pleinement l'existence de relations d'affaires régulières constantes et habituelles. C'est ce qu'ont relevé justement les premiers juges.
Les relations ont évolué favorablement puisque la SARL Daf Trucks France lui a proposé de les concrétiser par un écrit contractuel.
Au vu du compte rendu de la réunion du 8 juin 2004, il ressort que la SARL Daf Trucks France a proposé à la SARL Garage Haristoy de devenir officiellement le représentant de Daf et de la société Daf Trucks NV sur le secteur Pyrénées-Atlantiques eu égard aux travaux de mise à niveau entrepris.
Il existe en conséquence des relations commerciales établies entre elle, la SARL Daf Trucks France et la SAS Toulouse Services VI au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation. La SARL Daf Trucks France ne s'est jamais présentée comme mandataire de la société Daf Trucks NV, la SARL Daf Trucks France est toujours intervenue pour fixer les conditions dans lesquelles la SARL Garage Haristoy pouvait continuer à intervenir au sein du réseau Daf.
En revanche, il existait également des relations commerciales avec la SAS Toulouse Services VI puisque dans le cadre du réseau Daf, la SARL Garage Haristoy devait procéder à l'acquisition des pièces auprès de la SAS Toulouse Services VI dont elle dépendait. C'est cette société qui devait lui fournir la malette Davie permettant de procéder à l'analyse technique des véhicules. La SAS Toulouse Services VI a toujours été réticente dans la mesure où elle aurait bien voulu racheter les parts sociales de la SARL Garage Haristoy, ce que cette dernière a toujours refusé.
La SARL Daf Trucks France et la SAS Toulouse Services VI ont exigé que la SARL Garage Haristoy en contrepartie de son intégration officielle au réseau Daf, réalise des investissements financiers lourds pour se mettre aux normes techniques Daf, tant au niveau des outils de communication et de l'équipement d'atelier, qu'au niveau structurel, avec une profonde restructuration des locaux.
Malgré la réalisation des travaux, l'intégration au réseau n'est pas intervenue.
En dépit de ses engagements formels, sur la même période, la SARL Garage Haristoy a vu s'installer un concurrent sur son territoire géographique à savoir la SARL Adour Services VI. Parallèlement, la SARL Garage Haristoy bien qu'elle ait rencontré des difficultés financières qui l'ont conduite à un état de cessation de paiement a entrepris des investissements nécessaires pour se mettre à niveau. Pendant toute cette période, ni la SARL Daf Trucks France, ni la SAS Toulouse Services VI ne lui ont fourni les moyens indispensables afin que la SARL Garage Haristoy puisse intégrer le réseau Daf. Elle n'a pas été destinataire des outils de communication et des équipements exigés. La SARL Garage Haristoy était dans l'impossibilité matérielle manifeste d'assurer la réparation des véhicules conformément aux normes du constructeur. Elle a subi une perte de clientèle due au manque de réactivité de la SARL Daf Trucks France et de la SAS Toulouse Services VI.
La SARL Daf Trucks France et la SAS Toulouse Services VI ont modifié unilatéralement et brutalement le périmètre contractuel des prestations de service assuré par la SARL Garage Haristoy en autorisant la SARL Adour Services VI à s'implanter sur le territoire de Bayonne. Aucune information, aucun préavis ne lui ont été adressés et elle a vu son excédent brut d'exploitation devenir négatif en une année. Sa marge brute a diminué de 78 775 euro tel que cela résulte de l'attestation de l'expert-comptable. Cette modification est assimilable à une rupture partielle des relations commerciales au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
La SARL Daf Trucks France et la SAS Toulouse Services VI n'ont pas jugé utile de l'informer de leur volonté de rompre une partie de leurs relations en modifiant le contrat de telle sorte que la SARL Garage Haristoy ne puisse plus exercer son activité sur le territoire de Bayonne. La SARL Garage Haristoy a réalisé des travaux malgré les relations dégradées.
Pour la période de 2004 à 2008, la SARL Garage Haristoy n'a pas travaillé de façon optimale et a connu des répercussions sur son exploitation. Le tribunal de commerce aurait dû retenir la perte de la marge totale, ce préjudice étant lié à la perte de l'affiliation Daf.
La SARL Garage Haristoy demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la responsabilité de la SARL Daf Trucks France,
- de le réformer en ce qu'il a mis hors de cause la SAS Toulouse Services VI,
- de le réformer en ce qu'il a limité l'indemnisation à 50 000 euro,
- de fixer le montant de la condamnation à la somme de 78 775 euro,
- de dire et juger que cette somme portera intérêts à compter de l'assignation,
- de condamner la SARL Daf Trucks France à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer, pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures ci-dessus visées.
Sur ce,
- Sur la mise hors de cause de Maître Jun et l'intervention volontaire de la SARL Garage Haristoy
La SARL Daf Trucks France a soulevé devant le premier juge la nullité de l'assignation délivrée par Maître Jun en qualité de commissaire à l'exécution du plan dans la mesure où la SARL Garage Haristoy était "in bonis" du fait du plan de continuation adopté. La SARL Garage Haristoy est immédiatement intervenue à l'instance et a repris à son compte les demandes initiales et a sollicité la mise hors de cause de Maître Jun, ès qualités.
Le tribunal de commerce a donné acte à la SARL Garage Haristoy de son intervention volontaire à l'instance et a constaté la mise hors de cause de Maître Jun, ès qualités. Ces dispositions ne sont pas remises en cause en appel. Il convient de confirmer le jugement sur ce point.
- Sur les relations entre les parties
La SARL Daf Trucks France et la SAS Toulouse Services VI soutiennent qu'il n'existe aucune relation contractuelle ou commerciale avec la SARL Garage Haristoy.
La SARL Garage Haristoy considère pour sa part qu'il y a bien eu des relations commerciales établies entre elle, la SARL Daf Trucks France et la SAS Toulouse Services VI et ce pendant 19 ans.
L'article L. 442-6, I, 5e du Code de commerce s'applique à toutes les relations d'affaires quelle que soit la qualité des professionnels engagés : peu importe que les partenaires économiques soient producteurs, commerçants, industriels ou artisans. Cet article ne fait également aucune distinction entre les relations commerciales contractuelles et les autres. Par conséquent, la réglementation est applicable à toute relation commerciale qu'elle soit précontractuelle, contractuelle, post contractuelle ou simplement informelle.
Pour déterminer si une relation commerciale peut être ou non qualifiée d'établie, notamment en l'espèce de toute convention, il est de principe que plusieurs critères doivent être pris en compte tels que la durée des relations entre les partenaires, la continuité de celles-ci ou encore l'importance et l'évolution du chiffre d'affaires réalisé ; l'ensemble de ces critères constituent des indices quant à l'existence et la qualité de la relation commerciale.
En ce qui concerne les relations entre la SARL Daf Trucks France et la SARL Garage Haristoy, il ressort des documents versés que depuis 1992, la SARL Garage Haristoy a été contactée par Daf France laquelle devait procéder à son identification et que lui avait été destiné un Kit d'identification spécifique. Daf France a été mise en liquidation judiciaire en 1993. La SARL Daf Trucks France a été créée en 1994. Depuis 1992, la SARL Garage Haristoy a utilisé du papier à en-tête Daf et un panneau Daf, sans que cela fasse l'objet d'aucune difficulté de la part de Daf. Il n'est pas contestable que même en l'absence de tout contrat écrit, la SARL Garage Haristoy a assuré des prestations de service après-vente pour le réseau Daf sur la région des Landes et du Pays Basque et qu'avant 2008, il n'y avait pas de représentant officiel Daf sur la région.
Les relations entre la SARL Daf Trucks France et la SARL Garage Haristoy ont même évolué favorablement puisque le compte rendu de la réunion du 9 juin 2004 rédigé par la SARL Daf Trucks France est ainsi libellé :
" L'un des objectifs de la réunion a été atteint à savoir confirmation de volonté de toutes les parties de renforcer la position du garage Haristoy comme représentant de Daf & TSVI sur le secteur Pyrénées-Atlantiques ".
Au vu de ce document, il apparaît que la SARL Daf Trucks France n'a pas contesté que la SARL Garage Haristoy avait déjà des relations commerciales avec elle puisqu'il s'agissait de les renforcer.
Dans un courrier du 25 mars 2005 en réponse à des interrogations de la SARL Garage Haristoy, la SARL Daf Trucks France a répondu en ces termes : " Nous ne pouvons que nous en tenir aux termes des différents courriers que Monsieur Jean-Jacques Verdier vous a adressés, ces derniers établissant les actions que vous deviez accomplir pour poursuivre avec efficacité votre activité Daf... "
compte renduEn l'espèce, il apparaît qu'il y a bien eu des relations commerciales entre la SARL Garage Haristoy et la SARL Daf Trucks France sur une période non négligeable, que cette relation est caractérisée par des événements laissant augurer que ladite relation aura vocation à se perdurer puisqu'il y a eu des rapprochements entre les parties destinés à renforcer ces relations. La relation commerciale n'a pas été marquée par des événements perturbateurs justifiant plus ou moins à court terme une rupture partielle ou définitive des relations commerciales puisque la SARL Daf Trucks France a demandé à la SARL Garage Haristoy de mettre en chantier, en septembre 2004 des travaux de mise en conformité aux normes Daf. Les relations de la SARL Garage Haristoy avec Daf ne se sont nouées qu'avec la SARL Daf Trucks France.
La SARL Garage Haristoy avait également des relations commerciales établies avec la SAS Toulouse Services VI puisqu'elle s'approvisionnait en pièces Daf auprès d'elle pour effectuer les réparations sur les véhicules Daf. En revanche, comme l'ont souligné les premiers juges l'ancienneté de la relation client-fournisseur entre la SARL Garage Haristoy et la SAS Toulouse Services VI a permis de nouer des liens commerciaux privilégiés sans que ces liens puissent être apparentés à la représentation d'une marque. La SAS Toulouse Services VI en sa qualité de distributeur et réparateur agréé de la marque Daf a pu entendre coopter ou recommander la SARL Garage Haristoy pour la formalisation d'un contrat avec Daf sans pour autant engager une quelconque responsabilité dans cette démarche. C'est à juste titre que les premiers juges ont mis hors de cause la SAS Toulouse Services VI en la présente instance.
- Sur la rupture des relations commerciales avec la SARL Daf Trucks France
Il ressort des éléments versés que pendant de nombreuses années, et notamment depuis 1992, en l'absence de toute relation contractuelle officielle, la SARL Garage Haristoy utilisait des papiers à l'en-tête Daf et qu'un panneau Daf était apposé sur la façade de ses ateliers.
Le 15 janvier 2004, la SAS Toulouse Services VI a marqué sa volonté de pérenniser les relations avec la SARL Garage Haristoy en confiant à cette dernière la responsabilité du service après-vente de la marque Daf sur son territoire " dans la mesure où le projet d'aménagement de vos locaux ainsi que les équipements de l'atelier répondent aux exigences de la marque ".
Cette volonté a été affirmée par le compte-rendu de la réunion du 9 juin 2004 entre la SARL Garage Haristoy, la SAS Toulouse Services VI et la SARL Daf Trucks France. Ce compte-rendu avec l'annexe concernant la nouvelle organisation du garage Haristoy a été établie par la SARL Daf Trucks France.
Ce compte-rendu est ainsi libellé :
" L'un des objectifs de la réunion a été atteint à savoir : confirmation de la volonté de toutes les parties de renforcer la position du garage Haristoy comme représentant de Daf & TSVI sur le secteur des Pyrénées-Atlantiques.
Cette volonté se concrétisera ... par la mise en chantier, en septembre 2004, de la transformation du bâtiment actuel et création d'un atelier plus vaste conforme aux normes techniques de Daf... ".
Le projet de la nouvelle organisation du garage figurant en annexe impliquait l'évolution de la structure du bâtiment actuel avec d'importants travaux précisément repris.
La SARL Garage Haristoy a produit des plans établis le 26 août 2004 pour solliciter le permis de construire, démarche faite le 31 janvier 2005.
Compte tenu des difficultés que le dirigeant de la SARL Garage Haristoy a rencontré avec la SAS Toulouse Services VI, ce dernier a informé la SARL Daf Trucks France le 25 mars 2005, en précisant " qu'aux souhaits de Daf France depuis quelques mois, je me suis engagé à des investissements et j'ai besoin de connaître exactement votre position à mon égard, si un avenir est possible et dans quelles conditions et avec quels moyens... ".
La SARL Daf Trucks France a répondu le 31 mars 2005 en ces termes : "nous avons pris bonne note des remarques que vous formulez vis-à-vis des difficultés que vous rencontrez avec la SAS Toulouse Services VI et du fonctionnement avec Daf. Nous ne pouvons que nous en tenir aux termes des différents courriers que Monsieur Jean-Jacques Verdier vous a adressés, ces derniers établissant les actions que vous deviez accomplir pour poursuivre avec efficacité votre activité Daf. N'ayant pas d'état précis sur l'avancement des diverses actions que vous deviez faire, je ne peux que vous inciter à faire le point avec Monsieur JJ Verdier, MM. Fessart ou moi-même pendant le salon Solutrans à Lyon. Vous assurant de la permanence de notre écoute... ".
Le 21 décembre 2005, la SARL Garage Haristoy a informé que les travaux d'aménagement du garage seraient terminés fin juillet 2006. La modification prévue pour septembre 2004, n'ayant débuté qu'en 2005 suite à un retard administratif. Il a été précisé que le projet correspondait aux exigences de la SARL Daf Trucks France. La SARL Daf Trucks France n'a pas répondu.
La SARL Daf Trucks France a donc laissé la SARL Garage Haristoy faire les travaux demandés sans aucune observation et continuer à exploiter son garage dans les mêmes conditions alors que parallèlement un contrat de "service Dealer" a été conclu entre la société Daf Trucks NV et la SARL Adour Services VI en 2006 à partir de la ville de Pau, intervenant également à Tarbes et Bayonne.
Le 5 avril 2007, la SARL Garage Haristoy a écrit à la SARL Daf Trucks France en ces termes :
" ... Je constate aujourd'hui que vous avez autorisé la SARL Adour Services VI à s'implanter à Bayonne alors même que depuis 19 ans j'assurais les prestations de service Daf tant au titre de la garantie qu'au titre des contrats de maintenance sur le Pays Basque et les Landes. Cela signifie, que dans les mois qui viennent en autorisant la SARL Adour Services VI à s'implanter, vous rompez nos accords et cela va avoir de répercussions sur mon activité... ".
La SARL Daf Trucks France a répondu en ces termes :
" Nous sommes surpris par votre lettre du 5 avril dernier. Vous n'êtes pas membre du réseau officiel Daf, vous n'avez en effet signé aucun contrat avec la société Daf Trucks NV. Depuis l'entrée en vigueur du règlement CE n° 1400-2002, en octobre 2003 vous ne vous êtes pas non plus porté candidat à la signature d'un de ces contrats. Nous vous rappelons enfin qu'en ce qui concerne l'après-vente (service dealer) nous avons opté pour le régime qualitatif... ".
Puis, le 6 novembre 2008, la société Daf Trucks NV en son nom et au nom de sa filiale la SARL Daf Trucks France a écrit à la SARL Garage Haristoy en ces termes :
" Des pièces Daf sont livrées à votre site alors que la société Daf Trucks NV n'a pas conclu de contrat avec Haristoy. Etant donné que vous n'avez aucune relation contractuelle avec la société Daf Trucks NV nous nous trouvons dans l'obligation de rediriger les livraisons de pièces vers le réseau de concessionnaires Daf agréés. Afin de pouvoir servir vos clients dans la région, nous vous renvoyons au concessionnaire Daf : Toulouse service VI SAS à Lespinasse (Toulouse).
Nous allons interrompre la livraison de pièces à votre site à compter du 15 novembre 2008... .
Nous avons demandé à Monsieur Bruno Valdelièvre de Daf Trucks France de nous tenir au courant de vos actions... ".
Dès lors au vu de ce qui précède et en application de l'article L. 442-6 I 5e, il y a lieu de considérer que la rupture des relations commerciales établies existant entre la SARL Garage Haristoy et la SARL Daf Trucks France est intervenue brutalement dès 2006 sans préavis au moment où cette dernière a laissé s'implanter la société Adour Services VI, alors que parallèlement elle a laissé la SARL Garage Haristoy réaliser des travaux importants lui laissant croire à la pérennité des relations.
- Sur le préjudice
La SARL Garage Haristoy réclame à la SARL Daf Trucks France la somme de 78 775 euro au titre du manque à gagner subi par elle du fait de son comportement. La SARL Daf Trucks France considère pour sa part qu'il n'y a pas de préjudice démontré.
Il est constant que pendant de nombreuses années, la SARL Daf Trucks France a autorisé la SARL Garage Haristoy à utiliser le sigle Daf et faire état de son appartenance à ce réseau. Pour justifier son préjudice la SARL Garage Haristoy verse une attestation de l'expert comptable précisant que pour l'exercice 2006, les ventes des véhicules neufs ont diminué d'un montant de 67 920 euro soit 80 % par rapport à l'année 2005 et que pour l'exercice 2007, la faiblesse de ventes réalisées en 2006 a engendré corrélativement une diminution des pièces détachées de 23 373 euro.
Il est certain que la SARL Garage Haristoy n'a jamais été liée à Daf pour vendre des véhicules neufs, qu'elle agissait en revanche comme apporteur d'affaires auprès de la SAS Toulouse Services VI, distributeur Daf à partir de Toulouse, qu'un nouveau distributeur s'est implanté officiellement à Pau avec des établissements à Tarbes et Bayonne à partir de 2006, que le préjudice subi par la SARL Garage Haristoy se situe bien dans cette période. La chute du chiffre d'affaires est certaine, le préjudice doit s'apprécier sur la marge brute et sur le préjudice moral subi par la société du fait du comportement fautif de la SARL Daf Trucks France. Dès lors, il convient de relever que les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice et de confirmer le jugement entrepris.
- Sur les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile:
L'équité commande de ne pas de faire droit aux demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile, présentées par la SARL Daf Trucks France et la SAS Toulouse Services VI.
Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de la SARL Garage Haristoy l'intégralité des frais engagés. Il convient de lui allouer en cause d'appel une indemnité de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, cette somme venant s'ajouter à celle déjà allouée par les premiers juges.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Dax du 17 novembre 2009 en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires, Déboute la SARL Daf Trucks France et la SAS Toulouse Services VI de leurs demandes présentées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Daf Trucks France à payer en cause d'appel à la SARL Garage Haristoy la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, celle-ci venant s'ajouter à celle déjà allouée par les premiers juges, Condamne la SARL Daf Trucks France aux entiers dépens de première instance et d'appel, autorise la distraction au profit de la SCP Rodon, avoués, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.