CA Reims, ch. civ. sect. 1, 4 avril 2011, n° 10-03408
REIMS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Magiline Piscines (SAS)
Défendeur :
Eve Line (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Maunand
Conseillers :
M. Ciret, Mme Hussenet
Avoués :
SCP Six-Guillaume-Six, SCP Delvincourt-Jacquemet-Caulier-Richard
Avocats :
SCP Lemoult Rocher, SCP Billion Massard Richard
Faits et procédure
La société par actions simplifiées (SAS) Magiline fabrique et commercialise des piscines.
Suivant acte sous-seing privé en date du 28 juillet 2003, rappelant qu'elle avait précédemment conclu avec la société à responsabilité limitée (SARL) Eve Line un contrat d'agent commercial, puis un contrat de distributeur agréé, la SAS Magiline a conclu avec la SARL Eve Line un contrat de distribution exclusive de " tous les articles " qu'elle " fabrique et commercialise à la date de prise d'effet du présent contrat sous la seule marque Magiline " dans " le département de l'Aube (10), la ville de Sens (85) et un rayon de 10 kilomètres autour de celle-ci ".
Chaque partie pouvait mettre fin à ce contrat conclu pour une durée indéterminée " en le notifiant à l'autre partie au moins 3 mois à l'avance ".
L'article 13.2 dudit contrat prévoyait toutefois que celui-ci pourrait être résilié par la SAS Magiline de plein droit et sans préavis par simple notification adressée au distributeur dans les quarante cinq (45) jours suivant la date à laquelle celle-ci aurait eu connaissance, notamment, du non-respect par le distributeur des articles 4, 6, 8, 9, 10, 11 et 12.
Par acte extrajudiciaire du 4 septembre 2009, la SAS Magiline a dénoncé à la SAS Eve Line deux procès-verbaux de constat dressés le 3 septembre 2009 par Maître Gobet, huissier de justice à Troyes, a notifié à cette dernière, au vu de ces constats et en application de l'article 13-2 susvisé, " la résiliation du contrat de distribution du 28 juillet 2003 immédiatement et sans préavis " pour des faits relevant, selon elle, de " la concurrence déloyale ", du " parasitisme économique " et de " l'atteinte à la protection de la marque Magiline " et a, enfin, fait sommation à son distributeur de se conformer aux stipulations de l'article 14 dudit contrat sur les effets postérieurs à la cessation de celui-ci et de " déposer immédiatement tous les panneaux et enseignes emportant sa qualité de distributeur de la société Magiline, de même qu'à effacer tous marquages de ses véhicules emportant toutes relations commerciales et contractuelles avec la société Magiline ".
Par acte du 2 octobre 2009, invoquant les articles 1134 et 1147 du Code civil, la SAS Eve Line a assigné la SAS Magiline devant le Tribunal de commerce de Troyes aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- constater le caractère abusif de la rupture du contrat de distribution,
- condamner en conséquence la SAS Magiline à lui payer la somme de 500 000 euro à titre de dommages-intérêts,
- commettre un expert, dont le rapport devra éclairer le tribunal sur l'obligation que se doit d'appliquer la SAS Magiline au titre de la garantie de ses produits et sur le préjudice subi par son distributeur,
- surseoir à statuer sur ce point jusqu'à dépôt du rapport d'expertise,
- condamner la SAS Magiline à lui payer une indemnité de 5 000 euro pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Dans le dernier état de la procédure, invoquant en outre les articles 1641 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce, la SAS Eve Line a maintenu ses demandes d'expertise et de sursis à statuer sur son indemnisation pour le service après-vente des produits Magiline qu'elle a dû assurer en pure perte, selon elle, et a prié le tribunal de:
- constater le caractère abusif de la rupture du contrat de distribution,
- condamner la SAS Magiline à lui payer la somme de 274 336 euro au titre des conséquences de la brusque rupture,
- constater les actes de concurrence déloyale commis par la SAS Magiline à son détriment,
- condamner en conséquence la SAS Magiline à lui payer la somme de 500 000 euro à titre de dommages-intérêts.
La SAS Eve Line a contesté l'interprétation des deux constats d'huissier faite par la SAS Magiline en faisant valoir que :
- le fait que deux véhicules portant la marque Magiline utilisés par elles aient été stationnés sur le parking de sociétés tierces, à savoir, Widoo et 02 Game ne caractérisait pas sa " participation active " à la livraison et l'installation de produits concurrents des produits Magiline.
- le fait qu'un autre véhicule portant la marque Magiline utilisé par elle ait été stationné à proximité d'un chantier où une piscine était en cours de réalisation n'établissait pas qu'elle aurait réalisé une piscine d'une autre marque en contravention avec ses obligations contractuelles.
Elle a ajouté que ces véhicules appartenaient à la société Widoo, son sous-traitant, qui n'a " jamais commercialisé directement de piscines ".
Enfin, elle a nié s'être intéressée à des activités concurrentes par l'intermédiaire du mari de sa dirigeante, M. Jean-Louis Boisseau, lequel travaillait dans le secteur des piscines.
La SAS Eve Line a soutenu que, compte tenu de la durée et de la spécificité de sa relation commerciale avec la SAS Magiline, le préavis n'aurait pas dû être inférieur à un an, doublé du fait de la distribution des produits sous la marque de la SAS Magiline.
Elle a, d'autre part, soutenu que la SAS Magiline s'était livrée à un certain nombre d'actes de concurrence déloyale en démarchant ses clients, en copiant sa publicité, en utilisant des documents photographiques lui appartenant dans sa propre publicité et en se refusant à lui fournir les pièces lui permettant d'honorer ses obligations au titre de son service après-vente.
La SAS Magiline s'est opposée à ces demandes, le contrat signé avec la SARL Eve Line lui réservant le droit de distribuer et installer ses produits sur le territoire concédé. Selon elle, les constats du 3 septembre 2009 avaient permis de caractériser de graves infractions à l'accord conclu entre les parties. Elle a évoqué les deux sociétés créées par M. Jean-Louis Boisseau (02 Game et Widoo) à l'origine d'une activité concurrente, parallèle aux interventions régulières de ce dernier au nom de la société Eve Line, dirigée par son épouse. Elle a ajouté que sa cocontractante ne l'avait pas informée de l'intervention habituelle de ces sous-traitants, au mépris de l'article 9 du contrat de distributeur. Elle a prétendu que la société Eve Line avait concédé l'utilisation de la marque Magiline (notamment sur le chantier de la SCI du Chapeau relatif à la création d'un bâtiment commercial pour le fils des époux Boisseau) au profit de ses sous-traitants. Elle a reproché à la société Eve Line de ne pas avoir respecté le quota visé à l'article 6 de la convention, ce qui était un autre motif de résiliation de celle-ci.
La SAS Magiline a fait aussi observer que la société Eve Line avait, peu après la résiliation, abandonné sa marque au profit de la marque " Hydro Sud ", ce qui était contraire à l'obligation de non-concurrence durant un an prévue à l'article 14 du contrat de distributeur.
Elle a exposé qu'elle n'avait pas sapé le développement de la société Eve Line par des ventes directes, ses encarts publicitaires, tous postérieurs à la résiliation du contrat de distributeur, n'étant que la manifestation de son droit de réorganiser son réseau amputé du seul distributeur dont elle disposait sur le territoire objet de cette convention.
Estimant avoir subi un préjudice en raison des manquements contractuels de la société Eve Line et de l'activité concurrente engagée par celle-ci dans l'année suivant la résiliation, elle a réclamé, à titre principal, l'allocation d'une indemnisation forfaitaire de 300 000 euro et, subsidiairement une indemnité provisionnelle de 100 000 euro ainsi que l'institution d'une expertise comptable pour chiffrer la marge perdue après la résiliation.
Sur l'obligation de garantie des produits commercialisés, elle a soutenu que son distributeur, ayant la même spécialité qu'elle, avait une connaissance certaine et précise de la nature de ses engagements et des incidences techniques en résultant (fournitures et équipements à remplacer, coût de prise en charge des interventions), qui n'étaient que la contrepartie de l'exclusivité. La demande d'expertise de la société Eve Line devait enfin, être rejetée comme contredisant la clause limitative de garantie et ne s'appuyant sur aucune constatation technique.
Par jugement rendu le 22 novembre 2010, le Tribunal de commerce de Troyes a :
- débouté la SA Magiline de toutes ses demandes et prétentions,
- débouté la SAS Eve Line de ses demandes liées à la rupture de contrat,
- condamné la SA Magiline à verser la somme de 250 000 euro à titre de dommages et intérêts à la SAS Eve Line,
- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- fait masse des dépens qui seront supportés pour 50 % par chacune des parties,
- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement.
La SAS Magiline a régulièrement interjeté appel de cette décision le 31 décembre 2010.
Moyens des parties
A ce autorisée par ordonnance du 11 janvier 2011, la SAS Magiline a, par acte du 20 janvier 2011, assigné, selon la procédure à jour fixe, la société Eve Line devant la Cour d'appel de Reims, priant celle-ci d'infirmer le jugement déféré en ses dispositions lui faisant grief, de débouter la société intimée de sa demande en dommages-intérêts pour concurrence déloyale, de la condamner à lui payer la somme de 3 000 euro en réparation du préjudice subi à la suite de la poursuite de l'exécution provisoire, à lui rembourser les frais engendrés par cette mesure et à lui restituer toutes les sommes versées au titre de l'exécution provisoire avec intérêts légaux à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et de la condamner à lui verser la somme de 200 000 euro à titre de dommages-intérêts forfaitaires pour manquements contractuels, outre une indemnité de 5 000 euro pour frais non taxables.
La SAS Magiline soutient que la société Eve Line ne peut prétendre avoir été victime de parasitisme commercial, puisqu'elle n'avait pas de clientèle propre. N'ayant " jamais eu en sa possession le fichier clientèle de la société Eve Line ", elle n'a fait qu'utiliser les coordonnées de ceux possédant une piscine de sa marque, renseignées pour chaque vente de piscine, car, en sa qualité de fabricant, elle est débitrice de la garantie décennale. Le " grief de copiage de publicité " est, pour elle, " un non-sens ", car les piscines figurant sur ses encarts publicitaires sont de sa marque, " quand bien même elles auraient été installées par la société Eve Line ". Elle ajoute qu'elle " détient des droits signés par les propriétaires des piscines pour l'ensemble des visuels qu'elle utilise ". S'agissant de la résiliation du contrat de distributeur, la SAS Magiline fait valoir que celui-ci ne prévoyait " pas de préavis dans l'hypothèse d'un manquement du distributeur ". Or, la société Eve Line ne l'avait pas informée de l'installation de ses produits par ses deux sous-traitants, les sociétés Widoo et 02 Game, ce en contravention avec l'article 9.2 du contrat. La SAS Magiline reproche, en outre, à la société Eve Line de ne pas avoir respecté le quota visé à l'article 6 de la convention, ce qui est un cas de " révocation automatique et de plein droit du fournisseur ". En outre, les constats d'huissier du 3 septembre 2009 établissent, selon elle, que la société Eve Line participait, " par le biais de ses sous-traitants à une activité concurrente de celle de la société Magiline ". Enfin, la société appelante impute à faute à la société intimée d'avoir " immédiatement commercialisé les produits concurrents Hydro Sud, alors que l'article 14.2 du contrat de distribution lui imposait d'attendre 12 mois suivant la cessation du contrat avec la SAS Magiline pour reprendre une activité de distribution ".
Sur la garantie exigée par la société intimée, l'appelante prétend que celle-ci " s'est contentée d'affirmer être intervenue fréquemment pour remplacer des pièces, sans jamais prouver qu'il existait un vice de nature à engager (sa) responsabilité " et que " le manquement à une obligation de délivrance n'est pas davantage démontré, alors qu'une expertise ne saurait être ordonnée pour pallier la carence de la société Eve Line dans l'administration de la preuve ". Elle argue de ce que son distributeur, ayant la même spécialité qu'elle, avait une connaissance certaine et précise de la nature de ses engagements et des incidences techniques en résultant (fournitures et équipements à remplacer, coût de prise en charge des interventions), qui n'étaient que la contrepartie de l'exclusivité.
Par écritures déposées le 28 février 2011, la SARL Eve Line conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a reconnu qu'elle a été victime de parasitisme commercial, mais demande à la cour de réformer le montant des dommages-intérêts à elle alloués et de porter ceux-ci à la somme de 500 000 euro, outre intérêts légaux à dater de l'assignation. Sollicitant l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes indemnitaires pour rupture abusive du contrat de distributeur du 28 juillet 2003 et en ce qu'elle n'a pas fait droit à sa demande d'expertise, elle prie la cour de condamner la SAS Magiline à lui payer la somme de 350 000 euro en dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de distribution exclusive, outre intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2009, et d'ordonner l'expertise telle que sollicitée en première instance. Elle réclame l'allocation d'une indemnité de 10 000 euro pour frais irrépétibles d'appel.
Invoquant les articles 1134 du Code civil et L. 442-6 5 du Code de commerce, la SARL Eve Line, fait valoir que, s'agissant de la rupture, " il convient de rechercher uniquement les motifs expressément visés par Magiline dans l'acte d'huissier du 4 septembre 2009 ". Elle ajoute que les véhicules objet des constats du 3 septembre 2009 " sont la propriété d'un sous-traitant, la société Widoo, (...), et (de) la société 02 Game ". En outre, le contrat de distribution prévoyait " la possibilité de faire procéder à l'installation des piscines dans le cadre de contrats de sous-traitance ". Elle soutient que la SAS Magiline était " informée du recours à la société Widoo ", car elle avait travaillé avec celle-ci et M. Jean-Louis Boisseau, son gérant, " sur un projet commun important ". Quant au quota non atteint, elle soutient que ce moyen n'est pas pertinent dès lors qu'en 2008/2009, le secteur de la piscine était en crise et qu'elle a été " récompensée fin 2008 " par le directeur général de la SAS Magiline pour " ses performances commerciales qui la plaçaient en tête du réseau ". Elle prétend que l'utilisation du logo " Magiline " par un sous-traitant n'était pas interdite par le contrat de distributeur et ne nuisait pas aux intérêts de la SAS Magiline. Elle estime donc qu'elle devait bénéficier d'un délai de préavis, qui " ne pouvait être, en l'espèce, inférieur à une année, soit, après doublement conformément aux dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, deux années ". Quant à la clause limitative de garantie, la SARL Eve Line prétend qu'elle " ne pouvait déceler les vices cachés des pièces défectueuses " et prie la cour de désigner un expert chargé d'examiner celles-ci, de recenser " les nombreuses interventions " qu'elle a dû effectuer à ce titre et de chiffrer le coût qu'elle a dû assumer, lequel constitue son préjudice, dont la réparation incombe, selon elle, " au seul fabricant ". Sur la concurrence déloyale qu'elle invoque, la SARL Eve Line reconnaît que la SAS Magiline " pouvait vendre directement des piscines sur le territoire de l'Aube, mais à la condition d'en informer préalablement son cocontractant, ce qu'elle n'a jamais fait ". Elle précise que " cette clause s'entendait (...) comme la possibilité (...) de tester des modèles prototypes (...) chez des clients et vendus à prix d'usine ". Elle ajoute que la SAS Magiline " a abusivement utilisé le fichier clients de son distributeur en effectuant des mailings auprès de ces derniers et en les démarchant " pour réaliser des " hivernages " de piscines " ou des ventes de produits et accessoires ". Elle reproche aussi à la SAS Magiline d'avoir copié ses procédés de publicité et même utilisé des photographies lui appartenant et aussi d'avoir refusé de lui vendre des produits et accessoires après la rupture du contrat de distributeur.
Enfin, la SARL Eve Line fait valoir qu'elle n'a jamais enfreint la clause de non-concurrence post-contractuelle prévue à l'article 14 du contrat de distributeur, ce dernier étant " relatif à la seule activité de vente de piscines " et son expert-comptable attestant " de l'absence de toute vente de piscines depuis (...) le 7 juillet 2009 ". Elle expose que le contrat conclu le 24 septembre 2009 avec Hydro Sud, simple centrale d'achats, notamment en produits et accessoires relatifs à la piscine, ne porte aucunement sur l'achat de piscines auprès d'un fabricant. Elle prétend que cette clause de non-concurrence est illicite.
Elle conclut au rejet de la demande reconventionnelle de la SAS Magiline et de la demande formée par celle-ci au titre de l'exécution forcée du jugement déféré, rappelant qu'elle s'est limitée aux " seuls actes de saisie-attribution délivrés le 16 décembre 2010 " sur les comptes bancaires de la société appelante, " alors créditeurs de 42 000 euro environ ".
Sur ce,
Sur la rupture du contrat de distributeur conclu entre les parties
Attendu que l'article L. 442-6-I du Code de commerce dispose:
Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (...) ;
" 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ; (...) ";
Attendu qu'entre dans le champ d'application de ce texte toute relation commerciale établie, que celle-ci porte sur la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service ;
Que tel est le cas de la relation commerciale entre la SAS Magiline et la société Eve Line, matérialisée :
- à l'origine, en 2001, par un contrat d'agent commercial, suivi d'un contrat de distributeur agréé,
- puis, par le contrat de distribution exclusive litigieux du 28 juillet 2003;
Attendu que ce dernier expose que la SAS Magiline " fabrique et commercialise des piscines, notamment sous la marque Piscines Magiline " et précise que le terme " produits " désigne tous les articles que la société fabrique et commercialise à la date de prise d'effet du présent contrat sous la seule marque Magiline, telle que la liste détaillée figure en annexe 1;
Que cette annexe 1 n'est cependant pas produite, la SARL Eve Line expliquant cette absence, par le fait qu'elle " a toujours refusé de signer " cette annexe 1, ce qui permet de déduire, ainsi qu'elle le fait justement observer, que l'exclusivité objet dudit contrat était limitée aux seules piscines Magiline;
Attendu que l'article 13.2 dudit contrat prévoit que celui-ci peut être résilié par la SAS Magiline " de plein droit et sans préavis par simple notification adressée au distributeur dans les quarante cinq (45) jours suivant la date à laquelle " celle-ci aura eu connaissance, notamment, du non-respect par le distributeur des articles 4, 6, 8, 9, 10, 11 et 12;
Que, par acte extrajudiciaire du 4 septembre 2009, la SAS Magiline a dénoncé à la SAS Eve Line deux procès-verbaux de constats dressés le 3 septembre 2009 par Maître Gobet, huissier de justice à Troyes, a notifié à cette dernière, au vu de ces constats et en application de l'article 13-2 susvisé, la résiliation du contrat de distribution du 28 juillet 2003 immédiatement et sans préavis pour des faits relevant, selon elle, de la concurrence déloyale, du parasitisme économique et de l'atteinte à la protection de la marque Magiline;
Attendu qu'il résulte de ces procès-verbaux de constats d'huissier que:
- deux véhicules immatriculés " 5019 PR 10 " et " 8814 PW 10 ", portant la marque Magiline, étaient stationnés sur le parking de sociétés tierces, à savoir, Widoo et 02 Game,
- un autre véhicule, immatriculé " 8813 PW 10 ", portant la marque Magiline, était stationné à proximité d'un chantier où une piscine était en cours de réalisation ;
Mais attendu que le premier de ces constats, dressé le jeudi 3 septembre 2009 à 9 heures 10, n'établit pas la participation de la société Eve Line à la livraison et à l'installation de produits concurrents des piscines Magiline, dès lors qu'il résulte des productions que les véhicules immatriculés " 5019 PR 10 " et " 8814 PW 10 " ont, respectivement, pour propriétaires la société 02 Game et la société Widoo, lesquelles pouvaient donc les utiliser pour les besoins de leurs activités, étant précisé que la première citée a pour objet le commerce de détail d'articles de sport en magasin spécialisé tandis que la seconde réalise des travaux spécialisés de construction et rénovation de bâtiments et piscines et accessoires;
Attendu, en effet, que l'huissier instrumentaire était accompagné du président et du directeur administratif et financier de la SAS Magiline et que, ceux-ci - qui, selon cet officier public, sont allés " s'entretenir avec le personnel présent " -, n'ont remarqué sur place la présence d'aucun salarié ni dirigeant de la société Eve Line;
Attendu que le second de ces constats, dressé le jeudi 3 septembre 2009 à 14 heures 40, n'établit pas que la société Eve Line a réalisé une piscine d'une autre marque en contravention avec ses obligations contractuelles, puisque le véhicule immatriculé " 8813 PW 10 " est la propriété de la société Widoo, qui pouvait donc l'utiliser pour les besoins de son activité, étant précisé que le président et le directeur administratif et financier de la SAS Magiline, qui accompagnaient l'huissier instrumentaire, n'ont relevé, sur ce chantier, la présence d'aucun salarié ni dirigeant de la société Eve Line et pas davantage celle de matériel servant à la construction de piscines fabriqué par leur société;
Attendu qu'en l'état de ses écritures d'appel, indiquant que la société intimée " a reconnu, en première instance, entretenir des relations avec deux sous-traitants, la société Widoo, qui réalisait des travaux pour son compte, et la société 02 Game ", la SAS Magiline soutient qu'est ainsi caractérisée une infraction à l'article 9.2 du contrat de distribution exclusive du 28 juillet 2003, lequel stipule que le " distributeur doit, avant tout commencement de travaux ", lui " notifier " qu'il entend faire procéder à l'installation " par un de ses sous-traitants dont il précisera les coordonnées ";
Mais attendu que, d'une part, il résulte des productions que la SAS Magiline savait que la société Widoo intervenait en qualité de sous-traitant de la société Eve Line, puisque ces trois sociétés avaient travaillé ensemble à la réalisation du projet de la SAS Kawan Resorts relatif à la construction d'un complexe de bassins dans le camping de Mesnil-Saint-Père (10), à l'occasion duquel les deux premières sociétés citées avaient conclu le 3 décembre 2008 un contrat de sous-traitance pour l'installation des piscines fournies par la SAS Magiline;
Que, dans ces conditions, si, en effet, la SARL Eve Line ne justifie pas avoir avisé la SAS Magiline à chaque fois où elle a eu recours à la société Widoo en tant que sous-traitant, ceci ne saurait constituer un manquement grave justifiant la résiliation du contrat de distribution exclusive du 28 juillet 2003 par la SAS Magiline sans préavis;
Attendu, d'autre part, qu'ainsi que le tribunal l'a exactement relevé, l'activité de la société 02 Game, n'entre pas dans le champ des dispositions du contrat de distributeur;
Attendu, en outre, que la SARL Eve Line ne conteste pas avoir conclu un contrat de consultant piscines avec la société JLB Consulting, société de droit suisse, représentée par son dirigeant, M. Jean-Louis Boisseau, lequel est l'époux séparé de corps et de biens de sa gérante;
Que le contrat de distribution exclusive du 28 juillet 2003 ne faisait pas obligation à la SARL Eve Line d'informer la SAS Magiline de l'existence de ce contrat de consultant piscines;
Que c'est donc vainement que la SAS Magiline prétend justifier la résiliation du contrat de distribution exclusive du 28 juillet 2003 sans préavis par le défaut d'information relatif à l'existence de relations habituelles avec d'autres entités;
Attendu que ladite société invoque également le non-respect, par la société intimée, du quota prévu à l'article 6 dudit contrat;
Que celui-ci, relatif au chiffre d'affaires minimum que la SARL Eve Line s'engageait à réaliser, stipule que si, à la fin du mois de septembre, aucun quota n'a été fixé par avenant écrit, quelle qu'en soit la raison - ce qui est le cas, en l'espèce pour 2008, le dernier avenant régularisé entre les parties datant du 20 février 2006 -, le nouveau quota sera automatiquement, sans formalité ni préavis, le chiffre d'affaires effectivement réalisé au cours de la période annuelle précédente augmenté de 10 % (dix pour cent);
Attendu que la société appelante fait valoir que les documents comptables produits par la société intimée 'établissent la diminution des produits d'exploitation de la société Eve Line, dont le montant est passé de 2 105 370,56 euro en 2007 à 1 687 885,54 euro en 2008, situation qui s'est traduite par une baisse du poste relatif aux achats de matières premières, autres approvisionnements et marchandises, correspondant au volume d'affaires qui était dégagé avec la société Magiline, fournisseur;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 1134 alinéa 1 et 3 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi;
Que l'appelante ne saurait reprocher de bonne foi à l'intimée de ne pas avoir respecté le quota auquel elle était astreinte en 2008, dès lors que, d'une part, selon les extraits d'un magazine spécialisé versés aux débats, déjà en baisse en 2007, le marché (de la piscine) a chuté de 20 % sur le premier semestre 2008 et qu'en 2008, le marché de la piscine aurait, selon la FPP (Fédération des professionnels de la piscine), accusé un recul de 25 %, et que, d'autre part, le président de la SAS Magiline dans un éditorial paru dans le numéro 1 du trimestriel " Magi'news " de juin 2008, évoquait lui-même une saison qui " n'a pas encore véritablement démarré " et " un marché en forte décroissance ";
Que ce reproche n'était d'ailleurs pas formulé dans l'acte extrajudiciaire du 4 septembre 2009 sus-énoncé;
Attendu, enfin, que se référant aux deux procès-verbaux de constats d'huissier du 3 septembre 2009 susvisés, la SAS Magiline invoque une utilisation frauduleuse de sa marque par la société Eve Line en contravention avec l'article 11 du contrat de distribution exclusive du 28 juillet 2003, lequel stipule que le distributeur ne peut utiliser la marque et le logo Magiline ou toute autre marque dont serait titulaire la société que dans le cadre limité de la vente des produits au titre du présent contrat;
Mais attendu qu'il ne résulte pas desdits procès-verbaux de constats d'huissier une quelconque utilisation frauduleuse de la marque Magiline par la société Eve Line, mais seulement la présence de deux véhicules arborant cette marque sur le parking de deux sociétés tierces et celle d'un autre véhicule portant le même logo sur un chantier où n'était pas installée une piscine Magiline, faits qui ne sauraient caractériser, à eux seuls, le grief fait par la société appelante à la société intimée, étant rappelé que ces trois véhicules appartenaient à ces deux sociétés tierces;
Que la société intimée a d'ailleurs donné une explication simple et non contredite par la société appelante, en indiquant qu'il s'agissait d'autocollants distribués par Magiline et collés sur des véhicules de sous-traitants avec lesquels elle travaillait depuis janvier 2009 (chantier du camping avec la SAS Kawan Resorts);
Attendu, au vu des observations qui précèdent, que la SAS Magiline n'ayant pas caractérisé une quelconque inexécution du contrat de distribution exclusive du 28 juillet 2003 par la société Eve Line, la résiliation sans préavis de ce dernier n'était donc pas justifiée;
Que le jugement déféré sera, par conséquent, infirmé en ce qu'il débouté la société Eve Line de ses demandes liées à la rupture de contrat;
Et attendu que l'article 13.1 dudit contrat stipule que chaque partie pourra mettre fin au présent contrat en le notifiant à l'autre partie au moins 3 mois à l'avance;
Attendu, toutefois, qu'un préavis de trois mois était trop bref eu égard à l'ancienneté des relations commerciales établies entre la SAS Magiline et la société Eve Line et à l'organisation des structures et des prestations mise en place pour satisfaire la première citée;
Qu'en effet, ce préavis ne permettait pas à la société Eve Line de prendre ses dispositions pour donner en temps utile une nouvelle orientation à ses activités;
Attendu, en l'espèce, que le préavis raisonnable auquel la société Eve Line aurait pu prétendre aurait dû être de six mois, soit un an en vertu de l'article L. 442-6-I 5 du Code de commerce, qui édicte que lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur;
Que n'ayant pas respecté un tel délai, la SAS Magiline a ainsi commis une faute dans la rupture de ses relations commerciales avec la société Eve Line, dont elle doit réparation à cette dernière;
Attendu que, n'ayant observé aucun préavis, la SAS Magiline doit indemniser la société Eve Line de la perte de marge subie par celle-ci sur un an;
Qu'il résulte des productions que la marge brute d'exploitation hors amortissement de la société Eve Line était de 35 112 euro en 2008 et de 239 224 euro en 2007 pour les seules ventes de piscines, soit une moyenne annuelle de 137 168 euro, étant relevé que la clause de non-concurrence post-contractuelle d'une durée d'un an insérée au contrat de distribution exclusive du 28 juillet 2003 a interdit toute vente de piscines à la société Eve Line, qui en avait fait son activité principale ;
Qu'en conséquence, la SAS Magiline sera condamnée à payer à la SARL Eve Line qui ne démontre pas l'existence du préjudice complémentaire relatif à une perte sur la vente de produits périphériques et de services qu'elle allègue - la somme de 137 168 euro, augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, lequel est constitutif de la créance de réparation de la société intimée tant en son principe qu'en son montant;
Sur la concurrence déloyale invoquée par la société Eve Line
Attendu qu'aux termes de l'article 1382 du Code civil, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer";
Attendu que la concurrence déloyale est le fait d'un commerçant qui détourne ou tente de détourner la clientèle d'un autre commerçant ou encore s'efforce de nuire aux intérêts de ce dernier par des moyens contraires aux lois et aux usages professionnels;
Que le demandeur à l'action en responsabilité pour concurrence déloyale doit prouver la faute dommageable;
Attendu que l'article 3.1 du contrat du 28 juillet 2003 stipule:
" La présente distribution est confiée au distributeur à titre exclusif sauf toutefois à l'égard de Magiline.
En conséquence, pendant toute la durée de cette exclusivité, la société s'interdit de nommer dans le Territoire d'autres agents ou distributeurs pour la commercialisation des produits mais reste autorisée à vendre directement dans le Territoire les produits après information du distributeur ";
Attendu que la SARL Eve Line prétend, en l'état de ses écritures d'appel, que la SAS Magiline a usé de plus en plus souvent de cette vente directe à prix d'usine auquel Eve Line ne pouvait s'aligner, les mails versés aux débats prouvant en outre que ces piscines étaient posées " au noir " par des salariés de Magiline;
Mais attendu que les pièces censées, selon la SARL Eve Line, prouver ces allégations ne sauraient emporter la conviction de la cour, dès lors qu'il ne s'agit pas " de nombreux courriers et échanges de mails entre Eve Line et Magiline " tels que prétendus dans lesdites écritures, mais de mails (pièces n° 74, 75, 134, 135, 136, 137) et de lettres (pièces n° 3, 4, 5, 6, 138, 140) émanant de la seule société Eve Line, les deux mails envoyés à cette dernière par le président de la SAS Magiline le 14 janvier 2008 comportant des termes bien trop vagues pour caractériser une quelconque reconnaissance des faits allégués par l'appelante incidente (pièce n° 133 de celle-ci);
Attendu que la SARL Eve Line reproche, en outre, à la SAS Magiline d'avoir " abusivement utilisé le fichier clients de son distributeur évincé en effectuant des mailings auprès de ces derniers et en les démarchant de façon abusive ";
Mais attendu qu'à supposer que les mailings produits constituent un détournement du fichier clients de la société Eve Line, ce qui est formellement contesté par l'appelante faisant valoir que son distributeur n'avait pas de clientèle propre, force est de constater qu'ils émanent de " Magiline Troyes ", une SARL succursale de la SAS Magiline, qui est immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Troyes sous le numéro 498 165 869 et n'est pas partie en la présente instance;
Qu'il n'est, en outre, prouvé par l'appelante incidente aucun démarchage " de façon abusive " émanant de la SAS Magiline;
Attendu que le copiage des procédés de publicité de Eve Line et y compris les modalités de celle-ci allégué par l'appelante incidente n'est pas davantage établi par les extraits de TV Magazine du 20 mars 2010 et du 8 octobre 2006 produits par celle-ci, dès lors que la présentation photographique des mêmes piscines dans ces deux extraits est logique, puisque la société Eve Line vendait des piscines fabriquées par la SAS Magiline et que celle-ci avait créé une charte graphique, versée aux débats, à laquelle elle demandait à tous ses distributeurs de se conformer pour assurer une communication cohérente de sa marque;
Que, pour la même raison, le reproche d'utilisation illicite de supports publicitaires fait à la SAS Magiline ne saurait être retenu;
Attendu, enfin, que le refus de vente de produits et accessoires après la rupture du contrat de distribution exclusive allégué n'est pas établi par les productions, étant relevé que l'appelante incidente précise que la SAS Magiline avait résilié ledit contrat en laissant d'ailleurs le stock de produits Magiline qu'Eve Line a donc pu finir d'écouler ;
Qu'au vu des observations qui précèdent, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la SAS Magiline à verser la somme de 250 000 euro à titre de dommages et intérêts à la société Eve Line en réparation " d'agissements anticoncurrentiels " ;
Sur les demandes de la SARL Eve Line du chef de la garantie
Attendu que le contrat de distribution exclusive litigieux stipule:
" Le distributeur achète et revend les produits en son nom et pour son compte en qualité de commerçant indépendant. Il agit sous sa seule responsabilité dans ses rapports avec les tiers, à ses seuls frais, risques et périls. " (article 2.2)
" Dans la limite de la réglementation en vigueur et sauf faute démontrée de la société, de ses préposés ou des sous-traitants de la société, la responsabilité de la société envers le distributeur et son client se limitera à l'exécution de la garantie contractuelle énoncée aux conditions générales de vente de la société en vigueur à la date de la livraison (de la) commande au distributeur, selon les conditions et modalités de cette garantie. " (article 8.2)
" Le distributeur est seul responsable des prestations qu'il fournit à son client dont il fixe librement la contrepartie financière. " (article 9.1);
Que l'article 6.1 des conditions générales de vente de la SAS Magiline pour la France continentale, figurant en annexe 2 dudit contrat et expressément acceptées par les parties, est ainsi libellé :
" Les matériels sont garantis contractuellement contre tout défaut de matière ou de fabrication, (...).
Au titre de cette garantie, la seule obligation incombant à notre société sera le remplacement gratuit ou la réparation du matériel ou de l'élément reconnu défectueux par les services de notre société ou le remboursement comme indiqué ci-dessus. Tout matériel appelé à bénéficier de la garantie peut en effet, être au préalable, soumis au service après-vente de notre société dont l'accord est indispensable pour tout remplacement.
Les frais éventuels de port sont à la charge du client ";
Attendu que ces clauses limitatives de garantie ne sauraient être considérées comme exorbitantes, ainsi que le prétend la SARL Eve Line, au seul motif que le distributeur devait supporter le coût de la main d'œuvre et des déplacements nécessités par les demandes de garantie de ses clients ;
Qu'en effet, ces clauses avaient pour contrepartie l'exclusivité de distribution concédée à la SARL Eve Line;
Attendu que les matériels étaient ainsi garantis contre tout défaut de matière ou de fabrication et que la garantie contractuelle de la SAS Magiline, limitée au remplacement ou à la réparation de la pièce défectueuse, ne se substituait pas à la garantie légale obligeant le vendeur professionnel à garantir l'acheteur contre tous les défauts ou vices cachés de la chose vendue;
Que l'appelante incidente, qui indique produire " une liste non exhaustive des interventions qu'elle a été contrainte d'assumer (...) dans les deux mois qui ont précédé la rupture " et précise qu'il s'agit " de remplacements de pompes ou de projecteurs défectueux ", n'établit pas que l'un ou l'autre de ces matériels était affecté d'un vice indécelable;
Qu'ainsi que le fait observer justement la SAS Magiline, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'institution d'une mesure d'expertise formée par l'appelante incidente, dès lors que le second alinéa de l'article 146 du Code de procédure civile dispose qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve;
Attendu, en conséquence que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Eve Line de ses demandes relatives à la garantie des produits, y compris de sa demande d'expertise;
Sur la demande reconventionnelle de la SAS Magiline
Attendu que, reprochant à la société Eve Line d'avoir " participé à des activités concurrentes ", ajoutant que " la résiliation qui s'en est suivie " l'a " obligée " à " se réorganiser totalement " et que " la société Eve Line a immédiatement commercialisé les produits concurrents Hydro Sud, alors que l'article 14.2 du contrat de distribution lui imposait d'attendre 12 mois suivant la cessation du contrat (...) pour reprendre une activité de distribution ", la SAS Magiline prie la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes et prétentions et de condamner la société Eve Line à lui verser des dommages-intérêts " forfaitaires " d'un montant de 200 000 euro en réparation du préjudice subi à la suite des " manquements contractuels " de cette dernière;
Attendu que l'article 14.2 du contrat de distribution exclusive litigieux stipule:
Pendant les 12 (douze) mois suivant la cessation du contrat, le distributeur s'oblige à respecter sur le territoire l'obligation de non-concurrence visée à l'article 10, mais pour les seuls produits similaires aux produits. Cette obligation de non-concurrence ne s'appliquera toutefois pas aux produits que le distributeur avait en stock et que la société n'aura pas repris ou à ceux dont le distributeur n'avait pas l'obligation de restituer à la société ;
Mais attendu que l'exclusivité objet dudit contrat était limitée aux seules piscines Magiline ainsi qu'il l'a été exposé plus haut, la société intimée produisant d'ailleurs sous pièce n° 100 un avenant audit contrat de distribution non signé et contenant une " liste des produits ";
Que si le contrat de licence et d'adhésion au réseau " Hydro Sud Direct " souscrit le 23 septembre 2009 a permis à la société Eve Line de continuer son activité de négoce de produits et accessoires relatifs à la piscine, il reste que, le 11 mai 2010, le comptable de cette société a attesté " qu'aucune piscine n'a été vendue par la société Eve Line depuis la rupture du contrat intervenue le 4 septembre 2009 ";
Attendu, enfin, qu'il résulte des développements qui précèdent que la société Eve Line n'a pas " participé à des activités concurrentes " de celles de la SAS Magiline et que la résiliation du contrat litigieux n'était justifiée par aucun des motifs invoqués par cette dernière;
Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SAS Magiline de toutes ses demandes et prétentions, celle-ci devant encore être déboutée de sa demande de dommages et intérêts forfaitaires de 200 000 euro pour manquements contractuels;
Sur les demandes annexes
Attendu qu'en raison de la condamnation de la SAS Magiline à payer à la SARL Eve Line la somme de 137 168 euro, augmentée des intérêts légaux à compter du présent arrêt, la première citée ne peut qu'être déboutée de ses demandes de restitution de toutes les sommes et frais réglés au titre de l'exécution provisoire et d'allocation d'une indemnité de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts;
Attendu que le tribunal a, à bon escient, décidé de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
Attendu que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés pour 50 % par chaque partie, car, succombant à titre principal, la SAS Magiline doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et ne saurait donc voir prospérer ses demandes pour frais irrépétibles;
Attendu que l'indemnité qui doit être mise à la charge de la SAS Magiline au titre des frais non taxables exposés par la SARL Eve Line peut être équitablement fixée à la somme de 5 000 euro;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Déclare les appels recevables. Infirme le jugement rendu le 22 novembre 2010 par le Tribunal de commerce de Troyes en ce qu'il a : - débouté la société Eve Line de ses demandes liées à la rupture de contrat, - condamné la société Magiline à verser la somme de 250 000 euro à titre de dommages et intérêts à la société Eve Line en réparation d'agissements anticoncurrentiels, - fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés pour 50 % par chacune des parties. Et, statuant à nouveau, Dit que la faute telle que caractérisée commise par la société par actions simplifiée Magiline engage la responsabilité de celle-ci envers la société à responsabilité limitée Eve Line sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce. En réparation, condamne la société par actions simplifiée Magiline à payer à la société à responsabilité limitée Eve Line la somme de cent trente sept mille cent soixante-huit euro (137 168 euro), outre intérêts au taux légal à compter de ce jour. Déboute la société à responsabilité limitée Eve Line de sa demande pour actes de concurrence déloyale. Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société par actions simplifiée Magiline de toutes ses demandes et prétentions, en ce qu'il a débouté la société à responsabilité limitée Eve Line de ses demandes relatives à la garantie des produits, y compris de sa demande d'expertise, et en ce qu'il a décidé de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties. Y ajoutant, Déboute la société par actions simplifiée Magiline de ses demandes de restitution de toutes les sommes et frais réglés au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré et d'allocation d'une indemnité de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts forfaitaires d'un montant de 200 000 euro pour manquements contractuels formée à hauteur de cour. Condamne la société par actions simplifiée Magiline à payer à la société à responsabilité limitée Eve Line la somme de cinq mille euro (5 000 euro) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute la société par actions simplifiée Magiline de sa demande pour frais irrépétibles d'appel. Condamne la société par actions simplifiée Magiline aux dépens de première instance et d'appel, avec, pour ceux d'appel, droit de recouvrement direct au profit de la SCP Delvincourt Jacquemet Caulier-Richard, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.