Livv
Décisions

ADLC, 25 février 2011, n° 11-DCC-34

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à l'acquisition du contrôle exclusif de Ne Varietur par GDF Suez

ADLC n° 11-DCC-34

25 février 2011

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 15 décembre 2010, déclaré complet le 27 décembre 2010, relatif à l'acquisition du contrôle exclusif de Ne Varietur par GDF Suez formalisée par une lettre d'intention en date du 8 octobre 2010 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. La société GDF Suez Energie Services est une société anonyme de droit français, filiale à 100 % de la société GDF Suez (ci-après " GDF Suez "). GDF Suez est issue de la fusion entre Suez et Gaz de France en 2008. Elle est active tout au long de la chaîne de valorisation énergétique, dans l'électricité et le gaz naturel, d'amont en aval. GDF Suez est organisée en six branches distinctes : (i) Energie France, (ii) Energie Europe & International (iii) Global Gaz et GNL, (iv) Infrastructure, (v) Energie Services et (vi) Environnement. La branche " Energie Services " propose, par le biais de la société GDF Suez Energie Services, à ses clients de l'industrie, du tertiaire, des collectivités et administrations publiques et des infrastructures des prestations multi-techniques (génie électrique, thermique et climatique, mécanique, intégration de système), multiservices (engineering, installations, maintenance, exploitation, " facility management "), multi-énergies (gaz, électricité, charbon, énergies renouvelables dont biomasse et photovoltaïque) et multi-pays. Ces prestations couvrent l'ensemble de la chaîne de valeur des services techniques depuis la conception, la réalisation et la maintenance d'équipements, jusqu'à la gestion des énergies et des utilités ou encore la gestion multi-technique dans la durée.

2. La société Ne Varietur est une société anonyme de droit français, holding d'un groupe de vingt sociétés dont les activités sont organisées autour de quatre divisions : (i) la division réseaux de chaleur qui exploite, par le biais de la société Soccram, des réseaux de chaleur ; (ii) la division exploitation de chauffage et activité multi-techniques qui assure, par le biais de la société Soparec, la production et la distribution de chaleur aux " petits collectifs " (immeubles sociaux, copropriété, bureaux) ainsi qu'aux équipements publics (écoles, piscines, bâtiments municipaux) ; (iii) la division ingénierie et travaux qui réalise, par l'intermédiaire de la société ABP, les études techniques liées à l'activité de chauffage ; et (iv) la division entretien et création d'espaces verts qui assure, par le biais de la société Décoparc, la création, l'entretien et la préservation des espaces verts notamment auprès de sociétés du secteur tertiaire. Le capital social de la société Ne Varietur est détenu à hauteur de 61 % par la famille Merle, 34 % par GDF Suez, via sa filiale Cogac, et 5 % par d'autres personnes physiques. La nature du contrôle de GDF Suez sur Ne Varietur est examinée dans la section III de la décision.

3. La société CI2E est une société de droit français, détenue à hauteur de 60 % et contrôlée exclusivement par Monsieur Thierry Merle, dont l'activité principale est la maîtrise d'ouvrage dans les concessions de chauffage urbain. Elle n'intervient que dans le cadre des contrats exécutés par les sociétés du groupe Ne Varietur.

4. L'opération projetée consiste en l'acquisition par GDF Suez, par l'intermédiaire de la société GDF Suez Energie Services, du solde du capital social de la société Ne Varietur et de la totalité du capital social de la société CI2E (ci après, collectivement, " Ne Varietur "). L'opération se traduit donc par la prise de contrôle exclusif de Ne Varietur par GDF Suez, et constitue à ce titre une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

5. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d'affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euro en 2009 (GDF Suez : 79,9 milliards d'euro ; Ne Varietur : [...] euro). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euro (GDF Suez : [...] euro ; Ne Varietur : [...] euro). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

6. GDF Suez et Ne Varietur sont simultanément présentes en France sur le marché de la gestion et de l'exploitation d'installations techniques des bâtiments, le marché des travaux de génie climatique et le marché de la gestion déléguée des réseaux de chaleur.

7. Ne Varietur est également présente en France sur le marché de la création et de l'entretien d'espaces verts, marché sur lequel GDF Suez n'est pas présente.

8. GDF Suez est également présente sur des marchés présentant des liens verticaux ou connexes aux marchés sur lesquelles les activités des parties se chevauchent, à savoir le marché de la fourniture de gaz et le marché de la gestion technique et administrative d'ensembles immobiliers.

A. LE MARCHÉ DE LA GESTION ET DE L'EXPLOITATION D'INSTALLATIONS TECHNIQUES DES BÂTIMENTS

1. MARCHÉS DE SERVICES

9. La pratique décisionnelle nationale et communautaire antérieure (1) a considéré que le marché de l'exploitation et de la gestion d'installations techniques des bâtiments comprend des activités telles que la maintenance et la gestion technique d'immeubles, la gestion de sites, l'entretien des installations de chauffage et de climatisation, la gestion de l'éclairage public ou sur grandes surfaces.

10. La pratique décisionnelle a laissé ouverte la question de savoir si ce marché pouvait inclure certaines prestations aux occupants des bâtiments. Certaines décisions (2) ont identifié un marché distinct de la gestion technique et administrative d'ensembles immobiliers. Ce marché recouvre le pilotage et la réalisation de divers services aux occupants et aux bâtiments d'un site d'entreprise. La pratique a laissé ouverte la possibilité d'une segmentation de cette activité en fonction du type de services proposés (services aux bâtiments, services aux personnes, pilotage) ainsi que, s'agissant de certaines prestations isolées, en fonction de l'activité du client. La délimitation précise du marché peut cependant être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées quelle que soit la définition retenue.

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

11. La pratique décisionnelle communautaire a considéré que le marché de l'exploitation et de la gestion d'installations techniques des bâtiments revêtait une dimension nationale. La pratique nationale postérieure a cependant relevé que certains éléments pouvaient amener à considérer une certaine dimension locale du marché lorsqu'intervenaient des acteurs de taille relativement moyenne, des contrats d'un montant assez limité, des clients de tailles diverses et des travaux de différente nature (soit des travaux de gros entretien planifiés pendant plusieurs années, soit des travaux de réparation nécessitant une intervention rapide et par conséquent une certaine proximité géographique). Elle a néanmoins laissé ouverte la délimitation précise du marché. Il peut en être de même au cas d'espèce, dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

12. S'agissant de la délimitation géographique du marché de la gestion technique et administrative d'ensembles immobiliers, la pratique décisionnelle nationale antérieure a considéré que ce marché revêtait une dimension nationale. En effet, les contrats concernent des prestations souvent multi-sites et les principaux opérateurs actifs sur ce marché disposent d'un réseau national d'agences et de relais opérationnels couvrant l'ensemble du territoire.

B. LE MARCHÉ DES TRAVAUX DE GÉNIE CLIMATIQUE

13. Le génie climatique recouvre l'ensemble des techniques propres aux métiers du chauffage, de la ventilation et de la climatisation.

14. Selon la pratique décisionnelle nationale antérieure (3), il y a lieu de distinguer en matière de génie climatique entre, d'une part, les services d'installation et, d'autre part, les services de gestion et de maintenance. En effet, les deux types de prestations ne font pas généralement l'objet des mêmes contrats et ne sont généralement pas assurées par les mêmes prestataires. Le marché des travaux de génie climatique comprend donc les travaux qui excèdent l'entretien courant et la réparation des équipements thermiques, et nécessitent la réalisation d'une étude technique approfondie. La question d'une éventuelle sous-segmentation de ce marché entre les secteurs résidentiel et non-résidentiel a été laissée ouverte. Au cas d'espèce, les parties sont uniquement présentes sur le segment non-résidentiel de ce marché.

15. S'agissant de la délimitation géographique de ce marché, la pratique décisionnelle nationale antérieure a laissée ouverte la question de savoir si celle-ci revêtait une dimension nationale ou locale. Elle a néanmoins relevé que les principaux acteurs sur le marché sont implantés au niveau national.

16. Au cas d'espèce, la délimitation précise du marché peut également être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

C. LE MARCHÉ DE LA GESTION DÉLÉGUÉE DES RÉSEAUX DE CHALEUR

1. MARCHÉ DE SERVICES

17. Les réseaux de chaleur sont des équipements collectifs de distribution de chaleur, produite sous forme de vapeur ou d'eau chaude par des unités centralisées de production permettant d'alimenter des immeubles en chauffage et en eau chaude sanitaire. Un réseau de chaleur comprend (i) une ou plusieurs unités de production de chaleur (chaufferies) fonctionnant à l'aide de sources d'énergies et/ou d'unités de récupération de chaleur (incinération d'ordures ménagères, chaleur industrielle), de géothermie, d'un autre réseau de chaleur ou d'installations de cogénération, et (ii) un réseau de canalisations (dit " réseau primaire ") empruntant la voirie publique ou privée, aboutissant à des postes de livraison de la chaleur aux utilisateurs (sous-stations). Les réseaux secondaires de canalisations, distribuant la chaleur aux usagers en aval de ces postes de livraison, ne font en effet pas partie du " réseau " proprement dit (4).

18. La Commission européenne a considéré que les réseaux de chaleur devaient être distingués des réseaux de froid (5). Le test de marché effectué auprès des collectivités a confirmé cette distinction puisque les réseaux de froid n'utilisent ni les mêmes réseaux ni les mêmes moyens de production que les réseaux de chaleur et que les utilisateurs finaux sont différents.

19. Le Syndicat National du Chauffage Urbain (" SNCU ") recense, en 2009, 432 réseaux (418 réseaux de chaleur et 14 réseaux de froid) en France, répartis sur plus de 350 villes et s'étendant sur 3 373 km (6). De nouveaux réseaux sont créés tous les ans. Selon les parties, il y aurait eu, entre 2007 et 2010, 28 nouveaux réseaux pour lesquels des appels d'offres ont été organisés afin d'en assurer la gestion.

20. En 2009, la répartition par source d'énergie (en quantité de chaleur distribuée) des réseaux de chaleur est la suivante : énergies fossiles 61 % (dont gaz naturel 44 %, charbon 8 %, fioul lourd 8 %) ; énergies renouvelables et de récupération 31 % (dont chaleur de récupération provenant des usines d'incinération d'ordures ménagères (" UIOM ") 23 %, biomasse 3 %, géothermie 3 %) (7).

21. La distribution publique de chaleur relève de la compétence des collectivités territoriales qui peuvent soit en assurer elles-mêmes la gestion complète (en général en régie), soit déléguer cette gestion à un opérateur public ou privé dans le cadre d'une délégation de service public (ci-après " DSP "). Les régies sont minoritaires, représentant moins de 10 % des réseaux de chaleur en France en 2009. Dans le cas des délégations de service public, on parle de " concession " lorsque les investissements et l'exploitation sont réalisés par un opérateur privé qui verse à la collectivité une redevance pour l'utilisation du domaine public et d'" affermage " lorsque les installations sont financées par la collectivité mais exploitées par un opérateur privé. Depuis l'adoption de la loi n° 93-122 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin, du 29 janvier 1993, les DSP ne peuvent plus être conclues pour une durée dépassant 24 ans en concession et 12 à 16 ans en affermage. En fonction des investissements requis, la durée des contrats de DSP de réseaux de chaleur varie en pratique entre 12 et 24 ans. Néanmoins un certain nombre de contrats actuellement en vigueur ont été conclus antérieurement à l'adoption de la loi Sapin et ont une durée nettement plus longue (pouvant aller jusqu'à 97 ans).

22. Le choix des sources d'énergie primaire est fait par la collectivité qui délègue la gestion de son service public. Ce choix dépend souvent de contraintes géographiques et détermine le type d'installation nécessaire. Le choix du fournisseur de la source primaire d'énergie s'impose pour de longues durées pour des énergies telles que la géothermie, l'incinération d'ordures ménagères et la cogénération alors que cette période peut être plus courte s'agissant des sources primaires d'énergie fossile (de 1 à 3 ans). En effet, pour les combustibles fossiles (gaz, charbon, fioul), les réseaux peuvent présenter une certaine flexibilité et donc une certaine substitution entre différentes sources primaires d'énergie. A cet égard, les contrats de DSP prévoient une énergie de substitution aux côtés de la source d'énergie primaire principale utilisée pour générer la chaleur dans le réseau. Les variations de prix des énergies primaires sont répercutées aux consommateurs selon des formules préétablies convenues entre l'autorité délégante et le délégataire.

23. Selon la pratique décisionnelle européenne, la gestion de réseaux de chaleur dans le cadre de DSP constitue un marché pertinent (8). Le test de marché effectué auprès des collectivités a confirmé la pertinence de cette distinction. En effet, tant la nature de l'activité consistant pour une collectivité à gérer elle-même un réseau que la difficulté pour une collectivité de créer en son sein l'expertise nécessaire à la reprise d'un réseau en régie excluent d'intégrer ce type d'exploitation au marché de la gestion des réseaux de chaleur sur lequel interviennent les opérateurs spécialisés.

24. Le marché de services en cause est donc le marché de la gestion déléguée des réseaux de chaleur (ci-après " marché des réseaux de chaleur ").

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

25. La pratique décisionnelle nationale et communautaire antérieure (9) a considéré que le marché des réseaux de chaleur revêtait une dimension nationale. Les parties estiment que le marché pourrait être plus large, dans la mesure où des concurrents de taille européenne ont répondu au cours des dernières années aux principaux appels d'offres. Néanmoins, il ressort du test de marché effectué auprès des collectivités et des concurrents des parties que les principaux opérateurs français répondent à la majorité des appels d'offres et que les opérateurs étrangers participent rarement aux appels d'offres en France et soumissionnent généralement en groupement avec l'un des opérateurs nationaux.

26. Selon l'un des répondants au test de marché, la dimension géographique du marché serait plutôt régionale, dans la mesure où la participation des opérateurs aux appels d'offres est conditionnée à la détention de ressources suffisantes au niveau régional pour assurer un service continu. Il souligne, à cet égard, que les principaux opérateurs du secteur disposent d'organisations régionales comprenant notamment des supports techniques, commerciaux et administratifs à partir desquels ils interviennent localement.

27. Cependant, au stade de l'organisation des appels d'offres, l'instruction a montré que les principaux opérateurs qui participent aux procédures organisées par les collectivités candidatent généralement sur l'ensemble du territoire national, qu'il s'agisse d'opérateurs importants tels que GDF Suez et Dalkia ou d'opérateurs plus petits. S'agissant de ces derniers, si le nombre de réseaux gérés, nécessairement plus faible que le nombre de réseaux gérés par GDF Suez et Dalkia, limite leur implantation géographique, ceci ne les empêche pas de participer aux appels d'offres sur l'ensemble du territoire national.

28. L'analyse concurrentielle portera donc sur le marché national. L'instruction ayant également montré que l'exploitation de réseaux géographiquement proches de la région dans laquelle une procédure est organisée constitue un avantage concurrentiel significatif pour l'obtention d'une DSP, il sera donc tenu compte de ces effets dans l'analyse.

D. LES MARCHÉS DE LA FOURNITURE DE GAZ

29. Les autorités de concurrence communautaire et nationales (10) distinguent, de l'amont à l'aval, les activités d'exploration/production, de vente en gros, de transport, de stockage, de négoce et de fourniture comme marchés de produits distincts dans le domaine du gaz. Ne Varietur n'est actif sur aucun de ces marchés mais s'approvisionne auprès de GDF Suez dans le cadre de son activité sur le marché aval des réseaux de chaleur.

30. Au sein des activités de fourniture de gaz, les autorités de concurrence (11) ont distingué : (i) la fourniture de gaz aux gros clients industriels (parmi lesquels Ne Varietur), (ii) la fourniture de gaz aux petits clients industriels et commerciaux, (iii) la fourniture de gaz aux producteurs d'électricité, (iv) la fourniture de gaz aux revendeurs intermédiaires (entreprises locales de distribution), et (v) la fourniture de gaz aux clients résidentiels.

31. Enfin, la Commission européenne a noté que les clients ayant exercé leur éligibilité, en basculant du tarif réglementé vers le tarif libre, n'avaient pas la possibilité de revenir au tarif réglementé. De ce fait, il existerait une asymétrie de contrainte concurrentielle entre fourniture de gaz à tarif réglementé et fourniture de gaz à tarif libre, la substituabilité entre les deux segments ne jouant que dans un sens. Elle en a conclu que les marchés pertinents étaient les marchés de la fourniture de gaz aux clients ayant exercé leur éligibilité.

32. S'agissant de la délimitation géographique des marchés de la fourniture de gaz, la Commission européenne a considéré que ces marchés étaient de dimension infranationale. Elle a notamment identifié plusieurs zones d'équilibrage pour lesquelles les conditions de concurrence diffèrent significativement, à savoir la zone Nord (subdivisée entre gaz L et gaz B), la zone Sud, la zone Ouest, la zone Est et la zone Sud-Ouest.

33. Les parties ont fourni des données sur les marchés de produits concernées au niveau national. Néanmoins, il n'est pas nécessaire, dans le cadre de l'analyse de l'opération notifiée, de se prononcer sur la délimitation géographique précise des marchés de la fourniture de gaz, dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureraient inchangées.

III. Analyse concurrentielle

A. LE CADRE D'ANALYSE

34. A titre liminaire, les parties font valoir que le passage pour GDF Suez d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif de Ne Varietur n'est pas de nature à modifier la structure de la concurrence sur les marchés concernés par l'opération.

35. De fait, dans plusieurs affaires précédentes les autorités de concurrence tant nationale que communautaire ont souligné que le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif n'est généralement pas en lui-même susceptible de modifier significativement les conditions de l'exercice de la concurrence. Cependant, dans des affaires plus complexes concernant en particulier des parties en situation de concurrence avant la concentration, le fait que l'acquéreur exerce déjà un contrôle conjoint n'a pas empêché les autorités de concurrence d'analyser soigneusement les effets de l'opération sur la concurrence (12).

36. Dans le cas présent, pour évaluer l'incidence de l'acquisition par GDF Suez du solde du capital de Ne Varietur, et des effets du passage d'un contrôle en commun à un contrôle exclusif qui en résulte, il importe tout d'abord d'analyser dans quelle mesure GDF Suez et Ne Varietur ont exercé une pression concurrentielle l'une sur l'autre avant la concentration. À cet effet, il convient d'examiner l'organisation et le gouvernement d'entreprise de Ne Varietur ainsi que l'étendue et la nature de l'interaction concurrentielle entre les parties sur le marché lorsque leurs activités se chevauchent.

37. La Commission européenne et l'Autorité de la concurrence ont analysé les liens existants entre GDF Suez et Ne Varietur dans de précédentes décisions (13). Il ressort de ces éléments ainsi que de ceux produits par les parties que :

a. par lettre en date du 3 août 2000, GDF (via sa filiale Cogac) et Ne Varietur (via ses actionnaires majoritaires) ont convenu de former ensemble une alliance stratégique aux termes de laquelle Ne Varietur devait assurer le développement du gaz dans les réseaux qu'il exploite et GDF devait faire de Ne Varietur son " outil de développement " dans le secteur des réseaux de chaleur en France. En vertu d'un protocole d'accord, également daté du 3 août 2000, la société Cogac a pris une participation à hauteur de 34 % dans le capital de Ne Varietur le 17 août 2000 ;

b. le 17 août 2000, Cogac a souscrit un montant de [...] euro en obligations convertibles en action auprès de Ne Varietur. Le même jour, Cogac et les actionnaires de Ne Varietur ont signé une convention d'actionnaires reconnaissant à Cogac certains droits et prérogatives incluant notamment :

- la désignation de trois des huit administrateurs du conseil d'administration de Ne Varietur ;

- l'assentiment exprès d'au moins un des administrateurs nommés sur proposition de Cogac nécessaire pour les décisions stratégiques incluant notamment l'approbation du budget annuel et toute conclusion d'un engagement commercial dont le montant excède [...] euro, ayant une durée supérieure à [...] ans ou prévoyant une clause d'exclusivité (ces deux critères couvriraient tous les projets de réseaux de chaleur en concession) ;

- une réunion du conseil d'administration du holding au moins quatre fois par an, et la remise d'un rapport trimestriel comprenant le compte d'exploitation, la situation de trésorerie, l'évolution et les perspectives commerciales, financières et industrielles du groupe ne Varietur ;

- un droit d'audit pour Cogac ;

- la constitution d'un " comité commercial " ayant pour objet d'examiner les contrats de concession et les contrats d'exploitation conclus par les sociétés du groupe Ne Varietur et d'assurer le suivi des relations du groupe avec les municipalités, les exploitants et co-concédants.

38. Cependant, les relations entre GDF et Ne Varietur se sont rapidement détériorées. La mésentente entre les parties formalisée dans les procès verbaux des conseils d'administration de Ne Varietur et les échanges de correspondance intervenus entre les représentants des deux groupes portant sur l'interprétation des accords d'août 2000 a donné lieu à plusieurs contentieux judiciaires initiés devant le tribunal de commerce de Paris ainsi qu'à un contentieux porté devant l'Autorité de la concurrence. A cet égard, les parties ont indiqué à la Commission en 2006 que " les accords de 2000 n'ont pas été mis en œuvre " et que " depuis le 19 janvier 2006, il n'y a plus d'administrateurs Cogac dans le conseil de Ne Varietur ". Compte tenu des ces éléments, la Commission européenne, dans sa décision précitée, a considéré que si Cogac, et donc GDF, avait la possibilité d'exercer un contrôle conjoint sur Ne Varietur, celui-ci était " pour le moment probablement perturbé par les litiges entre le groupe GDF et le groupe [Ne Varietur] " (14).

39. Les parties ont confirmé qu'aucun administrateur de Cogac/GDF Suez n'a siégé au conseil d'administration de Ne Varietur depuis janvier 2006. Les parties soutiennent, en revanche, que depuis le 1er octobre 2010, soit sept jours avant la signature de la lettre d'intention formalisant les termes de l'opération notifiée, les relations entre les deux groupes se seraient normalisées, GDF Suez anticipant de pouvoir participer aux prochains conseils d'administration de Ne Varietur. Néanmoins, cette évolution étant concomitante à la lettre d'intention de GDF Suez portant sur l'acquisition de la totalité du capital social de Ne Varietur, elle a pour objet d'assurer le bon déroulement de l'opération notifiée et doit être considérée comme constitutive de cette opération.

40. Les parties confirment également que, compte tenu des divergences ayant existé entre GDF Suez et Ne Varietur et de l'absence de GDF Suez aux conseils d'administration de Ne Varietur, cette dernière a exercé ses activités en pleine autonomie commerciale au moins jusqu'au 1er octobre 2010. Ceci est étayé par des correspondances entre les parties des 30 septembre 2002 et 20 novembre 2003 selon lesquelles les représentants de Cogac ont signifié à Ne Varietur leur intention de soumissionner en pleine autonomie à des appels d'offres pour des contrats de DSP d'exploitation de réseaux de chaleur. La concurrence entre les parties jusqu'à ce jour est enfin établie par les nombreuses candidatures concurrentes qu'elles ont déposé dans des procédures d'appels d'offre durant la période considérée.

41. L'ensemble de ces éléments démontrent que Ne Varietur exerce ses activités indépendamment de GDF Suez et qu'elle prend ses décisions commerciales en toute indépendance vis-à-vis de GDF Suez et en concurrence avec celui-ci. GDF Suez et Ne Varietur peuvent donc être considérées comme des concurrents aux fins de l'appréciation de l'opération notifiée. Le passage envisagé d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif mettrait donc fin à l'indépendance opérationnelle de Ne Varietur vis à-vis de GDF Suez et éliminerait le degré de concurrence actuel entre les deux entreprises.

B. LE MARCHÉ DE LA GESTION ET DE L'EXPLOITATION D'INSTALLATIONS TECHNIQUES DES BÂTIMENTS

42. GDF Suez et Ne Varietur, via sa filiale Soparec, sont simultanément présentes sur le marché de la gestion et de l'exploitation d'installations techniques des bâtiments. En revanche, seule GDF Suez est présente sur le marché connexe de la gestion technique et administrative d'ensembles immobiliers.

43. Selon les estimations des parties, la taille de ce marché est de 5 milliards d'euro en 2009. Avec un chiffre d'affaires de [...] euro en 2009, GDF Suez détient une part de marché de [20-30] % et Ne Varietur, avec un chiffre d'affaires de [...], de [0-5] %. A l'issue de l'opération notifiée, la part de marché combinée des parties sera donc d'environ [20-30] %. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité continuera à faire face à la concurrence de Dalkia ([20-30] %), ainsi qu'à la concurrence de plus petits opérateurs tels que Herve Thermique ([0-5] %), Idex ([0-5] %) et de nombreux autres concurrents représentant ensemble près de la moitié de l'offre sur le marché.

44. Compte tenu de la faible part de marché détenue par Ne Varietur et de la présence de nombreux concurrents, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la gestion et de l'exploitation d'installations techniques des bâtiments.

45. L'opération notifiée n'est pas non plus susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché connexe de la gestion technique et administrative d'ensembles immobiliers, où seule GDF Suez est active, compte tenu du caractère très concurrentiel de ce marché et de la part relativement modeste, de l'ordre de [10-20] %, qu'y représentent les activités de GDF Suez.

C. LE MARCHÉ DES TRAVAUX DE GÉNIE CLIMATIQUE

46. GDF Suez, essentiellement via da filiale Axima-Seitha, et Ne Varietur, via sa filiale ABP, sont simultanément présentes sur le marché des travaux de génie climatique.

47. Selon les meilleures estimations des parties, la taille de ce marché s'élève à 4 milliards d'euro en 2009. Avec un chiffre d'affaires de [...] euro en 2009, GDF Suez détient une part de marché de [20-30] % et Ne Varietur, avec un chiffre d'affaires de [...], de [0-5] %. A l'issue de l'opération notifiée, la part de marché combinée des parties sera donc d'environ [20-30] %.

48. L'opération notifiée aboutira donc à une addition de parts de marché négligeable. De plus, l'entité combinée continuera à faire face à la concurrence de nombreux opérateurs tels que Vinci Energie ([10-20] %), Spie ([5-10] %), Herve Thermique ([5-10] %), Eiffage ([5-10] %), Dalkia ([5-10] %) et de nombreux autres concurrents.

49. Compte tenu de ces éléments, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché des travaux de génie climatique.

D. LE MARCHÉ DE LA GESTION DÉLÉGUÉE DE RÉSEAUX DE CHALEUR

50. GDF Suez, via ses filiales Elyo et Cofely, et Ne Varietur, via sa filiale Soccram, sont simultanément présentes sur le marché des réseaux de chaleur en France.

1. PARTS DE MARCHÉ

51. Les parts de marché des parties et de leurs concurrents sur le marché des réseaux de chaleur (hors réseaux de froid et réseaux gérés en régie) en termes de nombre de réseaux gérés en 2009 sont reproduites dans le tableau ci-dessous.

<emplacement tableau>

52. GDF Suez considère que le critère du nombre de réseaux gérés est le plus probant pour mesurer la part de marché des parties parce qu'il témoigne du succès obtenu par chaque opérateur dans l'attribution des contrats à l'issue d'appels d'offres. GDF Suez ajoute que l'acquisition d'un réseau confère une implantation commerciale à l'exploitant, qui lui permet ensuite de développer son portefeuille de clients grâce aux extensions de réseaux ultérieures.

53. Cependant, comme l'a relevé la Commission européenne, dans la décision Gaz de France/Suez précitée, le raisonnement fondé sur le nombre de réseaux ne tient pas compte de deux éléments. Premièrement, le nombre de réseaux gérés reflète, dans une large mesure, le succès passé des différents acteurs ; en effet même si les contrats de gestion postérieurs à la loi Sapin sont conclus pour des périodes de 12 à 24 ans, certains réseaux sont encore exploités en application de contrats de concession antérieurs et dont la durée dépasse les plafonds imposés par la loi. Deuxièmement, le nombre de réseaux surestime l'importance des petits réseaux, dont certains sont alimentés au bois, ou reflète une situation dans laquelle certains opérateurs se limitent aux plus grands réseaux tandis que d'autres opérateurs ne sont pas capables de présenter des candidatures crédibles pour les obtenir. L'Autorité considère donc, à l'instar de la Commission européenne, que le volume (en GWh) et le chiffre d'affaires (en millions d'euro) des réseaux gérés pour calculer les parts de marché constituent également des indicateurs pertinents (15).

54. Les parts de marché des parties et de leurs concurrents en volume (GWh) et valeur (millions d'euro) des réseaux de chaleur gérés en 2009 (hors réseaux en régie) sont reproduites dans les tableaux ci-dessous. Les parties soutiennent que les ventes de chaleur et non la production de chaleur doivent être prises en considération pour calculer la taille du marché. Elles relèvent à cet égard que ces données commerciales sont plus précises et mieux connues (puisque relevées à partir de compteurs et facturées à l'abonné). La majorité des opérateurs concurrents a confirmé cette assertion. Par ailleurs, il existe une divergence sur le point d'intégrer ou non dans la valeur totale du marché les ventes d'électricité à partir de cogénérations installées sur des réseaux de chaleur (16). Les parts de marché sont donc présentées avec et sans les ventes d'électricité. En tout état de cause, quelle que soit la méthode retenue, les différences ne sont pas significatives.

<emplacement tableau>

55. Il ressort de ces éléments qu'en estimant les parts de marché de la manière la plus défavorable aux parties, c'est-à-dire sur la base des volumes de chaleur vendue, l'opération conduira à un incrément d'environ [5-10] % de la part de marché de GDF Suez pour la porter à [40-50] %. L'acquisition de Ne Varietur permettra donc à GDF Suez de devenir le premier opérateur sur le marché des réseaux de chaleur en France devant Dalkia (environ [30-40] %), suivie d'Idex (environ [0-5] %) et Coriance (environ [0-5] %). Les autres opérateurs sont pour la plupart des opérateurs locaux qui gèrent un, ou exceptionnellement deux réseaux, à l'exception de NeoElectra qui gère quatre réseaux et détient une part de marché de [0-5]% (en termes de volume de chaleur vendue). Pour l'essentiel, ces parts de marché sont restées stables au cours des cinq dernières années.

56. Par ailleurs, le fait que Dalkia gère près de deux fois plus de réseaux que GDF Suez ([...] contre [...] dont [...] gérés par Ne Varietur) montre que les réseaux gérés par Dalkia sont en moyenne moins importants que GDF Suez. Ce dernier gère notamment, depuis 1927, via sa filiale CPCU, le réseau de chaleur de la ville de Paris, en vertu d'un contrat d'une durée de 97 ans, lequel représente environ [20-30] % de sa part de marché en termes de volume de chaleur vendue. GDF Suez soutient à cet égard que l'exploitation de ce réseau devrait être exclue de l'analyse parce que la CPCU est une société d'économie mixte (" SEM ") constituée avec la ville de Paris. De plus, selon GDF Suez, sa qualité de délégataire du réseau de la ville de Paris n'apporterait aucun avantage au groupe lorsqu'il se porte candidat à d'autres réseaux dont la dimension et les enjeux techniques sont différents.

57. Cependant, si l'Autorité de la concurrence a pu, dans sa pratique décisionnelle, exclure les activités exploitées par des SEM dans lesquelles des parties ne détenaient qu'une participation minoritaire non-contrôlante pour calculer leurs parts de marché (17), tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque GDF Suez détient 64,39 % des titres de la CPCU. De plus, la seule absence prétendue d'avantage tiré de l'exploitation du réseau de la ville de Paris n'est pas de nature à exclure cette activité des parts de marché de GDF Suez. On peut par exemple relever que la partie notifiante confirme livrer de la chaleur depuis le réseau parisien à des réseaux limitrophes. Dans ce contexte, l'exploitation du réseau de la ville de Paris par la CPCU doit être retenue pour calculer les parts de marché de GDF Suez.

2. BARRIÈRES À L'ENTRÉE

58. Il n'y a eu aucune entrée sur le marché au cours des cinq dernières années. Les seuls changements intervenus sur le marché sont des changements d'actionnaires d'opérateurs existants et déjà présents sur le marché français.

59. Par ailleurs, les groupements étrangers participent très rarement aux appels d'offres en France et, le cas échéant, ils agissent généralement en partenariat ou en sous-traitance d'opérateurs français reconnus. Le test de marché effectué auprès des collectivités et des concurrents a montré, à cet égard, qu'une présence en France et une expérience de la gestion des réseaux de chaleur en France sont essentiels pour qu'un opérateur soit perçu comme un soumissionnaire crédible.

60. De plus, comme examiné plus en détail aux paragraphes 77 à 79 ci-dessous, la plupart des opérateurs interrogés lors du test de marché relèvent que les avantages bénéficiant au délégataire " sortant " lors du renouvellement des DSP constituent une barrière à l'entrée significative pour les opérateurs présentant des offres offensives.

61. Il ressort enfin de l'instruction que l'importance de la présence des principaux opérateurs du marché dans certaines régions, renforce leur crédibilité dans le cadre de procédures pour l'attribution de DSP dans des zones proches de celles où elles exploitent déjà un ou plusieurs réseaux. L'existence de cette barrière à l'entrée est analysée plus en détail aux paragraphes 80 à 84 ci-dessous.

3. ANALYSE DES EFFETS UNILATÉRAUX

a) Effets horizontaux

62. L'opération notifiée conduira à combiner le deuxième et le troisième opérateur (en valeur et en volume) sur le marché des réseaux de chaleur en France. La nouvelle entité sera le premier opérateur sur le marché devant Dalkia (en valeur et en volume). L'opération notifiée conduira donc à la disparition d'un des trois opérateurs animant la concurrence sur le marché des réseaux de chaleur face à GDF Suez et Dalkia qui ensemble représenteront près de [80-90] % du marché des réseaux de chaleur en France.

63. Les parties soulignent cependant que, s'agissant d'un marché fonctionnant par appels d'offres, le niveau de parts de marché n'est pas un bon indicateur de l'intensité de la concurrence, et donc du pouvoir de marché des opérateurs. Celui-ci résiderait plutôt dans l'intensité de la concurrence que se livrent les opérateurs pour remporter les appels d'offres.

Analyse des appels d'offres

64. Afin d'évaluer si les parts de marché des parties surestiment ou sous-estiment leur pouvoir de marché, il convient d'examiner les conditions de concurrence sur ce marché d'appels d'offres et donc de déterminer, sur la base d'une analyse des appels d'offres passés, combien de soumissionnaires crédibles exercent une pression concurrentielle sur les parties et quelle était l'intensité de la concurrence entre Ne Varietur et GDF Suez ainsi qu'entre Ne Varietur et les autres opérateurs avant l'opération.

65. Le marché des réseaux de chaleur en France est caractérisé par un petit nombre d'appels d'offres par an et par une durée des contrats de DSP très longue. Selon les données fournies par les parties, 24 appels d'offres annuels en moyenne ont été organisés durant la période 2007-2010. Ces appels d'offres ont porté sur des contrats de DSP pouvant aller jusqu'à 24 ans.

66. Le nombre d'offreurs sur le marché est restreint. En effet, à côté de GDF Suez, les seuls autres opérateurs significatifs sont Dalkia, Coriance, Idex et Ne Varietur. D'autres opérateurs sont également présents tels que notamment NeoElectra ou SEEM mais participent à peu d'appels d'offres.

67. Selon les estimations fournies par les parties, complétées par les éléments recueillis auprès des concurrents et des collectivités interrogés au cours de l'instruction, le nombre moyen d'offres remises par appel d'offres chaque année est de 2,3 pour la période 2007-2010 :

<emplacement tableau>

68. Parallèlement, le nombre moyen d'offres remises par appel d'offres et par opérateur est reproduit dans le tableau ci-dessous.

<emplacement tableau>

69. Il ressort de l'analyse des appels d'offres en France entre 2007 et 2010, sur la base des données recueillies au cours de l'instruction relatives à 98 appels d'offres, que les participants les plus fréquents aux appels d'offres sont : Dalkia ([80-90] %), GDF Suez ([50-60] %), Coriance ([40-50] %), Idex ([20-30]%) et Ne Varietur ([10-20] %). Hormis ces cinq opérateurs, on ne trouve que rarement d'autres participants (à titre d'exemple, NeoElectra n'a participé qu'à [0-5] appels d'offres pendant cette période).

70. Parallèlement, le taux de succès de ces opérateurs aux appels d'offres auxquels ils ont participé pendant la période 2007-2010 était de [60-70] % pour Dalkia ([40-50]% pour les candidatures offensives et [80-90] % pour les candidatures défensives), [50-60] % pour GDF Suez ([50-60] % pour les candidatures offensives et [70-80] % pour les candidatures défensives), [10-20] % pour Coriance ([10-20] % pour les candidatures offensives et [50-60] % pour les candidatures défensives), [30-40] % pour Idex ([20-30] % pour les candidatures offensives et [70-80] % pour les candidatures défensives) et [20-30] % pour Ne Varietur ([20-30] % pour les candidatures offensives et [30-40] % pour les candidatures défensives).

71. La grande majorité des collectivités ayant répondu au test de marché a indiqué que trois participants crédibles à un appel d'offres étaient nécessaires pour obtenir une offre finale compétitive. Le nombre moyen d'offres constatés pour la période 2007-2010 s'élève à 2,3 et est donc inférieur à ce chiffre.

72. Les collectivités perçoivent généralement GDF Suez, Dalkia, Ne Varietur et Coriance comme des concurrents alternatifs et positionnent généralement Idex comme un concurrent se présentant sur des projets plus modestes. Néanmoins, il ressort de l'analyse des appels d'offres que la pression concurrentielle exercée sur le marché est variable en fonction des opérateurs. Ainsi l'opérateur le plus assidu est Dalkia qui, au cours de la période 2007-2010, a participé à [80-90] appels d'offres, soit un taux de participation de [80-90] %. La société a remporté [20-30] des [30-40] offres défensives et [20-30] des [40-50] offres offensives qu'elle a remises.

73. Le taux de participation de GDF Suez au cours de la période 2007-2010 est moins élevé, et s'élève à [50-60] %, le groupe ayant participé à [50-60] appels d'offres. Le groupe a remporté [10-20] de ses [10-20] offres défensives et [20-30] de ses [40-50] offres offensives.

74. Coriance se situe dans un ordre de grandeur proche, ayant participé à [40-50] appels d'offres au cours de la période 2007-2010, soit un taux de participation de [40-50] %. La société a remporté [0-5] des [0-5] offres défensives et [0-5] des [0-5] offres offensives qu'elle a remises ([...]). Coriance participe ainsi régulièrement et remporte des appels d'offres portant soit sur des réseaux existants, soit sur des créations de nouveaux réseaux. Parmi les appels d'offres offensifs qu'elle a remportés au cours de cette période, la moitié portaient sur des réseaux existants. Par ailleurs, Coriance enregistre une croissance régulière dans le secteur depuis 2006 et est perçue par les collectivités comme une alternative crédible à GDF Suez et Dalkia. Enfin, la cession par GDF de Coriance en 2008 au groupe italien A2A n'a pas altéré les capacités financières de la société qui continue de disposer des capitaux nécessaires pour investir. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Coriance continue d'être un concurrent crédible sur le marché et constitue l'opérateur le plus actif de la frange concurrentielle.

75. Idex, au cours de la période 2007-2010, a participé à [20-30] appels d'offres. Sa participation a augmenté de manière importante pendant cette période ([10-20] % en 2007, [20-30] % en 2008, [20-30] % en 2009 et [40-50] % en 2010). La société a remporté [5-10] des [5-10] offres défensives et [5-10] des [20-30] offres offensives qu'elle a remises. Sur les [5-10] appels d'offres offensifs remportés, [0-5] correspondent à des créations de réseaux. Par ailleurs, Idex ne dispose pas des mêmes capacités d'investissement que GDF Suez, Dalkia et Coriance, ce qui limite sa participation dans les cas où des investissements trop importants sont requis. La société précise, à cet égard, que le marché des réseaux de chaleur évolue vers davantage de contrats de concession au détriment des contrats d'affermage et implique donc davantage d'investissements que ne peuvent supporter de petits acteurs tels qu'Idex. Dès lors, comme l'a relevé la Commission européenne dans la décision Gaz de France/Suez précitée, Idex ne peut être considérée comme exerçant une pression comparable à celle exercée par Coriance.

76. Enfin, Ne Varietur, au cours de la période 2007-2010, a participé à seulement [10-20] appels offres. Son taux de participation a décru au fil des années : [5-10] offres en 2007, [0-5] en 2008, [0-5] en 2009 et [0-5] en 2010. Le groupe a remporté [50-60] de ses [50-60] offres défensives et [0-5] de ses [10-20] offres offensives durant cette période. Ainsi, Ne Varietur, alors même qu'il est le troisième opérateur en terme de part de marché, est celui qui participe le moins aux appels d'offres et dont le taux de réussite, qu'il s'agisse de candidatures offensives ou défensives est le plus faible. Cette situation est liée aux graves difficultés financières que connaît le groupe, en situation de déficit depuis 2006, ce qui a eu pour effet de réduire sa capacité concurrentielle. La capacité actuelle de Ne Varietur à animer la concurrence lors des attributions ou renouvellements de DSP apparaît dès lors restreinte. Il n'en reste cependant pas moins que GDF Suez et Ne Varietur se sont rencontrés sur [10-20] appels d'offres au cours de la période 2007-2010 ([5-10] fois en 2007, [0-5] fois en 2008 et 2009 et [0-5] fois en 2010) ce qui signifie que la pression concurrentielle que les parties exercent l'une sur l'autre n'est pas négligeable puisqu'elle concerne la grande majorité des procédures auxquelles Ne Varietur a participé durant la période de référence. De plus, en raison de la longueur des contrats de DSP, Ne Varietur est parvenu, malgré ses difficultés, à maintenir sa position dans le temps et continue à être considéré par la majorité des collectivités ayant participé au test de marché comme un concurrent crédible sur le marché.

Existence de barrières à l'expansion

Avantages détenus par le délégataire sortant

77. Les procédures d'appels d'offres pour des attributions de DSP d'exploitation de réseaux de chaleur favorisent les opérateurs " sortants ". Ceci s'explique notamment par les facteurs suivants :

a. sur le plan technique, le délégataire sortant ne subit pas les coûts d'acquisition d'informations sur le réseau (coûts de la réalisation d'études) que doivent supporter les autres candidats. Ainsi, selon certains opérateurs, la préparation d'une candidature défensive reviendrait en terme de coût à la moitié ou un tiers de la préparation d'une candidature offensive ;

b. sur le plan stratégique, les liens développés avec la collectivité au cours de périodes d'exploitation très longues renforcent la crédibilité du délégataire sortant. De plus, la connaissance du réseau donne au délégataire sortant une expertise sur les coûts, les potentiels de développement du réseau, les risques de l'exploitation et les orientations stratégiques. Les candidats défensifs sont donc mieux en mesure de peser leur risque industriel ;

c. sur le plan commercial, enfin, le délégataire sortant est d'ores et déjà partie dans les relations contractuelles avec les usagers ce qui renforce sa position.

78. L'existence de ces avantages est reconnu par les opérateurs interrogés lors du test de marché, à l'exception de GDF Suez et Dalkia, qui prétendent que l'avantage concurrentiel qui découle de la connaissance technique des installations par le sortant est négligeable, en raison notamment des modifications des installations prévues lors des renouvellements des DSP. Cette affirmation est cependant contredite par les taux particulièrement élevés de succès de GDF Suez et de Dalkia dans la présentation d'offres défensives, respectivement de [70-80] % et de [80-90] %, soit près du double de leurs taux respectifs de succès en offres offensives, comme en témoignent les données recueillies dans le tableau ci-dessous :

<emplacement tableau>

79. D'une manière générale, l'opérateur en place présente presque systématiquement une offre à l'échéance du contrat. Ce constat, associé à celui des forts taux de reconduction des opérateurs sortants, montre que le résultat d'un appel d'offres n'est pas indépendant de ceux qui l'ont précédé. Par conséquent, la probabilité qu'un opérateur donné présente une candidature est plus forte pour les candidats au renouvellement que pour les candidats offensifs, puisqu'elle dépend de l'anticipation de succès des opérateurs. Cette hypothèse se vérifie en pratique puisque environ 68 % des contrats qui ont fait l'objet d'appels d'offres entre 2007 et 2010 ont été reconduits avec le même délégataire, avec des taux de reconduction très élevés pour GDF Suez et Dalkia.

L'existence de contraintes géographiques

80. Une corrélation entre la probabilité de remporter un appel d'offres et le fait d'exploiter d'autres réseaux géographiquement proches a également été signalée par les opérateurs et certaines collectivités interrogées.

81. En premier lieu, lors d'un appel d'offres, la probabilité de participation et de succès d'un opérateur à un appel d'offres est influencée par sa capacité à optimiser les moyens qu'il déploie pour répondre aux différents appels d'offres lancés dans une zone donnée. Un opérateur peut en effet optimiser sa candidature pour l'obtention d'une nouvelle DSP en s'appuyant sur les moyens qu'il mobilise d'ores et déjà pour l'exploitation d'un ou plusieurs réseaux proches de l'agglomération à laquelle il s'intéresse. A cet égard, les principaux opérateurs du secteur disposent d'organisations régionales comprenant notamment des supports techniques, commerciaux et administratifs à partir desquels ils interviennent localement et les plus petits opérateurs adoptent ce modèle dans les régions où ils parviennent à s'implanter.

82. Ces synergies sont également prises en compte dans l'élaboration des stratégies de réponse aux appels d'offres. Un participant au test de marché a ainsi indiqué qu'il ne peut s'intéresser qu'à des réseaux proches de ses zones actuelles d'implantation, ou ayant une taille critique suffisante pour nécessiter la constitution d'une équipe d'au moins trois personnes, dans la mesure où il est nécessaire de disposer localement de ressources suffisantes pour pouvoir assurer un service continu.

83. Le test de marché montre que ces considérations sont également valables du point de vue de la demande, puisque le degré d'implantation local d'un candidat détermine l'affinité des collectivités avec celui-ci et, donc, la perception par la collectivité de la qualité du service proposé. Ce phénomène désavantage les opérateurs qui n'ont pas d'implantations régionales et explique l'existence de ce que des participants au test de marché ont qualifié de " quasi-monopoles régionaux " et de " chasse gardée ".

84. En second lieu, des économies d'échelle peuvent également être réalisées lors de l'exploitation des réseaux. Des synergies entre réseaux, liées à la mutualisation des coûts de gestion, peuvent être réalisées si ceux-ci sont suffisamment proches géographiquement. De même, l'extension du périmètre d'un réseau de chaleur à des villes avoisinantes peut également intervenir.

L'existence de contraintes de capacité

85. La capacité à répondre aux appels d'offres contraint également les plus petits opérateurs du marché. Ainsi, certains opérateurs n'ont pas la capacité de se positionner sur tous les appels d'offres car ils ne disposent pas de ressources suffisantes pour réaliser les études nécessaires à l'établissement de leurs offres, plusieurs appels d'offres pouvant avoir lieu en même temps.

Renforcement du pouvoir de marché de GDF Suez

86. Les parties soutiennent que, compte tenu de la faible pression concurrentielle qu'exerce actuellement Ne Varietur, l'opération notifiée n'est pas susceptible de produire des effets unilatéraux sur le marché des réseaux de chaleur. L'instruction a cependant montré que l'opération notifiée menace d'affecter la concurrence sur ce marché, en fragilisant la frange concurrentielle et en confortant significativement la position de GDF Suez sur plusieurs zones géographiques.

87. L'opération intervient en effet sur un marché où les DSP sont remportées pour de longues durées (jusqu'à 24 ans) et où le délégataire sortant dispose d'un avantage significatif sur ses concurrents. Dans un tel contexte, l'opération notifiée permettra à GDF Suez d'étoffer de manière significative son portefeuille de réseaux, par l'addition des [...] réseaux de Ne Varietur aux [...] réseaux qu'elle gère actuellement, ce qui aboutira à renforcer sa position. Compte tenu des avantages tirés du statut de délégataire sortant lors des renouvellements de DSP, l'acquisition augmentera significativement la probabilité de renouvellement des contrats au bénéfice de GDF Suez et consolidera donc sa position au long terme. En nombre de réseaux, GDF Suez restera cependant second derrière Dalkia qui, avec [...] réseaux, exploite plus de [50-60] % des réseaux installés. Compte tenu de la taille de certains des réseaux exploités par GDF Suez, l'opération permet cependant à cet opérateur de devenir leader du marché en valeur/volume de chaleur vendue, avec [35-45] % du marché (dont [5-10] % exploité par Ne Varietur) contre 38/39 % pour Dalkia.

88. En renforçant la position de GDF Suez, l'opération accentuera l'asymétrie entre les deux principaux opérateurs du marché et la frange concurrentielle, les premiers concurrents de Dalkia et GDF Suez disposant de parts de marché dix fois moindre que celle de ces derniers. Or, la faiblesse de la frange concurrentielle risque de s'aggraver davantage dans la mesure où Coriance, actuellement l'opérateur le plus à même d'animer la concurrence face à Dalkia et GDF Suez, pourrait voir sa position fragilisée par l'opération notifiée. En effet, environ [...] % du chiffre d'affaires consolidé de Coriance résulte de l'exploitation du réseau de chaleur de la ville de Meaux dont le renouvellement devrait intervenir dans quatre ans. Or Coriance sous-traite l'exploitation du réseau à Soccram depuis 1998, et la substitution de GDF Suez à cette dernière lui conférera un avantage déterminant lors de la remise en concurrence du contrat. Enfin, cette substitution concerne un réseau situé en Ile-de-France, région dans laquelle le nouvel ensemble disposera d'une présence très significative.

89. Le test de marché montre en effet que la forte implantation des principaux opérateurs dans plusieurs régions y affecte les conditions de la concurrence. Du point de vue des collectivités délégantes, l'exploitation par les candidats de réseaux géographiquement proches renforce la crédibilité de leurs offres en raison de synergies avec les réseaux déjà exploités et de facteurs tenant à l'affinité des collectivités avec des opérateurs bénéficiant d'une réputation régionale. Du point de vue des candidats potentiels, la décision de concourir à l'obtention d'un contrat de DSP est notamment fonction de la probabilité de remporter le marché. La présence dans la zone considérée d'un opérateur bénéficiant d'avantages de coût et de réputation conduira donc les concurrents à anticiper une moindre probabilité de remporter l'appel d'offres dans cette zone.

90. L'accroissement de l'implantation de GDF Suez dans plusieurs régions est donc de nature à entraîner une baisse du nombre d'offres reçues par les collectivités puisqu'elle restreindra la capacité, pour des candidats offensifs, d'y concurrencer efficacement le nouvel ensemble. Les difficultés qu'éprouvent les opérateurs concurrents à s'implanter dans les régions concernées est de surcroît étayé par les éléments au dossier, comme résumé dans le tableau suivant :

<emplacement tableau>

91. En Ile-de-France, si l'opération n'entrainera qu'un incrément inférieur à [5-10] % de la part de marché de GDF Suez dans la région en termes de nombre de réseaux, elle contribuera cependant à faire de GDF Suez le premier fournisseur en volume. Or il est probable que ce renforcement sera significativement accru, à terme, par sa substitution à Soccram pour la sous-traitance de la DSP de Meaux. La part de marché du groupe sous-estime donc l'impact de la concentration sur la structure de la concurrence en Ile-de-France. Or les conséquences négatives de l'affaiblissement de Coriance, outre leur effet local en Ile-de-France, atteindront l'ensemble du territoire national en réduisant encore davantage la compétitivité de la frange concurrentielle.

92. De même, en Bourgogne, région dans laquelle Ne Varietur est fortement implanté, l'opération entrainera un incrément de [40-50] % de la part de marché en termes de nombre de réseaux de GDF Suez. En outre, la position de GDF Suez sera encore renforcée par son implantation dans des zones limitrophes puisque le groupe exploite plusieurs réseaux situés à environ une heure en voiture de la ville de Nevers, l'un des principaux réseaux actuellement exploité par Ne Varietur en Bourgogne. Or, pour un opérateur aussi bien implanté, l'exploitation de réseaux situés à environ une heure de route signale la présence d'équipes constituant une présence " locale " qui permet de crédibiliser des offres pour l'exploitation d'un réseau et contribue à l'inverse à accroitre les barrières à l'entrée pour les concurrents qui n'exploitent pas de réseaux dans la région.

93. Enfin, l'opération renforcera significativement la position du nouvel ensemble en Pays-de-la-Loire, puisque GDF Suez exploitera [40-50] % des réseaux de la région, représentant [60-70] % de la chaleur livrée, et intégrera également un réseau actuellement exploités par Soccram à Saint-Pierre-des-Corps, une collectivité limitrophe.

94. Il s'ensuit que, compte tenu des contraintes décrites ci-avant et malgré la faible pression concurrentielle actuellement exercée par Ne Varietur sur le marché pertinent, la concentration est susceptible de limiter la crédibilité des candidatures présentées par les concurrents des parties, particulièrement en Ile-de-France, en Bourgogne et en Pays-de-Loire.

95. De plus, le renforcement du pouvoir de marché de GDF Suez n'apparaît pas pouvoir être compensé par le pouvoir de négociation dont disposent les collectivités qui, pour la grande majorité, n'envisagent pas le passage en régie comme une alternative aux contrats de DSP. Dès lors, pour les collectivités, l'opération entrainera la diminution du nombre de candidats aux appels d'offres sur un marché déjà très concentré et sera susceptible d'emporter une détérioration en prix des offres remises ainsi qu'un appauvrissement de la diversité des réponses produites dans le cadre d'appels d'offres.

96. L'opération notifiée est donc de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché des réseaux de chaleur en France par le biais d'effets horizontaux.

b) Effets verticaux

97. GDF Suez est présent sur les marchés amont de la fourniture de gaz naturel, principale source d'énergie primaire utilisée dans les réseaux de chaleur en France.

98. Cependant, les concurrents de GDF Suez sur les marché des réseaux de chaleur ont progressivement, depuis l'ouverture des marchés de la fourniture du gaz, diminué leur dépendance à l'égard de GDF Suez et s'approvisionnent pour la majorité de leurs besoins auprès de ses concurrents. Ainsi, à titre d'exemple, Coriance s'approvisionne pour plus de [...] % au tarif libre auprès d'opérateurs concurrents et pour moins de [...] % au tarif réglementé. Les filiales de GDF Suez s'approvisionnent elles-mêmes pour la majorité de leurs besoins à des prix libres auprès de fournisseurs concurrents.

99. La seule exception notable reste Ne Varietur qui s'approvisionne pour environ [60-70] % de ses besoins aux tarifs réglementés auprès de GDF Suez. Compte tenu de l'accès des concurrents à des sources d'approvisionnement alternatives, l'opération notifiée n'est cependant pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché des réseaux de chaleur par le biais d'effets verticaux.

4. ANALYSE DES EFFETS COORDONNÉS

100. Il est peu probable que l'opération notifiée modifie la structure du marché de manière à créer une position dominante collective entre GDF Suez et Dalkia. Comme l'a relevé la Commission européenne dans sa décision Gaz de France/Suez, il est improbable que l'adoption d'une stratégie de coordination puisse être crédible à long terme sur le marché de la gestion déléguée de réseaux de chaleur en raison du manque de mécanismes de punition crédibles, via les appels d'offres où GDF Suez et Dalkia se rencontrent de manière récurrente. De plus, la Commission européenne a relevé que la forte hétérogénéité des appels d'offres, tant en terme de taille qu'en terme d'exigences des collectivités relatives à d'autres éléments que le prix, ainsi que le large pouvoir discrétionnaire détenu par les collectivités dans le choix final rendraient l'adoption de comportements parallèles délibérés onéreux et donc difficiles à surveiller réciproquement. Enfin, le faible nombre moyen d'appels d'offres annuels n'est pas non plus propice à l'adoption de comportements parallèles sur ce marché.

101. L'instruction n'a pas révélé d'éléments pour la période 2007-2010 venant contredire ces constatations. L'opération notifiée n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché des réseaux de chaleur par le biais d'effets coordonnés.

E. LES MARCHÉS DE LA FOURNITURE DE GAZ

102. GDF Suez est présent sur le marché de la fourniture de gaz, en amont du marché des réseaux de chaleur sur lequel les activités des parties se chevauchent. Les parts de marché de GDF Suez et de ses concurrents pour 2009 sur le marché de la fourniture de gaz aux gros clients industriels en France ayant exercé leur éligibilité sont reproduites ci-dessous (18).

<emplacement tableau>

103. Les parties relèvent que l'ouverture des marchés de la fourniture du gaz à la concurrence a entraîné l'émergence de nouveaux fournisseurs sur le marché français tels que ENI/Distrigaz ou E.ON, ce qui a entrainé la diminution de la part de marché de GDF Suez. Celle-ci serait passée, pour l'ensemble des marchés de la fourniture de gaz en France, de 70-80 % en 2006 à [40-50] % en 2009.

104. Ne Varietur relève de la catégorie des gros consommateurs industriels, et sa consommation annuelle s'élève à [...]. Ne Varietur s'approvisionne actuellement à hauteur de [55-65] % de ses besoins auprès de GDF Suez aux tarifs réglementés. Pour les [35-45] % restant, Ne Varietur s'approvisionne sur le marché libre presque intégralement auprès d'opérateurs concurrents de GDF Suez. Les parties précisent, à cet égard, que l'amélioration de la situation financière de Ne Varietur qui découlera de l'opération notifiée lui permettra de disposer de garanties financières suffisantes pour s'approvisionner davantage sur le marché libre. L'opération devrait ainsi réduire l'approvisionnement de Ne Varietur sur le secteur réglementé. Dans ce contexte, même si les réseaux actuellement gérés par Ne Varietur s'approvisionnaient intégralement auprès de GDF Suez à l'issue de l'opération, les débouchés des fournisseurs concurrents de GDF Suez ne seraient restreints que de manière marginale.

105. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la fourniture gaz par le bais d'effets verticaux.

F. LES MESURES CORRECTIVES

1. LES MESURES CORRECTIVES PROPOSÉES

106. Le groupe GDF Suez a présenté le 4 février 2011 une proposition d'engagements concernant le marché de la gestion déléguée de réseaux de chaleur. Cette proposition a fait l'objet d'un test de marché auprès des principaux opérateurs du marché et des collectivités des régions concernées. Le contenu des engagements a fait l'objet de discussions à l'issue de ce test, et ceux-ci ont été reformulés de manière définitive par courrier du 24 février 2011. Cette version définitive comporte deux séries d'engagements.

107. Premièrement, GDF Suez s'engage à proposer aux collectivités de Saint-Pierre-des-Corps, situé dans la proximité immédiate de la région Pays-de-la-Loire, et Montceau-les-Mines, en Bourgogne, la possibilité de résilier unilatéralement les contrats de DSP de gestion de réseaux de chaleur avec les filiales de Ne Varietur qui en assurent actuellement l'exploitation. Ce droit sera accordé aux collectivités dans un délai de [...] mois à compter de la réalisation de l'opération notifiée. En ce qui concerne le contrat correspondant au réseau de Saint-Pierre-des-Corps, la collectivité disposera d'un délai de [...] mois pour notifier à GDF Suez sa volonté d'exercer ce droit. Ce délai sera de [...] mois prorogeables pour le contrat correspondant au réseau de Montceau-les-Mines. En cas d'exercice de ce droit, GDF Suez renoncera à toute indemnité au titre du bénéfice manqué ainsi qu'au titre de tout préjudice moral ou d'image.

108. Deuxièmement, GDF Suez s'engage à accorder à la société Energie Meaux Exploitation, filiale de Coriance titulaire de la DSP du réseau de chaleur de la ville de Meaux (sites de Beauval et Collinet) un droit unilatéral de résiliation unilatéral du contrat d'exploitation conclu avec la société Soccram le 19 octobre 1998, sous réserve de respecter un préavis écrit d'une durée de [...] mois. Ce préavis pourra être prolongé de [...] mois en cas de nécessité particulière. Ce droit sera accordé à la société Energie Meaux Exploitation dans un délai de [...] mois à compter de la réalisation de l'opération notifiée. Cette dernière disposera d'un délai de [...] pour exercer cette option. En cas d'exercice de ce droit, GDF Suez renoncera à toute indemnité ou pénalité au titre du bénéfice manqué et du préjudice moral ou d'image.

2. APPRÉCIATION DES MESURES CORRECTIVES PROPOSÉES

109. L'adéquation des engagements proposés pour remédier à l'atteinte concurrentielle identifiée au cas d'espèce doit être appréciée au regard de la nature et de l'importance des effets anticoncurrentiels découlant du projet d'acquisition notifié.

110. Les effets identifiés découlent de la faiblesse du nombre d'appels d'offres par an et de la longueur des contrats de DSP, qui limitent les opportunités pour l'exercice de la concurrence sur le marché de la gestion déléguée de réseaux de chaleur, et du jeu combiné du renforcement du portefeuille de réseaux de GDF Suez avec les effets de prime au sortant, de contraintes géographiques et de la substitution de GDF Suez à Soccram pour l'exploitation du réseau de Meaux en sous-traitance de Coriance. Par ces effets, l'opération accroitra l'asymétrie entre les deux leaders du marché et les plus petits opérateurs en restreignant davantage la capacité de ces derniers à animer la concurrence.

111. Dans les régions de Bourgogne et de Pays-de-la-Loire, les engagements proposés permettent la remise en concurrence de deux des contrats les plus longs (jusqu'en 2019 pour Montceau-les-Mines et 2022 pour Saint-Pierre-des-Corps). Ils représentent une part importante des capacités récupérées dans ces régions par GDF Suez du fait de l'opération. Les services techniques des collectivités concernées ont en outre confirmé au cours de l'instruction leur intérêt pour le droit qui leur sera ainsi octroyé et leur propension, à titre au moins indicatif, à l'exercer.

112. La remise en concurrence des réseaux concernés contribuera à donner aux concurrents de GDF Suez une opportunité d'implantation locale d'autant plus réelle que d'autres réseaux des régions concernées sont appelés à être renouvelés à court terme, les contrats de DSP d'un réseau de la ville d'Angers (Montplaisir) et de l'université de Bourgogne à Dijon arrivant respectivement à échéance en juin et septembre 2011.

113. De plus, en donnant à Coriance la possibilité de résilier sans indemnité le contrat de sous-traitance qui la lie à Soccram pour l'exploitation du réseau de Meaux, les engagements proposés lèvent la menace portée par l'opération sur la pérennité du principal opérateur de la frange concurrentielle. Il résulte en effet de l'instruction que Coriance sera disposée à exercer le droit qui lui sera ainsi octroyé pour exploiter directement le réseau dont la société est titulaire. En outre, les engagements atténuent de ce fait l'impact de l'opération sur le renforcement de l'implantation de GDF Suez en Ile-de-France.

114. Compte tenu de ce contexte, les engagements proposés permettent de remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération tels qu'exposés ci-dessus.

Décide

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 10-0187 est autorisée sous réserve des engagements décrits aux paragraphes 106 à 108 ci-dessus et annexés à la présente décision.

Notes :

1 Voir notamment les décisions de la Commission européenne du 5 juin 1997 n° IV/M.916, Lyonnaise des Eaux/Suez, et du 7 février 2000 n° IV/M.1803, Electrabel/EPON, ainsi que l'avis n° 00-A-03 du 22 février 2000 du Conseil de la concurrence relatif à l'acquisition de la société Clemessy par les groupes EDF, Cogema et Siemens et la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 20 février 2008, aux conseils de la société Idex Energies, relative à une concentration dans le secteur de la gestion et de l'exploitation d'installations techniques des bâtiments et du génie climatique.

2 Voir notamment décision n° 09-DCC-33 du 30 juillet 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Veolia Propreté Nettoyage et Multiservices par la société TFN Développement, décision n° 09-DCC-19 du 20 juillet 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Icade Eurogem par la société La Financière Groupe TFN, décision n° 10-DCC-75 du 6 juillet 2010 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Ceritex par les groupes Faceo et Sofinord, et décision n° 10-DCC-82 du 28 juillet 2010 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Faceo par Vinci Energies (groupe Vinci).

3 Voir notamment lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 20 février 2008, aux conseils de la société Idex Energies, relative à une concentration dans le secteur de la gestion et de l'exploitation d'installations techniques des bâtiments et du génie climatique.

4 Enquête nationale et de branche sur les réseaux de chaleur et de froid, Restitution des statistiques portant sur l'année 2008, Syndicat National du Chauffage Urbain (" SNCU ") : http://www.cete-ouest.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2009-11_Enquete_de_branche_2008_reseaux_de_chaleur_et_de_froid_resultats_provisoires__cle24c385.pdf

5 Voir décision de la Commission européenne du 17 novembre 2006 n° COMP/M.4180, Gaz de France/Suez.

6 Rapport provisoire, enquête nationale et de branche sur les réseaux de chaleur et de froid, Restitution des statistiques portant sur l'année 2009, SNCU. Ce recensement porte sur les réseaux d'une puissance supérieure à 3,5 MW (il existe seulement 33 réseaux d'une puissance inférieure à 3,5 MW). Il existe également des réseaux moins puissants, souvent alimentés par de la biomasse, non recensés de façon exhaustive à ce jour.

7 Ibid.

8 Décision de la Commission européenne n° M.4180, précitée.

9 Voir notamment la décisions de la Commission européenne du n° COMP/M.4180, précitée, ainsi que les lettres du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 20 février 2008, aux conseils de la société Idex Energies, relative à une concentration dans le secteur de la gestion et de l'exploitation d'installations techniques des bâtiments et du génie climatique précitée et du 2 juillet 2008, aux conseils de la société A2A, relative à une concentration dans les secteurs de la production d'électricité, des réseaux urbains de chaleur et de froid, et de la production et fourniture de chaleur.

10 Voir notamment la décisions de la Commission européenne n° COMP/M.4180, précitée, ainsi que la lettre du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi du 2 juillet 2008, aux conseils de la société A2A, relative à une concentration dans les secteurs de la production d'électricité, des réseaux urbains de chaleur et de froid, et de la production et fourniture de chaleur précitée.

11 Voir notamment décisions de la Commission européenne n° COMP/M.4180, précitée et du 15 octobre 2008 n° COMP/M.5220 ENI/Distrigaz.

12 Voir notamment la décision de la Commission européenne du 17 décembre 2008 n° COMP/M.5141 KLM/Martinair.

13 Voir la décision de la Commission européenne n° COMP/M.4180, précitée et la décision n° 10-D-19 du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives.

14 Décision de la Commission européenne n° M.4180, précitée, §966.

15 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 relatif à la création d'une entreprise commune par Veolia Environnement et la CDC.

16 La cogénération est un moyen utilisé par certains réseaux pour produire de la chaleur. Selon ce procédé, un combustible, en général le gaz, produit simultanément de la chaleur, qui est envoyée sur le réseau, et de l'électricité. Cette électricité est immédiatement livrée et vendue à EDF.

17 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 relative à la création d'une entreprise commune par Veolia Environnement et la CDC, § 152.

18 Les estimations des parties retiennent comme seuil pour délimiter la frontière entre petits et gros clients industriels une consommation annuelle de gaz de 50 GWh.