Cass. com., 29 mars 2011, n° 10-17.647
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Micropole Univers (SA)
Défendeur :
Bravo, Elypsia (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Pezard
Avocat général :
M. Carre-Pierrat
Avocats :
SCP Potier de La Varde, Buk-Lament, SCP Boré, Salve de Bruneton
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 février 2010), que la société Micropole Univers, spécialisée dans les services informatiques, a assigné en concurrence déloyale la société Elypsia qui exerce une activité similaire ; que parallèlement, elle a assigné en concurrence déloyale son ancien salarié, M. Bravo, devenu président-directeur général de la société Elypsia ; que les deux instances ont été jointes ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Micropole Univers fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de communication de pièces, alors selon le moyen : 1°) que la partie au procès, qui n'est pas tenue au secret par la loi, ne peut se prévaloir d'un empêchement légitime pour s'opposer à une demande de production de pièces ; qu'en se bornant à relever, pour débouter la société Micropole Univers de sa demande de production de pièces dirigée contre son adversaire à l'instance, la société Elypsia, qu'il existait un empêchement légitime pour elle à produire des documents contenant des renseignements confidentiels, sans préciser si cette dernière était légalement tenue au secret, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 10 du Code civil, 11, 138, 139 et 142 du Code de procédure civile ; 2°) que la demande de production de pièces formée par une partie n'est pas subordonnée à l'établissement d'indices précis ; que la cour d'appel qui, pour débouter la société Micropole Univers de sa demande de production, s'est fondée sur la circonstance inopérante qu'elle n'articulait pas suffisamment d'indices précis concernant des agissements déloyaux déterminés dont la société Elypsia aurait été l'auteur, a violé l'article 138 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice du pouvoir laissé par la loi à sa discrétion d'ordonner ou non la production d'un élément de preuve détenu par une partie que la cour d'appel, sans être tenue de s'expliquer sur une telle demande, a statué comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société Micropole Univers fait encore grief à l'arrêt de dire que les accusations de débauchage massif et de détournement de clientèle dans le cadre de pratiques de concurrence déloyale portées à l'encontre de la société Elypsia ne sont pas fondées et de la débouter ainsi de sa demande de dommages-intérêts, alors selon le moyen : 1°) que le recrutement massif de salariés d'une entreprise concurrente, ayant pour effet, hors même toute manœuvre déloyale, de désorganiser cette dernière, est constitutif d'un acte de concurrence déloyale ; qu'en se bornant à relever, pour débouter la société Micropole Univers de sa demande indemnitaire au titre de la concurrence déloyale de la société Elypsia, qu'il n'était pas démontré que la migration de huit salariés de la première vers la seconde provienne d'un débauchage massif, aucun élément probant n'étant fourni sur des manœuvres caractérisées dont cette dernière se serait rendue coupable, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'embauche, dans un laps de temps réduit, de neuf salariés de la société Micropole Univers par la société Elypsia n'avait pas désorganisé la première, ce qui suffisait à caractériser un acte de concurrence déloyale de la seconde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) que le démarchage de la clientèle d'une entreprise par ses anciens salariés, au profit de la société concurrente qui les a embauchés, constitue un acte de concurrence déloyale ; qu'en se bornant à relever, pour débouter la société Micropole Univers de sa demande indemnitaire au titre de la concurrence déloyale de la société Elypsia, que les marchés conclus par la seconde avec trois des clients de la première l'avaient été après mise en concurrence ou appels d'offre, sans démonstration que les règles de la concurrence aient été faussées, et que, pour un quatrième client, il n'était pas établi que M. Bravo, ancien directeur d'agence de la société Micropole Univers, ait établi un devis pour le compte de la société Elypsia lorsqu'il était encore au service de la première, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les salariés de la société Micropole Univers embauchés par la société Elypsia n'avaient pas eu pour mission de démarcher les clients de leur ancien employeur, ce qui suffisait, nonobstant l'absence de détournement effectif des clients démarchés, à caractériser un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, qu'ayant relevé que le départ presque concomitant de huit salariés de la société Micropole Univers comme celui de M. Bravo résultaient non de manœuvres de débauchage de ces salariés par la société Elypsia mais du climat social dégradé régnant à l'époque des démissions au sein de la société Micropole Univers, et retenu que cette dernière ne démontrait pas que le transfert d'une partie de sa clientèle à la société Elypsia résultait de manœuvres déloyales commises par cette dernière, la cour d'appel, sans être tenue de procéder à des recherches inopérantes, a pu en déduire l'absence de caractère fautif des comportements dénoncés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.