Cass. com., 27 avril 2011, n° 10-15.528
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Laudat (SARL)
Défendeur :
Groupe Volkswagen France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Mandel
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, SCP Peignot, Garreau
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 janvier 2010), que la société Groupe Volkswagen France (la société Volkswagen) a confié à la société Laudat par quatre contrats à durée indéterminée des 11 décembre 1996, 17 décembre 1996 et 27 janvier 1997, la commercialisation de véhicules neufs et de pièces détachées neuves des marques Volkswagen, Audi, Skoda et Volkswagen utilitaires dans un territoire exclusif ; que le 8 octobre 2001, la société Volkswagen a résilié les contrats Audi, Volkswagen et Volkswagen utilitaires et le 26 octobre 2001 le contrat Skoda ; que son candidat à la reprise, M. Soquenne, n'ayant pas été agréé, la société Laudat a cédé le 30 septembre 2003 son fonds de commerce à la société Audexia laquelle a obtenu l'agrément de la société Volkswagen ; que la société Laudat, soutenant que la société Volkswagen avait abusé de ses droits de résiliation et d'agrément et l'avait mise dans l'impossibilité de négocier des éléments incorporels de son fonds de commerce, a demandé qu'elle soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Laudat fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes indemnitaires envers la société Volkswagen fondées sur l'exercice abusif, par cette dernière, de la faculté contractuelle de résiliation du contrat de concession, alors, selon le moyen : 1°) que la résiliation d'un contrat à durée indéterminée peut, même si le préavis est respecté, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances qui accompagnent la rupture ; qu'est constitutive d'un abus du droit de résilier, la rupture du contrat de concession à l'initiative du concédant qui, en résiliant le contrat de concession alors que de pourparlers avancés étaient en cours pour la cession de l'activité du concessionnaire, place sciemment ce dernier dans une position d'infériorité vis-à-vis des repreneurs potentiels en le privant de la possibilité de valoriser les éléments incorporels de son fonds de commerce ; qu'en retenant que la résiliation des contrats de concession de la société Laudat par la société Volkswagen n'était pas abusive dès lors qu'elle avait eu lieu dans les conditions de forme et de préavis contractuellement prévues, après avoir relevé que le concédant ne discutait pas que ladite résiliation était intervenue en cours de pourparlers pour la cession des titres de la société Laudat, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; 2°) que dans ses conclusions d'appel, la société Laudat reprochait à la société Volkswagen d'avoir, en connaissance de cause, procédé à la résiliation unilatérale des différents contrats de distribution au moment où la société Laudat était entrée en phase de négociation active pour la reprise de son activité, ce qui avait eu pour effet d'affaiblir sa position dans ladite négociation en la privant notamment de la faculté de réaliser la valeur des éléments incorporels de son fonds de commerce ; qu'en énonçant, pour rejeter les demandes indemnitaires de la société Laudat à ce titre, et après avoir pourtant rappelé le fondement desdites demandes, que "le concédant n'est en principe pas tenu d'une obligation d'assistance au concessionnaire en vue de sa reconversion", la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Laudat et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la résiliation a respecté le préavis et la forme prévue aux contrats, qu'elle n'a eu aucun caractère précipité puisqu'elle est intervenue plus d'un an après le début des premières négociations et six mois après celles entamées avec M. Soquenne ; qu'il relève encore qu'il ne peut être reproché à la société Volkswagen d'avoir informé M. Soquenne de la résiliation des contrats de concession, cette information ne pouvant être dissimulée ni par le vendeur, ni par le concédant au candidat au rachat des titres de la société ou de son fonds de commerce ; que l'arrêt relève enfin que si la cession n'a pu avoir lieu dans les termes souhaités par les actionnaires, ce n'est pas à cause de la résiliation des contrats de concession mais parce que le concédant a opposé un refus d'agrément à M. Soquenne, dont il estimait qu'il ne remplissait pas ses standards financiers ; qu'en l'état de ces constatations, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, la cour d'appel a pu retenir que l'abus du droit de résiliation des contrats n'était pas caractérisé ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen : - Attendu que la société Laudat fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes indemnitaires envers la société Volkswagen fondées sur l'exercice abusif, par cette dernière, de son droit contractuel d'agrément du repreneur de l'activité du concessionnaire, alors, selon le moyen : 1°) que le refus d'agrément d'un nouveau revendeur par un concédant doit reposer sur des considérations objectives, tenant à des impératifs de sauvegarde de ses intérêts commerciaux légitimes, fixés de manière uniforme et non discriminatoire ; que constitue une discrimination illégitime dans le choix des revendeurs, l'application par le fournisseur de critères financiers tenant à la réalisation d'objectifs de vente fondés sur des catégories de véhicules différentes, sans justification objective de cette différence de traitement ; que la lettre de la société Volkswagen à M. Soquenne du 31 janvier 2002, communiquée le 1er février 2002 à la société Laudat, mentionnait l'exigence de capitaux propres et d'un fonds de roulement chacun "à hauteur de 916 euros minimum par VN [véhicule neuf] par contrat", sans distinguer selon que lesdits véhicules étaient des véhicules particuliers (VP) ou des véhicules utilitaires légers (VUL) ; qu'en retenant qu'il résultait de ladite lettre que la demande d'agrément de M. Soquenne n'avait pas été examinée au regard des normes "VU" (véhicules utilitaires), la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite aux juges de dénaturer l'écrit qui leur est soumis ; 2°) qu'en retenant que la société Volkswagen aurait "communiqu[é] la lettre d'agrément" de M. Dutilleux, en se référant à une simple lettre de confirmation du 6 octobre 2006 [en réalité 2003] de la lettre "d'agrément de principe" du 4 août 2003, laquelle annonçait une "lettre d'agrément " détaillée, non produite, et se bornait, sans exposer le détail des conditions de l'agrément, à marquer l'accord de la société Volkswagen pour que l'activité soit exercée pendant 23 mois au plus dans les actuels locaux avant aménagement ou construction de nouveaux locaux conformes aux standards de représentation du fournisseur, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite aux juges de dénaturer l'écrit qui leur est soumis ; 3°) que de plus, en se bornant à affirmer, sans viser aucun élément de preuve, que les subventions dont faisait état la société Laudat, accordées en 2006 au repreneur par la société Volkswagen, seraient "sans lien avec la décision d'agrément accordé trois ans et plus, auparavant", sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'accord donné par la société Volkswagen au repreneur à l'effet de poursuivre son activité durant deux ans dans ses anciens locaux avant aménagement ou construction de nouveaux locaux, n'expliquait pas le décalage entre l'agrément du repreneur et les subventions d'investissement et d'exploitation qui lui avaient été versées au cours de l'exercice suivant le transfert de son activité vers sa nouvelle implantation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; 4°) qu'aux termes clairs et précis de sa lettre à la société Volkswagen en date du 26 juin 2003, la société Laudat reprochait au concédant d'avoir "décidé d'aider M. Dutilleux [repreneur agréé par Volkswagen], notamment par le portage immobilier, à notre détriment (...)" ; qu'en retenant, que " ... dans une lettre du 26 juin 2003, Laudat avait elle-même reproché à Volkswagen d'aider "très largement M. Soquenne [candidat refusé par Volkswagen], notamment par le portage immobilier" ", pour en déduire que M. Soquenne "n'a[vait] pas été désavantagé par rapport à M. Dutilleux", la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite aux juges de dénaturer l'écrit qui leur est soumis ;
Mais attendu que l'arrêt relève, sans dénaturer le document ambigu visé par la première branche, que les normes financières exigées et déterminées par la société Volkswagen avaient été semblables pour M. Soquenne et pour la société Audexia que ce soit pour les capitaux propres ou pour le fonds de roulement et que M. Soquenne ne remplissait aucune de ces conditions à la différence de la société Audexia ; qu'après avoir souverainement estimé que la lettre du 6 octobre 2003 n'apporte pas d'éléments intéressants au litige, l'arrêt retient encore que les subventions dont fait état la société Laudat sont sans lien avec la décision d'agrément accordée plus de trois ans auparavant ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la quatrième branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.