Livv
Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 19 avril 2011, n° 10-191

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Domaine de l'Oustalet (EURL)

Défendeur :

Mondial Automobiles (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

M. Chassery, Mme Olive

Avoués :

SCP Salvignol Salvignol-Guilhem, SCP Capdevila, Vedel Salles

Avocats :

Mes Guilhem, Piret

T. com. Perpignan, du 15 déc. 2009

15 décembre 2009

Faits et procédure, moyens et prétentions des parties

Le 15 octobre 2008, M. Lotrian a confié en dépôt-vente à la SARL Mondial Automobile un véhicule de marque Land Rover Defender.

Par acte sous-seing privé du 17 novembre 2008, l'EURL Domaine de l'Oustalet a passé commande de ce véhicule auprès de la société Mondial Automobile, moyennant le prix TTC de 19 900 euro.

Le véhicule a été livré et le prix payé.

Suivant exploit du 20 mars 2009, la société Domaine de l'Oustalet a fait assigner en référé devant le Tribunal de grande instance de Perpignan, la société Mondial Automobile afin que celle-ci lui délivre, sous astreinte, la facture correspondant à cet achat.

Par ordonnance du 11 juin 2009, le juge des référés a déclaré cette demande irrecevable, en l'état d'une difficulté sérieuse.

Par acte du 8 septembre 2009, la société Domaine de l'Oustalet a fait assigner, aux mêmes fins, la société Mondial Automobile, devant le Tribunal de commerce de Perpignan.

Par jugement du 15 décembre 2009, le tribunal a rejeté les demandes de l'EURL Domaine de l'Oustalet ainsi que la demande reconventionnelle en dommages et intérêts et en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Domaine de l'Oustalet a régulièrement interjeté appel de ce jugement, en vue de son infirmation, demandant à la cour de condamner la société Mondial Automobile à lui délivrer, sous astreinte définitive de 100 euro par jour de retard, passé le délai de 8 jours après le prononcé de l'arrêt, la facture correspondant à l'acquisition du véhicule Land Rover intervenue, selon bon de commande du 17 novembre 2008. Elle réclame l'octroi de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive outre 2 000 euro, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient essentiellement que :

- le contrat de dépôt-vente conclu entre M. Lotrian et la société Mondial Automobile dont Mme Pailler-Liotran est une des dirigeantes, lui est inopposable, en vertu de l'article 1165 du Code civil ;

- en tout état de cause, la société Mondial Automobile n'a pas respecté ses obligations de mandataire dans la mesure où le prix de vente stipulé était de 23 000 euro avec une fluctuation de 10 %, ce mandat donné pour une durée de 30 jours, a expiré deux jours avant la vente ;

- la société Mondial Automobile lui a laissé croire qu'elle était bien propriétaire du véhicule puisque c'est elle qui a fait paraître une annonce où elle apparaît comme vendeur professionnel et mentionne une TVA récupérable et qu'elle a consenti une garantie contractuelle ;

- le bon de commande fait référence aux dispositions légales en matière de démarchage qui ne concernent que les professionnels et non les particuliers ainsi que le formulaire détachable prévu par l'article L. 121-4 du Code de la consommation ;

- elle a versé un acompte de 2 000 euro par chèque établi à la société Mondial Automobile et la mention " dépôt-vente " figurant dans la rubrique " observations " a été rajoutée par le commercial, à son insu ;

- en sa qualité de vendeur professionnel apparent, la société Mondial Automobile doit lui fournir une facture, en application de l'article L. 441-3 du Code de commerce.

La société Mondial Automobile a conclu à la confirmation du jugement et à l'octroi de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour appel abusif outre 3 000 euro, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle rétorque en substance que :

- la facturation n'est obligatoire que dans les contrats de vente ou prestations de services intervenus entre deux professionnels ou entre un professionnel et un particulier, si c'est un professionnel qui fournit la prestation ou le bien ;

- aucun contrat de vente n'a été conclu entre elle-même et la société Domaine de l'Oustalet dans la mesure où elle n'était pas propriétaire du véhicule Land Rover qui lui a été confié en dépôt-vente par M. Lotrian, seul titulaire du certificat d'immatriculation ;

- le contrat de dépôt-vente ne génère aucune obligation de facturation, étant précisé que le prix de vente du véhicule ne peut pas être inscrit dans sa comptabilité comme une recette, seule la commission versée au propriétaire doit donner lieu à une facture ;

- l'exemplaire du bon de commande remis à l'appelante mentionne expressément " dépôt-vente ", ce qui exclut que la société Domaine de l'Oustalet ait pu croire légitimement qu'elle traitait avec le propriétaire du véhicule ;

- à supposer que tel fût le cas, cette apparence ne lui transférerait pas les obligations du vendeur mandant.

C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 10 décembre 2010.

Motifs de la décision

L'EURL Domaine de l'Oustalet fait valoir que la société Mondial Automobile a créé une situation apparente l'incitant à croire légitimement qu'elle était la venderesse du véhicule, ce qui obligerait celle-ci à lui fournir une facture, conformément à l'article L. 441-3 du Code de commerce.

La société Mondial Automobile indique que la vente du véhicule Land Rover est intervenue dans le cadre du contrat de dépôt-vente conclu avec M. Lotrian, le 15 octobre 2008.

Le fait que l'annonce diffusée par la société Mondial Automobile ne fasse pas référence au dépôt-vente alors même qu'il n'est pas mentionné, comme il est prétendu, une TVA récupérable, ne saurait constituer l'apparence alléguée.

De plus et surtout, le bon de commande établi dans le cadre d'un imprimé-type portant mention " Bon de commande d'un véhicule d'occasion " précise dans la case " observations " qu'il s'agit d'un dépôt-vente.

L'EURL Domaine de l'Oustalet ne peut pas sérieusement prétendre que cette mention qui figure sur le double remis lors de la signature de la transaction, aurait été apposée à son insu.

Une telle mention qui ne revêt aucune ambiguïté sur la qualité de mandataire de la société Mondial Automobile, aurait dû, pour le moins, inciter le représentant de l'EURL Domaine de l'Oustalet à vérifier la qualité de son cocontractant.

La remise d'un chèque d'acompte de 2 000 euro établi au nom de la société Mondial Automobile, lors de la commande, ne signifie pas que l'EURL Domaine de l'Oustalet a pu se méprendre sur la qualité réelle de cette dernière, d'autant que le solde de 17 900 euro a été payé au moyen d'un chèque émis au profit de " M. J. Daniel Lotrian ".

En conséquence, et dans la mesure où la société Mondial Automobile a contracté en qualité de mandataire du vendeur du véhicule (seul habilité à invoquer un dépassement des pouvoirs conférés au mandataire, notamment au titre du prix de vente et de la durée du mandat), l'EURL Domaine de l'Oustalet n'est pas fondée à solliciter la remise d'une facture libellée au nom de la société Mondial Automobile.

C'est à juste titre que le Tribunal de commerce de Perpignan a rejeté la demande en ce sens présentée par l'EURL Domaine de l'Oustalet ainsi que celle tendant au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute. Le caractère abusif de l'appel n'étant pas démontré, il n'y a pas lieu à dommages et intérêts, de ce chef.

Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre partie.

L'EURL Domaine de l'Oustalet supportera la charge des dépens d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Déboute la société Mondial Automobile de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ; Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne l'EURL Domaine de l'Oustalet aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.