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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 7 avril 2011, n° 09-13461

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BAP Diffusion (SARL)

Défendeur :

Italprestige (SARL), PFCA (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schmitt

Conseillers :

Mmes Elleouet-Giudicelli, Durand

Avoués :

SCP Bottai-Gereux-Boulan, SCP Boissonnet-Rousseau

Avocats :

Mes Jacob, Debray, Bonnaric

T. com. Antibes, du 5 juin 2009

5 juin 2009

Faits, procédure, prétentions des parties :

Par exploit en date du 8 juillet 2008, la SARL Italprestige, qui anime et développe un réseau de franchise exploité sous l'enseigne " La Boîte à pâtes " et, un de ses fournisseurs référencés, la SA PFCA, ont fait assigner devant le Tribunal de commerce d'Antibes, la SARL BAP Diffusion pour voir dire que la résiliation par cette dernière des contrats de franchise et d'affiliation qui les liaient était fautive et non fondée et l'entendre condamnée à payer à la première une somme de 483 771,28 euro et à la seconde une somme de 242 509,41 euro en réparation des préjudices subis ainsi que somme de 56 908,50 euro d'indemnité contractuelle due pour non-respect de l'obligation de non-concurrence et 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 5 juin 2009, le tribunal a considéré que, même si la résiliation était fondée sur des modifications imposées par les demanderesses, qui avaient bouleversé l'économie générale des contrats et s'il n'y avait pas de manquements caractérisés de la part de la défenderesse à l'obligation de non-concurrence, le franchisé n'en demeurait pas moins redevable envers la société Italprestige d'une indemnité contractuelle de 64 668,75 euro. Il a, en conséquence, condamné la société BAP Diffusion à payer à la société Italprestige une somme de 64 668,75 euro à ce titre et 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et rejeté toutes les autres demandes.

La société BAP Diffusion a relevé appel de cette décision.

Dans des conclusions du 15 février 2011, tenues ici pour intégralement reprises, elle expose ses arguments et développe des moyens pour obtenir la réformation de la décision entreprise en ce qu'elle a considéré que la clause pénale contenue dans le contrat de franchise demeurait applicable, l'entier débouté de la société Italprestige et de la société PFCA, envers qui elle soutient n'avoir aucun lien contractuel, et leur condamnation in solidum à lui payer 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de modérer la clause pénale et, en tout état de cause, de dire que cette éventuelle clause pénale devra se compenser avec l'indemnisation qui doit lui être allouée en l'état du préjudice causé par la rupture du contrat de franchise imputable à la société Italprestige, indemnité qui doit être évaluée à hauteur du montant de la clause pénale dont elle serait déclarée redevable.

Dans des conclusions du 30 décembre 2010, tenues aussi pour intégralement reprises, les intimés soutiennent que c'est à tort que le tribunal n'a pas considéré comme fautive et non fondée la résiliation du contrat et forment un appel incident, demandant la condamnation de la société BAP Diffusion à payer à :

- la société Italprestige 337 000 euro de dommages et intérêts pour le préjudice subi, 56 908,50 euro pour le manquement aux obligations de la clause de non-concurrence et 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- à la société PFCA une somme de 158 000 euro pour le préjudice subi et 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elles sollicitent aussi la condamnation de l'appelante, sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter du 8e jour suivant le prononcé de l'arrêt, à supprimer toute ressemblance entre son point de vente et les points de vente de " La Boîte à pâtes " et notamment :

- les termes " la Maison de la pâte ",

- l'enseigne octogonale figurant sur la devanture de l'immeuble au-dessus du magasin,

- le store banne de couleur verte,

- la configuration et l'aménagement intérieur et notamment le mobilier en forme d'arc.

L'ordonnance de clôture est du 15 février 2011.

Le 28 février 2011, les intimées ont notifié des écritures récapitulatives portant demande de révocation de l'ordonnance de clôture ou, à défaut, de rejet des dernières écritures de l'appelante en date du 15 février 2011, et, le 1er mars 2011, elles ont communiqué une pièce supplémentaire.

Motifs de l'arrêt :

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :

Attendu que les sociétés Italprestige et PFCA soutiennent que la société BAP Diffusion ayant conclu la veille de l'ordonnance de clôture et fait valoir de nouveaux éléments et de nouveaux développements, elles ont été dans l'obligation de lui répondre et de communiquer de nouvelles pièces, que donc l'ordonnance de clôture doit être révoquée ou, à défaut, les dernières conclusions de l'appelante déclarées irrecevables ;

Attendu que l'examen comparatif des conclusions du 16 novembre 2009 et des conclusions du 15 février 2011, montre que, si l'appelante a repris l'argumentation qu'elle défendait déjà depuis la première instance, elle a aussi formulé dans ces dernières conclusions une demande qui n'existait pas dans celles du 16 novembre 2009, qu'en effet, après avoir demandé l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré qu'il y avait lieu à application de la clause pénale, et sollicité à titre subsidiaire que le montant de cette clause soit réduite à 0, elle a demandé qu'il soit dit et jugé que " la société BAP Diffusion doit être indemnisée du préjudicie causé par la rupture du contrat de franchise, imputable à la société Italprestige à hauteur du montant de la clause pénale dont elle serait déclarée redevable ", que cette demande, en apparence nouvelle, n'est en fait que la reprise du problème de l'imputabilité de la rupture, sur lequel les parties ont longuement conclu,

Que dès lors la révocation de l'ordonnance de clôture ne sera pas prononcée et ces conclusions ne seront pas écartées des débats ;

Sur la rupture des contrats :

Attendu que les appelantes reprochent au jugement de ne pas avoir caractérisé le motif grave qui aurait justifié la rupture unilatérale des contrats par la société BAP, que cependant le tribunal a retenu que les modifications tant au niveau du mode de passation et de livraison des commandes, que du conditionnement des produits, la suppression de certains produits, le changement par la société Italprestige de sa politique tarifaire tous justifiés par la défenderesse, étaient des modifications bouleversant l'économie générale des contrats de franchise et d'affiliation qui justifiaient leur résiliation ;

Attendu que l'examen des documents produits par la société BAP démontre que durant les années 2006 et 2007 de nombreuses réclamations ont été adressées par la société BAP à sa cocontractante, notamment quant aux conditions de livraison des produits, à leurs prix, à leur qualité ou à leur disparition du catalogue,

Que si la société Italprestige a tenté de régler certains de ces problèmes, notamment ceux relatifs aux conditions de livraison, elle n'y est pas parvenue pour d'autres, probablement en raison des conditions spécifiques d'exploitation de l'intimée, puisque la boutique de la société BAP Diffusion est à Paris et l'essentiel des autres magasins de la marque dans le sud-est,

Qu'elle a surtout pratiqué une politique de prix qui ne correspondait pas aux engagements initiaux qui prévoyaient la fourniture de produits de haut de gamme et de qualité à des prix concurrentiels, qu'en effet l'appelante démontre que les prix pratiqués étaient supérieurs à ceux auxquels elle pouvait se fournir hors du réseau, ce que d'ailleurs la société Italprestige ne contestait pas puisque dans un courrier du 8 décembre 2006, elle imputait ce fait au coût du transport sur Paris,

Qu'en outre, la différence dans les conditionnements des produits est aussi une modification importante et grave des conditions essentielles du contrat puisque ces produits destinés à la vente à emporter conditionnés initialement à un poids de 500 grammes, l'ont été par la suite à trois kilogrammes puis à un kilogramme, ce qui occasionnait des pertes de marchandises et des difficultés de vente pour le franchisé,

Que le seul fait que ce dernier aurait vu augmenter, nonobstant ces modifications, son chiffre d'affaires ne peut suffire à écarter le caractère de gravité de ces modifications et du non-respect des termes des contrats quant aux engagements du franchiseur sur la compétitivité des produits, compétitivité qui ne pouvait résulter seulement d'une campagne promotionnelle occasionnelle proposée par le franchiseur, mais devait être assurée tout au long de la période d'exécution du contrat,

Que dès lors le jugement déféré doit, sur ce point, être confirmé ;

Sur l'application d'une clause pénale liée a la rupture des contrats :

Attendu que c'est à tort que le premier juge a, alors qu'il reconnaissait le bien-fondé de la rupture unilatérale par la société BAP des relations contractuelles entre les parties, appliqué la clause pénale prévue au contrat, la mention de la notion de rupture "pour quelque cause que ce soit" ne pouvant être retenue en cas de rupture unilatérale justifiée, que donc, sur ce point, le jugement doit être réformé ;

Sur les manquements invoqués à la clause de non-concurrence:

Attendu que le contrat de franchise, ainsi que les conditions particulières qui y sont annexées comportent une clause 13 et un article 5-1-3, ainsi rédigés :

" En cas de rupture du contrat pour quelque cause que ce soit, ou de non-renouvellement, à l'exception d'une résiliation anticipée aux torts exclusifs du franchiseur, le franchisé ..., s'interdit de créer, participer ou s'intéresser... à tout groupement ou réseau... qui serait concurrent du réseau La Boîte à pâtes. Il s'interdit en outre de poursuive la mise en œuvre et ou la vente de la gamme La Boîte à pâtes ou s'en rapprochant par la forme et ou les qualités intrinsèques. Il s'oblige à banaliser le magasin et à en modifier la décoration et l'agencement faisant partie du savoir-faire de La Boîte à pâtes... ",

Que l'article 15 du contrat de franchise impose au franchisé, en cas de cessation du contrat, de supprimer tout signe distinctif permettant un rattachement ou une confusion avec la franchise La Boîte à pâtes,

Que donc, dans la mesure où il a retenu qu'il n'était pas établi que la BAP Diffusion fasse partie d'un réseau ou commercialise des produits approchant de ceux du franchiseur, le tribunal a à juste titre considéré qu'il n'y avait pas de manquements à la clause 13 et l'article 5-1-13 des conditions particulières, que sa décision doit d'autant plus être confirmée sur ce point que ces clauses n'ont pas à être appliquées dans la mesure où la rupture est imputable aux torts du franchiseur,

Que c'est aussi à bon droit qu'il a écarté la demande visant à faire cesser les atteintes à l'article 15 du contrat de franchise, qu'en effet, il ressort des propres pièces de la société Italprestige que si, le 5 décembre 2007, une confusion était encore possible entre ses boutiques et celle de la société BAP Diffusion, le 7 mars 2008, l'enseigne utilisée par l'appelante " la Maison de la pâte " est différente de " La Boîte à pâtes " dans son intitulé, mais aussi dans son logo et sa calligraphie puisque le constat d'huissier qu'elle a fait établir à cette date ne montre pas une enseigne présentée dans le logo octogonal caractéristique de sa marque,

Qu'il n'est pas non plus établi par la société Italprestige que le mobilier de ses magasins soit suffisamment spécifique pour constituer un élément distinctif de sa marque, d'autant que dans les conditions particulières du contrat de franchise la société BAP était autorisée à installer un " tout mobilier bois " sans autre précision,

Que dès lors le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a débouté la société Italprestige de sa demande sur ce point ;

Attendu, par contre, que si les atteintes aux caractéristiques de la marque La Boîte à pâtes ont incontestablement cessé à ce jour, et avaient même cessé à la date du 7 mars 2008, il est démontré par un des deux constats ci-dessus cités que le 5 décembre ces atteintes existaient, qu'il sera donc alloué à ce titre conformément aux dispositions du contrat, qui subsistent là quel que soit le bien-fondé de la résiliation, une somme 1 euro au titre de la clause pénale stipulée en cas de manquement à l'obligation du franchisé ;

Attendu qu'en l'état du bien-fondé de la rupture des contrats par la société BAP, les autres demandes reconventionnelles des intimées ont été justement rejetées par le tribunal ;

Attendu que l'équité ne justifie pas en la cause l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et que les intimées qui succombent pour l'essentiel doivent être condamnées aux dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Dit n'y avoir lieu a révocation de l'ordonnance de clôture du 15 février 2011, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf celles par laquelle il a condamné la société BAP Diffusion à payer à la société Italprestige une somme de 64 668,75 euro au titre de la clause pénale insérée dans le contrat de franchise et stipulée en cas de rupture anticipée du contrat, et intégralement débouté cette société de sa demande formulée au titre de l'article 15 du dit contrat, Condamne la société BAP Diffusion à payer à la société Italprestige une somme de 1 euro au titre du non-respect immédiat des dispositions de l'article 15 du contrat de franchise, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne les intimées aux dépens et autorise la SCP Bottai Gereux Boulan, titulaire d'un office d'avoué à procéder à leur recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.