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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 8 avril 2011, n° 08-19991

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Afaq Afnor Certification (SAS)

Défendeur :

PC Euro Environnement (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

M. Schneider, Mme Beaudonnet

Avoués :

SCP Baufume-Galland-Vignes, SCP Fanet-Serra

Avocats :

Mes Carbonnier, Dubois

T. com. Bobigny, 2e ch., du 23 sept. 200…

23 septembre 2008

La société PC Euro Environnement (ci-après PC) a, depuis fin 1996, exercé des missions d'audit environnement et qualité pour la société Afaq devenue Afaq Afnor Certification (ci-après A2C).

Se plaignant d'une baisse de ses missions en 2005 et plus encore en 2006, de l'absence de nouvelles missions en 2007, de la résiliation le 5 juillet 2007 par A2C du contrat-cadre la liant à PC depuis le 9 décembre 2005, PC, estimant brutale la rupture des relations commerciales à partir de 2005, a sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce assigné A2C en indemnisation.

Par jugement du 23 septembre 2008 assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Bobigny a condamné A2C à payer à PC la somme de 32 000 euro avec intérêts à compter du 11 avril 2007 et anatocisme, outre 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les dernières écritures signifiées le 26 octobre 2010 par la société A2C, appelante, qui prie la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit non fondée la demande de PC fondée sur une rupture partielle sans préavis des relations commerciales à partir de 2005, de l'infirmer en ce qu'il a retenu brutale la rupture de ces relations en 2007 et par conséquent de rejeter toutes les demandes de PC.

A titre subsidiaire, en cas de confirmation du jugement sur la brutalité de la rupture intervenue en 2007, A2C demande la réduction de l'indemnité allouée à la somme de 2 898 euro, à défaut à celle de 13 022 euro et à défaut à celle de 25 600 euro.

A2C sollicite la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 6 mai 2009, la société PC demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé de la rupture des relations commerciales établies entre les parties, et l'infirmant, de dire que ces relations ont été rompues partiellement dès 2005 et de condamner A2C à lui payer 150 000 euro à titre de dommages-intérêts outre intérêts au taux légal capitalisés à compter du 11 avril 2007. PC sollicite la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce

Sur la rupture des relations commerciales

Considérant que la société A2C sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu l'absence de rupture des relations commerciales, même partielle, en 2005 et 2006 ; qu'elle fait notamment valoir que M. Chapon, né en 1939 et seul membre de l'EURL PC, avait annoncé en 2005 qu'il arrêterait ses activités fin 2007, qu'il en résultait nécessairement une diminution progressive du nombre des missions susceptibles d'être confiées à PC, et ce en application des règles d'exécution des audits de certification selon des cycles triennaux, qu'en outre, les contrats liant les parties ne comportaient aucune garantie d'un volume de missions, qu'enfin, des missions ne pouvaient être confiées à M. Chapon qu'en fonction de ses qualifications et agrément limités aux audits environnement et qualité et non à des audits sécurité ;

Que, pour solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu qu'elle avait brutalement rompu les relations commerciales en avril 2007, A2C fait valoir que le contrat d'application annuel signé avec PC pour 2007 ne comportait aucun nombre minimal de missions, que la règle de certification triennale implique que, sauf dérogation exceptionnelle, dont M. Chapon a bénéficié en 2006, un auditeur ne peut être missionné que pour un cycle complet sans possibilité d'être missionné pour deux cycles triennaux consécutifs, ce qui rendait impossible sauf cas exceptionnel la désignation M. Chapon qui souhaitait, légitimement compte tenu de son âge, arrêter toute activité d'auditeur fin 2007 et qui ne peut donc lui imputer l'initiative d'une rupture, que les revendications de M. Chapon l'ont conduite à dénoncer le 5 juillet 2007 le contrat-cadre avec un préavis d'une année, ce qui n'a pas été accepté par celui-ci ;

Considérant que la société PC, qui sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu l'absence de rupture des relations commerciales dès 2005, soutient qu'ayant perdu son accréditation auprès du Conseil de l'Union européenne, elle était dépendante économiquement de la société A2C, qu'en outre, M. Chapon n'a jamais indiqué en 2005 à A2C que son âge impliquait une décroissance du nombre de ses missions et qu'il souhaitait arrêter son activité d'auditeur indépendant fin 2007, ayant au contraire souligné qu'il n'avait pas l'intention de se retirer avant 2010, date de la fin des fonctions d'expert judiciaire qu'il exerce par ailleurs ; qu'elle fait également valoir qu'il n'existe pas d'agrément sécurité et que A2C l'a elle-même missionné dès 2003 pour des audits sécurité, qui représentent au demeurant une activité très marginale pour A2C, qu'enfin, il est faux de prétendre qu'un auditeur ne peut suivre qu'un cycle de trois ans chez un même client ; qu'elle ajoute que les chiffres d'affaires par elle réalisés avec A2C démontrent l'existence des ruptures brutales des relations commerciales ; qu'elle invoque rupture partielle sans préavis en 2005 puis en 2006 et rupture totale sans préavis en 2007;

Considérant que la société PC fonde son action sur les dispositions de l'article L. 442-6-I.5 du Code de commerce;

Que ce n'est donc que pour mémoire qu'il est précisé qu'outre les relations commerciales invoquées, M. Chapon, par ailleurs gérant de l'EURL PC, a été salarié à temps partiel de la société Afaq pour effectuer des missions de vérification éco-audit selon contrat de travail du 8 avril 1999 qui a pris fin le 1er septembre 2004, date à laquelle M. Chapon, âgé de 65 ans, a pris sa retraite de salarié;

Considérant que les relations commerciales entre la société Afaq et M. Chapon ont commencé par la signature d'un contrat le 26 juillet 1995 et se sont poursuivies avec l'EURL PC créée par M. Chapon en 1996 ; que lors de la fusion entre l'Afaq et l'Afnor, devenue la société A2C, les relations contractuelles entre les sociétés A2C et PC ont été organisées par un contrat-cadre à durée indéterminée du 9 décembre 2005 par lequel A2C a déterminé les règles communes applicables à l'ensemble des sociétés du groupe dans le cadre de leurs relations contractuelles avec les prestataires extérieurs, les règles particulières à chaque type de prestations étant définies par des contrats d'application, ces deux sources de règles étant applicables aux ordres de mission, valant bon de commande d'une prestation dans le cadre du contrat d'application ; qu'aux termes de l'article 13 du contrat-cadre, ce contrat et les documents contractuels s'y rattachant peuvent faire l'objet d'une résiliation par l'une ou l'autre des parties moyennant le respect d'un préavis de six mois ; que les sociétés A2C et PC ont signé le même 9 décembre 2005 un contrat d'application de prestations d'audit ou d'évaluation pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2006 ; qu'elles ont signé le 1er novembre 2006 un contrat d'application de prestations d'audit pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que les honoraires annuels HT (hors frais) perçus par M. Chapon en paiement des commandes de la société Afaq devenue A2C, ont été de 432 900 F (65 995 euro) en 1997, de 521 600 F en 1998, de 542 948 F en 1999, de 593 900 F en 2000, de 581 350 F (88 626 euro) en 2001, de 69 442 euro en 2002, de 89 006 euro en 2003, de 89 317 euro en 2004, de 58 857 euro en 2005, de 31 565 euro en 2006 et de 8 695 euro en 2007 ; qu'il ne peut, malgré les variations enregistrées selon les années, être contesté que M. Chapon a perçu moins d'honoraires que précédemment durant les années 2005 et 2006;

Considérant cependant qu'il est établi par le compte-rendu de l'entretien qui a eu lieu le 9 mai 2005 entre M. Chapon et le responsable du département gestion des expertises et compétences extérieures du groupe Afnor, corroboré par l'attestation de ce dernier, que M. Chapon a alors indiqué souhaiter arrêter son activité d'auditeur pour A2C fin 2007 ; que si M. Chapon conteste avoir tenu de tels propos, ceux-ci sont confirmés par des mails faisant état du fait que des missions longues ou nouvelles ne pourraient plus être confiées à la société PC du fait de la proximité de la " fin d'activité " ou du " départ à la retraite " de son gérant (Cf mail interne du 21 novembre 2006, mail externe du 22 novembre 2006 et mail interne du 27 mars 2007);

Considérant que, compte tenu de ce départ annoncé, il ne peut être reproché à la société A2C d'avoir dès 2005 limité les missions confiées à l'EURL PC constituée par le seul M. Chapon ; qu'en effet, il résulte du guide de l'audit A2C, édition 2006 - ainsi que l'a justement relevé le jugement auquel il est renvoyé sur ce point non utilement contesté devant la cour - qu'un cycle d'audit est, sauf exception, de trois années et qu'il est établi qu'A2C se conforme très généralement à ce guide ;

Qu'en outre, ni le contrat-cadre, ni le contrat d'application ne comportent de dispositions relatives à l'octroi à PC d'un nombre annuel minimum de missions;

Considérant que c'est par conséquent à juste titre, indépendamment du débat inopérant mené par les parties sur la possibilité pour PC d'effectuer des audits " sécurité " qui ne représentent en proportion qu'une part infime de l'activité de la société A2C, que les premiers juges ont retenu que PC ne peut soutenir qu'il y a eu rupture brutale partielle de la relation commerciale en 2005 et 2006 ;

Considérant, s'agissant de la période postérieure, que, bien qu'ayant signé avec PC le 1er novembre 2006 un contrat d'application de prestations d'audit pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007, A2C ne lui a pas attribué de missions à compter du 1er janvier 2007, seules quelques missions en cours se poursuivant ; qu'en outre A2C a, le 27 mars 2007, - en proposant à M. Chapon une mission ponctuelle de deux jours dans le cadre d'un remplacement, tout en précisant qu'il s'agit d'une mission confiée à titre exceptionnel - exprimé sans ambiguïté sa volonté de ne plus confier d'audit à PC, ce qui a conduit cette dernière à invoquer, par courrier du 11 avril 2007, une rupture des relations à l'initiative de A2C ;

Considérant que, par courrier recommandé du 5 juillet 2007, A2C a notifié à PC la résiliation du contrat-cadre du 9 décembre 2005, lui proposant d'ajouter au délai de préavis de six mois prévu par ce contrat, un préavis de six mois s'il en était d'accord; que PC n'a pas accepté cette proposition;

Considérant qu'il n'est pas contesté que, malgré le contrat signé pour 2007, la société A2C n'a confié à PC aucune nouvelle mission - fût-ce de remplacement, d'accompagnement ou de formation - depuis le début de l'année 2007, à l'exception de la mission ponctuelle proposée le 27 mars 2007 ; qu'il n'est pas davantage contesté qu'A2C, bien qu'ayant notifié à PC le 5 juillet 2007, sans invoquer de motifs, la résiliation du contrat du 9 décembre 2005 avec respect du préavis contractuel de six mois et proposition d'augmenter ledit préavis de six mois, n'a attribué à PC aucune mission durant le préavis proposé ; qu'il s'agit donc d'un préavis purement formel;

Considérant que c'est par conséquent par des motifs qui doivent être approuvés que le jugement a retenu que la société A2C a, nonobstant la signature d'un contrat d'application le 1er novembre 2006 pour l'année 2007, rompu dès le 1er janvier 2007 les relations commerciales établies entre les parties depuis la fin de l'année 1996 et ce, sans respecter le délai de préavis prévu par le contrat-cadre du 9 décembre 2005;

Sur le préjudice

Considérant que la société A2C rappelle que seule la brutalité d'une rupture est indemnisable, que tel n'a pas été le cas et que la société PC ne peut, pour justifier de l'existence et du montant du préjudice qu'elle invoque, exciper d'une situation de dépendance économique envers elle, situation au demeurant non établie et déconseillée par elle qui ne demande aucune exclusivité, que ce préjudice doit être réel, ce qui ne peut être le cas lorsque le gérant et unique préposé d'une EURL souhaitant arrêter ses activités n'a pas besoin d'un préavis pour rechercher de nouveaux clients ; qu'à titre subsidiaire, la société A2C conteste l'évaluation du préjudice retenue par le jugement ; qu'elle soutient qu'en retenant la marge nette 2007 de PC qui réalise avec elle 8 000 de son chiffre d'affaires, l'indemnisation de 6 mois de préavis s'élève à 2 898 euro, que si devait être prise en compte la moyenne des trois dernières années, le préjudice de PC s'élèverait à 13 022 euro, qu'enfin en toute hypothèse le tribunal ne pouvait se fonder pour évaluer le préjudice à une perte de chiffre d'affaires et non à une perte de marge (soit 25 600 euro);

Considérant que la société PC conteste en sens inverse l'évaluation du tribunal, soutenant que son préjudice doit être évalué à la somme de 150 000 euro correspondant à la perte de marge durant un an, en prenant pour référence la marge moyenne réalisée de 2000 à 2004 soit avant la rupture partielle invoquée dès 2005 et en l'augmentant pour tenir compte des conditions de la rupture et de sa dépendance économique à l'égard de A2C;

Considérant que, compte tenu de la durée des relations commerciales établies entre les parties et du fait que le chiffre d'affaires réalisé par PC avec A2C est de l'ordre de 85 % de son chiffre d'affaires total - ce dont A2C n'est pas fondée à lui faire grief compte tenu du nombre de missions qu'elle lui confiait habituellement -, A2C aurait dû accorder à PC un préavis d'une année à compter du 1er janvier 2007 ; que la rupture des relations commerciales étant de fait intervenue à cette date, nonobstant le suivi par PC de quelques missions lui ayant été antérieurement attribuées, les premiers juges ont à juste titre pris en considération la moyenne des chiffres d'affaires réalisées par PC avec A2C durant les années 2004 à 2006 dont ils ont déduit les frais et tenu compte de la marge effectivement réalisée par PC durant les premiers mois de l'année 2007 sur le suivi des missions confiées avant le début de ladite année;

Considérant que compte tenu de ces éléments et au vu des pièces versées aux débats, étant précisé qu'il n'est pas sérieusement contesté que PC dégageait une marge de l'ordre de 80 % de son chiffre d'affaires, le préjudice résultant pour PC de la brutalité de la rupture s'établit à la somme de 33 000 euro ; que les intérêts dus sur cette indemnité doivent courir à compter du jugement en ayant admis le principe ; qu'il n'est par ailleurs justifié d'aucune faute de la société A2C autre que le caractère brutal de la rupture des relations commerciales;

Considérant qu'aucune considération tirée de l'équité ne conduit à faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

Par ces motifs, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Afaq Afnor Certification à payer à la société PC Euro Environnement la somme de 32 000 euro, outre intérêts au taux légal à compter du il avril 2007 et assortis de l'anatocisme; Le réformant sur ce point et statuant à nouveau : Condamne la société Afaq Afnor Certification à payer à la société PC Euro Environnement la somme de 33 000 euro outre intérêts à compter du jugement du 23 septembre 2008 ; Déboute les parties pour le surplus ; Condamne la société Afaq Afnor Certification aux dépens; Admet le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.