CA Nîmes, ch. soc., 19 avril 2011, n° 10-05510
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Dailliez
Défendeur :
SFAC DR (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tournier
Conseillers :
M. Lernould, Mme Collière
Avocats :
Me Billet, Selarl Barneoud-Guy-Lecoyer-Millias
Faits procédure et prétentions des parties
Monsieur Bruno Dailliez était embauché le 1er août 2008 en qualité de technico-commercial par la société SFAC DR, et ses fonctions, énumérées au contrat étaient les suivantes :
- Visiter les garages, concessions, ateliers de mécanique, stations-services, services techniques des collectivités territoriales, magasins ayant un rayon automobile ou toute entreprise ayant un service d'entretien mécanique afin de leur offrir les services de notre société ;
- Effectuer une prospection suffisante à l'ouverture minimum d'un compte pour un nouveau client par mois étant bien entendu que l'ouverture de compte est soumise à l'accord de la direction, et à l'acceptation par l'assurance-crédit. Il est expressément convenu que même si certains comptes ne sont pas ouverts suite à notre refus ou celui de l'assurance-crédit, sous réserve que celui-ci soit motivé, vous restez obligée d'ouvrir au minimum un compte par mois. Nous effectuerons un décompte trimestriel.
- Visiter la clientèle de notre société et les prospects dans la ville d'Avignon pour la première année puis ensuite une partie du Vaucluse si nécessaire.
- Chaque jour fournir un compte-rendu détaillé sur les visites effectuées auprès de la clientèle suivie et tout renseignement technique ou commercial ainsi que toute information utile concernant notamment la concurrence et d'une manière générale, tout renseignement susceptible de permettre à la société de prendre des commandes. Vous fournirez également un compte rendu détaillé hebdomadaire de vos prospections.
Les parties stipulaient une clause de non-concurrence ainsi libellée :
" Compte tenu de la nature de ses fonctions, Monsieur Dailliez Bruno s'interdit, en cas de rupture du présent contrat pour quelque cause que ce soit :
- d'entrer au service d'une entreprise vendant des articles ou effectuant des prestations pouvant concurrencer ceux de la société SFAC DR ;
- de s'intéresser directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit à une telle entreprise.
Cette interdiction de concurrence est limitée à une période de 18 mois, commençant le lendemain de la cessation effective des fonctions de Monsieur Dailliez Bruno.
Cette interdiction est applicable à l'ensemble des départements du Vaucluse et départements limitrophes.
En contrepartie de l'application de la présente clause de non-concurrence Monsieur Dailliez Bruno percevra mensuellement pendant la durée de l'application de la présente clause une indemnité correspondant à 15 % dudit salaire brut moyen qu'il aurait perçu au cours de ses 3 derniers mois d'activité au sein de la société. "
Le 15 avril 2010, Monsieur Bruno Dailliez présentait sa démission et était alors embauché par la société Comptoir Automobiles Avignonnais, dite CAA, située dans la ville d'Avignon.
Estimant que ce nouvel employeur était un concurrent direct, car les deux entreprises exerçaient la même activité de vente d'équipements automobiles, la société SFAC DR mettait, infructueusement, en demeure la société CAA de cesser toute activité concurrente.
La société SPAC DR saisissait alors la formation de référés du Conseil de prud'hommes d'Avignon, sollicitant la condamnation sous astreinte de Monsieur Bruno Dailliez à respecter la clause de non-concurrence.
Par ordonnance du 22 novembre 2010 la formation de référé :
- considérait que la violation était caractérisée et constituait un trouble manifestement illicite ;
- ordonnait à Monsieur Bruno Dailliez de cesser toutes activités concurrentes au sein de la société Comptoir Automobiles Avignonnais dans le délai d'un mois suivant sa décision, sous astreinte de 50 euro par jour ;
- condamnait Monsieur Dailliez au paiement de la somme de 50 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur Dailliez a régulièrement relevé appel de cette décision, et soutient que :
- l'activité entre les deux sociétés n'est pas concurrente, car les deux conventions collectives sont différentes ;
- la clause comprend les départements de Vaucluse, de l'Ardèche, le Gard, les Alpes de Haute-Provence, la Drôme, les Bouches du Rhône et le Var, et interdit tout travail dans cette zone pendant 18 mois ;
- la contrepartie financière est fixée à 15 % du salaire, ce qui est dérisoire, ce qui constitue une absence de contrepartie effective ;
- l'étendue de la zone interdite porte atteinte au principe de proportionnalité, ce qui constitue un trouble manifestement illicite.
Estimant la clause nulle il demande de la déclarer inopposable à son égard, et considérant que la procédure engagée par la société est abusive, l'appelant demande, à ce titre, la somme de 5 000 euro de provision de dommages intérêts en réparation et celle de 2 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société intimée demande la confirmation du jugement, et la condamnation de Monsieur Dailliez à lui payer une provision pour dommages et intérêts de 5 000 euro en raison de ses actes de concurrence déloyale, outre la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Motifs
Sur la clause de non-concurrence
Attendu que selon l'article L. 1121-1 du Code du travail nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ;
Attendu que pour être licite une clause de non-concurrence doit, en application du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et de l'article susvisé, être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporter l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ;
Attendu qu'en l'espèce, d'abord les deux entreprises, même si elles appliquent des instruments collectifs différents compte tenu de leur activité principale, ont pour activité la fourniture d'équipements pour automobiles ; que si la société SFAC DR a développé un commerce de gros, s'adressant principalement à des professionnels du secteur, il n'était pas interdit à la société CAA de vouloir s'intéresser à une telle clientèle ;
Attendu qu'ensuite Monsieur Dailliez a exercé au sein de la société SFAC DR la fonction de technico commercial ; que classé niveau IV, échelon I, agent de maîtrise il devait assumer les fonctions telles ci-dessus décrites et devait donc être capable de donner à la clientèle les informations susceptibles de l'inciter à passer ou à renouveler des commandes et recueillir auprès d'elle les éléments pouvant influer sur l'action commerciale de l'entreprise à laquelle il appartenait ;
Attendu que la clause de non-concurrence stipule, en contrepartie de cette restriction une somme correspondant à 15 % de sa rémunération ; qu'il lui était interdit d'entrer au service d'une entreprise vendant des articles ou effectuant des prestations pouvant concurrencer ceux de la société SFAC DR pendant 18 mois et dans le département du Vaucluse et les départements limitrophes ;
Attendu qu'en l'espèce la clause correspond bien à la protection des intérêts légitimes de l'employeur s'agissant d'un salarié qui :
- avait accès à tous les documents fixant les prix et récapitulant la liste des clients ;
- connaissait les rabais et les conditions de vente ;
- connaissait les habitudes des clients, maîtrisait les usages locaux, et les caractéristiques des produits mis en vente.
Attendu qu'une telle clause entraîne nécessairement une atteinte à la liberté du travail et la contrepartie financière était destinée à la compenser ; que le pourcentage retenu n'est pas dérisoire car correspondant à un usage adopté par plusieurs conventions collectives dont celle de l'immobilier lors de l'adoption de l'avenant sur le nouveau statut du négociateur immobilier en 2006; qu'en outre la limitation de l'accès à un autre emploi prenait bien en compte les spécificités de l'emploi exercé dans la mesure où la clause ne s'appliquait que pendant un an et demi ;
Attendu que les contraintes contractuelles ne sont pas, en cet état, disproportionnées comme l'affirme l'appelant, et la clause de non-concurrence n'est donc pas illicite ;
Attendu que l'appelant a été embauché, dans le quartier de la même ville, par une société concurrente ; que quelques jours seulement après la fin de son préavis de démission, il a commencé à travailler pour le compte de son nouvel employeur ; que ses tâches consistent en un contact avec les personnes, clients ou fournisseurs de particuliers, qu'il visite ensuite étant précisé que son seul périmètre est celui de la ville d'Avignon et non pas un secteur qu'il n'a jamais prospecté ;
Attendu qu'ainsi dans son activité professionnelle l'appelant exerce des actes concurrençant directement ou indirectement son ancien employeur et ceci dans la zone contractuelle interdite ;
Attendu que la violation de la clause est en conséquence caractérisée et il convient de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné l'appelant sous astreinte ;
Sur les autres demandes
Attendu qu'en l'état des éléments fournis par les parties il convient, par voie de réformation, d'allouer une somme de 1 800 euro à titre de provision à valoir sur les dommages intérêts en raison du préjudice actuellement subi par la société SAS SFAC DR du fait de l'activité illicite de son ancien salarié ;
Attendu que la procédure n'est pas abusive ; qu'il parait équitable que chacune des parties supporte ses frais exposés en appel en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, l'appelant devant toutefois supporter les dépens.
Par ces motifs, LA COUR, Réforme l'ordonnance déférée, Condamne Monsieur Dailliez à payer à la société SAS SFAC DR la somme de 1 800 euro de provision à valoir sur le préjudice subi par cette dernière, Confirme pour le surplus, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'instance d'appel, Condamne Monsieur Dailliez aux dépens de première instance et d'appel.