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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 6 avril 2011, n° 10-06783

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Echo Form (SARL)

Défendeur :

Pharmaguideur (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Conseillers :

MM. Fohlen, Jacquot

Avoués :

SCP Blanc-Cherfils, SCP de Saint Ferréol-Touboul

Avocats :

Mes Remusat, Prieur

T. com. Marseille, du 16 févr. 2010

16 février 2010

Exposé du litige

Les faits :

La société Echo Form procède à la formation des pharmaciens et a créé en mai 2008 un site Internet présentant son activité. La société Pharmaguideur intervenant dans le même domaine a créé un site identique en novembre 2005. Soutenant que le site créé par la société Echo Form était une copie de son propre site, la société Pharmaguideur a fait procéder à un constat le 6 janvier 2009 par Maître Saffon, huissier de justice à Marseille.

La procédure :

Le 17 mars 2009, elle a assigné la société Echo Form en contrefaçon devant le Tribunal de commerce de Marseille qui par jugement contradictoire du 16 février 2010 a:

- retenu sa compétence territoriale;

- condamné la société Echo Form à payer à la société Pharmaguideur la somme de 17 000 euro à titre de dommages-intérêts et celle de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société Echo Form à cesser ses agissements déloyaux sous quinzaine et sous astreinte provisoire de 200 euro par jour de retard;

- condamné la société Echo Form à procéder à l'affichage du dispositif du jugement sur la page d'accueil de son site Internet et du site " www.pharmachange.com ";

- condamné la société Echo Form à procéder à ses frais à la publication du dispositif du jugement dans les revues " Le Moniteur des Pharmacies " et le mensuel " Pharma ";

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La société Echo Form en est régulièrement appelante selon déclaration du 7 avril 2010 et soutient dans ses conclusions du 21 juillet 2010 que:

- l'imitation qui lui est reprochée ne porte pas sur des signes distinctifs et la confusion entre les deux sociétés est impossible;

- aucun document original de la société Pharmaguideur n'a été copié;

- la reproduction de pièces non protégées par un droit privatif telles des textes et décrets ne constitue pas une concurrence déloyale;

- il n'existe aucune similitude de présentation;

- la baisse de résultats alléguée par la société Pharmaguideur résulte d'une augmentation de ses charges et non d'une diminution de son activité;

- la société Pharmaguideur n'établit aucune relation de cause à effet entre la baisse de résultats et les agissements de la société Echo Form.

La société appelante conclut à l'infirmation du jugement et au rejet des demandes de la société Pharmaguideur.

Dans ses conclusions du 29 novembre 2010, cette dernière fait valoir en réplique que:

- la société Echo Form n'ayant exécuté que partiellement le jugement déféré, l'affaire doit être radiée en application de l'article 526 du Code de procédure civile ;

- elle a procédé à une copie servile de son site Internet mentionnant en outre le nom de Pharmaguideur laissant entendre que les deux sociétés sont partenaires;

- elle a ainsi bénéficié, sans contrepartie, du travail réalisé par la société Pharmaguideur et de sa notoriété afin d'attirer la clientèle de son concurrent;

- elle a aussi contrefait la marque " pharmaguideur " déposée à l'INPI le 3 novembre 2006 en la mentionnant sur son site mis en ligne postérieurement en novembre 2008;

- le site de la société Pharmaguideur a été rédigé par son gérant, spécialiste de la formation des pharmaciens pour avoir notamment dirigé pendant quatre ans une école de préparateurs en pharmacie;

- la société Echo Form n'a copié aucun des sites qu'elle indique tels Pharmachange, WK Pharma et Orientation Formation;

- l'accès au site de la société Pharmaguideur n'est pas protégé par un mot de passe;

- le préjudice subi est justifié par la perte de clientèle et les frais d'huissier;

- son chiffre d'affaires a connu une forte hausse après suppression par la société Echo Form en mai 2010 des pages copiées servilement.

La société Pharmaguideur conclut à la confirmation du jugement sauf à condamner la société Echo Form à lui payer la somme complémentaire de 2 000 euro à titre de dommages intérêts et à publier le dispositif de l'arrêt sur la page d'accueil de son site Internet pendant un mois ainsi que le dispositif du jugement sur le site www.pharmachange.com pendant un mois. Elle réclame enfin paiement de la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 mars 2011.

Discussion

Sur la procédure :

La compétence territoriale du tribunal n'étant plus critiquée en cause d'appel la confirmation du jugement s'impose en ce qu'il a statué de ce chef.

Saisi d'une demande de radiation en vertu de l'article 526 du Code de procédure civile par la société Pharmaguideur, le conseiller de la mise en état a statué par ordonnance contradictoire rendue le 3 mars 2011. Une demande identique est irrecevable devant la cour désormais saisie du litige au fond.

Sur la concurrence déloyale :

Il est acquis que les parties ont toutes deux pour objet social la formation de personnel dans le domaine pharmaceutique, démarchent la clientèle au moyen d'un site Internet et sont en concurrence directe.

Le procès-verbal établi le 6 janvier 2009 par Maître Raffon, huissier de justice, démontre que vingt-quatre extraits du site Internet de la société Pharmaguideur ont été recopiés servilement par la société Echoform pour aménager son propre site puisqu'ils intègrent même par trois fois le nom de Pharmaguideur, intégrations qualifiées de " coquilles " par la société Echo Form. C'est en vain que cette dernière conteste sa responsabilité en prétendant qu'elle n'a diffusé que des informations à caractère public car:

- elle s'est approprié tout ou partie du travail et des investissements d'autrui et a pu mettre en place son propre site à moindre frais;

- le terme " Pharmaguideur " laissé à trois reprises étant un lien " hypertexte " l'internaute dirigé du site Echo Form vers le site Pharmaguideur peut être amené à considérer que les deux sociétés sont partenaires et être ainsi victime d'une confusion;

- la majorité des sites mentionnés par la société Echo Form ne présentent qu'une compilation de textes et décrets relatifs au droit à la formation (légifrance.gouv.fr, Pharmachange, WK pharma) sans aucun travail d'analyse, d'interprétation et de clarification et très curieusement le site Echo Form n'a réalisé aucun emprunt aux sites invoqués;

- contrairement à ses dires, l'accès à son site Internet est libre et ne nécessite ni compte, ni mot de passe.

Il ressort de ces éléments que la société Echo Form s'est immiscée dans le sillage de la société Pharmaguideur directement concurrente pour profiter, sans rien dépenser, de son savoir-faire et de ses efforts. C'est donc à bon droit que le tribunal a retenu le caractère déloyal de ces agissements engageant la responsabilité de la société Echo Form.

En revanche le maintien du terme " pharmaguideur " dans les extraits repris par la société Echo Form, nécessairement involontaire, ne peut être considéré comme une contrefaçon de la marque éponyme.

Sur le préjudice :

La société Echo Form critique les circonstances dans lesquelles la société Pharmaguideur a fait valoir en première instance l'existence de son préjudice à savoir par le dépôt d'une note en délibéré. Ces circonstances ne sont plus actuelles puisque les parties ayant pu échanger leurs pièces au cours de la procédure d'appel, la société Echo Form a été à même d'examiner, en temps utile, les pièces comptables objet de la note en délibéré.

Elles montrent que dès la création du site Echo Form, la société Pharmaguideur a subi une nette diminution de son résultat et qu'en revanche son chiffre d'affaires a connu une forte hausse en mai 2010 après suppression sur le site Internet d'Echo Form, au titre de l'exécution provisoire du jugement, des pages copiées servilement. Les chiffres communiqués sont certifiés par l'expert-comptable Giuntoli. La relation de cause à effet entre les agissements déloyaux et le préjudice est ainsi incontestable tout comme le dommage.

Le jugement mérite d'être confirmé, sans qu'il y ait lieu de majorer les dommages-intérêts alloués par le tribunal. En effet le site Internet créé par la société Pharmaguideur n'a pas été altéré dans son fonctionnement par les agissements de la société appelante et la société Pharmaguideur a pu en poursuivre l'exploitation. Il n'existe ainsi aucun motif pour mettre les frais de sa création à la charge de la société Echo Form l'investissement financier réalisé n'ayant pas disparu du fait de la concurrence déloyale qui lui est reprochée.

Les mesures de publicité constituent un mode de réparation adapté à une infraction ayant connu une large diffusion. Elles seront confirmées dans les termes du jugement sauf à préciser la durée de la publication sur le site " pharmachange ".

Il apparaît particulièrement équitable, au vu de ce qui précède, de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Pharmaguideur.

La société Echo Form qui succombe sera quand à elle condamnée aux dépens en application de l'article 696 du même Code.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement : Reçoit l'appel; Confirme le jugement déféré rendu par le Tribunal de commerce de Marseille; Déclare irrecevable la demande en application de l'article 526 du Code de procédure civile; Dit que la publication sur le site www.pharmachange.com ordonnée par le tribunal sera effectuée pour une durée d'un mois; Condamne la société Echo Form à payer à la société Pharmaguideur la somme de 4 000 euro (quatre mille euro) en application de l'article 700 du Code de procédure civile; La condamne aux dépens et autorise la SCP Touboul de Saint Ferréol, avoués, à les recouvrer au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.