Livv
Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 6 avril 2011, n° 08-04583

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vinceneux (ès qual.), LGC (SARL)

Défendeur :

LGC2 (SARL), Castin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cousteaux

Conseillers :

Mme Croisille-Cabrol, M. Roger

Avoués :

Mes de Lamy, SCP Boyer Lescat Merle, SCP Château

Avocats :

Me Boyadjian, SCP de Masquard-Tamain, Selarl Gourbal

T. com. Toulouse, du 21 juill. 2008

21 juillet 2008

Faits et procédure

Monsieur Christian Castin a créé un salon de coiffure sis 60 et 62 rue de la Colombette, exploité sous l'enseigne et le nom commercial : " Les Garçons Coiffeurs ",

Le 14 octobre 1998, Monsieur Castin a fait apport de ce fonds artisanal, en ce y compris l'enseigne "Les Garçons Coiffeurs" et le nom commercial, à la société LGC, société à responsabilité limitée, immatriculée le 30 octobre 1998.

Le 14 avril 2005, une nouvelle société a été constituée entre la société à responsabilité limitée LGC, Monsieur Christian Castin et Madame Lydia Groleau, sous la dénomination sociale: LGC2. Le même jour que le jour de sa constitution, la société LGC2 a signé avec la SARL LGC un acte portant cession du fonds qu'exploitait cette société sous le nom commercial et l'enseigne: " Les Garçons Coiffeurs ".

La répartition du capital social de cette nouvelle entité est la suivante: Madame Lydia Groleau : 275 parts sociales, gérante majoritaire de cette société, Monsieur Christian Castin: 175 parts sociales, la SARL Les Garçons Coiffeurs : 50 parts sociales ;

Suivant jugement du Tribunal de commerce de Toulouse en 21 mars 2006, la société LGC a été placée en redressement judiciaire, puis, suivant jugement de ce même tribunal en date du 6 juin 2006, en liquidation judiciaire.

Par acte du 5 novembre 2007, la société LGC2 a saisi le Tribunal de commerce de Toulouse en raison de manœuvres dolosives qu'aurait commises la société LGC dans le cadre de la cession du fonds de commerce.

A ce titre, la société LGC2 sollicitait la condamnation solidaire de Monsieur Christian Castin et Maître Vinceneux ès qualités de mandataire judiciaire de la société LCG à lui payer :

- 11 231,14 euro au titre de travaux,

- 5 000 euro au titre de la perte de chiffre d'affaires,

- 45 000 euro au titre du préjudice moral,

- 20 000 euro au titre de perte de marge sur chiffre d'affaires.

Par jugement en date du 21 juillet 2008, le Tribunal de commerce de Toulouse fixait la créance de la société LGC2 au passif de la société LGC à la somme de 16 320,14 euro, ordonnait la mainlevée de la saisie-conservatoire pratiquée par la société LGC, condamnait Monsieur Castin au retrait de l'enseigne "Les Garçons" "Coiffeur" sous astreinte et lui faisait interdiction d'utiliser le nom "Les Garçons" "Coiffeur" dans sa communication.

Maître Vinceneux ès qualité a interjeté appel de cette décision le 4 septembre 2008.

La société LGC a fait l'objet d'une clôture pour extinction du passif si bien que la société LGC est redevenue in bonis, Maître Vinceneux n'intervenant plus ès qualités.

La SARL LGC2 a assigné en reprise d'instance la SARL LGC le 25 août 2010. L'assignation a été convertie en procès-verbal de recherches infructueuses, la SARL LGC n'étant plus domiciliée 15 chemin de la Crabe à Toulouse.

Prétentions et moyens des parties

Par conclusions déposées le 10 mai 2010, Monsieur Christian Castin met en exergue que la société LGC2 n'a pas formé tierce opposition au jugement de clôture pour extinction du passif de la société LGC. Par ailleurs, la société LGC2 n'a jamais régularisé une quelconque déclaration de créance à l'encontre de la société LGC lorsque cette dernière était en liquidation judiciaire.

En conséquence, la société LGC2 est infondée juridiquement à poursuivre en paiement la société LGC. L'autorité de la chose jugée attachée au jugement interdira au créancier de poursuivre le débiteur principal en paiement.

Sur le fond, Monsieur Christian Castin conteste que la société LGC ait commis les manœuvres dolosives qui lui sont reprochées : dissimulation de la procédure de résiliation du bail en cours, obligation de réaliser des travaux, congé avec offre de renouvellement. Il conteste également qu'elle ait violé son obligation de non-rétablissement du fait de l'installation de Monsieur Castin en qualité de coiffeur 1 rue du Coq d'Inde à Toulouse et qu'elle ait commis des actes de concurrence déloyale par détournement du fichier clients. Il soutient que la marque Garçons Coiffeurs qui a été déposée par Monsieur Castin personnellement n'a pas été cédée avec le fonds de commerce et ne constituait pas l'enseigne du fonds cédé.

Monsieur Christian Castin demande à la cour de :

- Réformer le jugement rendu le 21 juillet 2008 par le Tribunal de commerce de Toulouse,

- Constater que la société LGC2 est infondée juridiquement à poursuivre en paiement la société LGC pour n'avoir d'une part ni déclaré sa créance, ni d'autre formé tierce opposition au jugement de clôture pour extinction du passif de la société LGC.

- Dire et juger que la société LGC2 ne justifie pas de manœuvres dolosives qu'aurait commis Monsieur Christian Castin et ou la société LGC,

- Dire et juger que la société LGC2 ne justifie pas de faits de concurrence déloyale qu'aurait commis Monsieur Christian Castin,

En conséquence,

Débouter la société LGC2 de l'intégralité de ses demandes,

Condamner la société LGC2 à payer à Monsieur Castin la somme de 20 000 euro pour procédure abusive outre la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Château, avoué.

Par conclusions déposées le 28 mai 2010, la SARL LGC2 expose qu'elle a dû faire exécuter des travaux pour un montant de 11 [2]30,14 euro après la cession du fonds et que, par acte du 23 juillet 2005, la bailleresse, Madame Gaychet faisait signifier à la société LGC2, un refus de renouvellement sans indemnités, contenant réitération de mise en demeure d'avoir à justifier des travaux de remise en état des lieux loués. La société LGC2 a eu alors la surprise de découvrir que la société LGC avait procédé à des travaux sans autorisation de la bailleresse et avait été condamnée en référé le 24 octobre 2001 à être expulsée sous réserve de faire effectuer les travaux dans les deux mois.

Elle reproche également à Monsieur Castin des faits de concurrence déloyale car celui-ci a ouvert, le 1er juin 2006, 1 rue du Coq d'Inde, un nouveau salon de coiffure, sous l'enseigne : "Les Garçons Coiffeur".

La SARL LGC2 demande à la cour de :

- Débouter la SARL LGC de l'intégralité de ses demandes:

- Condamner Monsieur Castin au paiement de la somme de 24 854,88 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à la société LGC2 par ses agissements de concurrence déloyale caractérisée.

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Monsieur Castin, sous astreinte de 200 euro par jour de retard, au retrait de l'enseigne "Les Garçons Coiffeur", et lui a fait interdiction d'utiliser ces termes, à titre de nom commercial et notamment dans le cadre de sa communication.

- Ordonner la réfection du prix de la vente du fonds artisanal et de commerce passée le 14 avril 2005, à la somme de 125 438,58 euro.

- Condamner, en conséquence, la société LGC à rembourser à la société LGC2, la somme de 61 147,42 euro en remboursement des sommes qu'elle a indûment perçues au titre du prix de vente du fonds de commerce.

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Monsieur Castin au paiement d'une somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC.

- Y ajoutant, condamner Monsieur Castin, au paiement de la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner Monsieur Castin aux entiers dépens, en ce y compris les dépens de première instance, dont distraction au profit de la SCP Boyer Lescat Merle.

Motifs de l'arrêt

Il convient tout d'abord de constater que, en raison de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL LGC, Maître Liliane Vinceneux n'est plus dans la cause.

Sur la recevabilité des demandes à l'encontre de la SARL LGC.

Suivant jugement du Tribunal de commerce de Toulouse en 21 mars 2006, la société LGC a été placée en redressement judiciaire, puis, suivant jugement de ce même tribunal en date du 6 juin 2006, en liquidation judiciaire, procédure clôturée le 5 mars 2009 pour extinction du passif.

La SARL LGC2 soutient qu'elle n'avait pas l'obligation de déclarer sa créance puisqu'elle ne sollicitait que la réfection du prix de vente et se reconnaît débitrice du prix de vente seulement à hauteur de : 186 586 - 61 147,42 = 125 438,58 euro.

La SARL LGC2 démontre que ce n'est que postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire de la société LGC, qu'elle est devenue créancière de la société LGC puisque, dans l'attente de l'arrêt à intervenir et du prononcé de la diminution de prix qu'elle sollicite, elle a continué à s'acquitter régulièrement des échéances initialement convenues, jusqu'au 30/04/2010.

La société LGC étant à ce jour redevenue in bonis, la demande en paiement à son encontre est effectivement recevable.

Sur le bien-fondé des demandes de la SARL LGC2.

Sur le fond, Monsieur Christian Castin conteste que la société LGC ait commis des manœuvres dolosives, qu'elle ait violé son obligation de non-rétablissement et qu'elle ait cédé la marque Garçons Coiffeurs. Sur ces trois points, son argumentation doit être rejetée.

Sur la dissimulation de la procédure de résiliation du bail en cours et l'obligation de réaliser des travaux.

Le premier juge a exactement constaté que la demande de renouvellement du bail formée par la SARL LGC2 a été refusée par le bailleur et qu'un jugement de résiliation du bail et d'expulsion de LGC avait été prononcé en raison du percement d'un mur mitoyen et d'une modification d'ouverture existante sans autorisation, ensuite de quoi, une décision de référé avait accordé un délai de grâce sous réserve que les travaux de remise en état initial soient réalisés, ce qui n'a pas été fait par LGC.

Ces décisions judiciaires risquant de réduire à néant le fonds de commerce cédé auraient dû être portées à la connaissance du cessionnaire ; elles ne l'ont pas été, ce qui caractérise une réticence dolosive caractérisée. Il en est de même de la dissimulation du dépôt de la marque "Les Garçons Coiffeurs" à l'INPI le 15 octobre 1996.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé la créance de la SARL LGC2 à 16 310,14 euro sauf, pour tenir compte de l'évolution du litige et de la clôture de la liquidation à condamner la SARL LGC à payer cette somme à la SARL LGC2.

Sur la réduction du prix de vente.

La SARL LGC2 sollicite d'ordonner la réfection du prix de la vente du fonds artisanal et de commerce passée le 14 avril 2005, à la somme de 125 438,58 euro et en conséquence de condamner la société LGC à rembourser à la société LGC2, la somme de 61 147,42 euro en remboursement des sommes qu'elle a indûment perçues au titre du prix de vente du fonds de commerce (4 381,57 + 11 231,14 + 45 534,71).

Le premier juge l'a déboutée de ce chef de demande.

Même si le contrat de cession du fonds de commerce ne comporte pas de garantie de passif spécifique, les articles 1641 et suivants du Code civil comme l'article 117 invoqué par la SARL LGC2 peuvent fonder la demande de réduction du prix. Le tribunal qui a à bon droit constaté la réticence dolosive et le vice affectant le bail ne pouvait débouter le cessionnaire au motif que celui-ci ne rapporte pas la preuve d'une baisse du chiffre d'affaires.

La somme de 16 310,14 euro étant déjà acquise, il reste à fixer le préjudice résultant de l'atteinte au droit de bail que la SARL LGC2 évalue à la valeur du droit au bail fixée dans l'acte de cession, soit 45 734,71 euro.

Sur ce point, la cour relève que les travaux ont été effectués en 2007 alors qu'ils auraient dû être effectués en 2001 et ceci, sans que le bailleur ne reprenne la procédure de résiliation du bail autrement qu'en délivrant un acte de refus de renouvellement le 23 juillet 2005 comportant mise en demeure de procéder aux travaux. La SARL LGC2 qui ne conteste pas être toujours dans les lieux ne rapporte donc pas la preuve de la disparition effective du droit au bail. Son préjudice résultant de la fragilité de sa situation sera limité à 10 % de la valeur du droit au bail soit 4 573 euro.

Le préjudice total résultant de la réticence dolosive sera donc arrêté à 20 883,14 euro (16 310,14 euro + 4 573 euro).

Sur la violation de l'obligation de non-rétablissement.

Le premier juge a exactement constaté que le fonds de commerce apporté à LGC puis cédé à la SARL LGC2 était composé d'actifs incorporels parmi lesquels l'enseigne "Les Garçons Coiffeurs" "dont il n'est rapporté aucun dépôt autre que l'immatriculation de la SARL LGC auprès du RCS" alors que la marque déposée par Monsieur Christian Castin concerne les produits et soins capillaires, parfumerie et cosmétiques, et non l'exploitation de salons de coiffure.

En se rétablissant dans un salon de coiffure à proximité du fonds de commerce exploité par la SARL LGC2 et en utilisant une enseigne identique à une lettre près, Monsieur Castin a violé son obligation de non-rétablissement. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur Castin, sous astreinte de 200 euro par jour de retard, au retrait de l'enseigne "Les Garçons" "Coiffeur", et lui a fait interdiction d'utiliser ces termes, à titre de nom commercial et notamment dans le cadre de sa communication.

S'agissant du préjudice résultant de la concurrence déloyale, la SARL LGC2 demande en outre paiement de la somme de 24 854,88 euro à titre de dommages et intérêts mais le tribunal l'a déboutée au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve que la baisse de son chiffre d'affaires est lié aux agissements conjoints de la SARL LGC et de Monsieur Castin.

Cependant l'absence de baisse du chiffre d'affaires est insuffisante à démontrer l'absence de préjudice, la victime de la concurrence déloyale ayant pu limiter les conséquences financières de celle-ci par sa compétence plus grande ou par une activité plus soutenue.

Les agissements de Monsieur Castin et notamment l'annonce qu'il faisait de l'ouverture de son prochain fonds aux clients de la SARL LGC2 pendant la période où il y a travaillé en qualité de salarié, de même que la reprise de son ancienne enseigne et le dénigrement de l'équipe de LGC2 établissent au contraire que Monsieur Castin a cherché à détourner la clientèle du fonds qu'il avait cédé et qu'il y a nécessairement réussi, au moins en partie.

De plus, en l'espèce, il résulte des chiffres produits par la SARL LGC2 que, par rapport aux exercices 2002, 2003 et 2004, le chiffre d'affaires du salon de coiffure a indiscutablement baissé en 2005, 2006 et 2007. La perte de résultat en découlant est justifiée à hauteur de la somme demandée. Il sera donc fait droit à la demande à hauteur de 24 854,88 euro.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Monsieur Castin, sous astreinte de 200 euro par jour de retard, au retrait de l'enseigne "Les Garçons" "Coiffeurs", et lui a fait interdiction d'utiliser ces termes, à titre de nom commercial et notamment dans le cadre de sa communication, Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Monsieur Castin au paiement d'une somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, La réformant pour le surplus, Condamne Monsieur Castin au paiement de la somme de 24 854,88 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à la société LGC2 par ses agissements de concurrence déloyale caractérisée, Condamne la société LGC à rembourser à la société LGC2, la somme de 20 883,14 euro en remboursement des sommes qu'elle a indûment perçues au titre du prix de vente du fonds de commerce, Condamne Monsieur Castin, au paiement de la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Monsieur Castin aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel, au profit de la SCP Boyer Lescat Merle.