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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 1 avril 2011, n° 08-06796

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pakameco (SA)

Défendeur :

Erels (SAS), Sansarlat, Rosier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Girardet

Conseillers :

Mmes Regniez, Nerot

Avoués :

Me Teytaud, SCP Oudinot-Flauraud, SCP Verdun-Seveno

Avocats :

Mes Monegier du Sorbier, Legrand, Armengaud, Mateu

TGI Paris, 3e ch. 1re sect., du 19 févr.…

19 février 2008

Messieurs Pascal Rosier et Jean-Jacques Sansarlat étaient co-propriétaires du brevet français déposé le 21 avril 1995 sous le n° 95 04 813 intitulé " un procédé de réalisation d'objets notamment à surface externe remodelable ".

Ils sont par ailleurs co-propriétaires du brevet européen EP 0821 651, délivré le 7 juillet 1999, maintenu sous une forme modifiée le 22 août 2005, dont le titre est " procédé de réalisation d'éléments mécaniques notamment à surface externe remodelable " qui revendique la priorité du brevet français précité.

Pour commercialiser, sous la marque " Plastitou ", un produit qui mettrait en œuvre leur invention, ils se sont rapprochés de la société Erels et établirent avec elle, le 19 juillet 1995, un projet de contrat de licence de brevet, de marque et de savoir-faire, dont l'article 8.4 interdit à la licenciée pendant un délai de trois ans après la cessation des effets du contrat de s'intéresser " à quelque titre que ce soit, à toute entreprise ayant pour objet de fabriquer et de distribuer tout article de nature à concurrencer l'invention ". Un contrat est finalement signé avec la société Erels le 14 octobre 1995 et le même jour est signé avec la société Pakameco, filiale de la société Erels, un contrat de cession partielle de la marque Plastitou. Des dissensions surviennent aussitôt entre les parties, portant aussi bien sur la somme à régler à la signature que des documents que les inventeurs avaient communiqués à la société Erels. Le contrat sera d'ailleurs dénoncé par la société Erels.

Ayant constaté la commercialisation par les sociétés Erels et Pakameco d'un produit dénommé " Repartout " dans la même application que celle objet de la convention dénoncée, Messieurs Sansarlat et Rosier ont, le 22 mai 1996, assigné à jour fixe les sociétés Erels et Pakameco devant le tribunal de commerce de Melun en réparation d'actes de concurrence déloyale. Par jugement dont appel, en date du 8 juillet 1996, ils furent déboutés de l'ensemble de leurs prétentions.

Les sociétés Erels et Pakameco ont alors, par actes des 5 et 6 janvier 1998, introduit devant le Tribunal de grande instance de Paris, une action en nullité du brevet français à l'encontre de Messieurs Sansarlat et Rosier et de leur licenciée la société GPI, qui fut suivie le 21 avril 1998 de l'action engagée par Messieurs Sansarlat et Rosier en contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 8, 9 et 10 du brevet français.

Les deux instances furent jointes et les demandes formées par les parties furent étendues à la validité et à la contrefaçon du brevet européen.

Celui-ci ayant fait l'objet d'une procédure d'opposition initiée par les sociétés Erels et Pakameco, le tribunal, par jugement en date du 22 novembre 2000, décida de surseoir à statuer au visa de l'article L. 614-15 du Code de la propriété intellectuelle.

L'instance fut reprise après la décision de l'Office européen des brevets qui maintint le brevet mais sous une forme modifiée.

Par jugement du 19 février 2008, le tribunal débouta les sociétés Erels et Pakameco de leurs demandes de nullité des brevets français et européen, dit que la société Pakameco avait commis des actes de contrefaçon du brevet français jusqu'au 18 septembre 2005 et du brevet européen à partir de cette date, dit que la société Erels avait commis des actes de contrefaçon du brevet français jusqu'au 1er août 2004. Le tribunal les a alors condamnées in solidum à verser aux inventeurs les sommes provisionnelles de 20 000 euro au titre du brevet français et de 20 000 euro au titre du brevet européen, à valoir sur le montant des dommages et intérêts à fixer après expertise. Il prononça en outre les mesures d'interdiction et de publication d'usage.

Les instances concernant l'appel de ce jugement et l'appel du jugement du Tribunal de commerce de Melun ont été jointes.

Vu les dernières écritures en date du 3 février 2011 de la société Erels qui souligne qu'elle fut une filiale de la société Pakameco avant de devenir, à compter du 1er août 2004, une filiale de la société GPI, elle-même licenciée de Messieurs Rosier et Sansarlat du 15 décembre 1995 au 16 décembre 2008, en sorte que les actes qui lui sont reprochés ne concernent pour l'essentiel que la période du 27 février 1997 au 31 juillet 2004 ; au fond, elle conclut à la nullité pour défaut de nouveauté et subsidiairement d'activité inventive, de l'ensemble des revendications du brevet français et de l'ensemble des revendications de la partie française du brevet européen ainsi qu'au rejet des demandes formées et à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement du Tribunal de commerce de Melun du 8 juillet 1996 qui a rejeté l'action en concurrence déloyale ;

Vu les dernières écritures en date du 3 février 2011 de la société Pakameco qui conclut également à la confirmation du jugement du tribunal de commerce précité, à l'annulation du brevet français et du brevet européen pour défaut d'application industrielle, subsidiairement, de nouveauté et en tout cas d'activité inventive ; elle soutient in fine que les intimés ne rapportent pas la preuve d'actes de contrefaçon qui lui soient imputables et demande à la cour d'ordonner la publication de son arrêt aux frais des intimés ;

Vu les dernières écritures en date du 6 janvier 2011 de Messieurs Rosier et Sansarlat qui concluent à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement du Tribunal de commerce de Melun, demandent à la cour de retenir que les sociétés Erels et Pakameco se sont rendues coupables de manœuvres dolosives et à tout le moins de parasitisme, pour les condamner à leur payer la somme de 300 000 euro à titre de dommages et intérêts ; ils sollicitent en revanche la confirmation du jugement du 19 février 2008 du Tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a déclaré les sociétés appelantes recevables à agir en annulation des revendications des brevets qui ne leur étaient pas opposées, et sauf sur le montant de la provision à valoir sur les dommages et intérêts allouée en réparation des actes de contrefaçon qu'ils demandent à la cour de fixer, pour chacun d'eux, à la somme de 1 million d'euro, outre 1 million d'euro au titre de la concurrence déloyale, étant observé que dans le corps de leurs écritures, ils sollicitent de ce dernier chef une somme de 300 000 euro ;

Sur ce,

Considérant qu'il convient d'examiner en premier lieu les demandes formées au titre des deux brevets invoqués avant d'aborder en second lieu les demandes faites sur le fondement de la concurrence déloyale ;

1/Sur la validité du brevet français FR 95 04 813 et du brevet européen EP 0821 651 :

A / Sur la validité du brevet français :

Considérant que Messieurs Sansarlat et Rosier concluent, sur le fondement de l'article 31 du Code de procédure civile, à l'irrecevabilité de la demande d'annulation des revendications 4 à7 et 11 à 13 du brevet français, dans la mesure où leur action en contrefaçon n'est pas fondée sur ces dernières;

Mais considérant que la demande d'annulation des revendications litigieuses n'est pas formée reconventionnellement par les sociétés Erels et Pakameco, en défense à une action en contrefaçon, mais a été formée dans le cadre d'une action distincte, comme rappelé ci-avant, engagée à titre principal par actes des 5 et 6 janvier 1998, avant même que Messieurs Rosier et Sansarlat n'agissent en contrefaçon ;

Que la jonction des actions n'a pas affecté la nature de ces actions ;

Qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée, par substitution de motifs, en ce qu'elle a déclaré recevable la demande d'annulation de l'ensemble des revendications du brevet français ;

Sur la portée du brevet :

Considérant que, selon sa description, le brevet couvre un procédé de réalisation d'une empreinte de la forme d'un objet, à surface externe remodelable ; que les produits utilisés jusqu'alors (plâtre, résines de synthèse plus ou moins fluides) placés dans des moules portant l'empreinte de l'objet à reproduire et durcissant par réaction chimique ou photochimique, présentaient trois inconvénients :

- le premier tenant à l'exigence de manipulations d'outillages et de dosages de produits chimiques qui n'étaient pas à la portée de tout utilisateur,

- le second provenant de son caractère irréversible qui rend quasiment impossible la mise en œuvre de retouches de la forme et des dimensions de l'empreinte, comme la réutilisation du produit pour une autre application,

- le troisième né de la nécessité de disposer de moyens d'immobilisation de l'objet pour assurer le durcissement ;

Que l'invention propose de remédier à ces inconvénients par le recours à un produit du type polycaprolactone, moyen facile et rapide à mettre en œuvre et qui permet toute modification ultérieure de la conformation obtenue jusqu'à l'obtention du résultat souhaité ;

Que le procédé consiste à chauffer ce produit au voisinage de sa température de ramollissement, de le mettre au contact d'au moins une partie de la surface externe de l'objet et de l'y maintenir jusqu'à son refroidissement conduisant à une rigidification au moins partielle du produit;

Que dans un mode de mise en œuvre de l'invention, le produit est disposé entre au moins une partie de la surface externe d'au moins deux éléments, de façon à ce qu'il occupe le volume compris entre ces surfaces et se mette en conformation de la dimension et de la forme de celles-ci (page 2 4-28) ;

Qu'il est encore précisé que l'invention ne couvre pas seulement ce procédé mais également l'objet lui même, formé d'une âme centrale recouverte, sur au moins une partie de sa surface externe, d'un produit du type de la polycaprolactone ;

Considérant que le champ d'application de l'invention n'est pas limité puisqu'il comprend " les objets les plus divers " (page 2 ligne 4), et que des variantes de mise en œuvre sont mentionnées (page 3) dans l'outillage, " un élément du corps humain ", les armes, le sport (page 7, ligne 22) ;

Considérant que la revendication 1 est ainsi rédigée :

" Procédé de réalisation d'un objet composite constitué d'au moins un élément, caractérisé en ce qu'il consiste à chauffer un produit (5) du type polycaprolactone au voisinage d'au moins sa température de ramollissement, à mettre manuellement au contact d'au moins une partie de la surface externe dudit élément (1, 3,10,12, 20, 38, 50, 61, 63, 64, 68,70, 78, 80, 82) un volume déterminé de ce produit et à l'y maintenir jusqu'à son refroidissement conduisant à une rigidification au moins partielle du produit (5) sur ledit élément, de façon à le solidariser de celui-ci " ;

Que la revendication 2 se lit comme suit :

" Procédé suivant la revendication 1 caractérisé en ce que l'on dispose le produit (5) entre au moins une partie de la surface externe d'au moins deux éléments (1, 3, 5, 50, 52), de façon qu'il occupe le volume compris entre ces surfaces et se mette en conformation de la dimension et de la forme de celles-ci " ;

Que les revendications 3 à 10 couvrent des variantes du procédé, alors que les revendications 11 à 13 sont des revendications de produit ;

Sur la qualification d'invention :

Considérant que la société Pakameco est tout d'abord mal fondée à soutenir qu'il ne s'agirait pas d'une invention au sens du droit des brevets ;

Qu'en effet, le problème technique (les trois inconvénients sus mentionnés) est clairement exposé par la description, comme l'est tout autant le procédé décrit pour le résoudre qui fait appel à un produit dont les propriétés sont connues en l'espèce la polycaprolactone ;

Sur la nouveauté de la revendication 1 :

Considérant que, pour le motif sus exposé, la revendication 1, n'est pas limitée à un mode d'application exclusif mais a vocation à couvrir des applications les plus diverses ; que le procédé breveté est un procédé de réalisation d'un objet composite à l'aide de polycaprolactone ;

Considérant que les appelantes opposent deux antériorités (GB 1 366 091 et W094/0321 1) et la société Pakameco fait valoir en outre que Messieurs Rosier et Sansarlat ont divulgué leur invention, en dehors de tout contexte confidentiel, lors d'une présentation de l'invention qu'ils ont faite le 10 mars 1995, à la société Union Carbide ;

Considérant que le document WO 94 /03 211 a été déposé le 6 août 1993 sous priorité du 7 août 1992, et a pour objet, peu important à cet égard la traduction de son titre sur laquelle les parties sont contraires, la réalisation d'attelles orthopédiques ;

Qu'il préconise l'emploi d'une poly-epsilon-caprolactone dont il n'est pas contesté qu'il s'agit d'un produit " du type polycaprolactone " au sens du brevet litigieux ;

Que le procédé décrit pour réaliser les attelles passe comme indiqué dans la revendication 1 du brevet de Messieurs Rosier et Sansarlat, par le chauffage du produit à une température se situant aux environs de 600 C, permettant d'obtenir son ramollissement, puis par l'application à la main du produit chauffé en le mettant directement au contact d'au moins une partie de la surface externe d'un membre du corps humain, et enfin par le maintien en place du volume moulé jusqu'à refroidissement, conduisant, comme l'a relevé l'OEB dans sa notification du 2 juin 2004, à sa rigidification sur ledit membre du corps humain, la pièce en polycaprolactone ainsi conformée, rigidifiée et solidarisée sur ledit membre, constituant une pièce mécanique conçue pour permettre d'exercer une force sur ledit membre ;

Considérant que pour être destructrice de nouveauté au sens de l'article L. 61 1-11 du Code de la propriété intellectuelle, une antériorité doit révéler les éléments qui constituent l'invention, dans le même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat ;

Que la nouveauté s'apprécie au seul vu de chacune des antériorités produites, indépendamment de toute référence à l'homme du métier, étant rappelé qu'une application particulière antériorise une revendication générale ;

Considérant que Messieurs Rosier et Sansarlat affirment que le document WO 94/03211 n'est pas pertinent, dans la mesure où rien ne permettrait de rattacher le champ couvert par leur brevet à celui de la réalisation de prothèses médicales, et que le passage de la description portant sur une variante dont un élément est " un élément du corps humain " a été dénaturé par les appelantes car cette variante ne concerne qu'un moyen de préhension portant l'empreinte de la main refermée de l'utilisateur et non pas une prothèse ;

Considérant toutefois, que les exemples cités ci-avant et tirés de sa description, démontrent amplement que le brevet entend couvrir toute application du procédé objet de la revendication, l'outillage n'étant qu'un exemple parmi d'autres ;

Qu'ainsi le domaine des applications médicales n'est pas exclu de ce champ, quand bien même la référence faite à " un élément du corps humain " doit-elle être entendue de l'empreinte laissée par cet élément du corps sur le produit ;

Considérant qu'il suit que la revendication 1, dans la portée générale que les inventeurs ont entendu lui donner, est antériorisée par l'application particulière revendiquée par le document WO 94 /03211 lequel décrit l'intégralité des étapes du procédé d'utilisation d'un produit du type polycaprolactone, telles que couvertes par la revendication attaquée ;

Considérant que c'est donc à tort que les premiers juges ont rejeté la demande d'annulation de la revendication 1 en faisant référence à l'homme du métier et en limitant le champ de l'invention au seul domaine du bricolage ;

Sur la nouveauté de la revendication n°2

Considérant que les appelantes opposent le brevet britannique GB 1 366 091 déposé le 19 juillet 1971 sous priorité du 20 juillet 1970, qui couvre le domaine médical et plus spécialement celui des prothèses orthopédiques ;

Considérant que le produit préconisé est de préférence, une poly-epsilon-caprolactone en raison de son aptitude à durcir à la température ambiante dans des délais compatibles avec ceux requis pour l'application d'un moule orthopédique ;

Que le procédé d'utilisation du produit comprend également trois étapes consistant successivement, à chauffer le matériau pour le rendre malléable, à l'appliquer en le moulant sur une partie du corps et à maintenir le matériau moulé jusqu'à refroidissement en sorte qu'il devienne solidaire de la partie du corps qu'il conforte ;

Que le brevet décrit plusieurs applications dont la réalisation d'un protège-dents (page 3 lignes 103 à 11 8) disposé entre la surface des dents et celle des lèvres, pour qu'il se mette en conformation avec leurs configurations et dimensions respectives ;

Qu'il antériorise dès lors la revendication 2 qui a trait à la disposition du produit entre la surface externe d'au moins deux éléments de façon qu'il occupe le volume compris entre ces surfaces et se mette en conformation de la dimension et de la forme de celles-ci ";

Que la revendication 2 sera également annulée pour défaut de nouveauté ;

Sur la validité de la revendication 3

Considérant que la revendication 3 porte sur : "un procédé suivant la revendication 1 caractérisé en ce que l'élément (12,38) est un outil";

Considérant que pour conclure à l'absence d'activité inventive de cette revendication la société Erels oppose les enseignements du brevet US 4 785 495, cité d'ailleurs dans le brevet européen des intimés comme relevant de l'état de la technique ;

Considérant que le brevet US 4 785 495 a pour objet la réalisation de poignées pour guidon de motocyclette par exemple, qui épousent la forme de la main de l'utilisateur, à partir d'un manchon ou d'une feuille constitué d'un produit plastique et déformable à des températures pouvant être rapidement atteinte (le recours à un sèche-cheveux est envisagé) ;

Que la réalisation de ce type de poignée suit le procédé en trois étapes sus-décrit, jusqu'à la rigidification par refroidissement du produit et a vocation à s'appliquer à tout objet devant être empoigné et, notamment, aux outils ;

Considérant que Messieurs Rosier et Sansarlat font valoir d'une part que le brevet US n'utilise pas de la polycaprolactone comme matériau déformable et que l'homme du métier à prendre en considération est le technicien du bricolage, lequel n'avait pas de raison particulière de connaître les propriétés de la polycaprolactone en matière de moulage médical, domaine qui n'a aucun point commun avec le bricolage ;

Considérant toutefois que le terme utilisé par la revendication litigieuse est " outil ", c'est à dire toute forme d'outils qu'ils soient destinés à des professionnels de travaux divers ou à des particuliers ;

Que définir l'homme du métier de référence comme le " technicien du bricolage " est donc tout à fait réducteur ;

Que l'homme du métier est au contraire un ingénieur qui conçoit des instruments de manutention dans divers champs d'application et qui dispose des connaissances techniques générales sur les matériaux et les dispositifs susceptibles de faciliter la manipulation de ces instruments et l'adaptation de leur conformation ;

Considérant que si cet homme du métier n'est pas supposé avoir des connaissances particulières sur l'application dans le domaine médical de la polycaprolactone, en revanche, il ne pouvait ignorer les propriétés de la polycaprolactone, connues depuis de nombreuses années, et dont la description du brevet français attaqué énonce (page 1, lignes 26 et suivantes) " des produits de synthèse du type polycaprolactone sont utilisés dans le domaine industriel en tant qu'adjuvants pour améliorer certaines caractéristiques des polymères. Ces produits ont une température de fusion de l'ordre de 600, ce qui les rend facilement malléables " ;

Qu'il n'est en effet pas soutenu que les propriétés de la polycaprolactone - parmi lesquelles la malléabilité et la bonne tenue une fois rigidifié -, étaient connues des seuls fabricants de prothèses orthopédiques ;

Considérant qu'au vu des connaissances de l'homme du métier précité et des enseignements du brevet US 4 785 495, l'application de la polycaprolactone par le procédé revendiqué à la confection d'outils ou de certains de leurs éléments, ne se heurte à aucune difficulté particulière, à aucun préjugé à vaincre ;

Que la revendication 3 doit donc également être annulée pour défaut d'activité inventive ;

Sur les revendications n° 4, 5, 6 et 7

Considérant que cette revendication est ainsi rédigée :

"Procédé suivant l'une des revendications précédentes caractérisé en ce que l'on introduit une feuille mince (22) entre le produit et au moins l'un des éléments (20) avant le chauffage du produit" ;

Considérant que la société Erels relève l'insuffisance de description de cotte revendication qui n'est pas supportée par la description laquelle fait référence à l'application sur un élément d'une enveloppe fine qui renferme des microbilles ;

Considérant que les inventeurs lui opposent qu'il est " évident " que la feuille mince dont s'agit doit être apposée sur un des éléments appelés à recevoir la masse de polycaprolactone ramollie, en sorte que la feuille se trouve interposée (introduite) entre l'élément et la masse de polycaprolactone ;

Mais considérant qu'à supposer même que l'homme du métier puisse substituer le verbe " interposer " au verbe " introduire ", le mode de réalisation est insuffisamment décrit puisqu'aucun élément ne vient préciser comment procéder à cette introduction ou interposition ;

Qu'il en va de même pour les revendications 5, 6 et 7 qui portent seulement sur la préconisation selon laquelle le produit est enfermé dans un sac souple et mince (rev 5), percé d'orifices (rev 6) et solidarisé de l'un de ses éléments (rev 7) qui sont insuffisamment décrites et seront également annulées par application de l'article L. 613-25 du Code de la propriété intellectuelle ;

Sur les revendications 8, 9 et 10

Considérant que la revendication 8 couvre un: " Procédé suivant l'une quelconque des revendications précédentes caractérisé en ce que le produit (5), avant son chauffage se présente sous la forme de granules ";

Considérant que les intimés ne sauraient déduire l'activité inventive de cette revendication du fait que les brevets précités comme antériorités (WO 94/ 03211, GB 1 366 091) ne prévoient pas d'utiliser les granulés tels quels, mais sous forme de feuilles, de films ou d'objets préformés ;

Qu'en effet, dès lors qu'il n'est pas contesté que la polycaprolactone était déjà commercialisée par son fabricant sous la forme des granulés, il n'y aucune activité inventive à préconiser l'utilisation de ce produit sous cette forme ;

Considérant que, placées dans la dépendance des revendications précédentes, la revendication 9 est relative à l'ajout de colorants et la revendication 10 à l'ajout de charges ;

Considérant que ces revendication doivent être annulées pour défaut d'activité inventive dans la mesure où l'ajout de colorants ou de charges ne constitue qu'une simple opération d'exécution destinée à " jouer sur l'aspect et la couleur de l'objet final " (P9, lignes 1 à 4) ;

Sur les revendications 11, 12 et 13

Considérant qu'il s'agit de revendications d'objet ;

- revendication 11 : " objet composite comprenant au moins un élément recouvert sur une partie de sa surface par un produit du type polycaprolactone massif solidarisé dudit élément " ;

- revendication 12 : " objet selon la revendication il caractérisé en ce que le produit constitue un organe de préhension " ;

- revendication 13 : " objet selon la revendication 12 caractérisé en ce que le produit (5) constitue un élément de liaison (65) avec au moins un autre élément " ;

Considérant que l'objet couvert par la revendication 11, quand bien même ne le précise-t-elle pas, est nécessairement réalisé grâce à la mise en œuvre du procédé couvert par la revendication 1 ;

Que la nullité de cette dernière pour défaut de nouveauté commande d'annuler la revendication 11 sur le même fondement ;

Considérant que la revendication 12 est, quant à elle, dépourvue d'activité inventive au vu des enseignements du brevet US 95 785 465, dont il a été exposé ci-dessus qu'il portait sur la réalisation d'organes de préhension tels que des poignées ;

Considérant enfin qu'il en va de même pour la revendication 13 dans la mesure où, la juxtaposition de plusieurs éléments reliés entre eux par la polycaprolactone ne fait que préciser la revendication 11 dont elle dépend et ne lui ajoute aucune caractéristique technique ;

Considérant en conséquence, que la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'annulation du brevet FR 95 048 13 ;

B) Sur la validité du brevet européen 0 821 651

Considérant que ce brevet qui vise comme priorité le brevet français ci-dessus examiné, a été précisé dans son objet comme dans sa portée à la suite de la procédure d'opposition ;

Que l'invention est désormais décrite comme concernant la " réalisation d'une pièce mécanique conçue pour permettre d'exercer sur un objet une force efficace à le manœuvrer ", et relate, comme pour le brevet français, les inconvénients que présentaient selon les inventeurs, les techniques d'empreinte antérieures : manipulation d'outillage et dosage de produits chimiques, caractère irréversible qui rend toute retouche et toute réutilisation quasiment impossible, et recours à des moyens de maintien ;

Que l'état de la technique est décrit comme constitué du brevet US 785 495, mais également de brevets concernant des matériels médicaux (implants dans la régénération de tissus souples tels qu'un cartilage) US A4 483 333, et (moulages orthopédiques) W0 94 03 211 ;

Que l'invention couvre une utilisation d'un moyen permettant de réaliser des éléments mécaniques les plus divers, ce moyen étant facile et rapide à mettre en œuvre et apte à subir des modifications ultérieures ;

Que selon la description, la solidarisation du produit du type de la polycaprolactone avec l'objet auquel il est appliqué, " s'entend d'un contact intime de ces éléments excluant tout collage entre eux. Cette solidarisation sera telle que, suivant la forme spécifique de l'objet sur lequel est disposé le produit, il y aura ou non possibilité de démontage du produit et de l'objet " (col 2, lignes 25 à 29) ;

Considérant que la revendication 1 est rédigée comme suit :

"Utilisation d'une polycaprolactone malléable à une température se situant aux environs de 60°C et possédant une bonne résistance mécanique à la température ambiante, par chauffage de ladite polyprolactone, se trouvant à l'état de pastilles, au voisinage d'au moins sa température de ramollissement, conformation manuelle d'un volume déterminé des dites pastilles ramollies de la dite polycaprolactone en le mettant directement au contact d'ou moins une partie de la surface externe d'un objet (10, 12, 12a, 44, 64) et maintien en place dudit volume en polycaprolactone (5) jusqu'à refroidissement conduisant à sa rigidification sur ledit objet, la pièce en polycaprolactone ainsi, conformée et rigidifiée, constituant une pièce mécanique qui est solidarisée sur ledit objet et conçue pour permettre d'exercer, sur ledit objet, une force efficace à le manœuvrer" ;

Considérant qu'au soutien de leur demande d'annulation pour défaut d'activité inventive, les appelantes exposent que la revendication 1 ne se distingue de l'art antérieur qu'en ce que la polycaprolactone est utilisée d'une part sous forme de pastilles, d'autre part, pour réaliser une pièce mécanique solidarisée sur un objet et conçue pour permettre d'exercer sur cet objet une force efficace ;

Que les brevets GB 1 366 091 et WO 94/03211 cités d'ailleurs dans la description comme relevant de l'état de la technique le plus proche, font partie des connaissances attendues de l'homme du métier et enseignaient déjà à ce dernier que l'utilisation de la polycaprolactone permettait l'obtention d'une pièce mécanique solidarisée sur un élément et exerçant sur celui-ci une force efficace ;

Que s'agissant de la préconisation du produit sous forme de pastilles, elles soulignent qu'il s'agit de la forme sous laquelle il est présenté dans le commerce ;

Considérant que les inventeurs soutiennent au contraire, que les antériorités précitées se limitent aux applications médicales et sont d'autant moins pertinentes que les éléments orthopédiques qu'elles décrivent ont un rôle inverse puisqu'ils doivent permettre d'éviter toute manœuvre de la partie corporelle qu'ils soutiennent, alors que la revendication litigieuse a pour résultat la constitution d'une pièce mécanique qui permet d' exercer sur l'objet une force efficace à le manœuvrer; que la forme de pastilles préconisée, contribue par ailleurs au résultat recherché puisqu'elle est d'une mise en œuvre facile et rapide ;

Considérant ceci rappelé, que les propriétés des produits de synthèse du type de la polyprolactone étaient connues, notamment sa malléabilité à une température facile à atteindre comme, une fois rigidifiée, sa bonne tenue et sa bonne résistance mécanique, ainsi qu'en attestent les applications préexistantes en orthopédie ;

Considérant que l'homme du métier de référence, est au vu des exemples de réalisations donnés (outillage principalement mais aussi armes) l'homme du métier spécialisé dans la conception d'outils les plus divers - d'autant qu'il ne s'agit que d'exemples d'application non exclusifs de tous autres -, et disposant de connaissances générales et suffisantes sur les matériaux dans lesquels ils peuvent être réalisés et des dispositifs susceptibles de faciliter la manipulation de ces instruments comme l'adaptation de leur configuration ;

Considérant que la description du brevet, qui présente l'état de la technique, fait expressément référence à divers brevets qui ont trait à des applications de mélanges à base de caprolactone dans le domaine médical, plus spécialement des implants et des moulages orthopédiques ; que l'apport du brevet WO 94/ 032 11 est présenté en ces termes dans la description " ... le produit de moulage est constitué d'un polyepsilon-caprolactone mélangé à d'autres éléments constitutifs. Dans un tel mode de mise en œuvre, le produit de type de la polycaprolactone, ainsi que dans le brevet précédent (USA 4 483 333) constitue, en lui même, un élément mécanique, mais n'est pas en association avec un objet " (col 2, lignes 6 à 13) ;

Considérant qu'il n'est dès lors pas douteux que l'homme du métier tel que décrit ci-avant et auquel se réfère nécessairement la description du brevet, avait connaissance des propriétés de la polycaprolactone et de ses applications médicales en orthopédie ;

Considérant que les antériorités précitées lui enseignaient que le produit de type polycaprolactone constituait en lui même un élément mécanique ; qu'ainsi les attelles et moulages sont solidaires de la partie du membre qu'ils enserrent en exerçant sur elle une force apte à la contenir par le contact intime entre cette partie du membre et le produit ;

Considérant que l'homme du métier pouvait dès lors, sans faire preuve d'activité inventive, utiliser la polycaprolactone par chauffage pour obtenir son ramollissement, en l'appliquant manuellement sur au moins une partie de la surface externe d'un objet, la force exercée par la polycaprolactone sur celui-ci étant comparable à celle exercée par ce même produit sur un membre immobilisé ;

Que par ailleurs la préconisation de l'usage du produit sous forme de pastilles dont le brevet ne décrit d'ailleurs pas l'avantage et qui est la forme sous laquelle le produit est commercialisé, n'est pas plus porteuse d'activité inventive ;

Que la revendication 1 sera en conséquence annulée pour défaut d'activité inventive ;

Sur la validité des autres revendications :

Considérant que la revendication 2 a trait à la réalisation d'un écrou en polycaprolactone par conformation sur une tige filetée ou sur la périphérie d'un écrou ; que la revendication 3 couvre la réalisation d'une clé en polycaprolactone pour la manœuvre d'un écrou par conformation sur la périphérie dudit écrou, tandis que la revendication 4 est relative à la réalisation dans ce même produit d'un organe de préhension pour outil, par conformation sur une partie de l'outil ;

Considérant que ces trois revendications placées dans la dépendance de la revendication 1, ne concernent que des exemples d'application pour la réalisation d'éléments mécaniques dans le domaine de l'outillage ;

Considérant que pour les motifs qui fondent l'annulation de la revendication 1, l'utilisation de la polycaprolactone par un homme du métier qui œuvre dans le domaine de la conception d'outils, pour fabriquer un écrou, une clé ou une poignée aptes à exercer une force efficace, est également dénuée d'activité inventive ;

Considérant que la décision entreprise sera également infirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'annulation du brevet européen ;

Sur les demandes faites au titre de la concurrence déloyale :

Considérant que Messieurs Rosier et Sansarlat, appelants du jugement du tribunal de commerce, exposent qu'après avoir développé leur projet, construit un argumentaire sur ses potentialités, choisi leurs fournisseurs, déposé la marque Plastitou pour désigner le produit, défini des applications domestiques multiples, ils sont entrés en contact en juillet 1995 avec la société Erels et lui ont remis outre la demande de brevet français, des échantillons, un mode d'emploi et un manuel de toutes les applications Plastitou, des prototypes, des informations sur les sources d'approvisionnement et des fiches techniques de mise en œuvre du procédé ; qu'après la signature des contrats de licence de marque, de brevet, de savoir faire, intervenue le 14 octobre 1995, la société Erels se refusa de régler la somme de 500 000 F, soit 76 224,51 euro qu'elle devait pourtant régler à la signature ; qu'ils ont alors sommé la société Erels de lui restituer les documents remis, ce qu'elle fit partiellement et avec réticence le 24 octobre 1995 en restituant la notice d'emploi Plastitou, la copie d'un courrier d'un fabricant et deux factures ;

Que c'est dans ce contexte qu'ils découvrirent en février 1996 que la société Erels avait lancé dans son réseau de distribution, un produit identique au produit Plastitou sous la dénomination Repartou et le présentait au salon Batimat avec un argument publicitaire identique à celui qu'ils avaient imaginé, avant d'en faire une très large publicité ;

Considérant qu'ils font grief aux intimées de s'être appropriées, par des manœuvres dolosives, le savoir-faire technique et commercial qu'ils avaient développé et dont elles ont eu connaissance dans le cadre des négociations contractuelles, pour, une fois rompue les contrats à la seule initiative de la société Erels, lancer un projet identique au leur en le désignant par une marque similaire, sous une présentation également similaire, en s'appropriant la même méthode commerciale de présentation du produit (avec les mêmes exemples d'utilisation) et en s'adressant aux mêmes fournisseurs ;

Qu'ils en déduisent que ces agissements conjoints des sociétés Erels et Pakameco caractérisent des actes de concurrence déloyale qui leur ont causé un préjudice important ;

Considérant que les sociétés Erels et Pakameco leur opposent que Messieurs Rosier et Sansarlat n'ont eu de cesse de leur proposer un contrat de licence et ont fait pression sur elles pour obtenir la signature de contrats, ce qu'ils obtinrent le 14 octobre 1995 ; qu'elles réalisèrent alors que les documents qu'ils leur avaient remis n'étaient qu'une simple notice d'emploi émanant d'un fabricant belge du polycaprolactone et un courrier, ce que la société Erels dénonça dans un courrier du 19 octobre suivant, en ces termes "...Nous avons été très surpris du contenu (du dossier remis) et nous nous sommes demandés s'il n'y avait pas matière à escroquerie de votre part... Nous considérons que tous les documents en votre possession sont nuls et les relations qui nous lient entachées de vice" ;

Qu'elles ajoutent qu'elles sont des spécialistes de la distribution des produits en grande surface, qu'elles disposent d'un savoir reconnu en ce domaine comme en témoigne le fait et l'insistance avec laquelle Messieurs Rosier et Sansarlat ont voulu leur confier la distribution des produits résultant de la mise en œuvre de leur procédé ; qu'elles font valoir que les griefs tirés d'une prétendue similitude de projet, de présentation et de promotion du produit ne sont pas fondés et soutiennent que les appelants ne peuvent exciper d'une violation des dispositions des contrats du 14 octobre 1995, puisque dans leur courrier du 19 octobre 1995, ils ont mis en demeure la société Erels de verser la somme de 500 000 F, soit 76 224,51 euro en lui précisant qu'à défaut, leur offre de conclure un contrat de licence serait caduque ;

Considérant ceci rappelé, qu'il doit être précisé que la société Pakameco avait pour activité le conditionnement des produits de la société Erels et qu'à partir du 1er avril 1997, elle a pris en location gérance le fonds de la société Erels, exerçant alors une activité de négoce en plus de son activité de conditionnement ;

Considérant par ailleurs, que la chronologie des relations que nouèrent les parties, établit que c'est le 6 juillet 1995 que les inventeurs adressèrent à la société Erels un premier projet de contrat suivi d'un second le 19 juillet, qui font nécessairement suite à de précédents échanges ; qu'il était mentionné dans le projet du 19 juillet que les concédants n'étaient titulaires que d'une demande de brevet, qu'ils ne garantissaient pas la brevetabilité de leur invention et que le rapport de recherche avait été demandé mais n'avait pas encore été fourni ; qu'après plusieurs relances de la part des appelants deux contrats furent signés le 14 octobre 1995, l'un avec Erels, intitulé " contrat de licence exclusive de marque, de brevet et de savoir faire ", l'autre avec la société Pakameco, intitulé " contrat de cession partielle de marque " ;

Que le contrat de licence de " la marque " et de " l'invention ", emporte aux termes de son article 1er, le droit exclusif de fabriquer les produits couverts par " l'invention " et de les commercialiser sous " la marque " ; que l'article 4 emporte licence de savoir faire ;

Que par l'article 7.1 la société Erels s'engageait à verser sans délai à Monsieur Rosier et à Monsieur Sansarlat, chacun, la somme de 250 000 F, soit 38 112,25 euro à titre de versement initial qui leur resterait définitivement acquise ;

Considérant que la durée des négociations précontractuelles, nouées avec des sociétés spécialisées dans la grande distribution, permettent de conclure que ces dernières ont eu loisir d'examiner la portée du projet, d'en apprécier la faisabilité et de mesurer l'importance de leur engagement notamment financier, au vu des pièces communiquées par les appelants ;

Considérant pourtant que la société Erels ne procéda pas au règlement de la somme de 500 000 F, soit 76 224,51 euro et répondit à Messieurs Rosier et Sansarlat qui la sommaient de s'exécuter qu'elle se demandait si elle n'avait été victime d'une escroquerie ;

Considérant que mise en demeure de restituer les documents qui lui avait été transmis, elle restitua une notice d'emploi " Plastitou ", un courrier échangé entre le fabricant du produit et Alcoplast et des factures, avant de reconnaître qu'elle avait reçu un échantillon ;

Considérant qu'il est ainsi établi qu'outre la demande de brevet, la société Erels a eu nécessairement entre les mains un ensemble de documents lui ayant permis d'apprécier la faisabilité technique et commerciale du projet et de prendre, en connaissance de cause, la décision de contracter avec les appelants ;

Que la notice d'emploi, qu'elle restitua, intitulée " Mode d'emploi et manuel d'application - produit de type polycaprolactone " est un document de 18 pages, qui donne de nombreuses précisions sur la présentation du produit dénommé Plastitou, son conditionnement (packs sachets " thé "... etc.), son mode d'emploi et les précautions d'emploi, un argumentaire promotionnel et ses applications nombreuses assorties pour chacune d'elles d'un dessin ;

Considérant que la société Erels et la société Pakameco décidèrent, peu après avoir signé les conventions de ne pas y donner suite, et commercialisèrent sous la marque " Repartout " un produit qui présentait les mêmes propriétés, destiné aux mêmes applications domestiques décrites de façon semblable, supporté par un argumentaire comparable à ce que Messieurs Rosier et Sansarlat avaient mentionné dans le document sus-décrit ;

Que le constat dressé le 20 février 1996 au salon Batimat établit la commercialisation du produit Repartout par les intimées ;

Considérant que ces dernières, qui ne justifient ni même ne prétendent qu'elles avaient déjà finalisé un produit similaire à celui que leur présentèrent les appelants, n'ont pu concevoir et présenter leur produit dans un délai aussi bref que grâce aux informations que les appelants leur avaient fournies ;

Considérant qu'il est indifférent de relever que les appelants qui ne commercialisent pas le produit Plastitou, ne sont pas en situation de concurrence avec les intimées, ou qu'ils stigmatisent l'inexécution de conventions qu'ils considèrent comme n'ayant pas été formées, dès lors que la faute qu'ils incriminent à titre principal et retenue par la cour, réside dans l'utilisation déloyale d'informations techniques et commerciales obtenues dans le cadre de relations précontractuelles, pour conduire seules un projet quasi identique à celui qui étaient l'objet des relations très avancées que les parties avaient nouées ;

Qu'en procédant de la sorte, les sociétés Erels et Pakameco ont fait l'économie de frais importants de recherche et de mise au point ;

Considérant que bien que les appelants ne peuvent justifier des 1 500 heures de travail qu'a nécessité, selon eux, la mise au point de leur projet, il demeure acquis qu'aucun produit concurrent n'existait sur le marché avant celui qu'ils ont conçu et que la conception et la mise au point de celui-ci ont nécessité des études techniques et commerciales ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que le produit Repartout a été rapidement et très largement diffusé ;

Considérant qu'il convient en conséquence de condamner in solidum les sociétés Pakameco et Erels à verser à chacun des appelants la somme de 100 000 euro ;

Considérant en revanche que les circonstances de l'espèce ne commandent pas de faire droit à la mesure de publication sollicitée ;

Sur les frais d'expertise et l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que les frais d'expertise resteront à la charge de Messieurs Sansarlat et Rosier ;

Considérant que l'équité commande de condamner in solidum les sociétés Pakameco et Erels à verser à Messieurs Sansarlat et Rosier la somme de 25 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Par ces motifs, Infirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 8 juillet 1996 du Tribunal de commerce de Melun, Infirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 19 février 2008, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non revoir opposée par Messieurs Rosier et Sansarlat aux demandes de nullité des revendications 4 à 7 et 11 à 13 du brevet français n° 95 04813 et déclaré parfait le désistement de la société GPI, Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, Annule, en toutes ses revendications, le brevet français n° 95 04 813, Annule, en toutes ses revendications, la partie française du brevet européen n° 0821 651, Déboute Messieurs Rosier et Sansarlat de leurs demandes formées au titre de la contrefaçon, Dit qu'en utilisant les connaissances techniques et commerciales portant sur le produit dénommé Plastitou que Messieurs Rosier et Sansarlat leur avaient fournies dans le dessein de conclure un contrat de licence, pour mettre au point et lancer la commercialisation d'un produit similaire, les sociétés Erels et Pakameco ont eu un comportement fautif qui engage leur responsabilité, En conséquence, Les condamne in solidum à verser à Messieurs Sansarlat et Rosier la somme de 100 000 euro, chacun, à titre de dommages et intérêts, Dit que la présente décision sera transmise à la diligence du greffier à l'INPI pour être portée sur les registres correspondants, Dit que les frais d'expertise resteront à la charge de Messieurs Rosier et Sansarlat, Condamne in solidum les sociétés Erels et Pakameco à verser à Messieurs Rosier et Sansarlat la somme de 25 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens qui seront recouvrés dans les formes de l'article 699 du même Code.