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Décisions

CA Montpellier, 5e ch. A, 14 mars 2011, n° 10-06009

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SNSA (SARL)

Défendeur :

Midas France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vouaux-Massel

Conseillers :

M. Bresson, Mme Gregori

Avoués :

SCP Capdevila-Vedel-Salles, SCP Jougla

Avocats :

Me Laurent, SCP Fassina

TGI Montpellier, prés., du 12 juill. 201…

12 juillet 2010

Le 1er novembre 2004 a été conclu entre la SAS Midas France, propriétaire d'un établissement d'entretien et de réparation rapide à Saint Jean de Vedas, et la SARL SNSA, un contrat de franchise.

Le 3 novembre suivant était conclu un contrat de location-gérance.

Le 21 janvier 2005 était conclu un protocole d'accord ayant pour objet, notamment, la résiliation de ces deux contrats, ledit protocole étant suivi, à la même date, de la conclusion d'un nouveau contrat de location-gérance ainsi que d'une promesse de cession du fonds de commerce.

Par acte sous-seing privé du 26 décembre 2005 la SAS Midas France a cédé le fonds de commerce à la SARL SNSA.

Par exploit à huissier en date du 4 août 2009, la SAS Midas France a assigné la SARL SNSA devant le Tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de voir constater l'existence d'un contrat de franchise ainsi que la violation de ses obligations par la société franchisée, notamment le non-paiement des redevances et factures d'achat depuis 2007, aux fins de voir résilier le contrat de franchise et de voir condamner fa SARL SNSA à lui verser les sommes de :

- 88 275,97 euro à titre des redevances et factures impayées,

- 117 384,49 euro à titre de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire, si l'existence d'un contrat de franchise n'était pas reconnue, elle entendait que soit enjoint à la SARL SNSA de supprimer, sous astreinte, toute référence à l'enseigne Midas France, et sollicitait sa condamnation à lui payer les sommes ci-dessus indiquées à titre de dommages et intérêts.

Faisant valoir qu'elle entendait démontrer l'existence de pratiques anticoncurrentielles mises en place par la SAS Midas France, par requête du 8 décembre 2009 la SARL SNSA a saisi le juge de la mise en état d'une demande tendant à voir déclarer le Tribunal de grande instance de Montpellier incompétent au profit du Tribunal de commerce de Marseille, par application des dispositions de l'article R. 420-3 du Code de commerce.

A titre subsidiaire, elle sollicitait qu'il soit sursis à statuer dans l'attente que soit posée au Tribunal de commerce de Marseille une question préjudicielle sur l'existence d'une restriction de concurrence.

Par ordonnance en date du 12 juillet 2010 le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Montpellier a rejeté l'exception d'incompétence, a rejeté la demande de sursis à statuer ainsi que toutes les demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et a renvoyé la cause et les parties à l'audience de la mise en état.

La SARL SNSA a relevé appel de cette décision par acte reçu au greffe de la présente cour le 17 juillet 2010.

Par conclusions notifiées le 10 septembre 2010 la SARL SNSA demande à la cour :

A titre principal :

- de déclarer le Tribunal de grande instance de Montpellier matériellement incompétent pour statuer, tenant les dispositions de l'article L. 420-7 du Code de commerce,

- de renvoyer l'affaire et les parties devant le Tribunal de commerce de Marseille tenant les dispositions de l'article R. 420-3 du même Code,

A titre subsidiaire :

- de poser au Tribunal de commerce de Marseille la question préjudicielle de savoir si le comportement de la société Midas constitue une restriction de concurrence prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce,

- de surseoir à statuer dans l'attente,

En toute hypothèse, de condamner la SAS Midas France à lui verser une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Elle fait valoir que les dispositions de l'article L. 420-7 du Code de commerce renvoient à la compétence spéciale et exclusive de certaines juridictions dès lors que les dispositions des articles L. 420-1 à L. 420-5 du Code de commerce sont invoquées.

Elle soutient que la volonté du législateur est de confier à des juridictions spécialisées le soin de trancher des litiges soulevant des questions relatives au droit des pratiques anticoncurrentielles ; qu'aucun argument ne permet d'affirmer, comme l'a fait le premier juge, que cette nécessité cesse lorsqu'il s'agit d'un moyen de défense.

Elle indique que si l'article L. 420-7 doit être interprété strictement, il ne doit pas faire l'objet d'une application restrictive laquelle est d'ailleurs contredite par le Code de procédure civile, et notamment, s'agissant des moyens de défense, par l'article 49.

Elle soutient que l'exception de nullité du contrat de franchise qu'elle soulève constitue une demande reconventionnelle, tendant à obtenir du juge un avantage autre que le simple rejet de la prétention adverse.

Par conclusions notifiées le 28 octobre 2010 la SAS Midas France demande à la cour :

- de constater que la société SNSA ne justifie pas tirer un avantage de la demande formée sur le fondement des pratiques anticoncurrentielles,

- de constater en effet, qu'aucune demande de dommages et intérêts n'est sollicitée exclusivement sur le fondement de cet argument,

- de constater que l'argument tiré de pratiques anticoncurrentielles n'est avancé que dans le but de faire échec aux demandes formées contre elle,

- de constater que l'argument tiré de l'application des articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce ne constitue pas une demande reconventionnelle mais une simple défense au fond ne permettant pas à la société SNSA de solliciter l'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal de commerce,

- de constater que la société SNSA ne fait état d'aucune question préjudicielle sérieuse,

En conséquence :

- de juger la demande d'incompétence soulevée incidemment par la société SNSA irrecevable et non fondée,

- de débouter la société SNSA de sa demande de sursis à statuer comme infondée et irrecevable,

- de la débouter la société SNSA de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence:

- de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance dont appel,

- de condamner la société SNSA aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle rappelle que sa demande principale tend à voir constater l'existence du contrat de franchise et le non-respect, par la SARL SNSA, de ses obligations ; qu'elle entend démontrer la parfaite mauvaise foi de cette dernière qui a poursuivi, depuis 2007, l'exploitation d'un centre Midas, en bénéficiant de tous ses services et de sa notoriété sans lui régler une quelconque redevance.

Elle fait valoir qu'en réponse aux mises en demeure qui lui ont été adressées, la SARL SNSA n'a toujours opposé qu'une seule et unique argumentation tendant à prétendre qu'il n'existait pas de contrat de franchise ; qu'en aucun cas elle n'a prétendu à la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles.

Elle soutient que l'argument que la SARL SNSA tire de telles pratiques ne vise qu'à prolonger les débats par un renvoi devant le Tribunal de commerce et de faire échec aux demandes formées contre elle.

Elle ajoute que, pour fonder sa demande de réparation à hauteur d'une somme de 1 476 037,70 euro, la SARL SNSA ne fait référence qu'à la nullité invoquée dans le cadre de l'article L. 144-3 du Code de commerce et aucunement par référence aux prétendues pratiques anticoncurrentielles.

Elle soutient que l'argument tiré des articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce ne constitue pas une demande reconventionnelle mais une simple défense au fond.

Elle s'oppose enfin au sursis à statuer faisant valoir que la difficulté élevée par la SARL SNSA n'est pas sérieuse et absolument pas nécessaire à la solution du litige ; qu'elle ne remplit pas les conditions pour consister en une question préjudicielle.

L'appel, interjeté dans les formes et délais de la loi, est recevable. L'article 49 du Code de procédure civile prévoit que toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense, à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction.

Force est de constater en premier lieu que cet article vise expressément les moyens de défense.

Il ressort par ailleurs de la lecture de l'article L. 420-7 du Code de commerce qu'est attribuée compétence exclusive aux tribunaux spécialisés dans le contentieux des pratiques anticoncurrentielles, sans qu'il soit besoin de rechercher si le moyen de défense qui y fait référence présente ou non un caractère sérieux.

Ainsi, en considérant que la juridiction commerciale n'est compétente que lorsque les règles afférentes aux pratiques anticoncurrentielles, contenues dans les articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce, sont invoquées à l'appui d'une demande principale ou reconventionnelle, et non simplement comme un moyen de défense, la décision dont appel ajoute aux textes susvisés une distinction, voire une condition, qu'ils ne contiennent pas.

Surabondamment, et en tout état de cause, il convient enfin de constater que la SARL SNSA fonde sa demande, tendant à voir prononcer l'annulation du contrat de franchise, tant sur les dispositions de l'article L. 144-3 du Code de commerce que sur celles de l'article L. 420-I 2° du même Code qui vise les ententes anticoncurrentielles; qu'elle entend obtenir les restitutions de droit en suite de cette annulation ; qu'il s'agit bien d'une demande reconventionnelle.

Il convient par conséquent d'infirmer l'ordonnance entreprise, de déclarer le Tribunal de grande instance de Montpellier matériellement incompétent pour statuer en l'état par application des dispositions de l'article L. 420-7 du Code de commerce, et de renvoyer l'affaire et les parties devant le Tribunal de commerce de Marseille en application des dispositions de l'article R. 420-3 du même Code (annexe 4-2).

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

La SAS Midas France qui succombe supportera la charge des dépens.

L'équité commande, en cause d'appel, de faire bénéficier la SARL SNSA des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de lui allouer, à ce titre, la somme de 1 500 euro.

Par ces motifs, LA COUR, Reçoit l'appel de la SARL SNSA; Infirme l'ordonnance dont appel et, statuant à nouveau : - Juge bien fondée l'exception d'incompétence soulevée par la SARL SNSA; - Juge le Tribunal de grande instance de Montpellier matériellement incompétent par application des dispositions de l'article L. 420-7 du Code de commerce; - Renvoie l'affaire et les parties devant le Tribunal de commerce de Marseille en application des dispositions de l'article R. 420-3 du Code de commerce (annexe 4-2); Condamne la SAS Midas France à verser à la SARL SNSA la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne la SAS Midas France aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Capdevila Vedel Salles, avoués, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.