Cass. com., 27 avril 2011, n° 10-13.690
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Carrefour France (SAS)
Défendeur :
Ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Jenny
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Ancel, Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, SCP Odent, Poulet
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 10 décembre 2009), que la Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du Cher a diligenté auprès de l'hypermarché à l'enseigne Carrefour situé à Bourges une enquête portant sur l'ensemble des contrats de coopération commerciale conclus par ce magasin exploité par la SAS Carrefour hypermarchés France, aux droits de laquelle vient la société Carrefour France, avec les fournisseurs concernés entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005 ; que l'Administration ayant constaté que la société Carrefour hypermarchés France aurait perçu pour vingt-deux contrats différents une rémunération nettement supérieure aux profits dégagés par les fournisseurs, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie l'a assignée devant le tribunal de commerce aux fins de voir dire qu'elle avait obtenu des avantages manifestement disproportionnés au regard de la valeur du service rendu et dans un cas un avantage sans contrepartie réelle, constater la nullité de ces contrats et ordonner la restitution des sommes indûment versées ;
Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches : - Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article L. 442-6-2° a) du Code de commerce ; - Attendu que si la faiblesse du chiffre d'affaires réalisé par le distributeur sur le ou les produits concernés par une action de coopération commerciale pendant la période de référence au regard de l'avantage qui lui a été consenti ou l'absence de progression significative des ventes pendant cette période de référence peuvent constituer des éléments d'appréciation de l'éventuelle disproportion manifeste entre ces deux éléments, elles ne peuvent à elles seules constituer la preuve de cette disproportion manifeste, les distributeurs qui concluent des accords de coopération commerciale n'étant pas tenus à une obligation de résultat ;
Attendu que pour dire que la société Carrefour avait obtenu des sociétés Henkel, Majorette, GMD, Sanford Ecritures, Val de Lyon, Vileda et Fromageries d'Orval des avantages manifestement disproportionnés au regard de la valeur des services rendus, l'arrêt retient qu'un contrat a été conclu avec la société Henkel pour une prestation de tête de gondole portant sur trois produits pendant vingt quatre jours au mois d'octobre 2004 pour une rémunération de 879,06 euro et que seul l'un des produits a enregistré une progression de ses ventes, qu'un contrat a été conclu avec la société Majorette pour une prestation de tête de gondole pour une période allant du 25 février au 31 mai 2004 pour un produit, que durant les mois de février à mai les ventes de ce produit se sont élevées à 1 066,22 euro TTC mais que durant cette opération les ventes n'ont pas augmenté par rapport aux mois précédant et suivant alors qu'elles ont été réalisées à prix coûtant, qu'un contrat a été conclu avec la société GMD pour une prestation de "mise en avant allée saisonnière" d'un produit au cours d'une période de quinze jours en mars 2005 pour une somme de 4 414,24 euro TTC, qu'au cours du mois de mars 2005 les ventes de ce produit se sont élevées à 3 662,31 euro TTC mais que ces ventes ont été presque aussi importantes que celles réalisées sans promotion en mai et inférieures à celles de décembre ce qui démontre la constance des ventes, qu'un contrat a été conclu avec la société Sanford Ecriture pour une prestation "tête de gondole" portant sur trois produits pendant douze jours au mois de mars 2005 moyennant une rémunération de 304,98 euro, que le chiffre d'affaires réalisé par la société Carrefour au cours du mois de mars 2005 n'a été que de 121,12 euro TTC, que pour ce qui concerne les deux contrats signés avec la société Val de Lyon pour des prestations "tête de gondole" au cours des mois de septembre 2004 et février 2005 moyennant respectivement des rémunérations de 5 382 et 5 565,25 euro TTC, les chiffres d'affaires réalisés n'ont été que de 1 147,59 euro TTC en septembre 2004 et de 35,01 euro TTC en février 2005, que pour ce qui concerne le contrat conclu avec la société Vileda pour une prestation "tête de gondole" portant sur un produit pendant une période de dix jours en février 2004 moyennant une rémunération de 161,46 euro TTC, il n'a été constaté aucune vente au cours de ce mois et que les mois suivants, les ventes sont restées faibles et n'ont pas renversé la tendance enregistrée avant la promotion, qu'en ce qui concerne, enfin, un contrat conclu avec la société Fromageries d'Orval pour une prestation de "tête de gondole" concernant un produit au cours du mois de mars 2005 moyennant une rémunération de 2 975,65 euro, le chiffre d'affaires réalisé au cours de ce mois n'a été que de 567,60 euro TTC, ce qui indique que les ventes sont restées constantes ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser une disproportion manifeste entre les avantages obtenus par la société Carrefour et la valeur des services rendus la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a dit que la société Carrefour France avait obtenu des sociétés Henkel, Majorette, GMD, Sanford Ecritures, Val de Lyon, Vileda et Fromageries d'Orval des avantages manifestement disproportionnés au regard de la valeur du service rendu, qu'il a constaté à titre de sanction la nullité des contrats en date du 5 octobre 2004 conclu avec la société Henkel, du 25 février 2005 conclu avec la société Majorette, du 15 mars 2005 conclu avec la société GMD, du 8 mars 2005 conclu avec la société Sanford Ecritures, du 5 août 2005 et 25 janvier 2005 conclus avec la société Val de Lyon, du 19 février 2004 conclu avec la société Vileda et du 16 février 2005 conclu avec la société Fromagerie d'Orval et qu'il a ordonné à titre de sanction la répétition des sommes perçues au titre desdits contrats, soit 879,06 euro TTC au titre du contrat conclu avec la société Henkel, 598 euro TTC au titre du contrat conclu avec la société Majorette, 4 414,24 euro TTC au titre du contrat conclu avec la société GMD, 304,98 euro TTC au titre du contrat conclu avec la société Sanford Ecritures, 10 947,25 euro TTC au titre des contrats conclus avec la société Val de Lyon, 161,46 euro TTC au titre du contrat conclu avec la société Vileda et 2975,65 euro TTC au titre du contrat conclu avec la société Fromagerie d'Orval et en ce qu'il a prononcé une amende civile de 100 000 euro à l'encontre de la société Carrefour France, l'arrêt rendu le 10 décembre 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Orléans.