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Décisions

Cass. com., 27 avril 2011, n° 10-16.618

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Rex Rotary (SAS)

Défendeur :

KMBS (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Bregeon

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament

Versailles, 12e ch., 2e sect., du 4 févr…

4 février 2010

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, du 4 févr. 2010) et la procédure, que dans le courant de l'année 1998, cinq salariés de la société Rex Rotary, liés à leur employeur par une clause de non-concurrence, ont donné leur démission et sont entrés au service de la société Minolta, devenue Konica Minolta business solutions (la société KMBS) ; que, par ordonnances sur requête, le Président du tribunal de commerce a, sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, ordonné des mesures d'instruction, afin d'établir notamment la preuve de la violation par les salariés de la clause de non-concurrence ; qu'après le rejet de la demande de rétractation de ces ordonnances, la société Rex Rotary a engagé des instances prud'homales à l'encontre des salariés et assigné la société KMBS afin d'obtenir des dommages-intérêts pour complicité de violation de la clause de non-concurrence et actes de concurrence déloyale ; que le tribunal de commerce a partiellement accueilli la demande formée à l'égard de la société KMBS ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Rex Rotary fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que le recrutement massif de salariés d'une entreprise concurrente, ayant pour effet, hors même toute manœuvre déloyale, de désorganiser cette dernière, est constitutif d'un acte de concurrence déloyale ; que dès lors la cour d'appel, en se fondant exclusivement, pour écarter la caractère fautif du recrutement concomitant de cinq salariés de la société Rex Rotary par sa concurrente, la société KMBS, sur la circonstance inopérante que ces embauches ne résultaient ni de manœuvres destinées à inciter ces salariés à démissionner, ni d'une volonté de désorganiser l'entreprise concurrente, sans rechercher si lesdites embauches n'avaient pas eu pour effet de désorganiser cette entreprise, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) que la clause de non-concurrence, insérée dans un contrat de travail, qui dépasse les limites fixées par la convention collective applicable demeure valable dans ces limites ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que les clauses de non-concurrence, insérées aux contrats de travail des cinq anciens salariés de la société Rex Rotary embauchés par la société KMBS, visaient un secteur de non-concurrence plus vaste que celui prévu par la convention collective des VRP, ce dont il résultait que l'application de ces clauses devait seulement être limitée au secteur géographique prévu par la convention collective, a néanmoins constaté la nullité des clauses litigieuses, a violé les articles 1134 du Code civil et 17 de la convention collective des VRP ; 3°) que commet un acte de concurrence déloyale la société qui, après avoir recruté les VRP d'une entreprise concurrente, intervertit leurs secteurs d'activité pour contourner la clause de non-concurrence à laquelle ces derniers étaient soumis ; qu'en décidant néanmoins que l'interversion des secteurs d'activité des VRP, recrutés par la société KMBS après leur départ de la société Rex Rotary, respectait les clauses de non-concurrence les liant à leur ancien employeur et n'était donc pas constitutive de fraude, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en retenant, par motifs adoptés, que la société Rex Rotary ne démontrait pas que le débauchage de son personnel revêtait un caractère fautif, aboutissant à une désorganisation en profondeur de son entreprise, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise ;

Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel, qui a constaté que les clauses avaient été respectées, a pu décider qu'en l'absence de tout autre élément, la seule interversion partielle des secteurs de prospection des salariés ne suffisait pas à établir l'existence d'une fraude ; d'où il suit que le moyen, qui, en sa deuxième branche, critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour condamner la société Rex Rotary au paiement d'une somme de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'elle a obtenu, sur requête, diverses mesures au détriment du secret des affaires de la société KMBS, qui lui ont permis d'obtenir des documents notamment sur la structure commerciale locale de sa concurrente directe ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs ne caractérisant pas une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice de la société Rex Rotary, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour condamner la société Rex Rotary à payer à la société KMBS la somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que sa demande ne repose sur aucune justification sérieuse et est abusive ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient au juge de spécifier, constituer un abus de droit, lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Rex Rotary à payer à la société KMBS les sommes de 10 000 euro et 3 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 4 février 2010, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.