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Décisions

Cass. com., 27 avril 2011, n° 10-10.976

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

The English Center (SAS), Langues du monde (SARL), Ezavin (ès qual.), Cardon (ès qual.)

Défendeur :

EPMF (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

Me Blondel, SCP Richard

T. com. Paris, du 27 sept. 2007

27 septembre 2007

LA COUR : - Donne acte à M. Ezavin, agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société The English Center, du désistement de son pourvoi ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Educational Programs Master France (la société EPMF), franchisée du réseau mondial Wall Street Institute (WSI), a consenti à la société The English Center (la société TEC) une concession de franchise exclusive portant sur l'exploitation du concept WSI et sur son enseigne ; que les parties ont signé un protocole transactionnel, conduisant à la signature d'un avenant, pour mettre un terme au différend qui les opposait ; que la société EPMF, se prévalant de ce que la société TEC n'avait pas réglé ses redevances après mises en demeure, l'a assignée par acte du 5 juillet 2006, aux fins de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du contrat au 22 juillet 2006 ; que la société TEC a fait l'objet, le 25 juillet suivant, d'une procédure de sauvegarde, M. Cardon étant désigné en qualité de mandataire judiciaire ; que la société EPMF, qui a déclaré sa créance au passif de la société TEC, a régularisé des conclusions aux fins de condamnation de la société TEC pour concurrence déloyale le 15 septembre 2006 et assigné devant la même juridiction la société Langues du monde (la société LM) aux mêmes fins ; qu'un plan de sauvegarde a été arrêté au bénéfice de la société TEC, M. Ezavin étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société TEC, la société LM et M. Cardon, ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir écarté l'exception d'inexécution invoquée par la société TEC et, en conséquence, d'avoir constaté la résolution de plein droit du contrat de franchise à la date du 22 juillet 2006, ordonné l'inscription au passif du montant des redevances impayées, fixé à 35 000 euro la créance de réparation de la société EPMF devant être inscrite au passif au titre de la poursuite indue du contrat de franchise pour la période antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde et condamné la société franchisée au paiement d'une somme de 15 000 euro, sur ce même fondement, pour la période postérieure, alors, selon le moyen : 1°) que l'interdépendance des obligations réciproques résultant d'un contrat synallagmatique confère le droit à l'une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l'autre n'exécute pas la sienne ; qu'il appartient au juge, devant lequel est invoquée une exception d'inexécution, de vérifier la réalité de cette inexécution au regard des termes de la convention ; qu'à cet égard, l'absence de délai conventionnellement précisé ne suffit pas à exonérer le débiteur de toute obligation ; qu'il est au contraire de l'office du juge de déterminer, d'après la volonté commune des parties, le délai dans lequel l'exécution devait être fournie ; qu'en l'espèce, la société The English Center faisait valoir que l'outil English any time, absolument essentiel à l'activité des centres franchisés, devait être fourni par la société EPMF dès 2005 et que cette mise à disposition rapide avait conditionné la signature, par les franchisés, de la transaction ; qu'elle versait aux débats plusieurs courriers, émanant d'autres franchisés et de EPMF elle-même, justifiant sans ambiguïté ses allégations, et l'engagement d'EPMF en ce sens ; que la cour d'appel constate que l'outil litigieux n'a pas été mis à la disposition des centres avant au moins le mois de mai 2006 ; que pour écarter néanmoins l'exception d'inexécution invoquée par la société franchisé, la cour d'appel croit pouvoir se retrancher derrière la lettre même de la convention, qui ne fixait aucun délai exprès ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si les parties n'avaient pas conclu la convention litigieuse en considération d'une mise à disposition du produit dès 2005, la cour d'appel qui méconnaît son office prive sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1135, et 1184 du Code civil, violés ; 2°) qu'en l'espèce, pour écarter l'exception d'inexécution invoquée par la société The English Center, la cour d'appel retient que EPMF a mis le produit English any time à la disposition du franchisé, par lettre du 19 mai 2006, en lui transmettant le projet de contrat English Anytime à souscrire auprès de WSI International, ce que le franchisé n'aurait pas fait ; qu'à cet égard, cependant, la société The English Center faisait valoir, dans ses dernières écritures qu'en mai 2006, l'outil English any time présentait des dysfonctionnements tels que plusieurs centres, opérant un retour en arrière, avait été contraints d'en abandonner l'utilisation ; qu'elle versait aux débats, à l'appui de ses allégation, plusieurs courriers électroniques, postérieurs au 19 mai 2006, et dans lesquels la société EPMF elle-même reconnaissait l'absence totale de fiabilité du produit justifiant ce retour en arrière ; qu'elle soulignait en outre que l'outil litigieux, que la société EPMF s'était engagée à fournir sans surcoût dans le cadre du contrat de franchise puis de l'avenant à ce contrat, était finalement proposé à un prix de 2 % du chiffre d'affaires des centres ; qu'en omettant de répondre aux moyens développés sous cet angle dans les écritures d'intimés, desquels il s'évinçait que la société EPMF n'avait pas satisfait à ses obligations de mettre à disposition de la société The English Center le produit English any time, dans les conditions prévues au contrat, ni à la date du 19 mai 2006, ni d'ailleurs avant le mois d'octobre 2008, la cour d'appel méconnaît les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) subsidiaire, qu'en l'espèce, la société EPMF ne sollicitait réparation du préjudice subi du fait de la poursuite indue du contrat que pour la période postérieure au jugement d'ouverture ; qu'en ordonnant l'inscription au passif de la société The English Center d'une somme de 35 000 euro, afférente au préjudice prétendument subi par la société EPMF, du fait de la poursuite de l'activité après la résolution du contrat de franchise, pour la période antérieure au jugement d'ouverture, la cour d'appel méconnaît les termes du litige la saisissant et partant viole l'article 4 du Code de procédure civile ; 4°) subsidiaire, et qu'en toute hypothèse, la réparation allouée doit être à la mesure du préjudice effectivement subi et ne peut être source de profit pour la victime ; qu'en l'espèce, il est constant que le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde est daté du 25 juillet 2006, tandis que la cour d'appel a constaté la résolution de plein droit du contrat au 22 juillet 2006 ; qu'en fixant néanmoins le préjudice subi au titre de la poursuite d'activité postérieure à la résiliation du contrat, pour la période antérieure au jugement d'ouverture - soit pendant trois jours - à une somme de 35 000 euro, cette somme étant fixée à 15 000 euro pour toute la période postérieure à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, sans plus s'expliquer sur les montants, apparemment contradictoires, retenus, la cour d'appel ne met pas la Haute juridiction en mesure de s'assurer que le principe de la réparation intégrale du préjudice a été respecté et prive sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, violé ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir retenu à la charge de la société TEC des manquements contractuels graves et durables, tenant au défaut de règlement des redevances d'avril 2005 à juillet 2006, l'arrêt constate que la société EPMF s'est engagée à mettre en place "dès sa mise à disposition par Master Monde (WSI) et après validation du bon fonctionnement du produit par EPMF" le nouvel outil pédagogique "English Anytime", sans que ni l'acte transactionnel du 8 mars 2005, ni l'avenant du 25 août 2005, n'ait fixé de délai pour sa fourniture ; qu'il retient encore que la société EPMF a mis ce produit à la disposition du franchisé, par lettre du 19 mai 2006 lors de la transmission du projet de contrat English Anytime et relève que le franchisé n'a signé ce contrat que le 22 juillet 2008 ; que c'est ainsi dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé, sans être tenue d'effectuer une recherche que l'ensemble de ses constatations rendait inopérante, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que le manquement allégué ne justifiait pas l'inexécution litigieuse ;

Attendu, en deuxième lieu, que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des conclusions rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu, sans modifier l'objet du litige, que les demandes d'indemnisation, qui tenaient compte de la situation du débiteur, étaient réclamées, d'une part, pour la période postérieure à la résiliation du contrat de franchise, et d'autre part, pour la période postérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ;

Attendu, enfin, que sous couvert d'un défaut de base légale, le moyen ne tend, en sa dernière branche, qu'à remettre en cause l'évaluation souveraine du préjudice par les juges du fond ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société TEC, la société LM et M. Cardon, ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir condamné in solidum la société TEC, M. Ezavin, ès qualités, M. Cardon, ès qualités, et la société LM à payer à la société EPMF les sommes de 15 000 euro au titre de la poursuite d'activité, alors, selon le moyen, qu'il est constant, et qu'il résulte de la décision attaquée, que seule la société The English Center était franchisée du réseau Wall Street Institute et liée contractuellement à la société EPMF ; qu'elle était, à ce titre, seule assignée en réparation du préjudice subi du fait de la poursuite d'activité en violation de la loi contractuelle, à l'exclusion de la société Langues du monde, laquelle était totalement étrangère au contrat et n'était poursuivie qu'au titre de la concurrence déloyale ; qu'en condamnant néanmoins, dans son dispositif, la société Langues du monde à payer, in solidum, une sommes au titre de la poursuite d'activité, la cour d'appel méconnaît l'objet du litige et viole l'article 4 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt expose dans ses motifs que la cour admettra la société EPMF au passif de la société TEC pour la somme de 35 000 euro à titre chirographaire et condamnera in solidum la société TEC, MM. Ezavin et Cardon, ès qualités, au paiement de la somme de 15 000 euro ; qu'il s'ensuit que la disposition critiquée procède d'une erreur purement matérielle qui peut, selon l'article 462 du Code de procédure civile, être réparée par la Cour de cassation ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen : - Vu les articles 125 du Code de procédure civile et L. 622-21 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ; - Attendu que l'article L. 622-21 du Code de commerce, selon lequel le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du Code de commerce, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, édicte une fin de non-recevoir qui doit être relevée d'office par le juge en raison de son caractère d'ordre public ;

Attendu que pour admettre la recevabilité de l'action formée par la société EPMF contre la société TEC, MM. Ezavin et Caron, ès qualités, sur le fondement de la concurrence déloyale, l'arrêt constate que, par actes des 5 juillet, 15 septembre et 6 octobre 2006, la société EPMF a assigné la société TEC aux fins de voir constater, à titre principal, l'acquisition de la clause résolutoire de leur contrat au 22 juillet 2006 ; qu'il relève que la société TEC a fait l'objet le 25 juillet 2006 d'une procédure de sauvegarde ; qu'il retient enfin que la société EPMF a régularisé des conclusions le 15 septembre 2006 aux fins de condamnation de la société TEC au paiement d'une certaine somme pour concurrence déloyale ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si cette créance était née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour son activité professionnelle pendant cette période, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour condamner la société LM au paiement de certaines sommes et lui ordonner la cessation des prestations d'enseignement de langue anglaise aux adultes sous astreinte de 100 euro par jour à compter de la signification de la décision, l'arrêt, après avoir énoncé les termes de la clause de non-concurrence prévue pour toute la durée du contrat de franchise, retient que le président-directeur général de la société TEC, qui a créé la société LM en 2004, y était soumis ; qu'il constate que les deux sociétés TEC et LM exercent, dans les mêmes locaux, la même activité d'enseignement de l'anglais pour adultes, créant les conditions d'une confusion entre ces deux entreprises ; qu'il retient que la société LM est intervenue dans le domaine d'activité visé par la clause de non-concurrence du contrat de franchise et qu'elle a commis, avec la société TEC, des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société EPMF ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi la poursuite des prestations d'enseignement litigieuses de la société LM serait de nature à créer une confusion préjudiciable à la société EPMF, qui n'était plus liée par contrat de franchise à la société TEC, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Dit que dans le dispositif de l'arrêt attaqué, la mention "Condamne in solidum la SAS The English Center, Maître Ezavin, ès qualités, Maître Cardon ès qualités et la SARL Langues du monde à payer à la SAS Educational Programs Master France la somme de 15 000 euro au titre de la poursuite d'activité" sera remplacée par "Condamne in solidum la SAS The English Center, Maître Ezavin ès qualité et Maître Cardon ès qualité à payer à la SAS Educational Programs Master France la somme de 15 000 euro au titre de la poursuite d'activité" ; Casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum la société The English Center, M. Ezavin, ès qualités, et M. Cardon, ès qualités, à payer à la société Educational Programs Master France 50 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation des agissements de concurrence déloyale et en ce qu'il ordonne à la société Langues du monde la cessation des prestations d'enseignement de langue anglaise aux adultes sous astreinte de 100 euro par jour à compter de la signification de l'arrêt, l'arrêt rendu le 21 octobre 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.