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Décisions

Cass. com., 27 avril 2011, n° 10-15.648

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Univers Pharmacie (SAS), Union des groupements de pharmaciens d'officine, Direct Labo (Sté)

Défendeur :

Galec (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Mandel

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Monod, Colin, SCP Ortscheidt

TGI Colmar, du 21 janv. 2010

21 janvier 2010

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 mars 2010), que la société Groupement d'achats des centres Leclerc (la société Galec) a mené une campagne publicitaire sur le prix des médicaments non remboursés; que cette campagne avait pour slogan "En France, le prix d'un même médicament peut varier du simple au triple : il faut changer de traitement !" et comportait un texte illustré du dessin d'un verre d'eau dans lequel se dissout une pièce d'un euro à l'image d'un comprimé effervescent; que les sociétés Univers Pharmacie et Direct Labo et l'Union des groupements de pharmaciens d'officine (UGDPO), estimant qu'une telle publicité avait pour effet de dénigrer et de discréditer l'ensemble du secteur de la pharmacie, ont saisi le tribunal de grande instance en vue d'obtenir la cessation de la communication litigieuse ainsi que l'indemnisation de leur préjudice ;

Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés Univers Pharmacie et Direct Labo ainsi que l'UGDPO font grief à l'arrêt de les d'avoir déboutées de leurs prétentions alors, selon le moyen : 1°) qu'une pratique commerciale est notamment trompeuse lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ou lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou tout autre signe distinctif d'un concurrent ; qu'en écartant toute pratique commerciale trompeuse de la part de la société Galec, en s'attachant uniquement à l'impact que le message publicitaire en cause était susceptible d'avoir sur les commandes effectuées par les clients, sans même s'interroger sur le caractère trompeur de ce message publicitaire, la cour d'appel a ajouté à l'article L. 121-1 du Code de la consommation une condition qu'il ne comporte pas, en violation de ce texte ; 2°) que dans leurs dernières conclusions d'appel déposées et signifiées le 8 février 2010, les sociétés Univers Pharmacie, Direct Labo et l'association UGDPO ont clairement affirmé que la campagne était de nature à générer une confusion dans l'esprit des consommateurs qui étaient susceptibles d'être attirés dans les magasins du groupe Leclerc et d'acheter des produits de parapharmacie, relevant d'une part qu'" il résulte surabondamment des constats versés aux débats que le groupe Leclerc commercialise les produits de parapharmacie les plus vendus, à prix plus élevé que le réseau Univers Pharmacie. Cela montre à quel point la publicité est trompeuse" (page 7 § 2 des conclusions des exposantes) et, d'autre part, que "la confusion renforcée par le site du groupe, sesoignermoinscher.com avec la valorisation de la notion de conseil au sein de la parapharmacie Leclerc. (sept millions de clients conseillés chaque année). Comme les pharmacies d'officine, les parapharmacies conseillent. Or, l'on sait que les parapharmacies Leclerc vendent aujourd'hui des multitudes de compléments alimentaires censés guérir de tous les maux", ce dont il ressortait que le comportement des consommateurs était altéré à l'égard des produits de parapharmacie en raison de la confusion susceptible de naître dans leur esprit entre les produits de parapharmacie et les médicaments non remboursés ; qu'en retenant que " les demanderesses et intimées ne soutiennent évidemment pas que la publication litigieuse aurait pu affecter le comportement économique des personnes auxquelles elle s'adresse, puisque le médicament non remboursé ne peut qu'être acheté en pharmacie", la cour d'appel a dénaturé les conclusions claires et précises des sociétés Univers Pharmacie, Direct Labo et de l'association UDGPO en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ; 3°) que la tromperie peut porter sur l'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service, notamment lorsqu'il s'agit, pour l'auteur de la publicité, de créer dans l'esprit du public un rapprochement indu ou une confusion entre certains produits ou catégories de produits ; qu'en considérant qu'il ne pouvait être reproché à la société Galec d'avoir effectué une publicité trompeuse sur un produit qu'il ne pouvait commercialiser, sans rechercher si cette publicité avait pu générer une confusion entre les médicaments non remboursés et les produits de parapharmacie vendus par le groupe Leclerc, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;

Mais attendu qu'une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121-1 I 2° a) et c) du Code de la consommation, seul invoqué dans leurs écritures d'appel par les sociétés Univers Pharmacie et Direct Labo et par l'UGDPO, implique que la décision d'achat du produit par les consommateurs auxquels s'adresse la publicité litigieuse soit susceptible d'être altérée; que l'arrêt relève que la communication litigieuse se présente comme une campagne d'opinion sur la nécessité d'ouvrir à la concurrence la vente des médicaments non remboursés et qu'en l'état de la législation, le médicament non remboursé n'est pas commercialisé et ne peut être commercialisé par la grande distribution ou par la société Galec ; que la cour d'appel qui n'avait pas à procéder à la recherche non demandée visée par la troisième branche, a pu, hors dénaturation des conclusions, déduire de ces constatations qu'il ne pouvait être reproché à la société Galec d'avoir effectué une publicité trompeuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour écarter l'existence de toute concurrence déloyale par dénigrement et concurrence parasitaire, l'arrêt retient qu'il n'y a pas de concurrence en l'état actuel entre le pharmacien en officine qui vend des médicaments au détail et la grande distribution qui commercialise des produits de parapharmacie ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'existence d'une situation de concurrence directe et effective entre les sociétés considérées n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale ou parasitaire qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté les sociétés Univers Pharmacie et Direct Labo et l'Union des groupements de pharmaciens d'officine de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, l'arrêt rendu le 30 mars 2010, entre les parties, par la Cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Colmar, autrement composée.