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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 16 février 2010, n° 09-03552

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bortolin

Défendeur :

Antonuccio Immobilier (SARL), Galy (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

M. Chassery, Mme Debuissy

Avoués :

SCP Capdevila-Vedel-Salles, SCP Salvignol-Guilhem

Avocats :

Mes Lugagne-Delpon, Simon

T. com. Béziers, du 27 avril 2009

27 avril 2009

Bruno Bortolin a signé le 9 juillet 2004 un contrat d'agent commercial avec la SARL Antonuccio Immobilier.

A la fin de l'année 2007, il dit avoir constaté une baisse de son chiffre d'affaires de 45,3 %.

Estimant que la SARL Antonuccio Immobilier en était responsable du fait de fautes de gestion :

- fermeture de l'une de ses agences à Villeneuve-les-Béziers,

- embauche d'un nouvel agent malgré, déjà le rapatriement d'un agent de Villeneuve-les-Béziers à l'agence de Sérignan,

- absence de publicité,

il a le 27.03.08 adressé une lettre recommandée avec accusé de réception à cette agence pour lui signifier la rupture immédiate et sans préavis de son contrat d'agent commercial consécutif aux fautes dénoncées et pour lui demander réparation de son préjudice à hauteur de 46 614 euro à titre d'indemnité compensatrice de rupture conformément aux dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 03.04.08, l'agence a refusé de l'indemniser en lui rappelant qu'il était un travailleur indépendant et que rien ne pouvait motiver la critique de sa politique commerciale.

Elle a estimé que c'était Bruno Bortolin qui avait commis une faute en rompant le contrat d'agent commercial sans préavis. Par courrier du 23.04.2008 l'agence a rappelé à Bruno Bortolin qu'il aurait dû respecter un délai de six mois en rompant le contrat et qu'en l'absence de respect de ce délai il lui devait une indemnité de :

40 980 euro (chiffre d'affaire trimestriel moyen apporté par cet agent au cours des 1ers trimestres 2008) multiplié par deux = 81 960 euro.

Par acte du 30 mai 2008, Bruno Bortolin a fait assigner la SARL Antonuccio Immobilier devant le Tribunal de commerce de Béziers pour lui réclamer la somme de 89 823 euro " au titre de l'indemnité de rupture et la somme de 19 500 euro au titre de commissions restant à percevoir ".

Par jugement du 07.01.2009 le Tribunal de commerce de Béziers a prononcé le redressement judiciaire de la SARL Antonuccio Immobilier. Maître Michel Galy a été désigné comme mandataire judiciaire de la société.

Bruno Bortolin a régulièrement effectué une déclaration de créance.

Par jugement du 27 avril 2009, le Tribunal de commerce de Béziers a débouté Bruno Bortolin de ses demandes et l'a, sur la demande reconventionnelle de la société Antonuccio Immobilier, condamné à payer à celle-ci la somme de 81 960 euro au titre du préavis outre 2.000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Bruno Bortolin a interjeté appel de cette décision le 19 mai 2009.

Il invoque à nouveau les fautes de la société Antonuccio Immobilier.

Il met en doute l'efficacité de la publicité effectuée par celle-ci et reproche à l'agence de ne pas en avoir fait suffisamment pour promouvoir les lieux proposés à la vente.

Il critique la fermeture de l'agence de Villeneuve-les-Béziers et le rapatriement de l'agent commercial de cette agence dans celle de Sérignan où lui-même travaillait. Il critique aussi l'embauche d'un nouvel agent commercial pour cette dernière agence.

Il soutient que la crise dite des " subprimes " invoquée par l'agence ne peut pas être la cause des difficultés des agences immobilières en 2005.

Il réclame la somme de 89 823 euro à la société Antonuccio Immobilier représentée par Maître Galy outre 19 500 euro au titre d'indemnités de commissions et 4 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Maître Michel Galy ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Antonuccio Immobilier fait valoir qu'aux termes de l'article L. 134-13 du Code de commerce, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due " lorsque la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent ", ce qui est le cas en l'espèce.

Si l'agent prend l'initiative de la rupture et s'il prétend percevoir la réparation prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce, il lui appartient d'apporter la preuve qu'il en a été contraint par des circonstances imputables au mandant. Or, dit-il, Bruno Bortolin ne rapporte pas la preuve de fautes que l'agence aurait commises et qu'il énumère dans son courrier de rupture.

L'agence immobilière conteste le reproche qui lui est fait au niveau de la publicité parce qu'elle a mis en place de meilleurs moyens de la faire que ceux qui étaient traditionnellement utilisés.

Concernant l'agence de Villeneuve-les-Béziers, la SARL Antonuccio Immobilier dit l'avoir fermée du fait d'une chute d'activité et seulement le 15.12.2007.

Elle n'avait aucune obligation vis-à-vis de Bruno Bortolin de la maintenir ouverte.

L'agent rattaché à cette agence n'est donc venu à Sérignan qu'en 2008 ce qui fait que ce n'est pas sa présence qui a abaissé le chiffre d'affaire de Bruno Bortolin en 2007.

L'intimée rappelle que Bruno Bortolin a rompu sans motif son contrat d'agent commercial et sans respecter le préavis de six mois qu'il devait observer.

Maître Galy réclame confirmation du jugement attaqué. Si une faute était retenue contre l'agence, il réclame subsidiairement la réduction de l'indemnité réclamée.

Maître Galy fait observer que dans sa lettre de rupture Bruno Bortolin ne réclamait pas de commissions et ceci parce qu'à la date de la rupture celles-ci n'étaient pas acquises. Or selon le contrat les commissions ne sont dues qu'au jour de la vente par acte authentique. Il appartient selon lui à Bruno Bortolin de justifier de la réalisation effective des ventes auxquelles il a contribué.

Maître Galy demande que Bruno Bortolin soit débouté de ses demandes de rappels de commissions.

Il réclame en tout état de cause 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce

Dans ses propres conclusions, Bruno Bortolin, à plusieurs reprises, affirme que la chute brutale de son chiffre d'affaires en 2007 ne peut " être imputable qu'aux erreurs diverses et répétées de la SARL Antonuccio Immobilier ".

Il explique dès lors comment cette agence aurait dû agir pour éviter de commettre ces erreurs.

Au fil de quatre pages de conclusions, il critique le mode de publicité faite par l'agence et explique ce qui, selon lui, aurait dû être fait. Cependant, si les méthodes de l'agence dans ce domaine ne le satisfaisaient pas, elles peuvent relever de l'erreur, mais non de la faute encore qu'en matière de publicité l'agence immobilière montre qu'elle s'était adaptée à des méthodes plus modernes par le biais d'Internet (création de son site personnel et bénéficie de celui de la FNAIM à laquelle elle était affiliée). Il n'y a pas de faute caractérisée de sa part à ce niveau.

Concernant la fermeture de l'agence de Villeneuve-les-Béziers, celle-ci relevait de la seule appréciation de la SARL Antonuccio Immobilier et n'affectait pas en son principe le travail de Bruno Bortolin qui travaillait avec celle de Sérignan. L'agence n'a d'ailleurs été fermée qu'en décembre 2007 et ne pouvait influencer le taux de chiffre d'affaires de Bruno Bortolin au cours de la même année.

Quant à l'embauche d'un nouvel agent pour l'agence immobilière, elle n'a eu lieu qu'en janvier 2008 et ne pouvait donc par entraîner une baisse de chiffre d'affaires de Bruno Bortolin en 2007.

La contestation de la nécessité économique de la fermeture de l'agence de Villeneuve-les-Béziers par Bruno Bortolin qui, une fois encore parle d'une erreur, ne relève pas de son pourvoir d'appréciation et de son activité d'agent commercial.

Seule l'agence gérante de la SARL pouvait apprécier dans le souci de sa rentabilité, l'opportunité de conserver une agence à Villeneuve-les-Béziers. A cet égard, le regroupement d'activité au sein d'une seule structure est souvent un moyen de faire des économies de frais et de redonner un nouvel élan à la structure subsistante, y compris avec l'embauche d'un nouvel élément qui, elle non plus, ne saurait être critiquée d'autant qu'elle a eu lieu en 2008.

Bruno Bortolin était agent commercial et donc travailleur indépendant. S'il estimait que son activité devenait moins rentable ceci du fait d'une situation financière manifestement délicate de l'agence (tombée en redressement judiciaire le 07.01.2009) et non du fait de sa volonté de lui nuire, ce qui caractériserait la faute, il pouvait partir en respectant le préavis ou élargir son activité, n'ayant aucune exclusivité par rapport à la SARL Antonuccio Immobilier.

L'absence de faute de la part de l'agence immobilière rend irrecevable la demande d'indemnité de Bruno Bortolin au sens de l'article L. 134-12 du Code de commerce.

Par contre, la SARL Antonuccio Immobilier est en droit de réclamer l'indemnité pour défaut de préavis que le tribunal lui a justement accordée. Sur ce point le jugement doit être confirmé avec remise du montant de la condamnation au mandataire judiciaire.

Concernant les reliquats de commissions, Bruno Bortolin reconnaît lui-même dans un courrier du 26.03.2008 adressé à l'agence qu'elles lui sont dues "aux dates de signature des différents actes authentiques".

Il réclame à ce titre 19 500 euro pour 7 ventes.

Sur ces transactions, la SARL Antonuccio Immobilier par courrier du 09.04.08 a refusé la commission de la vente Fournier/Carrayon pour un montant de 1 100 euro une procédure étant en cours. Ce refus est justifié puisque la vente n'a pas abouti.

Cette somme doit être déduite du montant global réclamé comme celle de la vente Crouzat/Wilder, (1 400 euro) dont rien ne dit qu'elle ait été réalisée.

Pour les 5 autres transactions, Voiron/Delattre (1 600 euro), Bousquet/Barracho (4 000 euro), Clouet/Claisse (2 600 euro), Angelotti/SCI VSN (3 600 euro) et Rodriguez/Roser (5 200 euro) Bruno Bortolin donne les dates des actes notariés et les noms des notaires, ce que l'agence ne conteste pas, admettant même devoir des commissions dans ses conclusions (page 9), il convient d'admettre la créance de Bruno Bortolin au passif de la SARL Antonuccio Immobilier à hauteur de 17 000 euro.

Sur ce point le jugement sera réformé.

L'équité ne dicte pas qu'il soit fait application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre des parties qui seront déboutées de leurs demandes à ce titre.

Chaque partie succombant partiellement assumera la charge de ses dépens d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, Reçoit en la forme l'appel interjeté, Le dit partiellement bien fondé, En conséquence, reforme partiellement le jugement attaqué, Admet la créance de Bruno Bortolin au passif de la SARL Antonuccio Immobilier à hauteur de 17 000 euro, Confirme pour le surplus le jugement attaqué, le montant de la condamnation de Bruno Bortolin devant être payé entre les mains de Maître Michel Galy ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Antonuccio Immobilier, Déboute les parties de leurs demandes d'application de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.