Cass. com., 10 mai 2011, n° 09-17.474
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Hazan, Guibor (SARL)
Défendeur :
Euronext Paris (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Jenny
Avocat général :
M. Mollard
Avocats :
SCP Didier, Pinet, SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 octobre 2009), que M. Hazan, habilité à agir sur le Matif à compter du 11 mai 1989 et disposant ainsi du statut de négociateur individuel de parquet (NIP), a cédé en 1993 à la société Guibor, dont il est devenu le gérant, les droits d'exploitation de sa licence de négociation à la criée accordée pour plusieurs contrats dont le CAC Future auquel cette société a en fait limité son activité ; qu'une directive européenne du 10 mars 1993 a imposé aux Etats membres de prendre les mesures législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour abolir, dans les conditions qu'elle fixait, les limites techniques et juridiques à l'accès aux marchés réglementés ; que la loi du 2 juillet 1996 prise en application de cette directive dont elle est la transposition a modifié substantiellement l'organisation antérieure, les négociations sur le marché étant désormais ouvertes à tout intervenant remplissant les conditions d'habilitation fixées par le régulateur français ou celui d'un Etat membre, ce qui interdisait de fait la limitation du nombre des NIP; que cette loi a confié à des sociétés commerciales appelées entreprises de marché, au nombre desquelles figurent la société Matif et la société Monep, le soin d'assurer le fonctionnement d'un marché réglementé d'instruments financiers et d'établir les règles applicables et les conditions d'accès à la cotation sous réserve de l'approbation du Conseil des marchés financiers; que le 6 novembre 1997, la société Monep, à laquelle avait été transférées la gestion et la négociation du contrat CAC 40, a annoncé l'évolution informatique prévue pour intervenir dans six mois, le principe de la double cotation criée-électronique et les règles établies spécialement par l'entreprise de marché pour permettre aux NIP de poursuivre leurs négociations pour compte propre sur le réseau informatique ; qu'une lettre du 3 décembre 1997 adressée à chacun des NIP les a informés de la création d'un nouveau statut de membre négociateur pour compte propre (NCP) et leur a précisé qu'en leur qualité de NIP habilités CAC 40 ils pouvaient accéder par équivalence à ce nouveau statut ; qu'après avoir, le 24 février 1998, sollicité son agrément en tant que NCP pour un début d'activité qu'elle devait signifier ultérieurement, la société Guibor a demandé l'enregistrement de sa cessation d'activité avec effet en mars 2000 et le retrait de son agrément en invoquant, outre la perte de revenus depuis 1998, le mauvais fonctionnement de l'installation informatique ; que M. Hazan et la société Guibor ont assigné la société Monep, la société Matif et la SBF, aux droits desquelles vient la société Euronext en vue de l'indemnisation du préjudice résultant de la décision unilatérale du 3 décembre 1997 ;
Attendu que la société Guibor fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes d'indemnisation dirigées contre la société Euronext, alors, selon le moyen : 1°) que les pratiques qui résultent de l'application d'un texte "règlementaire de droit privé" demeurent soumises aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce ; qu'en se fondant sur le caractère "règlementaire de droit privé " des décisions prises par la société Euronext Paris pour écarter l'abus de l'indépendance économique, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 2°) qu'en jugeant que les pratiques qui résultent de l'application d'un texte "règlementaire de droit privé" demeurent soumises aux dispositions de l'article engagent la responsabilité de leurs auteurs dans les conditions de droit commun; qu'en se fondant sur le caractère "règlementaire de droit privé" des décisions prises par la société Euronext Paris pour écarter l'abus de dépendance économique, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'absence de toute limitation du nombre de NIP, imposée par la création de l'espace européen, entraînait des contraintes techniques nécessitant des aménagements importants aux obligations respectives des parties et qu'au regard de l'organisation du marché européen lui même inséré dans un marché mondial utilisant la voie électronique, la solution la plus appropriée pour la place boursière de Paris était le recours à cette voie électronique ; qu'il relève que l'évolution du statut des NIP, qui était devenue inéluctable depuis l'intervention de la directive DSI du 10 mai 1993, et l'adoption de la voie électronique pour les cotations, ont été annoncées et fait l'objet d'avertissements au travers de rapports publics et de discussions entretenues par la société Matif avec l'association représentant les NIP, l'APRIM, notamment en 1991 et 1993 et que tout doute sur cette perspective à bref délai ne pouvait qu'être écarté à partir de la diffusion du rapport de la société Matif pour l'exercice de 1995 ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'il n'était pas établi que la société Euronext avait abusé de la dépendance économique dans laquelle elle aurait tenu les NIP, la cour d'appel a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par le moyen, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.