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Décisions

Cass. com., 10 mai 2011, n° 09-67.440

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

FEDA, FNAA

Défendeur :

Renault (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Maitrepierre

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, Me Spinosi

T. com. Nanterre, 4e ch., du 10 nov. 200…

10 novembre 2006

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 octobre 2008), qu'au cours de l'année 2001, la société Renault s'est engagée dans une campagne de publicité s'articulant autour des slogans suivants "Qui mieux que Renault peut entretenir votre Renault" et "Qui mieux que Renault peut réparer votre voiture"; qu'estimant que ces annonces constituaient des actes de publicité comparative illicite, de publicité trompeuse, de dénigrement et de concurrence déloyale, la Fédération des syndicats de la distribution automobile (la FEDA) et la Fédération nationale de l'artisanat automobile (la FNAA) ont assigné la société Renault en cessation de la diffusion des messages litigieux, en indemnisation du préjudice des professions qu'elles représentent et en publication de la décision à intervenir;

Sur le premier moyen : - Attendu que la FEDA et la FNAA font grief à l'arrêt de les avoir déclarées mal fondées dans leurs demandes concernant la campagne publicitaire de la société Renault articulée autour du slogan "Qui mieux que Renault peut entretenir votre Renault", alors, selon le moyen : 1°) que toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si plusieurs conditions cumulatives sont réunies et notamment si elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur et compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services; qu'ainsi tout concurrent identifiable est fondé à agir contre le dénigrement d'une publicité comparative dont il fait même implicitement l'objet; que tout concurrent de l'auteur de la publicité est nécessairement visé par la publicité lorsqu'il s'infère nécessairement du message incriminé qu'aucun concurrent ne peut être en mesure d'offrir au consommateur des services d'une qualité supérieure à celle de l'auteur de la publicité; qu'en affirmant que les réparateurs indépendants ne sont pas visés par les slogans et les spots publicitaires, quand le slogan "qui mieux que Renault peut..." laissait penser au consommateur qu'aucun réparateur indépendant que les fédérations professionnelles sont chargées de défendre collectivement ne pouvait être en mesure de réparer son véhicule Renault dans des conditions de qualité comparables, la cour d'appel a violé les articles L. 121-8 du Code de la consommation et 1382 du Code civil ; 2°) que l'affirmation par un annonceur de sa supériorité sur une prestation particulière n'est licite qu'à condition que cette affirmation relève de l'emphase ou que son auteur puisse en justifier; qu'en considérant que le slogan "qui mieux que Renault peut réparer votre Renault" était en lui-même licite bien [que] cette affirmation péremptoire de la supériorité des prestations de services de réparation de ce réseau pour réparer les véhicules de la marque ne repose sur aucune justification, la cour d'appel a violé de plus fort les articles L. 121-1, L. 121-8 du Code de la consommation et 1382 du Code civil ; 3°) qu'une pratique publicitaire ayant pour but de détourner avec de faux arguments la clientèle en se prévalant d'une fausse supériorité de son auteur sur ses concurrents est trompeuse et déloyale ; qu'en affirmant au contraire, de manière générale "qu'une campagne publicitaire (...) a pour visée, de gêner, voire d'écarter les autres acteurs du marché", sans apprécier la véracité du message incriminé, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1, L. 121-8 du Code de la consommation et 1382 du Code civil; 4°) qu'en prétendant que la campagne publicitaire du réseau Renault ne faisait qu'affirmer sa supériorité dans l'absolu et sans comparatif et ne pouvait donc être assimilée à un dénigrement (p. 9, alinéa 2), après avoir constaté que certains spots reposaient effectivement sur "une comparaison dénigrante" affirmant la prétendue supériorité des plaquettes de freins utilisées par le réseau Renault, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles L. 121-1, L. 121-8 du Code de la consommation et 1382 du Code civil ; 5°) que le caractère trompeur ou dénigrant d'une publicité doit être apprécié dans son ensemble ; qu'en décidant que les slogans publicitaires ou les scénarii en cause n'étaient ni trompeurs ni dénigrants en ce qui concerne la qualité des pièces détachées utilisées par les réparateurs indépendants tout en constatant que certains de ces messages comportaient pourtant une affirmation qu'elle a expressément qualifiée de "dénigrante" sur la prétendue supériorité des plaquettes de freins utilisées par le réseau Renault, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 121-1, L. 121-8 du Code de la consommation et 1382 du Code civil ; 6°) qu'il appartient à l'annonceur de démontrer l'exactitude de son message publicitaire; qu'en reprochant aux fédérations automobiles de ne pas rapporter la preuve du caractère trompeur et/ou dénigrant de la campagne publicitaire affirmant notamment " qui mieux que Renault peut réparer votre Renault " et donc de la fausseté de ce message, quand il incombait à la société Renault de démontrer la réalité de ses allégations, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve a violé les articles L. 121-2 et L. 121-12 du Code de la consommation ;

Mais attendu que l'arrêt relève que les annonces "qui mieux que Renault..." ne soutiennent pas, même de manière sous-entendue, que seules les prestations de réparation et d'entretien des véhicules par le réseau Renault seraient de nature à assurer la fiabilité et la sécurité, que, a contrario, ne pourraient pas assurer les mécaniciens et les réparateurs indépendants ; qu'il relève encore que ces slogans n'impliquent pas que seul le réseau Renault pourrait procéder à la monte de pièces d'origine ou de pièces de qualité équivalente; qu'ayant ainsi fait ressortir que ces annonces ne se prévalent pas d'une qualité supérieure des prestations réalisées par le réseau Renault par rapport à celles proposées par ses concurrents, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les première et troisième branches, en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que les annonces considérées, distinctes de celles relatives aux disques et plaquettes de freins, ne présentaient pas de caractère dénigrant ou trompeur ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses première et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que, pour condamner la société Renault à payer à chacune des fédérations FEDA et FNAA la somme 5 000 euro à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'en l'absence de tout dénigrement les premiers juges ont procédé à une évaluation pertinente du préjudice matériel et moral subi par celles-ci ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses constatations sur le caractère dénigrant du message publicitaire concernant les disques et plaquettes de freins, la cour d'appel a violé le texte susvisé;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a confirmé le montant des dommages-intérêts retenu par les premiers juges, l'arrêt rendu le 16 octobre 2008, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles, autrement composée.