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Décisions

Cass. com., 10 mai 2011, n° 10-17.952

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Free (SAS)

Défendeur :

Libentia (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Laporte

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan, SCP Boré, Salve de Bruneton

T. com. Nanterre, 6e ch., du 23 mai 2007

23 mai 2007

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 mars 2010), que la société Telecom Italia, aux droits de laquelle est la société Free, ayant mis fin au contrat d'agent commercial qui la liait à la société Libentia pour faute grave, cette dernière prétendant que la rupture était abusive a assigné la société Free en réparation de son préjudice ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches : - Attendu que la société Free fait grief à l'arrêt d'avoir dit abusive la rupture du contrat alors, selon le moyen : 1°) que les trois courriers de "dé-rémunération" visés par l'arrêt attaqué dénonçaient expressément pour février 2005, juin 2005 et juillet 2005, les résiliations effectuées par les clients démarchés par Libentia, et le fait que "selon les informations communiquées par les intéressés et les pièces en notre possession, il semblerait que les abonnements litigieux aient été souscrits à leur insu, suite aux propos mensongers de manœuvres dolosives de vendeurs afin d'emporter le consentement de ces personnes (...) nous vous rappelons qu'il vous appartient de prendre les mesures nécessaires afin de mettre un terme définitif à de telles pratiques et nous permettons d'insister sur l'importance déterminante attachée par Telecom Italia France à la qualité et à la loyauté de son réseau de distribution, quel qu'en soit le niveau"; qu'en affirmant que ces courriers ne reprocheraient pas à Libentia les comportements des commerciaux, mais n'en feraient état que pour justifier des dé-rémunérations, la cour d'appel a dénaturé ces documents clairs et précis, et violé l'article 1134 du Code civil; 2°) que constitue une faute grave, susceptible de justifier la rupture sans préavis du contrat d'un agent commercial le fait que les personnes employées par cet agent pour la distribution de contrats à domicile ne respectent pas les dispositions impératives d'ordre public réglementant les ventes à domicile; qu'en refusant de retenir l'existence d'une faute grave la cour d'appel a violé l'article L. 134-11 du Code de commerce ; 3°) qu'à supposer que la tolérance du mandant à l'égard d'un tel comportement puisse s'analyser comme dépouillant les fautes commises de leur caractère de gravité, le mandant peut à tout moment renoncer à cette tolérance et rompre le contrat sans préavis dès lors que le comportement qu'il n'a cessé de dénoncer a été poursuivi et réitéré par l'agent commercial; qu'ainsi la circonstance que Telecom Italia ait attendu juillet 2005, pour rompre le contrat, au vu d'un comportement illicite qui certes durait depuis septembre 2004, mais auquel il n'avait pas été remédié et qui était encore réitéré en février, juin et juillet 2005, était impropre à faire disparaître le caractère gravement fautif de cette violation persistante de la loi; que la cour d'appel a violé l'article L. 134-11 du Code du commerce;

Mais attendu que l'arrêt relève que si la société Telecom Italia avait initialement dénoncé le comportement non tolérable de certains membres de la société Libentia lors de démarchages à domicile effectués en son nom et pour son compte et demandé qu'il soit mis fin à leurs pratiques illicites, elle n'avait plus reproché ensuite aucun manquement de cet ordre à la société Libentia et lui avait même remis un trophée avant de conclure avec cette dernière un nouveau contrat trois mois avant la rupture ; qu'en l'état de ces constatations dont elle a souverainement déduit que la société Telecom Italia n'avait pas considéré les manquements de la société Libentia comme constitutifs d'une faute grave, la cour d'appel a pu retenir que la résiliation du contrat était abusive;

Et attendu que le moyen, pris en sa quatrième branche, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi;

Mais sur le second moyen, qui est recevable : - Vu les articles 1134 du Code civil et L. 134-11 du Code de commerce; - Attendu que pour condamner la société Free à payer à la société Libentia une provision sur le préavis dû à cette dernière, fixé à quatre mois, l'arrêt retient que, compte tenu de la durée des relations, un préavis de quatre mois aurait été nécessaire;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la durée du préavis, qui devait être calculée en fonction de chacune des années d'exécution du contrat, n'était pas moindre compte tenu de la date du début des relations contractuelles le 26 novembre 2003 et de celle de la rupture intervenue le 29 juillet 2005, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Free à payer à la société Libentia une provision sur le préavis qui lui est dû, fixé à quatre mois, l'arrêt rendu le 11 mars 2010, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles, autrement composée.