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Décisions

Cass. com., 24 mai 2011, n° 10-20.620

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Jarnis (SARL)

Défendeur :

Chanel (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Mandel

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Lyon-Caen, Thiriez

TGI Briey, du 28 févr. 2008

28 février 2008

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 25 février 2010), que la société Chanel, propriétaire de diverses marques, a agi à l'encontre de la société Jarnis pour usage illicite de marques et concurrence déloyale après que cette société a proposé à la vente des produits cosmétiques et de parfumerie "Chanel", acquis auprès de la société Futura finances, société qui les avait elle-même achetés dans le cadre d'une vente aux enchères publiques du stock de la société Galeries rémoises, distributeur agréé, mise en liquidation judiciaire ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche : - Attendu que la société Jarnis fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Chanel la somme de 6 000 euro à titre de dommages-intérêts pour l'ensemble de ses préjudices, alors, selon le moyen, que ne saurait constituer une contrefaçon par usage la simple commercialisation de produits authentiques régulièrement acquis après avoir été initialement mis en vente avec l'accord du titulaire de la marque ; qu'en imputant en l'espèce à l'exposante un usage illicite des marques, pour la condamner sur le fondement de la contrefaçon, quand il était constaté que les produits authentiques litigieux avaient été initialement commercialisés par les Galeries rémoises avec l'accord de la société Chanel, avant d'être acquis régulièrement à des fins commerciales par la société Futura finances, la cour d'appel a violé les articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que les produits "Chanel" ont été mis en vente dans une solderie implantée dans un bâtiment en tôle, qu'ils étaient présentés dans des corbeilles en plastique à proximité de produits ménagers et de bibelots de toutes sortes et qu'il avait été annoncé dans la presse locale que les produits de parfumerie et de cosmétiques de diverses marques dont les marques Chanel provenaient de la liquidation judiciaire du magasin "Printemps" de Reims ; qu'il retient que les conditions de vente proposées par la société Jarnis étaient de qualité médiocre par rapport à celles exigées des distributeurs agréés ; que la cour d'appel, qui a pu déduire de ces constatations et appréciations que la société Chanel justifiait de motifs légitimes l'autorisant à s'opposer à une nouvelle commercialisation de ses produits, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche : - Vu les articles 1382 du Code civil, L. 442-6 I 6° du Code de commerce, ensemble les articles L. 713-2 et L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle ; - Attendu que pour dire que la société Jarnis a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire et porté atteinte au réseau de distribution sélective de la société Chanel et la condamner à payer à cette société la somme de 6 000 euro à titre de dommages-intérêts pour l'ensemble de ses préjudices en réparation, tant de ces actes, que des faits d'usage illicite de marques, l'arrêt retient par motifs adoptés que la concurrence déloyale et parasitaire est caractérisée par le fait qu'en revendant des produits sous la marque Chanel, sans être soumise aux obligations des détaillants agréés, la société Jarnis a bénéficié illicitement de l'attrait de cette marque sur la clientèle ; qu'il retient encore que cette société a présenté ces produits dans des conditions de nature à déprécier l'image de la marque Chanel tout en utilisant sa valeur publicitaire pour développer sa propre commercialisation ;

Attendu qu'en prononçant une condamnation distincte au regard de tels faits, qui ne constituent pas des faits distincts de ceux retenus pour dire que la société Chanel justifiait de motifs légitimes pour s'opposer à une nouvelle commercialisation de ses produits, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Jarnis à payer à la société Chanel la somme de 6 000 euro à titre de dommages-intérêts pour l'ensemble de ses préjudices, l'arrêt rendu le 25 février 2010, entre les parties, par la Cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nancy, autrement composée.