CA Colmar, 1re ch. civ. A, 14 septembre 2010, n° 08-02604
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Maricou (SARL)
Défendeur :
Hypromat France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Hoffbeck
Conseillers :
MM. Cuenot, Allard
Avocats :
Mes Frick, Benoit, Litou-Wolff, Levy
Fin décembre 1998, Monsieur Couderc s'est porté acquéreur de la SARL La Monégasque, par l'intermédiaire d'une SARL Maricou dont il était également l'associé unique.
Le 1er janvier 1999, la SA Hypromat France, qui exploite un réseau de franchise de lavage automatique de véhicules sur l'ensemble du territoire français sous l'enseigne Eléphant Bleu, a concédé à la SARL La Monégasque le droit d'exploiter un tel centre de lavage à 56000 - Vannes, pour une durée de neuf années.
Le contrat de franchise comportait notamment, sous l'article 12, une clause de non-concurrence rédigée en ces termes :
" Pendant toute la durée du présent contrat, le franchisé s'interdit de créer, participer ou s'intéresser directement ou indirectement par lui-même ou par personne interposée, à toute entreprise ou société concurrente du franchiseur et du réseau Hypromat Eléphant Bleu, dans le commerce de centre de lavage de véhicules, ou de tous produits liés à cette activité ".
Par lettre recommandée du 11 mai 2005, la société Hypromat a notifié à la SARL La Monégasque la rupture anticipée du contrat de franchise en lui reprochant d'avoir violé l'article 12 susvisé, à travers l'exploitation d'un second centre de lavage à Vannes, rue Theophraste Renaudot, concurrent du réseau Eléphant Bleu, et d'un autre à Ploeren, ZAC des Deux Moulins, également concurrent du même réseau.
Dans le même courrier, elle a mis en demeure la SARL La Monégasque de respecter l'ensemble des dispositions post-contractuelles, notamment la dépose des enseignes, et lui a réclamé le paiement des pénalités contractuelles.
Par lettre recommandée du 26 mai 2005, la SARL La Monégasque a contesté cette résiliation intervenue d'heure à heure, en la qualifiant de " totalement abusive ", faisant observer qu'en réalité, le vrai motif de cette résiliation résidait dans le fait que Monsieur Couderc, gérant, était le président de l'association qui s'était constituée pour la défense des intérêts collectifs des franchisés du réseau Eléphant Bleu.
Selon un acte du 9 juin 2005, elle a saisi la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg d'une demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de franchise.
Par un courrier du 13 juin 2005, la SA Hypromat a fait savoir par son avocat à la SARL La Monégasque qu'elle lui accordait " un délai supplémentaire de 30 jours... pour régulariser définitivement " la situation, en lui indiquant que, si à l'expiration de ce délai la situation était toujours la même, elle maintiendrait sa décision de façon irrévocable.
Par courrier du 16 juin 2005, la SARL La Monégasque a répondu que ce délai était sans objet, compte tenu de la rupture consommée.
Concluant dans la procédure, la SA Hypromat France s'est opposée aux prétentions adverses et a formé une demande reconventionnelle en paiement des pénalités contractuelles, ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts (50 000 euro) pour violation des obligations post-contractuelles et comportement parasitaire (fabrication et commercialisation de jetons contrefaisant ceux de la SA Hypromat).
Par un jugement du 28 mars 2008, cette juridiction, estimant que la SA Hypromat France se trouvait dans son bon droit en résiliant le contrat en raison de la violation par le franchisé de la clause de non-concurrence, a rejeté les prétentions de la SARL La Monégasque.
Accueillant ensuite partiellement la demande reconventionnelle, elle a condamné la SARL La Monégasque à payer à la SA Hypromat France d'une part la somme de 20 076,65 euro TTC au titre des redevances restant dues jusqu'au terme normal du contrat, d'autre part la somme de 18 233,02 euro TTC au titre de l'indemnité forfaitaire prévue au contrat, avec les intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2006.
Elle a par contre rejeté la demande émanant de la SA Hypromat France tendant à obtenir des dommages-intérêts pour violation des obligations post-contractuelles.
Enfin, elle a mis à la charge de la SARL La Monégasque le paiement d'une somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour statuer dans ce sens, les premiers juges ont notamment retenu :
- qu'en reprochant à la SARL La Monégasque de s'être intéressée, par personne interposée, à l'exploitation de deux centres de lavage automobiles n'appartenant pas au réseau Hypromat Eléphant Bleu, la SA Hypromat se fonde à bon droit sur un comportement, à le supposer établi, entrant dans le champ d'application de la clause contractuelle de l'article 12 ;
- que la SARL La Monégasque et la SARL Kerlann (qui exploitent les deux centres de lavage litigieux) sont deux sociétés distinctes, n'ayant aucun lien juridique ou capitalistique direct, étant deux sociétés-soeurs dont le capital est détenu par la SARL Maricou, laquelle est détenue par le seul Monsieur Couderc ; que les trois sociétés forment néanmoins un groupe, qui a recours à l'intégration fiscale, et dont l'intérêt économique est commun ; qu'il en résulte que la SARL La Monégasque a un intérêt, par personne interposée constituée par la SARL Maricou, à l'exploitation des centres de lavage appartenant à la SARL Kerlann ; que l'on ne peut également méconnaître, même s'il n'est pas personnellement tenu à la clause de non-concurrence, le rôle de Monsieur Couderc, lequel détient à lui seul les parts sociales des trois sociétés et se trouve être le gérant à la fois de la SARL La Monégasque et de la SARL Maricou ; que la défenderesse ne saurait dès lors tirer argument de l'écran de la personnalité morale dont est dotée la SARL Maricou, constituant en réalité une interposition de personne, et qui ne peut sans fraude être opposé au respect par la SARL La Monégasque de ses obligations contractuelles ;
- que la défenderesse ne saurait sérieusement soutenir que la SARL Kerlann n'exploiterait pas, au sens de la clause contractuelle de l'article 12, des centres concurrents de celui exploité par la SARL La Monégasque ;
- qu'en résiliant, par lettre du 11 mai 2005, le contrat de franchise de la SARL La Monégasque au motif de la violation de l'obligation de non-concurrence, la SA Hypromat n'a pas commis d'abus dans l'exercice de son droit de résiliation ;
- que les allégations selon lesquelles la SA Hypromat aurait voulu " punir " Monsieur Couderc pour son rôle joué dans l'association des franchisés Hypromat qu'il présidait, sont sans emport sur la méconnaissance par la SARL La Monégasque de ses obligations et sur le droit de la SA Hypromat d'en tirer les conséquences contractuelles prévues.
Selon une déclaration enregistrée au greffe le 21 mai 2008, la SARL Maricou venant aux droits de la SARL La Monégasque a interjeté appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions déposées le 19 mars 2010, elle demande à la cour de :
Vu les articles 1134, 1165, 1147, 1149 et 1150 du Code civil ;
Sur appel principal,
- infirmer le jugement entrepris en son intégralité, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la SA Hypromat en une condamnation de la SARL La Monégasque à lui verser 50 000 euro de dommages-intérêts au titre d'un prétendu non-respect de ses obligations post-contractuelles,
Et, statuant à nouveau,
- débouter la SA Hypromat de ses entières demandes ;
- dire et juger que la SA Hypromat a brutalement et fautivement résilié d'heure à heure le contrat de franchise qu'elle a signé avec la SARL La Monégasque le 1er janvier 1999, avec effet du 11 mai 2005, soit 30 mois avant l'échéance du 31 décembre 2007;
- condamner en conséquence la SA Hypromat à verser à la SARL Maricou venant aux droits de la SARL La Monégasque :
+ la somme de 45 903 euro correspondant au montant des immobilisations non amorties au jour de la rupture,
+ la somme de 219 397 euro à titre principal, correspondant à une année de marge brute, subsidiairement la somme de 60 797 euro correspondant à une année d'excédent brut d'exploitation ;
- dire que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation valant mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus en application de l'article 1154 du Code civil ;
- condamner la SA Hypromat au paiement d'une somme de 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel ;
Sur appel incident,
- le rejeter et débouter la SA Hypromat de l'intégralité de ses fins et conclusions;
- condamner la SA Hypromat aux frais et dépens de l'appel incident.
Au soutien de son appel, la SARL Maricou venant aux droits de la SARL La Monégasque fait notamment valoir :
- que Monsieur Couderc, gérant de ces sociétés, a toujours voulu s'investir dans l'enseigne Eléphant Bleu et développer son entreprise au sein de ce réseau ; qu'il a ainsi été amené à informer la SA Hypromat de ses projets et celle-ci ne s'y est pas opposé, établissant même des devis de transformation ; que la partie adverse a cependant ultérieurement bloqué ses projets contre toute attente, alors même qu'avaient été acquis les nouveaux centres ;
- qu'il n'y a eu aucune violation de l'article 12 du contrat de franchise ;
- que les sociétés Maricou et Kerlann sont d'ailleurs étrangères au contrat de franchise Eléphant Bleu liant la SA Hypromat à la SARL La Monégasque ;
- que la SARL La Monégasque ne s'est pas intéressée par la personne interposée de sa mère, la SARL Maricou, à l'activité ou à l'exploitation de la SARL Kerlann ; qu'en effet, les deux sociétés filiales sont indépendantes et autonomes dans leur activité et dans leur exploitation ;
- qu'à supposer que l'on puisse retenir le contraire, force serait de constater que la SARL Kerlann n'a aucune activité concurrente de celle de la SA Hypromat ;
- que le motif de la rupture est abusif, dans la mesure où le seul réel reproche fait à Monsieur Couderc était son activité au sein du Geplaf, une association regroupant des franchisés Eléphant Bleu ;
- que les faits montrent que la SA Hypromat a pris la décision de rompre le contrat de franchise de la SARL La Monégasque en raison de cette appartenance.
Par ses dernières conclusions déposées le 4 décembre 2009, la SA Hypromat France demande à la cour de :
Sur l'appel principal,
- le dire mal fondé,
- débouter la société appelante de ses conclusions,
- condamner la SARL Maricou à payer à la SA Hypromat France la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Sur appel incident, et compte tenu de la fusion des sociétés Maricou et La Monégasque,
- dire l'appel incident bien fondé et réformer le jugement entrepris,
Et statuant à nouveau,
- condamner la SARL Maricou à payer à la SA Hypromat la somme de 20 076,65 euro, plus les intérêts au taux légal,
- la condamner à payer à la SA Hypromat la somme de 18 233,032 euro TTC, plus les intérêts au taux légal,
- la condamner à payer à la SA Hypromat la somme de 50 000 euro à titre de dommages-intérêts,
- la condamner à payer en tous les frais de l'appel incident.
Sur ce, LA COUR,
Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits et moyens ;
Sur la demande principale formée par la SARL Maricou venant aux droits de la SARL La Monégasque et sur la demande reconventionnelle de la SA Hypromat en paiement des indemnités contractuelles de rupture :
Attendu que l'article 12 du contrat de franchise, dont la violation a été reprochée à la SARL La Monégasque dans la lettre de rupture anticipée du 11 mai 2005, fait interdiction au franchisé de s'intéresser directement ou indirectement par lui-même ou par personne interposée, à toute entreprise ou société concurrente du franchiseur et du réseau Hypromat Eléphant Bleu, dans le commerce de centre de lavage de véhicules, ou de tous produits liés à cette activité ;
Attendu que la SA Hypromat reproche précisément à la SARL La Monégasque et à son gérant, Monsieur Couderc, de s'être intéressés à la SARL Kerlann Lavage, également filiale de la SARL Maricou, exploitante de deux centres de lavage concurrents du réseau Eléphant Bleu à Vannes et à Ploeren, alors que toutes ces sociétés se trouvaient entièrement entre les mains de Monsieur Couderc ;
Attendu cependant qu'il ressort des pièces versées aux débats que, par un courrier du 16 septembre 2002, Monsieur Couderc, qui disposait déjà, à travers la SARL La Monégasque, d'une station de lavage à Vannes à l'enseigne Eléphant Bleu, a fait parvenir à la SA Hypromat, un dossier relatif à l'implantation d'un second centre de lavage dans cette ville, avec l'objectif d'obtenir son intégration au réseau Eléphant Bleu; qu'à cette date, il ne s'était cependant pas encore rendu propriétaire du fonds, puisqu'il demandait à la SA Hypromat " le maximum de discrétion " et une étude rapide du dossier (" Je vous demanderais donc de faire au plus vite pour me retourner ce projet "); que la SA Hypromat lui a adressé un devis complet du 4 juin 2003, afférent aux travaux de transformation de ce centre, pour un montant de 123 831 euro HT, valable pour une durée de huit mois soit jusqu'au 4 février 2004 ; qu'elle lui a également fait parvenir, par un courrier du 26 juin 2003, l'esquisse du projet réalisé par elle, avec un plan de masse et des façades, ainsi que les fiches techniques afférentes ;
Attendu ainsi que la SA Hypromat avait d'ores et déjà laissé entendre qu'elle ne s'opposerait pas au projet d'implantation d'un second centre Eléphant Bleu à Vannes et, d'une façon générale, aux souhaits de développement manifestés par Monsieur Couderc, ce qui correspondait d'ailleurs totalement à ses intérêts de franchiseur ;
Attendu en tout état de cause que, lui ayant adressé en juin 2003 un tel devis, la SA Hypromat ne pouvait pas ignorer que Monsieur Couderc s'était entre-temps rendu propriétaire de ce nouveau fonds qui, tant qu'il n'était pas intégré au réseau Eléphant Bleu, constituait provisoirement un fonds concurrent ; que la SA Hypromat ne voyait cependant évidemment aucun inconvénient à cette situation, puisque ce nouveau centre était destiné à être intégré dans le réseau Eléphant Bleu ; que, de même, elle a nécessairement appris que l'exploitation de ce centre avait débuté fin septembre 2003 sous le couvert d'une SARL Kerlann, gérée par l'épouse de Monsieur Couderc, et sous l'enseigne Prop'Auto Vannes, ainsi que cela résulte d'un extrait du Registre du Commerce et des Sociétés produit en annexe ;
Attendu toutefois qu'il ressort des pièces versées aux débats que les négociations entre Monsieur Couderc et la SA Hypromat n'ont pas prospéré ; que les parties se sont rencontrées lors d'un entretien du 28 janvier 2004 pour tenter de débloquer la situation, et ce alors que Monsieur Couderc manifestait également le souhait d'ouvrir un nouveau centre Eléphant Bleu à Ploeren ; que, dans le cadre de l'échange de courriers qui a suivi, Monsieur Couderc a fait grief à son interlocuteur de faire obstacle à l'ouverture de ce nouveau centre et, dès ce moment là, a imputé le refus adverse à sa qualité de président du Geplaf, association ayant pour objet la défense des intérêts des centres de lavage franchisés, auquel adhérait un nombre conséquent des franchisés du réseau Eléphant Bleu ; que, de son côté, la SA Hypromat a clairement fait savoir à Monsieur Couderc que ses positions critiques prises en sa qualité de président du Geplaf lui paraissaient incompatibles avec le développement de nouveaux centres Eléphant Bleu;
Attendu en effet que, dans une réponse du 11 février 2004 adressée à Monsieur Couderc, la SA Hypromat s'exprimait en ces termes :
" Si le climat de contestation et de remise en cause que vous entretenez aujourd'hui perdure en ce qu'il a de quasi permanent, il nous sera difficile d'étendre voire de renouveler notre relation contractuelle à son terme, car nous aurions alors l'impression de vous voir rester malgré vous dans le réseau. Votre critique va bien au-delà d'une simple volonté d'améliorer les choses...
...Voilà pourquoi il nous semble opportun de surseoir pour l'heure à la réalisation de tout projet en commun, dans l'attente de voir comment évoluera notre situation " ;
Attendu que par ce courrier, venant confirmer les termes de l'entretien du 28 janvier 2004, la SA Hypromat a explicitement notifié à Monsieur Couderc qu'elle se refusait à envisager toute réalisation d'un nouveau projet en commun tant que son partenaire poursuivait, à la tête du Geplaf, la critique du fonctionnement du réseau de franchise dont il faisait partie ;
Attendu ainsi que, après avoir laissé clairement entendre à Monsieur Couderc qu'elle ne s'opposerait pas à ses projets de développement de nouvelles stations Eléphant Bleu, la SA Hypromat est revenue abusivement sur sa position, et ce dès l'entretien du 28 janvier 2004, soit avant même que n'expire le délai accordé à Monsieur Couderc pour donner sa réponse au devis du 4 juin 2003, et alors même qu'elle avait laissé Monsieur Couderc procéder à l'acquisition des nouveaux fonds ;
Attendu qu'il en résulte que c'est en réalité la SA Hypromat qui a créé la situation concurrentielle dont elle s'est plainte dans la lettre de rupture du 11 mai 2005, puisque Monsieur Couderc ne demandait pas autre chose que l'intégration de ses deux nouveaux centres de lavage de Vannes et de Ploeren dans le réseau Eléphant Bleu ;
Attendu qu'il apparaît que la SA Hypromat a mis fin au contrat de franchise la liant à la SARL La Monégasque, ayant pour gérant Monsieur Couderc, uniquement en raison des activités de ce dernier comme Président du Geplaf, association de défense des professionnels du lavage automobile franchisés ;
Attendu que le motif de la rupture, tiré du non-respect de l'obligation de non-concurrence, a été artificiellement invoqué pour tenter de donner une apparence de validité à une résiliation qui n'avait pas d'autre objectif que celui d'écarter Monsieur Couderc du Geplaf dont il était le Président ;
Attendu ainsi que la SA Hypromat ne peut reprocher à la SARL La Monégasque une violation de l'article 12 du contrat de franchise en soutenant que celle-ci se serait, par personne interposée, intéressée à deux centres de lavage concurrents, situés à Vannes et à Ploeren, alors que Monsieur Couderc lui avait clairement fait savoir qu'il sollicitait l'intégration de ces nouveaux centres dans le réseau Eléphant Bleu et qu'une acceptation de principe avait été obtenue pour le centre de Vannes, et alors que cette intégration n'a été finalement refusée à Monsieur Couderc que pour des raisons personnelles tenant à son rôle joué au sein d'une association de défense des franchisés ;
Attendu en conséquence que la rupture est intervenue fautivement aux torts de la SA Hypromat ; qu'il en résulte d'une part que la SA Hypromat doit être déboutée de l'ensemble de ses prétentions indemnitaires, d'autre part que la SARL Maricou venant aux droits de la SARL La Monégasque est elle-même recevable à réclamer la réparation du préjudice occasionné par la rupture anticipée abusive ;
Attendu que, en réparation de son préjudice, la SARL Maricou venant aux droits de la SARL La Monégasque réclame le paiement :
- de la somme de 45 903 euro correspondant au montant des immobilisations non amorties au jour de la rupture,
- de la somme de 219 397 euro correspondant à une année de marge brute, subsidiairement la somme de 60 797 euro correspondant à une année d'excédent brut d'exploitation ;
Attendu cependant qu'il est constant que la SARL Kerlann, filiale de la SARL Maricou, a poursuivi son activité dans le centre de lavage privé de l'enseigne Eléphant Bleu ; qu'il n'est aucunement établi qu'elle aurait subi une perte de clientèle ; qu'en tout état de cause, il n'est justifié d'aucun préjudice à cet égard ;
Attendu que, s'agissant des immobilisations non amorties, la SARL Maricou venant aux droits de la SARL La Monégasque a certainement bénéficié en partie, dans le cadre de la poursuite d'activité, des investissements antérieurement réalisés ; qu'elle a par contre été contrainte de supprimer les marques et signes distinctifs du réseau Eléphant Bleu ;
Attendu que la cour dispose ainsi d'éléments suffisants pour allouer à l'appelante une somme de 20 000 euro à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice directement occasionné par la résiliation prématurée et abusive du contrat de franchise ;
Attendu que la demande principale de la SARL Maricou sera accueillie à due concurrence, et les prétentions reconventionnelles de la SA Hypromat relatives aux indemnités de rupture prématurée seront rejetées, le jugement entrepris étant dès lors infirmé dans ce sens ;
Sur la demande reconventionnelle de la SA Hypromat en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire ;
Attendu qu'au soutien de son appel incident, la SA Hypromat indique que la SARL Maricou s'est livrée à une activité de concurrence déloyale tant envers son franchiseur qu'envers le réseau de franchise ; qu'elle n'a pas hésité à se lancer dans une procédure manifestement abusive et qu'elle a usé de pratiques parasitaires ; qu'elle déclare avoir subi un préjudice qu'elle évalue à la somme de 50 000 euro ;
Attendu qu'elle fait plus précisément valoir :
- que la SA Hypromat a pu constater que La Monégasque avait fait fabriquer et commercialisait des jetons de lavage d'un profil et de caractéristiques électroniques très semblables aux jetons de lavage universels Eléphant Bleu ;
- qu'il ressort d'un constat d'huissier du 27 décembre 2006 que les monnayeurs adverses n'ont pas été reprogrammés, de sorte qu'ils continuaient à recevoir le jeton universel Eléphant Bleu ; que cela constitue une violation du contrat de franchise et une attitude parasitaire, destinées à entretenir une confusion entre La Monégasque et le réseau de franchise Eléphant Bleu ;
- que lors de la venue de l'huissier, s'il n'a plus été possible de trouver des jetons similaires aux jetons Eléphant Bleu, la concluante dispose encore de jetons identiques, qu'elle avait achetés sur place quelques mois auparavant ; que ces jetons portent la mention " Centre de Lavage Prop'Auto Vannes " ;
- qu'il est ainsi établi que la partie adverse a fait fabriquer et a commercialisé, jusqu'à la venue de l'huissier, des jetons constituant la copie de ceux de la concluante ;
- que par ailleurs, la SARL Maricou maintient la confusion entre sa station et le réseau Eléphant Bleu en ne modifiant pas les couleurs bleue et blanche, contrairement à ses engagements contractuels ;
- qu'il y a violation par le franchisé de ses obligations post-contractuelles ;
Attendu cependant que la cour, venant infirmer le jugement entrepris, a reconnu le bien fondé de la demande principale, ce qui exclut évidemment tout caractère abusif ;
Attendu ensuite que la SA Hypromat persiste à reprocher à la partie adverse des actes de concurrence déloyale et un comportement parasitaire postérieurement à la rupture;
Attendu qu'elle affirme que les monnayeurs de la SARL La Monégasque n'ont pas été reprogrammés, de sorte qu'ils continueraient à recevoir le jeton universel Eléphant Bleu ;
Attendu cependant que, comme le relève opportunément le tribunal, à considérer que cela soit le cas, cela ne constituerait pas un comportement déloyal dont pourrait se plaindre la SA Hypromat, puisque seule la SARL La Monégasque en serait la véritable victime, et non le réseau Eléphant Bleu qui tirerait un bénéfice de cette situation ;
Attendu que la SA Hypromat fait encore grief à la SARL La Monégasque d'avoir utilisé des jetons ayant un profil et des caractéristiques identiques à ceux du réseau Eléphant Bleu pendant une période de 18 mois suivant la rupture ;
Attendu cependant qu'elle admet simultanément que ces jetons commercialisés par la SARL La Monégasque comportaient la mention " Centre de Lavage Prop'Auto Vannes ", ce qui suffisait pour les différencier nettement aux yeux de la clientèle ;
Attendu ainsi qu'aucun comportement de concurrence déloyale ou parasitaire n'est démontré ;
Attendu en dernier lieu que le maintien des couleurs bleue et blanche, spécifiques au réseau Eléphant Bleu, n'est pas davantage établi par la SA Hypromat, qui se contente de procéder par voie d'affirmation, et ce pour la première fois dans l'instance d'appel ;
Attendu en tout état de cause que, même en se plaçant sur le terrain de la violation par le franchisé de ses obligations post-contractuelles, la SA Hypromat ne démontre pas qu'elle l'aurait mis en demeure de respecter ses obligations, conformément aux exigences de l'article 19 du contrat de franchise ;
Attendu que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la SA Hypromat en paiement de la somme de 50 000 euro ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la SARL Maricou venant aux droits de la SARL La Monégasque la charge des frais relevant de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de la somme de 3 000 euro (première instance et appel) ;
Par ces motifs, LA COUR, Reçoit les appels, réguliers en la forme ; Au fond : Infirmant le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL La Monégasque de ses prétentions formées à titre principal et l'a condamnée, sur la demande reconventionnelle adverse, au paiement de deux indemnités contractuelles de 20 076,65 euro et 18 233,02 euro, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, et statuant à nouveau dans cette limite, Condamne la SA Hypromat France à payer à la SARL Maricou venant aux droits de la SARL La Monégasque une somme de 20 000 euro (vingt mille euro) à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice occasionné par la rupture fautive du contrat de franchise, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, ainsi qu'une somme de 3 000 euro (trois mille euro) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute la SA Hypromat France de sa demande reconventionnelle en paiement des indemnités contractuelles de résiliation de la convention de franchise ; Confirme par contre le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SA Hypromat France de sa demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 50 000 euro à titre de dommages-intérêts ; Condamne la SA Hypromat France aux entiers dépens de première instance et d'appel.