CA Paris, Pôle 6 ch. 3, 29 juin 2010, n° 08-09109
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (Sté)
Défendeur :
Guerzi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Panthou-Renard
Conseillers :
Mmes Martinez, Oppelt-Reveneau
Avocats :
Mes Peignard, Bellet
Faits et procédure
Mme Françoise Laffineur ép. Guerzi et la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher ont signé, le 15 octobre 1996, un contrat de franchise pour l'exploitation d'un centre de beauté situé dans le centre commercial "Les Beaudottes" à Sevran (93270).
Par courrier du 16 octobre 2000, la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher a dénoncé ledit contrat pour le 23 mai 2001. Toutefois, les relations commerciales se sont poursuivies.
Mme Laffineur a adressé à la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, un courrier du 2 octobre 2002, aux termes duquel "le contrat de franchise ayant expiré le 24 mai 2001, je vous confirme que je souhaite cesser nos relations commerciales le 30 novembre 2002". La société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher ne s'est pas opposée à la décision de Mme Laffineur mais a exigé l'application d'un délai de préavis de 6 mois en invoquant l'application du contrat de franchise, dont Mme Laffineur conteste l'existence.
Les parties sont en désaccord sur la nature du contrat les liant et sur celle d'entre elles qui a pris l'initiative de la rupture.
Se prévalant de l'application de l'article L. 781-1, 2 du Code du travail ainsi que l'existence d'un lien de subordination avec la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, caractérisant l'existence d'un contrat de travail et affirmant que la rupture de leurs relations s'analysait en un licenciement, Mme Laffineur ép. Guerzi a saisi le Conseil des Prud'hommes de Bobigny aux fins de se voir payer un rappel de salaire, d'heures supplémentaires et les congés payés afférents, une indemnité de préavis et les congés payés afférents, une indemnité de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre la remise des documents sociaux conformes, une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire et intérêts au taux légal, la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie au profit du tribunal de commerce. A titre reconventionnel, elle a réclamé le paiement d'une indemnité pour procédure abusive et d'une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par décision en date du 16 juin 2008, le conseil des prud'hommes, a reconnu sa compétence. Décidant de l'application à l'espèce en cause de l'article L. 781-1, 2 du Code du travail, et faisant partiellement fait droit à la demande de Mme Laffineur ép. Guerzi, le conseil a condamné la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à lui payer les sommes suivantes :
- 2 380 euro à titre de rappel de salaire
- 2 850 euro à titre d'indemnité de licenciement
- 10 000 euro à titre de dommages et intérêts
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2005, date de la saisine du conseil.
Il a, en outre ordonné, la remise à Mme Laffineur ép. Guerzi des documents sociaux conformes, le paiement à Mme Laffineur ép. Guerzi d'une indemnité de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher aux dépens et ordonné l'exécution provisoire de droit. Le conseil des prud'hommes a débouté les parties pour le surplus.
La société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher a fait appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation. Elle conclut à l'incompétence de la juridiction sociale au profit du Tribunal de commerce de Vannes puis, subsidiairement au débouté de Mme Laffineur ép. Guerzi et à sa condamnation à lui payer la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Subsidiairement, elle estime que la rupture des relations entre les parties est imputable à Mme Laffineur ép. Guerzi. Encore plus subsidiairement, elle soutient qu'en cas d'application de la convention collective de la parfumerie esthétique, il conviendra de débouter Mme Laffineur ép. Guerzi de ses demandes au titre des heures supplémentaires en prenant compte des BIC qu'elle a perçus pendant la période en cause.
Mme Laffineur ép. Guerzi conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a fait droit à ses demandes et à l'infirmation de ses dispositions l'ayant débouté de ses demandes. Elle demande à la cour de :
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que Mme Laffineur ép. Guerzi remplissait les conditions posées par l'article L. 781-1, 2 du Code du travail, s'est déclaré compétent et a rejeté l'exception d'incompétence formulée par la société Yves Rocher, et a condamné la société Yves Rocher à verser à Mme Laffineur ép. Guerzi un rappel de salaires, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts,
Statuant à nouveau,
- Dire et juger que Mme Laffineur ép. Guerzi réunit toutes les conditions posées par les articles L. 781-1, 2 et L. 121-1 du Code du travail,
- En conséquence : requalifier le contrat de franchise en contrat de travail,
- Dire et juger que la rupture du contrat est imputable à la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher,
- Requalifier la rupture du contrat en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- Condamner la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher à verser à Mme Laffineur ép. Guerzi les sommes suivantes :
- 29 138 euro au titre de rappel de salaires,
- 83 366 euro au titre du rappel d'heures supplémentaires,
- 4 032 euro au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 10 080 euro au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- 96 732 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Dire que ces condamnations seront assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter du 25 janvier 2005, date de la saisine du conseil des prud'hommes,
- Condamner la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher à remettre à Mme Laffineur ép. Guerzi les bulletins de paie correspondant à la période de préavis, un certificat de travail et l'attestation Assedic,
- Condamner la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher à verser à Mme Laffineur ép. Guerzi la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher aux entiers dépens.
Pour plus ample exposé des faits et de la procédure, la cour se réfère aux conclusions des parties visées par le greffier et reprises à l'audience du 10 mai 2010.
Motivation
- Sur la compétence
En application de l'article L. 781-1, 2 du Code du travail, les dispositions de ce Code sont applicables aux personnes dont la profession consiste essentiellement soit à vendre des marchandises ou denrées de toute nature, des titres, des volumes, publications, billets de toute sorte qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, soit à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise industrielle ou commerciale lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposées par ladite entreprise.
L'application de l'article L. 781-1, 2 du Code du travail relève de la compétence des juridictions sociales, lesquelles sont également exclusivement compétentes pour connaître de l'existence d'un contrat de travail.
Il s'ensuit que la demande de Mme Laffineur ép. Guerzi qui revendique à la fois l'application de l'article précité et l'existence d'un contrat de travail relève de la compétence de la juridiction sociale.
C'est donc à juste titre que le conseil des prud'hommes s'est déclaré compétent pour en connaître.
Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.
- Sur l'existence d'un contrat de travail
Il appartient aux juges de porter la juste qualification aux relations établies entre les parties, quand bien même celles-ci seraient-elles liées par un contrat de franchise.
Il convient donc de vérifier l'existence des quatre conditions cumulatives énoncées à l'article L. 781-1, 2 précité.
* Sur le caractère essentiel de la vente des produits
Il ressort des débats que Mme Laffineur ép. Guerzi exploitait dans son commerce à la fois une activité de vente de produits et une activité de soins en cabine, l'activité de vente générant un chiffre d'affaires supérieur à celui résultant de l'exploitation de l'activité de soins.
En l'espèce, ainsi que le précisent les premiers juges, pour l'année 1999 le chiffre d'affaires de Mme Laffineur ép. Guerzi pour la vente de produits a été de 209 503 euro et pour les soins de 81 930 euro ; pour l'année 2000, cette activité a dégagé un chiffre d'affaires de 215 880 euro pour un chiffre d'affaires de 79 357 euro pour l'activité de soins ; pour l'année 2001 l'activité de vente de produits a généré un chiffre d'affaires de 218 894 euro pour un chiffre d'affaires de 81 316 euro pour l'activité de soins.
Dans la présente analyse et contrairement à ce que soutient la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, la marge réalisée par l'entreprise importe peu, l'importance de l'activité poursuivie étant mesurée par son chiffre d'affaires qui constitue très concrètement ce qu'elle rapporte.
En l'espèce, il se déduit des chiffres d'affaires non contestés des activités en cause, que le chiffre d'affaire tiré de la vente des produits Yves Rocher représente près du triple de celui généré par l'activité de soins. En conséquence, l'activité de vente des produits Yves Rocher a un caractère essentiel au sens de l'article L. 781-1, 2 précité qui n'impose pas que l'activité litigieuse ait un caractère exclusif, contrairement à ce que semble soutenir la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher pour contester l'applicabilité du texte invoqué.
La première condition requise est donc vérifiée.
* Sur l'exclusivité de fournitures
Il n'est pas contesté par les parties que l'article 5 du contrat litigieux oblige la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à vendre directement ou indirectement au franchisé les produits Yves Rocher.
Il est constant par ailleurs que Mme Laffineur ép. Guerzi commercialisait uniquement les produits Yves Rocher que ce soit dans son activité de vente ou dans son activité de soins pour lesquels elle n'utilisait que ces produits.
Il importe peu dans ces conditions, comme le fait valoir la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, que Mme Laffineur ép. Guerzi aurait pu commercialiser des produits d'autres marques, puisque, comme le reconnaît elle-même la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, Mme Laffineur ép. Guerzi n'a pas fait usage de cette possibilité.
La deuxième condition requise est donc vérifiée.
* Sur le local
En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que le local a été fourni par la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher pour permettre l'exercice par Mme Laffineur ép. Guerzi de son activité. Il importe peu dans ces conditions que Mme Laffineur ép. Guerzi ait refusé le changement de local proposé par la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher puisque le fait que celle-ci subordonne le maintien de leurs relations à ce changement le local traduit bien le fait que le choix du local relève de la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher et s'impose au cocontractant.
La troisième condition requise est donc vérifiée.
* Sur les conditions d'exploitation de l'activité en cause et sur les prix
Mme Laffineur ép. Guerzi fait valoir que toutes les conditions d'exploitation de son fonds lui étaient imposées par le contrat de franchise et que la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher en contrôlait la bonne exécution.
La société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher oppose que Mme Laffineur ép. Guerzi ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle avance et fait valoir que le respect de l'ensemble des normes relatives à l'identité propre et à l'uniformité du réseau impliquait nécessairement pour la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher d'appliquer les instructions lui venant de la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher notamment s'agissant de la décoration du centre de beauté, la présentation des produits, la qualité des services, etc, ce conformément aux dispositions du droit communautaire.
Il ressort du contrat de franchise, en particulier de ses articles 5 et 6, notamment que :
- tous les centres Yves Rocher doivent exercer dans des " conditions uniformes, en particulier pour la décoration, les signes, les aménagements, les méthodes opérationnelles et les procédures ".
- l'ouverture du centre de beauté exploité par Mme Laffineur ép. Guerzi devait ouvrir le 24 mai 1996.
- la société de sa propre initiative et périodiquement avisera le franchisé sans que cela puisse être considéré comme limitatif les procédures, les produits autorisés, les services, l'achat de produits et de fournitures, les délais de commande, la publicité et les programmes promotionnels, l'administration générale, la comptabilité, la formation, etc...
- la société se réserve le droit d'entreprendre de sa seule initiative des actions publicitaires, des instructions publicitaires seront données au franchisé, une initiative du franchisé, en matière promotionnelle devant être préalablement soumise à l'approbation préalable de la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher.
- la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à sa seule initiative se réserve le droit de pratiquer les taux de remises promotionnelles plus élevés pour des produits et pour des périodes qu'elle détermine... ce qu'elle a fait ainsi qu'en attestent les mails produits aux débats.
- l'inobservation de l'une de ses obligations découlant du contrat pouvait en entraîner la résiliation à l'initiative de la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher.
En outre, il n'est pas contesté que des catalogues étaient adressés chaque mois à Mme Laffineur ép. Guerzi sur des sujets aussi divers que les règles du merchandising, les périodes de promotions, les partenaires commerciaux, mais également des guides de procédures comportant des instructions sur les commandes, les prix imposés notamment par catalogue ou à la suite d'une opération promotionnelle, l'agencement de l'institut de beauté, les modes opératoires concernant les soins, l'organisation des salariés et l'agencement du local, le contrat de location de matériel de sonorisation de la surface de ventes et des cabines, le partenaire pour la dératisation, sans compter des mails quotidiens que Mme Laffineur ép. Guerzi versent aux débats par lesquels la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher lui délivre des instructions sur ses méthodes, ses occupations, sur la marche commerciale de l'institut, lui délivrent ses " objectifs du mois ", lui rappellent l'obligation d'un " strict respect des consignes du Scénario " et " des plans commerciaux ".
Certes le contrat de franchise affirme que le franchisé est un entrepreneur indépendant et la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher fait valoir la totale liberté de Mme Laffineur ép. Guerzi pour choisir ses assurances et ses partenaires commerciaux.
Les éléments qui précèdent démentent cependant pour partie cette affirmation et établissent au contraire qu'en ce qui concerne la marche commerciale de son institut de beauté, basée sur la commercialisation des produits Yves Rocher, Mme Laffineur ép. Guerzi, enserrée dans cette exclusivité, à la fois soumise aux conditions contractuelles, aux divers guides qui lui sont régulièrement fournis et les instructions qui lui sont adressées quotidiennement ne dispose d'aucune marge de manœuvre pour exploiter l'institut de beauté dont elle a la charge et sur les prix pratiqués.
En outre, agissant sous le contrôle de la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, le franchisé encourt la résiliation du contrat, par lettre recommandée, en cas de violation du contrat de franchise, ce qui constitue une sanction.
Il ressort de ces éléments que les instructions de la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher conditionnent l'action commerciale de Mme Laffineur ép. Guerzi et les soins qu'elle pratique, au-delà des seuls besoins d'identification propre de la marque Yves Rocher et d'uniformité du réseau dont se prévaut la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher dispose en outre d'un pouvoir de contrôle et de sanction.
Il s'ensuit que les relations entre les parties caractérisent l'existence d'un lien de subordination de Mme Laffineur ép. Guerzi envers la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher.
Il s'en déduit l'existence d'un contrat de travail entre les parties.
Il convient en conséquence d'examiner les demandes de Mme Laffineur ép. Guerzi découlant de l'application dudit contrat de travail.
- Sur les conséquences tirées de l'existence d'un contrat de travail
* Sur la convention collective applicable
Mme Laffineur ép. Guerzi revendique l'application de la convention collective nationale de la parfumerie esthétique.
Se plaçant dans l'hypothèse de l'existence d'un contrat de travail, la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher fait valoir que seules les dispositions applicables de la convention collective nationale de la parfumerie esthétique s'imposent et précise que l'accord n° 6 ayant été annulé par le Conseil d'Etat n'est donc pas applicable.
Il ressort des débats que l'activité exercée par Mme Laffineur ép. Guerzi relève de la catégorie de l'esthétique corporelle qui entre dans le champ d'application de la convention collective de la parfumerie esthétique, en conséquence applicable, en dehors de l'accord n° 6 qui a fait l'objet d'une annulation.
* Sur le statut de Mme Laffineur ép. Guerzi et sur la rémunération de référence
Mme Laffineur ép. Guerzi revendique le statut de directrice d'institut, la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher ne formule pas d'opposition sur cette demande.
En tout état de cause, Mme Laffineur ép. Guerzi à qui a été confiée la responsabilité d'un institut de beauté pris en toutes ses composantes, humaines, commerciales, comptables, ... répond à la définition du statut de cadre telle qu'elle ressort de la convention collective applicable.
Compte tenu des éléments produits aux débats, Mme Laffineur ép. Guerzi justifie bénéficier du statut de directrice ayant entre 7 et 11 employés sous ses ordres, coefficient 270, ce qui correspond sur la période considérée à un salaire brut mensuel de référence s'élevant à 1 900 euro et non de 2 687 euro comme le soutient Mme Laffineur ép. Guerzi.
Au vu de la grille des salaires déterminés par la convention collective applicable, le salaire de référence applicable à Mme Laffineur ép. Guerzi s'élève à 1 900 euro et non de 2 687 euro comme le soutient à tort Mme Laffineur ép. Guerzi sur la base du seul exemple d'une collègue directrice, qui est insuffisant à établir le bien-fondé de sa réclamation.
* Sur le rappel de salaire
Il suit de ce qui précède qu'ayant constaté à juste titre que Mme Laffineur ép. Guerzi avait perçu sur la période considérée une rémunération brute mensuelle de 1 830 euro, le conseil des prud'hommes a exactement évalué le rappel du à Mme Laffineur ép. Guerzi sur la base du salaire de référence retenu, à la somme de 2 380 euro.
* Sur le paiement des heures supplémentaires et les congés payés
En application de l'article L. 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile.
Mme Laffineur ép. Guerzi expose avoir effectué des heures supplémentaires pour avoir travaillé 65 heures par semaine, correspondant à l'amplitude horaire d'ouverture de l'institut (60 heures) auxquelles s'ajoutent 5 heures hebdomadaires consacrées aux tâches administratives et de comptabilité.
L'amplitude horaire de l'ouverture de l'institut ne constitue pas un élément suffisant, en raison de l'existence de salariées permettant à Mme Laffineur ép. Guerzi de ne pas y être toujours présente. En outre, Mme Laffineur ép. Guerzi qui produit au soutien de ses allégations de nombreuses attestations concernant toutes d'autres directrices d'institut ne met pas la cour en mesure d'admettre l'existence des heures supplémentaires alléguées.
Il s'ensuit que l'existence des heures supplémentaires alléguées n'est pas établie. Il convient donc de débouter Mme Laffineur ép. Guerzi de cette demande.
Par ailleurs aucun élément probant n'est produit aux débats justifiant la demande de Mme Laffineur ép. Guerzi au titre des congés payés. Elle ne peut donc qu'être déboutée de ce chef.
* Sur la rupture de la relation de travail
Les parties ont échangé de nombreux courriers sur le devenir de leurs relations contractuelles, sachant que le contrat de franchise, à effet au 24 mai 1996 était prévu pour une durée de 5 ans puis renouvelable expressément par année :
- par courrier du 16 octobre 2000, la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher a adressé à Mme Laffineur ép. Guerzi un courrier l'informant que le contrat de franchise venant à échéance le 23 mai 2001, il ne serait pas renouvelé.
- En réponse, Mme Laffineur ép. Guerzi a adressé à la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher un courrier le 29 novembre 2000 lui confirmant son souhait d'arrêter son activité et de céder son centre de beauté Yves Rocher.
- Pour autant, par courrier du 12 septembre 2001, la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher a posé les conditions " d'une poursuite de nos relations " qu'elle décrit précisément et qui devait passer notamment par un réaménagement et une modernisation du centre de beauté tenu par Mme Laffineur ép. Guerzi.
- Par courrier du 2 octobre 2002, Mme Laffineur ép. Guerzi annonce à la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher " le contrat de franchise ayant expiré le 24 mai 2001 " son intention de " cesser nos relations commerciales le 30 novembre 2002 ".
- En réponse datée des 11 et 25 octobre 2002, la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher acquiesce dans le principe à cette décision sous réserve du respect d'un préavis de 6 mois qui porte la cessation des relations entre les cocontractants à la date du 9 mars 2003 et non du 30 novembre 2002.
- Par courrier du 25 octobre 2002, estimant que le contrat a été dénoncé par la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher par son précédent préavis du 16 octobre 2000 pour le 23 mai 2001, Mme Laffineur ép. Guerzi affirme que depuis cette date il n'y a donc plus de contrat de franchise entre les parties qui entretiennent depuis lors " simplement des relations commerciales ".
- Par courrier en réponse du 20 novembre 2002, pour soutenir l'exigence d'un préavis de 6 mois précédant la rupture, la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, faisant valoir qu'en dépit du courrier de dénonciation qu'elle a adressé à Mme Laffineur ép. Guerzi en octobre 2000, les relations contractuelles se sont poursuivies depuis normalement dans le cadre du même contrat, devenu, selon elle, à durée indéterminée.
Il ressort de ce qui précède que la rupture des relations entre les parties résulte des termes clairs et non équivoques du courrier en date du 16 octobre 2000 adressé par la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à Mme Laffineur ép. Guerzi par lequel il lui annonce le non-renouvellement du contrat de franchise, passé un délai de préavis de 6 mois qui s'est prolongé au-delà de ce délai, vraisemblablement en raison de négociations en cours entre les parties sur le devenir de leurs relations, négociations qui n'ont pas abouti.
Les relations entre les parties se sont donc poursuivies dans le cadre de ce préavis, auquel Mme Laffineur ép. Guerzi a mis un terme par courrier du 2 octobre 2002.
Il résulte de ce qui précède que la rupture des relations entre les parties est imputable à la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher.
Cette rupture non motivée d'un contrat de travail s'analyse en un licenciement non motivé ne comportant pas de cause réelle et sérieuse.
Cette situation donne droit à Mme Laffineur ép. Guerzi au paiement d'une indemnité de licenciement, que la cour est en mesure d'évaluer, sur la base de la convention collective applicable, à la somme de 2 850 euro exactement évaluée par les premiers juges.
En outre, Mme Laffineur ép. Guerzi dont l'ancienneté est supérieure à 2 ans a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Compte tenu de ce que la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher compte plus de 10 salariés, et des éléments produits aux débats la cour est en mesure d'évaluer le préjudice résultant du licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse à la somme de 30 000 euro.
- Sur la remise des documents sociaux
Il convient enfin de faire droit à la demande de Mme Laffineur ép. Guerzi et d'ordonner à la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher la remise des bulletins de salaire et des documents sociaux, ce sous astreinte prononcée d'office de 50 euro par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
- Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive
Il ressort de ce qui précède que la procédure engagée initialement par Mme Laffineur ép. Guerzi n'était en rien abusive. Il convient donc de débouter la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher de sa demande de ce chef.
Par ces motifs, LA COUR, confirme partiellement le jugement déféré, en ses dispositions relatives à la compétence, au rappel de salaire, à l'indemnité conventionnelle de licenciement, aux heures supplémentaires et au congés payés, aux dommages et intérêts pour procédure abusive, aux intérêts au taux légal, à l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens. L'infirme pour le surplus. Statuant à nouveau : - condamne la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à payer à Mme Françoise Laffineur ép. Guerzi la somme de 30 000 euro, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision pour le préjudice subi résultant du licenciement, en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail. Y ajoutant : - ordonne à la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher la remise des bulletins de salaire et des documents sociaux, ce sous astreinte prononcée d'office de 50 euro par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision. Condamne la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher aux dépens. Vu l'article 700 du Code de procédure civile, - condamne la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à payer à Mme Laffineur ép. Guerzi la somme de 9 000 euro - la déboute de sa demande de ce chef.