Cass. crim., 4 mai 2011, n° 10-85.312
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
Mme Nocquet
Avocat général :
M. Sassoust
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, Trichet, Me Ricard
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'ordonnance du premier Président de la Cour d'appel de Paris, en date du 8 avril 2010, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé l'Administration de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et saisie de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires en demande et en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4 du Code de commerce, 6 § 1, 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales et 593 du Code de procédure pénale :
"en ce que l'ordonnance attaquée a confirmé la décision ayant autorisé, notamment dans les locaux de la société X et des sociétés du même groupe situées à la même adresse, 2 rue Louis Blériot à Rueil-Malmaison, des visite et saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la construction et gestion des incinérateurs de déchets ménagers et, notamment, de la mise aux normes de ces incinérateurs, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée ;
"aux motifs propres qu'il apparaît qu'à la suite de l'ordonnance du 27 mars 2007, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre, agissant clans le cadre de sa commission rogatoire, a rendu une ordonnance le 3 avril 2007 désignant les officiers de police judiciaire pour assister aux opérations de visite et saisie dans les locaux de la société X 1, cour Ferdinand de Lesseps 92851 Rueil-Malmaison ; que les opérations se sont déroulées à cette adresse le 5 avril 2007 ; que les contestations des deux sociétés X et Y sur la régularité des opérations ont été rejetées par ordonnances des 22 janvier 2008 contre lesquelles aucun pourvoi n'a été formé ; que par la suite, le délégataire du premier Président de la Cour d'appel de Versailles par ordonnance du 22 janvier 2010, a annulé l'ordonnance du 3 avril 2007 aux motifs qu'en désignant des enquêteurs pour procéder à une visite et à une saisie dans d'autres lieux que ceux visés par l'autorisation initiale sans indiquer en quoi cette modification était nécessaire à l'exécution effective de l'autorisation, le juge avait outrepassé la commission rogatoire qui lui avait été délivrée ; que contrairement à ce que prétend la société X, le juge des libertés et de la détention de Paris, dans son ordonnance du 27 mars 2007, a désigné suffisamment les entreprises devant faire l'objet des visites comme étant la société X et les sociétés du même groupe sise à la même adresse ; que sans être tenu d'identifier l'ensemble des sociétés du groupe domiciliées à cette adresse ; qu'il n'est pas contesté que les sociétés X et Y faisaient alors partie du même groupe ; que c'est en vain que l'appelante fait valoir que l'ordonnance du 27 mars 2007 ne désigne pas les locaux à visiter, alors qu'il y est mentionné l'adresse suivante : 2, rue Louis Blériot 92850 Rueil-Malmaison ; que la circonstance que les opérations ont été effectuées ultérieurement dans d'autres locaux n'est pas susceptible d'affecter la validité de l'ordonnance déférée, mais seulement celle de l'ordonnance prise sur commission rogatoire et celle des opérations de visite et de saisie effectuées ; que le juge a relevé, notamment, en page 4 et 5 de son ordonnance, au vu des pièces versées à l'appui de la requête, que lors de la procédure d'appel d'offres concernant la construction de la nouvelle IUOM de Bourgoin Jallieu deux ou trois entreprises dont X, ont présenté des offres non conformes au cahier des charges qui en conséquence ont été rejetées, que la société CNIM qui a présenté une office conforme a remporté le marché pour un montant supérieur à celui de l'estimation du syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères Nord Isère, que des sociétés comme X ne pouvaient ignorer le caractère rédhibitoire d'une offre non conforme et que par leur candidature elles ont donné l'apparence d'une concurrence normale sur le marché, mais sans mettre en œuvre les moyens nécessaires pour le remporter ; qu'au regard de ces éléments, les opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société X ainsi que des sociétés de son groupe, partageant les mêmes locaux étaient justifiées, ces sociétés étant susceptibles de détenir des documents se rapportant aux pratiques anticoncurrentielles dont la preuve était recherchée ; que, conformément à l'article L. 450-4 du Code de commerce, lorsque les locaux à visiter sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu'une action simultanée doit être menée dans chacun d'eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l'un des juges compétents ; que tel a été le cas en l'espèce ; que c'est en vain que l'appelante fait valoir que le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris était territorialement incompétent pour contrôler les opérations effectuées dans des locaux situés dans le ressort du Tribunal de grande instance de Nanterre ; qu'en effet, il a donné commission rogatoire au juge compétent pour procéder à ce contrôle étant rappelé que la régularité ou non de l'ordonnance du 3 avril 2007 n'est pas l'objet de la présente instance ; qu'en conséquence, les demandes de l'appelante doivent être rejetées et l'ordonnance du 27 mars 2007 confirmée ;
"et aux motifs adoptés que dans les marchés examinés, des syndicats intercommunaux, qui regroupent plusieurs collectivités locales, sont en charge du service de l'incinération des déchets ; qu'à ce titre, ils sélectionnent les sociétés compétentes, pour la réalisation des UIOM, clans le cadre de marchés publics ; qu'en vertu des dispositions de l'arrêté du 20 septembre 2002 transposant la directive 2000-76-CE du Conseil du 4 décembre 2000, les collectivités locales avaient l'obligation d'effectuer la mise aux normes des incinérateurs de déchets ménagers avant le 28 décembre 2005 ; que les syndicats intercommunaux ont procédé à l'organisation d'appels d'offres en vue de sélectionner la meilleure offre pour la réalisation de cette mise aux normes que dans sa requête, l'administration fait état d'informations selon lesquelles les sociétés précitées seraient convenues de limiter l'accès au marché ou le libre jeu de la concurrence par d 'autres entreprises, faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse et se répartir les marchés, et ce en violation des dispositions des articles L. 420-1 1°, 2° et 4° du Code de commerce et 81-1 du traité de Rome ; qu'à l'appui de ses allégations, l'administration verse divers documents dont la consultation permet de retenir les points suivants ; que lors de la procédure négociée concernant la mise aux normes de l'UIOM de Villejust (91), dont la CAO du SIOM de la Vallée de la Chevreuse s'est tenue le 21 décembre 2005, les sociétés SPEIC et Area Impianti, les groupements CNI M-ESA et CTU-AMEC SPIE ont présenté des offres ; que la meilleure soumission était celle de l'entreprise Area Impianti pour un montant de 4 645 000 euro HT ; que les offres des autres compétiteurs, CTU-AMEC SPIE, SPEIC et CNJM-ESA, étaient supérieures respectivement de 24,7 %, 25,9% et 26,5 % à celle de la société Area Impianti ; que le marché a fait l'objet d'un recours en référé de l'entreprise AMEC SPIS qui a abouti à son annulation ; que lors de la procédure d'appel d'offres ouvert qui a suivi, dont la CAO s'est réunie le 30 mars 2006, le groupement CNIM ESA a présenté une soumission supérieure à celle de sa première offre (première offre : 5 876 000 euro HT seconde offre : 6 460 000 euro HT) ; que le marché a été attribué à la société AREA Impianti pour un montant de 4 565 000 euro HT (annexes 1 bis et 2 de la requête) ; que lors de la procédure d'appel d'offres sur performances concernant la construction de la nouvelle UIOM de Bourgoin-Jallieu (38), dont la CAO s'est tenue le 17 décembre 2003, deux des trois entreprises candidates, Z SA et X ont présenté des offres non conformes au cahier des charges qui ont dû, par conséquent, être rejetées ; que c'est la société CNIM, qui a présenté une offre conforme et emporté le marché pour un montant de 93 502 775 euro HT supérieur à celui de l'estimation du syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères (SITOM) Nord Isère (annexe 3 de la requête) que lors de la procédure de dialogue compétitif dont l'avis d'appel public à la concurrence a été publié le 29 juillet 2004 concernant la mise aux normes de I'UIOM de Montauban (82), une seule entreprise, Area Impianti répondait aux conditions fixées dans l'avis publié ; que l'autre entreprise candidate, Quercy Confort ne présentait aucune référence relative aux prestations demandées (annexe 4 de la requête) ; que lors de la procédure d'appel d'offres concernant la mise aux normes de l'UIOM de Saint-Benoît la Forêt (37), dont la CAO s'est tenue le 19 novembre 2004, deux entreprises se sont portées candidates, la société Z SA et la société Saacke Bruleurs Industriels ; que la société Saacke BruleurS Industriels a sollicité un report de date qui ne lui a pas été octroyé que l'offre unique de l'entreprise d'Z SA, d'un montant de 796 290 euro HT, était supérieure de 104 % à l'estimation du SMICTOM du Chinonais ; que la procédure a été déclarée infructueuse et qu'elle a été relancée sous forme d'un marché négocié ; que lors de la CAO du 6 janvier 2005, le SMICTOM a reçu deux offres, celle des sociétés Z SA, pour 719 640 euro HT (soit 84 % de plus que l'estimation) et Saackce Bruleurs Industriels pour 621 312 euro HT puis une nouvelle proposition financière d'un montant de 594 000 euro HT (soit 52 % de plus que l'estimation) (annexes 3, 6, 7 et 8 de la requête) ; que lors de la procédure d'appel d'offres concernant la mise aux normes de l'incinérateur de Monthyon (77) déclaré infructueux pour être relancé sous la forme d'un marché négocié, le groupement CNIM-SPACESOBEA environnement seul s 'est porté candidat aux deux mises en compétition ; que lors de la procédure négociée. la CAO réunie le 10 février 2005 a ouvert l'offre du groupement et retenu celle-ci ultérieurement pour un montant de 5 692 996 euro HT, supérieur à celui de l'estimation de 49,8 % ; que la société CNIM a, à elle seule, la capacité de proposer la construction, la conception et l'exploitation de centres de valorisation des déchets (annexes 9 et 10 de la requête) ; que lors de la procédure d'appel d'offres dont l'avis de pré-information a été publié au JOCE le 29 janvier 2004 pour la mise en conformité de l'incinérateur de Toulon (83), l'entreprise CNDVI a présenté une offre en groupement avec la société Environnement SA et a remporté plusieurs lots dont le plus important ; que la société CNIM a, à elle seule, la capacité de proposer la construction, la conception et l'exploitation de centres de valorisation des déchets (annexes 10. 11 et 12 de la requête) ; que lors de la procédure d'appel d'offres concernant la mise en conformité de l''incinérateur de Thivernal-Grignon (78), le marché a été divisé en quatre lots distincts que concernant le premier et le troisième lot, une seule entreprise, la CVI s'est portée candidate lors de la CAO du 8 novembre 2004 ; que les offres pour ces deux lots sont respectivement de 9 765 000 euro HT et 953 900 euro HT après négociation pour le lot no3, soit des montants supérieurs à ceux de l'estimation de l'assistant du maître d'ouvrage de 26,8 % et 32,5 % que la CNILI est l'exploitant de l'usine d'incinération de Thiverval-Grignon ; que les fours et 1 es matériels de traitement des fumées déjà présents dans l'usine d'incinération de Thivernal Grignon sont de marque CNLII ; (annexes 13, 14 et 15 de la requête) ; que la liste des marchés pour lesquels il existe des présomptions d'entente n'est probablement pas exhaustive, les marchés mentionnés dans la présente ordonnance n'étant que des illustrations des pratiques dont la preuve est recherchée dans le secteur concerné ; que les entreprises précitées interviennent sur d'autres marchés de la construction et gestion des incinérateurs de déchets ménagers et que ceux-ci présentent une proximité avec les marchés de la mise aux normes des incinérateurs de déchets ménagers et sont également susceptibles de donner lieu à des pratiques qui peuvent porter atteinte au respect du libre exercice de la concurrence ; m'au vu de tous ces cléments, il peut être constaté une situation de concurrence déficiente lors des consultations étudiées relatives au secteur de la construction et gestion des incinérateurs de déchets ménagers, notamment lors de leur mise aux normes ; que les marchés ou lots de marché mentionnés ci-dessus sont caractérisés par des présomptions d'échanges d'informations entre les soumissionnaires pour favoriser l'un d'entre eux et par la possibilité d'envisager l'hypothèse d'un rééquilibrage des attributions entre eux sur d'autres marchés du secteur d'activité concerné que l'ensemble de ces agissements peut avoir été favorisé par des échanges d'informations entre les entreprises que nous pouvons ainsi présumer l'existence d'une concertation prohibée par les articles L. 420-1 1°, 2° et 4° du Code de commerce et 81-1 du traité de Rome qu'il convient de qualifier ; gue les maîtres d'ouvrage concernés ont suivi pour l'ensemble de ces consultations des procédures d'appel d'offres favorables à un élargissement de la concurrence ; qu'au besoin, tirant la leçon de l'échec d'une première consultation, ils n'ont pas hésité à relancer la procédure afin d'essayer d'attirer de nouvelles entreprises et réactiver la concurrence : que la publicité donnée à l'ensemble de ces consultations a été large et détaillée ; que les enjeux financiers des marchés ou lots de marché étaient attractifs ; que des sociétés comme Z SA et X, en raison de leur taille et de leur expérience, ne peuvent ignorer le caractère rédhibitoire d'une offre non conforme au cahier des charges lors d'une procédure d'appel d'offres ; qu'elles ont pourtant présenté des offres non conformes et ont à ce titre été écartées du choix final, ce qui pourrait s'analyser comme des offres de " couverture ", car profit d'une autre entreprise, ayant pour finalité de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu en favorisant artificiellement leur hausse ; que plus particulièrement, concernant le marché de l'UIOM de Bourgoin-Jallieu, les sociétés Z SA et X, par leur candidature, ont donné l'apparence d'une concurrence normale sur ce marché, mais n'ont pas mis en œuvre les moyens nécessaires, afin de tenter de remporter le marché, en présentant des dossiers non conformes au cahier des charges, ce qui a permis à la société CNIM d'être l'attributaire avec une offre de prix supérieure à l'estimation du SITOM ; que, pour le marché de l'UIOM de Villejust, les deux groupements présents ont présenté des offres de prix supérieures à celle de la société Area Impianti ; qu'entre la première et la seconde mise en concurrence, le groupement conduit par la CNIM a augmenté le montant de son offre alors qu'Area Impianti a légèrement diminué la sienne ; que l'offre réévaluée de la CNIM, qui paraît artificiellement élevée, pourrait résulter de la volonté de cette société de ne pas obtenir le marché au profit de la société Area Impianti ; que pour le marché de l'UIOM de Saint-Benoît la Forêt, l'offre de l'entreprise Z SA pourrait avoir été déposée dans le but de ne pas être retenue et laisser le marché, à un prix artificiellement élevé, à l'entreprise Saacke Bruleurs Industriels ; que, nonobstant la pluralité des entreprises capables de répondre à un appel d'offres de mise aux normes d'une UIOM, il a été relevé des cas où un seul candidat s'est présenté, ce qui pourrait laisser supposer une répartition des marchés de mise en conformité des incinérateurs entre les entreprises du secteur ; qu'à titre d'illustration, pour le marché de la mise aux normes de l'UIOM de Montauban, une seule entreprise présentant les garanties suffisantes, la société Area impianti, a posé sa candidature alors que d'autres concurrents potentiels pouvaient être intéressés par cette mise en compétition et entrer en lice ; que pour le marché alloti de l'incinérateur de Thiverval-Grignon, la société CNJM était la seule candidate sur deux lots et les a remportés en présentant des soumissions supérieures à l'estimation de l'assistant du maître d'ouvrage que la présence d'un compétiteur unique pour ces deux lots pourrait également s'expliquer par une répartition des différents marchés entre les entreprises du secteur ; que, plusieurs entreprises malgré leur capacité à répondre seules à l'appel d'offres ont constitué des groupements ; que ces groupements pourraient avoir été constitués pour mettre en œuvre des pratiques prohibées ayant pour objet et/ou effet de limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises et/ou se répartir les marchés ; que la constitution de différents groupements, composé d'entreprises ayant les capacités de réaliser individuellement les travaux concernés, ne paraît pas forcément justifiée par des considérations techniques ou économiques mais que cela conduit à assécher la concurrence ; que la constitution de groupements peut faciliter l'échange d'informations qui peuvent avoir des répercussions sur les offres déposées pour des marchés de travaux semblables sur la même période et limite le nombre d'offres indépendantes perturbant le jeu normal de la concurrence ; qu'à l'occasion des marchés de Toulon et Mlonthyon, un seul groupement s'est porté candidat, la CMIM-environnement SA dans le premier cas et la CNIM-SPACE-SOBEA environnement dans le second cas ; que la constitution de ces groupements ne semble pas justifiée par l'incapacité des entreprises à réaliser tous les travaux dès lors que la CNILI propose des offres globales en matières d'incinérateurs (annexe 10 de la requête) ; qu'il est difficilement compréhensible qu'elle ait eu besoin de recourir à d 'autres entreprises pour réaliser un marché ; que la constitution de groupements semble avoir pour objectif de limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d 'autres entreprises en opérant un rapprochement entre des entreprises qui auraient normalement dû se trouver en situation de rivalité, que la répartition inégalitaire des marchés ou lots de marchés examinés, en faveur de l'entreprise CNIM qui est victorieuse à quatre reprises, seule ou en groupement, et la société Area Impianti, attributaire deux fois, peut permettre d'envisager l'hypothèse d'un rééquilibrage des attributions sur d'autres marchés de construction et gestion des incinérateurs de déchets ménagers, notamment lors de leur mise en conformité ; que pour les marchés ou lots de marchés susvisés, les agissements des entreprises candidates paraissent coordonnés , que l'ensemble de ces comportements laisse en conséquence présumer l'existence de pratiques concertées afin de se répartir les marchés et/ou limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d 'autres entreprises ; que de telles pratiques présumées, outre le fait qu'elles trompent les personnes publiques sur la réalité de la concurrence, peuvent également avoir pour objet ou effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence en favorisant artificiellement leur hausse : qu'ainsi la portée de nos présomptions est suffisante au regard des qualifications prévues à l'article L. 420-1 1° 2° et 4° du Code de commerce et 81-1 du traité de Rome ; que la recherche de la preuve de ces pratiques nous apparaît justifiée que par ailleurs l'utilisation des pouvoirs définis à l'article L. 450-3 du Code de commerce ne paraît pas suffisante pour permettre à l'administration de corroborer ses soupçons ; qu'en effet, les actions concertées, conventions ou ententes, qui ont pour objet ou effet de limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse et se répartir les marchés sont établies suivant des modalités secrètes, et les documents nécessaires à la preuve des pratiques prohibées sont vraisemblablement conservés dans des lieux et sous une forme qui facilitent leur dissimulation ou leur destruction en cas de vérification ; que le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du Code de commerce constitue donc le seul moyen d'atteindre les objectifs recherchés ; qu'en outre, les opérations de visite et de saisie sollicités ne sont pas disproportionnées compte tenu que les intérêts des entreprises concernées sont garantis dès lors que les pouvoirs de l'administration sont utilisés sous notre contrôle, que les documents utiles à la preuve recherchée se trouvent vraisemblablement dans les locaux des sociétés Constructions industrielles de la Méditerranée (CNIM), LAB, Z, X, Sobea environnement, Saacke Bruleurs Industriels et Environnement SA, présumées participer aux pratiques prohibées et dont les coordonnées sont portées dans les documents figurant en annexe à la requête (annexe à la requête n° 16) ; que, dès lors que ces locaux sont situés dans des lieux différents, il est nécessaire de permettre aux enquêteurs d'intervenir simultanément dans ceux-ci afin d'éviter la disparition ou la dissimulation d'éléments matériels ;
"1°) alors que l'atteinte portée au principe de l'inviolabilité du domicile résultant d'une autorisation judiciaire à y pénétrer pour procéder à des visite et saisie n'est proportionnée au but poursuivi qu'à la condition que des éléments objectifs produits au soutien de la requête permettent de présumer que les personnes visitées détiennent des éléments de nature à établir les pratiques suspectées ; que la vérification de l'existence d'un tel lien implique que les sociétés dont les locaux font l'objet de l'autorisation de visite soient nommément identifiées par le juge de l'autorisation dans son ordonnance ; qu'en considérant que le juge des libertés et de la détention avait suffisamment désigné les entreprises en autorisant des visite et saisie dans les locaux des " sociétés du même groupe sises à la même adresse " que la société X, motifs pris de ce qu'il n'était pas contesté que les sociétés X et Y faisaient alors partie du même groupe, lorsque cette dernière société n'était pas nommément désignée dans l'ordonnance d'autorisation, le juge délégué par le premier Président qui s'est déterminé sur la base d'éléments postérieurs à l'autorisation, n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors que ne sont régulièrement autorisées les visites et saisies pratiquées dans les locaux d'une entreprise qu'à la condition que cette entreprise soit suspectée de s'être livrée à des pratiques dont la preuve est recherchée sur la base d'indices permettant de le présumer ; que n'est pas constitutif d 'un tel indice le lien de capital unissant deux sociétés en l'absence de tout autre élément ; qu'ayant, par motifs adoptés, relevé que les documents utiles à la preuve recherchée se trouvaient exclusivement " dans les locaux des sociétés Constructions industrielles de la méditerranée (CNIM), Lab. Z, X, Saacke Brûleurs industriels et Environnement SA présumées participer aux pratiques prohibées ", le premier Président de la cour d'appel ne pouvait, sans violer les textes susvisés, juger régulière l'autorisation de pratiquer des visites et saisies dans les locaux des " sociétés du même groupe " que la société X et sises à la même adresse, ainsi désignées à raison du seul lien de capital les unissant à cette dernière" ;
Attendu que, pour confirmer la décision qui a autorisé des opérations de visite et saisie dans les locaux de sociétés appartenant au même groupe et ayant la même adresse que la société X, soupçonnée de pratiques anticoncurrentielles, l'ordonnance attaquée relève que la société Service protection environnement ingénierie et construction, où ces opérations ont été effectuées, partageait avec la première, à laquelle l'unissaient des liens de capital, des bureaux situés 2 rue Louis Blériot à Rueil-Malmaison où elle était susceptible de détenir des documents se rapportant aux pratiques dont la preuve était recherchée ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction, le juge d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont il était saisi et caractérisé à l'égard de ces sociétés, que leur adresse commune et leur appartenance au même groupe désignaient avec suffisamment de précision, les éléments permettant d'autoriser des opérations de visite et saisie dans leurs locaux, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
Rejette le pourvoi.