Livv
Décisions

TUE, 4e ch., 7 juin 2011, n° T-217/06

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Arkema France, Altuglas International SA, Altumax Europe SAS

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Czúcz

Juges :

Mme Labucka (rapporteur), M. O'Higgins

Avocats :

Mes Winckler, Sorinas Jimeno, Geffriaud, Sorinas Jimeno, Jégou,

TUE n° T-217/06

7 juin 2011

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

Antécédents du litige

Introduction

1 Par décision C (2006) 2098 final de la Commission, du 31 mai 2006, relative à une procédure d'application de l'article 81 CE et de l'article 53 de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) (Affaire COMP/F/38.645 - Méthacrylates) (ci-après la " décision attaquée "), la Commission a condamné solidairement Arkema SA et ses filiales Altuglas International SA (ci-après " Altuglas ") et Altumax Europe SAS (ci-après " Altumax " et, prises ensemble, " Arkema ") à une amende de 219 131 250 euro pour avoir participé à une entente dans le secteur des méthacrylates du 23 janvier 1997 au 12 septembre 2002 (ci-après " l'entente en cause "). Leurs sociétés-mères, Total SA et Elf Aquitaine SA, ont été tenues pour responsables solidairement du paiement de l'amende à hauteur de 140,4 millions et de 181,5 millions d'euro respectivement (article 2 de la décision attaquée).

2 Arkema (anciennement Atofina SA) est une société anonyme de droit français regroupant trois pôles d'activités : produits vinyliques, chimie industrielle et produits de performance. À l'époque des faits visés dans la décision attaquée, Arkema était détenue par Elf Aquitaine, d'abord à 97,6 %, puis, à partir de la reprise du groupe Elf par Total Fina SA, le 17 avril 2000, à 96,48 %. À partir de cette date et pendant le restant de la période infractionnelle concernée, Elf Aquitaine était elle-même détenue à 99,43 % par Total (anciennement Total Fina, puis TotalFinaElf SA) (considérants 265 et 266 de la décision attaquée).

3 Arkema est devenue Arkema France le 18 mai 2006, à l'occasion de son introduction en bourse.

4 Altuglas (anciennement Atohaas et Atoglas SA) et Altumax sont les principales filiales d'Arkema actives dans le secteur des méthacrylates et, en particulier, du polyméthacrylate de méthyle (ci-après le " PMMA ") qui ont participé aux comportements collusoires décrits dans la décision attaquée (considérant 259 de la décision attaquée). Altumax a été détenue à 100 % par Arkema pendant toute la durée de l'infraction. Altuglas est détenue à 100 % par Arkema depuis 1998. Avant cette date, Elf Atochem SA ne détenait que 50 % de son capital, mais était responsable pour sa gestion courante (considérant 263 de la décision attaquée).

Procédure administrative

5 L'enquête qui a abouti à l'adoption de la décision attaquée a été engagée à la suite de l'introduction par Degussa AG, le 20 décembre 2002, d'une demande d'immunité au titre de la communication de la Commission du 19 février 2002, sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 45, p. 3, ci-après la " communication sur la coopération ").

6 Les 25 et 26 mars 2003, la Commission a procédé à des inspections, notamment dans les locaux d'Arkema. À la suite de ces inspections, Arkema a présenté, le 3 avril 2003, une demande d'immunité ou de réduction du montant de l'amende au titre de la communication sur la coopération (considérant 60 de la décision attaquée).

7 Le 17 août 2005, la Commission a adopté une communication des griefs relative à une infraction dans le secteur des méthacrylates et l'a adressée, notamment, à Total, à Elf Aquitaine, à Arkema, à Altuglas et à Altumax (considérant 85 de la décision attaquée).

8 Une audition s'est tenue les 15 et 16 décembre 2005 et y ont assisté tous les destinataires de la communication des griefs (considérant 87 de la décision attaquée).

9 Le 31 mai 2006, la Commission a adopté la décision attaquée.

Décision attaquée

10 Deux aspects de la décision attaquée sont particulièrement pertinents aux fins du présent litige : l'identification de ses destinataires et le calcul de l'amende.

Destinataires de la décision attaquée

11 La Commission, après avoir énoncé qu'il y avait lieu de déterminer à quelles entités juridiques la responsabilité de l'infraction était imputable (considérant 245 de la décision attaquée), a considéré qu'Altuglas, Altumax, Arkema et Elf Aquitaine étaient solidairement responsables de l'infraction dont s'étaient rendues coupables Altuglas et Altumax durant la période allant du 23 janvier 1997 au 12 septembre 2002. Total est tenue solidairement pour responsable de l'infraction commise par Altuglas et Altumax du 1er mai 2000 au 12 septembre 2002 (considérant 277 de la décision attaquée).

12 Plus spécifiquement, s'agissant de la responsabilité d'Elf Aquitaine, la Commission, compte tenu du fait que les membres du conseil d'administration d'Arkema étaient nommés par Elf Aquitaine et que celle-ci détenait dans le capital de sa filiale une participation de 97,6 %, et, après le mois d'avril 2000, de 96,48 %, a présumé qu'Elf Aquitaine avait une influence déterminante et un contrôle effectif sur le comportement d'Arkema (considérant 265 de la décision attaquée).

13 S'agissant de la responsabilité de Total, la Commission a constaté que, depuis le mois d'avril 2000 et jusqu'à la fin de l'infraction, cette société avait contrôlé directement ou indirectement le capital de toutes les sociétés d'exploitation du groupe, y compris celles qui avaient joué un rôle direct dans l'entente en cause. Dans ces circonstances, la Commission a présumé que Total exerçait une influence déterminante sur le comportement de ses filiales Elf Aquitaine, Arkema, Altuglas et Altumax et a adressé une communication des griefs à toutes ces entités (considérant 267 de la décision attaquée).

14 Arkema, d'une part, et Total et Elf Aquitaine, d'autre part, ont transmis séparément des réponses à la communication des griefs, en faisant valoir notamment que Arkema devait être la seule destinataire de la décision attaquée (considérants 268 et 269 de cette dernière). La Commission a rejeté leurs arguments et a confirmé la responsabilité des cinq entités visées au point précédent (considérants 270 à 277 de la décision attaquée). Ci-après, il sera fait référence à l'ensemble de ces sociétés comme formant le " groupe Total ".

Calcul de l'amende

15 S'agissant du calcul de l'amende, la Commission a examiné, en premier lieu, la gravité de l'infraction et a constaté, d'abord, que, au regard de la nature de l'infraction et du fait qu'elle couvrait l'ensemble du territoire de l'EEE, il s'agissait d'une infraction très grave au sens des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices ") (considérants 319 à 331 de la décision attaquée). Ensuite, la Commission a appliqué un traitement différencié aux entreprises participant à l'infraction, plaçant le groupe Total, eu égard au chiffre d'affaires d'Arkema réalisé dans l'EEE pour les trois produits en PMMA, dans la première catégorie. Sur cette base, elle a retenu, à son égard, un montant de départ de 65 millions d'euro (considérants 332 à 336 de la décision attaquée). Enfin, compte tenu du chiffre d'affaires mondial de Total, la Commission a appliqué un facteur multiplicateur de 3 à l'amende imposée au groupe Total pour garantir un effet dissuasif de l'amende. Ainsi, le montant de départ de l'amende s'élève à 195 millions d'euro (considérants 337 à 350 de la décision attaquée).

16 En deuxième lieu, la Commission a examiné la durée de l'infraction et a constaté que, étant donné qu'Arkema avait participé à l'infraction pendant cinq ans et sept mois, le montant de départ devait être majoré de 55 %. Cette majoration a été appliquée à Elf Aquitaine, à Arkema, à Altuglas et à Altumax. En ce qui concerne Total, qui était propriétaire du capital de ses filiales pendant une plus courte durée, la Commission a majoré l'amende de 20 % (considérants 351 à 353 de la décision attaquée). Ainsi, le montant de base de l'amende calculée pour Arkema (y compris Elf Aquitaine) s'élève à 302,25 millions d'euro. Total est tenue solidairement pour responsable au paiement de 234 millions d'euro sur ce montant (considérant 354 de la décision attaquée).

17 En troisième lieu, la Commission a examiné la présence éventuelle de circonstances aggravantes. En ce qui concerne Arkema, la Commission a constaté, compte tenu de l'existence de trois décisions antérieures dont elle était destinataire, qu'elle avait récidivé en commettant une infraction de même type et a décidé de majorer le montant de base de l'amende pour Arkema de 50 %. La Commission a précisé, cependant, que Total et Elf Aquitaine n'étaient pas des récidivistes et donc que cette majoration s'appliquait seulement à Arkema, à Altuglas et à Altumax (considérant 369 de la décision attaquée et note en bas de page s'y rapportant n° 250).

18 En quatrième lieu, la Commission a rejeté les circonstances atténuantes avancées par le groupe Total.

19 À ce stade, compte tenu de la prise en compte ou non des circonstances aggravantes et atténuantes, le montant de l'amende était de 365 218 750 euro pour Arkema, Altuglas et Altumax. Pour Total, le montant de l'amende restait fixé à 234 millions d'euro. Pour Elf Aquitaine, le montant de l'amende demeurait de 302,25 millions d'euro (considérant 397 de la décision attaquée). En application de l'article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] du traité (JO 2003, L 1, p. 1), la Commission a considéré que l'amende n'excédait pas 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée (considérants 398 et 399 de la décision attaquée).

20 En cinquième et dernier lieu, la Commission a procédé à l'application de la communication sur la coopération et a décidé, en application du point 23, sous b), premier tiret, de celle-ci, de réduire de 40 % le montant de l'amende qui, à défaut, aurait été infligée au groupe Total (considérants 403 à 410 de la décision attaquée).

21 Ainsi, à l'article 2, sous b), de la décision attaquée, la Commission a fixé le montant final de l'amende comme suit :

" Arkema [...], Altuglas [...] et Altumax [...], conjointement et solidairement responsables : 219,13125 millions d'euro, dont Total [...] est tenue [pour] responsable conjointement et solidairement pour 140,4 millions d'euro et dont Elf Aquitaine SA est tenue [pour] responsable conjointement et solidairement pour 181,35 millions d'euro ".

Procédure et conclusions des parties

22 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 août 2006, les requérantes, Arkema France, Altuglas et Altumax, ont introduit le présent recours.

23 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

24 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, d'une part, d'inviter les parties à répondre à certaines questions et, d'autre part, d'inviter la Commission à produire un document. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

25 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience du 15 décembre 2009. À l'issue de l'audience, la procédure orale a été close.

26 Par ordonnance du 26 novembre 2010, le Tribunal a décidé de rouvrir la procédure orale, conformément à l'article 62 de son règlement de procédure, afin d'inviter les parties, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, à produire des documents et à répondre à des questions. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis. La procédure orale a ensuite été close le 9 mars 2011.

27 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

- à titre principal, annuler la décision attaquée dans la mesure où elle les concerne ;

- à titre subsidiaire, annuler ou réduire le montant de l'amende qui leur a été infligée par la décision attaquée ;

- condamner la Commission aux dépens.

28 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner les requérantes aux dépens.

En droit

29 À l'appui de leur recours, les requérantes soulèvent, en substance, huit moyens. Le premier moyen est tiré de la violation des règles relatives à l'imputabilité des pratiques mises en œuvre par une filiale à sa société-mère et du principe de non-discrimination. Le deuxième moyen est tiré des erreurs de fait commises par la Commission dans l'imputation de l'infraction commise par Arkema à Total et Elf Aquitaine. Le troisième moyen est tiré de la violation de l'obligation de motivation et du principe de bonne administration dans la mise en œuvre des règles d'imputabilité. Le quatrième moyen est tiré de la méconnaissance du critère de l'impact concret sur le marché dans la fixation du montant de départ de l'amende à 65 millions d'euro. Le cinquième moyen est tiré de l'existence d'erreurs de droit et de fait dans la majoration du montant de départ de l'amende au titre de l'effet dissuasif. Le sixième moyen est tiré des erreurs de droit commises par la Commission dans la majoration de l'amende au titre de la récidive. Le septième moyen est tiré d'une erreur de fait, en ce que la Commission n'aurait pas accordé aux requérantes une réduction de l'amende au titre de l'absence d'application effective de certaines pratiques incriminées par Arkema. Le huitième moyen est tiré des erreurs de droit et de fait constituées par le refus de la Commission de leur accorder une réduction de l'amende au titre d'" autres facteurs ". En outre, lors de l'audience, les requérantes ont également avancé un grief supplémentaire, visant à contester la majoration de l'amende au titre de l'effet suffisamment dissuasif.

Sur le premier moyen, tiré de la violation des règles relatives à l'imputabilité des pratiques mises en œuvre par une filiale à sa société-mère et du principe de non-discrimination

30 Les requérantes font valoir que, en recourant à la présomption selon laquelle une société-mère exerce effectivement une influence déterminante sur une filiale en cas de détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital de celle-ci (ci-après la " présomption d'exercice d'une influence déterminante "), et sans apporter la preuve d'un contrôle effectif, la Commission a commis une erreur de droit (première branche du présent moyen). Ce faisant, elle aurait également violé le principe de non-discrimination, en appliquant à Arkema un standard de preuve différent de celui appliqué à d'autres filiales ayant participé aux pratiques incriminées (seconde branche du présent moyen).

Sur la première branche, tirée d'une méconnaissance des règles relatives à l'imputabilité des pratiques mises en œuvre par une filiale à sa société-mère

- Arguments des parties

31 Les requérantes soutiennent que, conformément à une jurisprudence constante et à la pratique décisionnelle de la Commission, lorsque l'entreprise auteur de l'infraction appartient à un groupe de sociétés, seule la filiale en cause est, en principe, responsable de l'infraction commise. Ce ne serait que dans certaines circonstances que les agissements d'une filiale pourraient être imputés à la société-mère. Tel serait le cas soit lorsque la société-mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, compte tenu de l'absence d'autonomie de cette dernière dans la détermination de sa politique commerciale, soit lorsque la société-mère a été impliquée (activement ou passivement, en raison de la simple connaissance des faits) dans l'infraction commise par la filiale.

32 Les requérantes font valoir que, en vertu de la jurisprudence applicable, la détention de 100 % du capital (et, a fortiori, de 99,43 de 97,6 ou de 96,48 %) ne permet pas, à elle seule, de conclure automatiquement que la société-mère exerce effectivement une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale. Selon les requérantes, la jurisprudence aurait toujours exigé des éléments supplémentaires à cet égard, tels que le fait que la société-mère s'était présentée lors de la procédure administrative comme étant le seul interlocuteur de la Commission pour le groupe, l'absence de contestation de l'existence d'un pouvoir de contrôle effectif sur la filiale et l'absence de la moindre preuve quant à l'autonomie de la filiale.

33 Or, en l'espèce, en dehors de la détention directe ou indirecte de la quasi-totalité du capital d'Arkema par ses sociétés-mères de l'époque, la Commission n'aurait fourni dans la décision attaquée aucun indice qui soit susceptible de démontrer que Total et/ou Elf Aquitaine exerçaient effectivement, au cours de la période considérée, une influence déterminante sur la politique commerciale d'Arkema ou dans la mise en œuvre des pratiques incriminées. En particulier, selon les requérantes, le fait, relevé par la Commission dans la décision attaquée, que les membres du conseil d'administration d'Arkema étaient nommés par Elf Aquitaine à l'époque des faits constitue simplement la traduction logique de la détention majoritaire du capital d'Arkema et n'était pas de nature à prouver l'exercice d'une influence déterminante sur celle-ci.

34 Les requérantes considèrent, par conséquent, que, en se fondant sur la présomption d'exercice d'une influence déterminante, reposant exclusivement sur la détention, directe ou indirecte, de la quasi-totalité du capital d'Arkema, pour imputer les pratiques visées dans la décision attaquée à Total et à Elf Aquitaine, la Commission a commis une erreur de droit, qui justifie l'annulation de la décision attaquée.

35 Enfin, interrogées par le Tribunal sur les conséquences de l'arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C-97-08 P, Rec. p. I-8237), pour le présent litige, les requérantes ont affirmé, lors de l'audience, que les faits dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt, et notamment le contrôle exercé par la société-mère sur ses filiales ayant participé à l'infraction, étaient différents de ceux de l'espèce. Par ailleurs, les requérantes ont fait observer que, dans cette affaire, le niveau de participation de la société-mère dans le capital de sa filiale était de 100 %, alors que, en l'espèce, ce niveau n'est pas atteint (il s'agit de 99,43, de 97,6 et de 96,48 %). En tout état de cause, les requérantes affirment que, si l'arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité, devait être interprété comme permettant d'imputer une infraction commise par une filiale à sa société-mère sans aucun élément additionnel autre que le lien capitalistique, cette jurisprudence devrait alors être réexaminée, dans la mesure où elle aurait créé un régime de responsabilité sans faute, incompatible avec le règlement n° 1-2003.

36 La Commission déclare partager la thèse des requérantes selon laquelle ce n'est que dans certaines circonstances que la responsabilité résultant du comportement infractionnel d'une filiale peut être imputée à la société-mère. Une telle possibilité existerait lorsque la société-mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Toutefois, selon la Commission, il résulte d'une jurisprudence constante qu'elle est fondée à conclure qu'une société qui détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale exerce effectivement une influence déterminante sur sa filiale, dès lors que la société-mère n'a pas renversé la présomption d'exercice d'une influence déterminante en rapportant la preuve de l'autonomie de comportement de sa filiale.

- Appréciation du Tribunal

37 Il convient de rappeler qu'il ressort des considérants 245 à 252 et 259 à 277 de la décision attaquée que la Commission a imputé l'infraction litigieuse à Total et à Elf Aquitaine au motif qu'elles constituaient une seule entreprise avec Arkema et ses filiales Altuglas et Altumax, qui avaient participé aux comportements collusoires. Pour parvenir à cette conclusion, la Commission s'est fondée sur la présomption, mentionnée dans la communication des griefs, selon laquelle Total et Elf Aquitaine exerçaient une influence déterminante sur le comportement de leurs filiales. S'agissant d'Elf Aquitaine, la présomption d'exercice d'une influence déterminante était fondée sur le fait que les membres du conseil d'administration d'Arkema étaient nommés par Elf Aquitaine et sur le fait que cette dernière possédait une participation de 97,6 %, puis de 96,48 %, dans le capital d'Arkema (considérant 265 de la décision attaquée). S'agissant de Total, ladite présomption était fondée sur le fait que, depuis le mois d'avril 2000, Total contrôlait directement ou indirectement le capital de toutes les sociétés du groupe, y compris les sociétés qui avaient joué un rôle direct dans l'entente en cause, en raison de sa participation à 99,43 % dans le capital d'Elf Aquitaine (considérants 266 et 267 de la décision attaquée). Il ressort de cette dernière que, dans leur réponse à la communication des griefs, les sociétés concernées ont avancé un certain nombre d'arguments visant à réfuter la présomption d'exercice d'une influence déterminante mais que la Commission les a jugés insuffisants (voir notamment les considérants 272 et 274 de la décision attaquée).

38 Ensuite, il convient de rappeler la jurisprudence de la Cour dans ce domaine.

39 À cet égard, il convient de relever que le droit de la concurrence de l'Union vise les activités des entreprises et que la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra, point 54, et la jurisprudence citée).

40 La Cour a également précisé que la notion d'entreprise, placée dans ce contexte, devait être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra, point 55, et la jurisprudence citée).

41 Lorsqu'une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra, point 56, et la jurisprudence citée).

42 L'infraction au droit de la concurrence de l'Union doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes et la communication des griefs doit être adressée à cette dernière. Il importe également que la communication des griefs indique en quelle qualité une personne juridique se voit reprocher les faits allégués (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra, point 57, et la jurisprudence citée).

43 Il résulte d'une jurisprudence constante que le comportement d'une filiale peut être imputé à la société-mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société-mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra, point 58, et la jurisprudence citée).

44 En effet, il en est ainsi parce que, dans une telle situation, la société-mère et sa filiale font partie d'une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise au sens susmentionné. Ainsi, le fait qu'une société-mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l'article 81 CE permet à la Commission d'adresser une décision imposant des amendes à la société-mère, sans qu'il soit requis d'établir l'implication personnelle de cette dernière dans l'infraction (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra, point 59).

45 La Cour a également jugé que, dans le cas particulier où une société-mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l'Union, d'une part, cette société-mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d'autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société-mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra, point 60, et la jurisprudence citée).

46 La Cour a donc précisé que, dans ces conditions, il suffisait que la Commission prouve que la totalité du capital d'une filiale est détenue par sa société-mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société-mère comme solidairement responsable du paiement de l'amende infligée à sa filiale, à moins que cette société-mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n'apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra, point 61, et la jurisprudence citée).

47 Au vu de cette jurisprudence de la Cour, il convient de constater que la méthode suivie par la Commission en l'espèce pour imputer l'infraction litigieuse aux sociétés-mères des requérantes, visée au point 37 ci-dessus, est exacte.

48 D'une part, contrairement à ce que les requérantes semblent suggérer, cette imputation n'a pas été fondée sur la seule structure de détention du capital, mais également sur le constat que la présomption d'exercice d'une influence déterminante n'avait pas été réfutée (voir notamment les considérants 272 et 274 de la décision attaquée).

49 D'autre part, il ressort clairement de cette jurisprudence (voir notamment points 45 et 46 ci-dessus) que la structure de détention du capital d'une filiale constitue un critère suffisant pour poser ladite présomption, sans que la Commission soit tenue d'avancer d'indices supplémentaires relatifs à l'exercice effectif d'une influence de la société-mère, comme les requérantes l'exigent.

50 Cette conclusion n'est pas remise en cause par les arguments des requérantes selon lesquels les faits ayant donné lieu à l'arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra, et notamment le contrôle exercé par la société-mère concernée dans cette affaire sur ses filiales, auraient été différents de ceux de l'espèce. En particulier, nonobstant le fait que de tels indices supplémentaires aient pu être relevés dans cette affaire (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T-112-05, Rec. p. II-5049, points 13 et 54), il ressort sans aucune ambiguïté tant de l'arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, précité (points 61 et 62), que de l'arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra (points 61 et 62), que la mise en œuvre de cette présomption n'est pas subordonnée à l'existence de tels indices supplémentaires.

51 Il y a lieu de relever encore que la jurisprudence susvisée concerne spécifiquement le " cas particulier où une société-mère détient 100 % du capital de sa filiale " (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra, point 60). Or, en l'espèce, Total et Elf Aquitaine ne détiennent pas la totalité du capital de leurs filiales respectives.

52 Toutefois, il convient de souligner que les requérantes, tout en relevant cette différence factuelle lors de l'audience (voir point 35 ci-dessus), n'ont fait valoir aucun argument spécifique pour s'opposer à l'application du même régime probatoire dans les deux situations, et ce alors même que la problématique de l'application de la présomption d'exercice d'une influence déterminante aux cas autres que celui de la détention par la société-mère de la totalité du capital de sa filiale a fait l'objet d'une question écrite du Tribunal à la Commission et, ultérieurement, d'un débat lors de l'audience.

53 En tout état de cause, il convient de constater que la société-mère qui détient la quasi-totalité du capital de sa filiale se trouve, en principe, dans une situation analogue à celle d'un propriétaire exclusif, en ce qui concerne son pouvoir d'exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, eu égard aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui l'unissent avec ladite filiale. Par conséquent, la Commission est en droit d'appliquer à cette situation le même régime probatoire, à savoir recourir à la présomption que ladite société-mère fait usage effectif de son pouvoir d'exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Certes, il n'est pas exclu que, dans certains cas, les associés minoritaires puissent disposer, à l'égard de la filiale, de droits permettant de remettre en cause l'analogie susvisée. Cependant, outre le fait que de tels droits ne se rattachent généralement pas à des parts tout à fait minimes, telles que celles en cause en l'espèce, aucun élément de cette nature n'a été rapporté par les requérantes en l'espèce. C'est donc à bon droit que la Commission a appliqué la présomption d'exercice d'une influence déterminante à l'égard des sociétés-mères des requérantes.

54 Enfin, quant à l'argument selon lequel, en substance, la jurisprudence issue de l'arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (point 35 supra), devrait être réexaminée, le Tribunal estime que, dans les circonstances de l'espèce, il ne lui appartient pas de revenir sur un point de droit tranché clairement par la Cour dans un arrêt récent.

55 Partant, la première branche du présent moyen doit être rejetée.

Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe de non-discrimination

- Arguments des parties

56 Les requérantes font valoir que, alors que, dans leur cas, la Commission s'est fondée exclusivement sur la présomption d'exercice d'une influence déterminante aux fins d'imputer l'infraction à la société-mère, pour la plupart des autres filiales destinataires de la décision attaquée, elle a pris en compte des indices supplémentaires. Les requérantes invoquent, à cet égard, le traitement réservé par la Commission, dans la décision attaquée, à Degussa, à ICI Plc et à Lucite International Ltd.

57 Ce faisant, la Commission aurait opéré une discrimination injustifiée dans l'administration de la preuve. Les requérantes soulignent que, si la Commission avait appliqué à Arkema le même standard de preuve que celui retenu à l'égard des autres entreprises, elle aurait nécessairement abouti à la conclusion que l'infraction était imputable à la seule Arkema.

58 Par ailleurs, s'agissant de l'argument de la Commission tiré de ce que la décision attaquée mentionne la nomination des membres du conseil d'administration d'Atofina par Elf Aquitaine, les requérantes soulignent qu'il s'agit d'une simple traduction logique de la détention majoritaire du capital d'Arkema et font valoir que cet indice est sans commune mesure avec les indices retenus par la Commission s'agissant de Degussa, pour laquelle la Commission aurait pris en compte la participation active de la société-mère à l'infraction. En tout état de cause, les requérantes font observer que cet indice vaut seulement pour Elf Aquitaine et non pour Total.

59 La Commission conteste cette argumentation.

- Appréciation du Tribunal

60 Il convient de rappeler que le principe d'égalité de traitement ou de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt de la Cour du 11 septembre 2007, Lindorfer/Conseil, C-227-04 P, Rec. p. I-6767, point 63, et la jurisprudence citée).

61 Force est de considérer que les requérantes n'établissent pas que la Commission ait violé ce principe en procédant à l'imputation de l'infraction litigieuse aux destinataires de la décision attaquée.

62 Tout d'abord, il y a lieu de constater que la situation d'ICI Acrylics n'est pas comparable à celle des requérantes. En effet, il ressort clairement de la décision attaquée qu'ICI Acrylics - l'entité qui participait directement à l'infraction litigieuse - était une simple unité commerciale d'ICI, dépourvue de personnalité morale, et non une filiale de celle-ci, détenue à 100 % ou presque (voir notamment considérants 280, 287 et 288 de la décision attaquée). Par conséquent, en ce qui concerne ICI, la Commission n'a pas appliqué la présomption d'exercice d'une influence déterminante (confortée ou non par d'autres éléments), mais elle a simplement identifié la personne morale dont faisait partie, à l'époque des faits, l'unité commerciale qui avait commis l'infraction (considérants 288 et 289 de la décision attaquée).

63 Ensuite, s'agissant de Degussa, il convient de relever que, au considérant 255 de la décision attaquée, la Commission a constaté ce qui suit :

" Röhm GmbH & Co. KG (filiale à 100 % de Degussa) et Para-Chemie GmbH (filiale à 100 % de Röhm) sont des entités juridiques indépendantes. Puisque ces deux entreprises étaient, directement ou indirectement, détenues à 100 % par Degussa [...] et que le conseil de surveillance de Röhm est composé pour partie des membres de la direction de Degussa [...], la Commission tient Degussa pour responsable des comportements infractionnels de Röhm [...] et de Para-Chemie [...] "

64 S'agissant de Lucite International, la Commission a affirmé, au considérant 294 de la décision attaquée, ce qui suit :

" Lucite International UK Ltd est une de ses filiales à 100 %. En outre, les membres du conseil d'administration de Lucite International [...] étaient également, pendant la durée de l'infraction, membres du conseil d'administration de Lucite International UK [...] "

65 Ainsi, il est exact que, pour imputer à Degussa et à Lucite International le comportement infractionnel de leurs filiales respectives, la Commission s'est fondée sur la présomption d'exercice d'une influence déterminante résultant de la détention à 100 % du capital de la filiale par la société-mère, tout en mentionnant un élément supplémentaire, à savoir, respectivement, la présence, dans le conseil de surveillance de la filiale, de membres de la direction de la société-mère et l'identité des membres du conseil d'administration des deux sociétés.

66 Cependant, il ne s'ensuit pas que Degussa et Lucite International, ainsi que leurs filiales, aient reçu un traitement différent de celui des requérantes et de leurs sociétés-mères, constitutif d'une violation du principe d'égalité de traitement.

67 Il convient de souligner, en effet, que, tout comme les sociétés-mères des requérantes, Degussa et Lucite International ont été également tenues pour responsables du comportement infractionnel de leurs filiales (considérants 258 et 296 de la décision attaquée). Or, rien dans la décision attaquée ne permet de penser que la Commission les aurait exonérées de cette responsabilité si elle n'avait pu relever les éléments additionnels susvisés.

68 À cet égard, il convient de rappeler que, aux considérants 245 à 252 de la décision attaquée, la Commission a exposé les principes qui l'ont guidée dans l'identification des destinataires de la décision attaquée. Il en ressort clairement que, en présence du contrôle de la totalité ou de la quasi-totalité du capital d'une filiale, la Commission s'estimait en droit de constater l'absence d'autonomie de cette filiale sur le seul fondement de la présomption d'exercice d'une influence déterminante, à condition que celle-ci n'ait pas été renversée au cours de la procédure administrative et, partant, d'imputer son comportement infractionnel à la société-mère au motif que cette dernière faisait partie de la même entreprise (voir, notamment, considérants 247 et 248 de la décision attaquée).

69 Il convient donc de constater que, comme le fait valoir la Commission, c'est seulement à titre surabondant qu'elle a relevé l'existence d'éléments autres que le lien capitalistique, lorsqu'ils étaient disponibles. Par ailleurs, en ce qui concerne le groupe Total, la Commission a également relevé le fait que les membres du conseil d'administration d'Arkema avaient été nommés par Elf Aquitaine. Toutefois, la Commission n'a nullement subordonné l'imputation du comportement infractionnel d'une filiale détenue à 100 % ou presque à sa société-mère à l'existence de tels éléments additionnels. Cette interprétation est d'ailleurs confirmée par le fait que, s'agissant de certaines sociétés-mères, la décision attaquée mentionne exclusivement le lien capitalistique. Tel est le cas de Total (considérant 266) et des sociétés du groupe Barlo, à savoir Barlo Plastics Europe NV, Barlo Plastics NV et Barlo Group Plc (considérant 301).

70 Au demeurant, il y a lieu de rappeler que la méthode suivie par la Commission en l'espèce pour imputer l'infraction litigieuse aux sociétés-mères des requérantes est exacte, ainsi qu'il ressort de ce qui précède (voir point 47 ci-dessus).

71 Partant, la seconde branche du présent moyen doit être rejetée et, par suite, le premier moyen dans son ensemble.

Sur le deuxième moyen, tiré des erreurs de fait commises par la Commission dans l'imputation de l'infraction commise par Arkema à Total et Elf Aquitaine

72 Les requérantes soutiennent que, même à supposer que la méthode consistant à recourir à la présomption d'exercice d'une influence déterminante à leur égard soit valable, la Commission n'était pas fondée en fait à imputer l'infraction à Total et à Elf Aquitaine. En effet, elles auraient démontré, premièrement, l'absence de toute implication des dirigeants d'Elf Aquitaine et de Total dans les pratiques en cause et, deuxièmement, l'autonomie d'Arkema dans la détermination de sa politique commerciale.

Sur la première branche, tirée de la méconnaissance de l'absence d'implication des dirigeants de Total et d'Elf Aquitaine dans les pratiques visées par la décision attaquée

- Arguments des parties

73 Les requérantes soulignent que la Commission ne prétend pas, dans la décision attaquée, que les dirigeants d'Elf Aquitaine ou de Total aient été impliqués, de quelque manière que ce soit, dans les pratiques en cause ou qu'ils auraient eu connaissance des infractions commises. Elles relèvent, par ailleurs, que, au cours de l'enquête, la Commission n'a adressé aucune demande de renseignements à ces entreprises, ni même procédé à des investigations dans leurs locaux.

74 Or, de l'avis des requérantes, il ressort de la pratique décisionnelle de la Commission que le défaut de participation active ou passive de la société-mère à l'infraction peut l'amener à exclure l'imputabilité de l'infraction commise par la filiale à la société-mère, même lorsque celle-ci détient la majorité ou la totalité du capital de ladite filiale.

75 Par ailleurs, les requérantes font observer, à cet égard, que le groupe auquel elles appartenaient à l'époque des faits insistait sur le respect absolu des règles de concurrence, ce qui a d'ailleurs conduit Arkema à mettre en place un programme de respect du droit de la concurrence dès le mois de janvier 2001, soit quelques mois seulement après la reprise du groupe Elf par Total Fina, le 17 avril 2000. Dès lors, elles considèrent que si Total et/ou Elf Aquitaine avaient pu avoir connaissance des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par Arkema, elles auraient immédiatement ordonné leur cessation.

76 Par conséquent, selon les requérantes, la Commission aurait pu se fonder sur cet élément pour considérer que ces sociétés, bien que détenant la quasi-totalité du capital d'Arkema au cours de la période incriminée, n'étaient pas responsables de son comportement infractionnel sur le marché du PMMA.

77 La Commission conteste cette argumentation.

- Appréciation du Tribunal

78 Il convient de rappeler qu'il ressort des considérants 245 à 252 et 259 à 277 de la décision attaquée que la Commission a imputé l'infraction litigieuse à Total et à Elf Aquitaine au motif qu'elles constituaient, au moment des faits, une seule entité économique et, partant, une entreprise au sens du droit de la concurrence avec Arkema et ses filiales, Altuglas et Altumax, qui avaient participé aux comportements collusoires. Pour parvenir à cette conclusion, la Commission s'est fondée sur la présomption d'exercice d'une influence déterminante et a constaté que celle-ci n'avait pas été réfutée lors de la procédure administrative. Ainsi qu'il ressort de l'examen du premier moyen, c'est à bon droit que cette méthode a été retenue.

79 Or, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence, le fait qu'une société-mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l'article 81 CE permet à la Commission d'adresser une décision imposant des amendes à la société-mère, sans qu'il soit requis d'établir l'implication personnelle de cette dernière dans l'infraction (arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra, point 50). Par conséquent, il n'était pas nécessaire pour la Commission d'établir l'implication directe des dirigeants de la société-mère ou même leur connaissance des faits incriminés. De même, le comportement de la Commission lors de la procédure administrative et notamment le fait qu'elle n'ait adressé aucune demande de renseignements aux sociétés-mères, ni procédé à des investigations dans leurs locaux, n'a pas d'incidence sur la question de savoir si elles forment, avec leur filiale, une entreprise au sens de l'article 81 CE.

80 Quant à la pratique décisionnelle de la Commission invoquée par les requérantes, il convient de constater que, même à supposer que la Commission y ait conditionné l'imputation de l'infraction à la société-mère à l'implication directe de ses dirigeants dans l'infraction, cela n'aurait aucune incidence sur la légalité de la décision attaquée sur ce point, dès lors que la méthode employée en l'espèce était exacte. Par ailleurs, dans leur mémoire en réplique, les requérantes précisent qu'elles ne prétendent pas que l'absence de participation d'une société-mère à l'infraction commise par sa filiale suffise à elle seule à exclure la responsabilité de la société-mère, mais constitue seulement un élément que la Commission peut prendre en compte à cette fin.

81 Enfin, comme la Commission le soutient à juste titre, l'absence d'implication directe des dirigeants de la société-mère ou leur ignorance des faits incriminés, à supposer même qu'elles puissent être établies, ne sauraient suffire à réfuter la présomption d'exercice d'une influence déterminante.

82 Partant, la première branche du présent moyen doit être rejetée.

Sur la seconde branche, tirée de la méconnaissance des éléments établissant l'autonomie réelle d'Arkema dans la détermination de sa politique commerciale

- Arguments des parties

83 Les requérantes font valoir qu'Arkema a démontré, au cours de la procédure administrative, que sa politique commerciale n'avait jamais été définie par Elf Aquitaine ou par Total pendant la période visée par la décision attaquée. Ainsi, les circonstances qu'elle était juridiquement une filiale d'Elf Aquitaine à l'époque des faits et que les membres de son conseil d'administration étaient nommés par cette dernière auraient été sans incidence sur son autonomie dans la détermination de sa politique commerciale. Par conséquent, en imputant l'infraction mise en œuvre par Arkema à ses sociétés-mères de l'époque, la Commission aurait commis une erreur de fait.

84 En premier lieu, les requérantes relèvent que le fait que ni Total ni Elf Aquitaine ne définissent la politique commerciale de leurs filiales ressort de la structure même du groupe. Ces entreprises seraient en effet des sociétés holdings, actionnaires de plusieurs groupes de sociétés agissant de façon autonome dans leurs secteurs d'activité respectifs.

85 En deuxième lieu, les requérantes font valoir qu'Arkema a démontré qu'elle était totalement autonome dans la détermination de sa politique commerciale relative au PMMA, et notamment au regard de sa politique de prix et du choix des clients. Elles indiquent que c'est Arkema qui était la société-mère de la branche chimie et que c'est elle qui donnait effectivement des directives à ses propres filiales, telles que Altuglas et Altumax. En amont d'Arkema, la relation aurait été uniquement celle qui prévaut normalement entre un actionnaire soucieux de préserver ses intérêts financiers et un management indépendant, chargé de gérer l'activité chimie. Ainsi, le rôle de Total et d'Elf Aquitaine se serait limité à l'autorisation des grands investissements et à la réception de l'information comptable et financière concernant les résultats de leur filiale, comme exigé par la législation applicable. À cet égard, les requérantes renvoient à la note interne intitulée " Pouvoirs internes et engagements de dépense ", annexée à la requête.

86 À cet égard, les requérantes distinguent deux périodes : de 1992 à 2000 et de 2001 à 2004.

87 S'agissant de la période allant de l'année 1992 à l'année 2000, elles indiquent que la politique commerciale, s'agissant des activités relatives au PMMA, était définie de façon autonome par Elf Atochem, par le biais de la division " Intermédiaires organiques de synthèse (ci-après la " DIOS "). Les grandes orientations de cette politique commerciale, sous la forme d'un plan d'affaires à cinq ans, auraient été préalablement approuvées chaque année par le comité de direction générale d'Elf Atochem, qui validait également le budget de la DIOS.

88 S'agissant de la période allant de l'année 2001 à l'année 2004, la politique commerciale, s'agissant des activités relatives au PMMA, aurait été définie de façon autonome par Arkema, à travers Atoglas (devenue Altuglas). Les grandes orientations de cette politique commerciale, sous la forme d'un plan d'affaires à cinq ans, auraient été préalablement approuvées chaque année par le comité de direction de la chimie, organe exécutif de la branche chimie. Le budget des activités relatives au PMMA faisait l'objet d'une présentation au comité exécutif de Total, dans le cadre de la présentation du budget global d'Atoglas. Ce comité exécutif intervenait en matière d'investissements, pour les décisions portant sur un montant supérieur à 10 millions d'euro, et appréciait les niveaux de risque et de rentabilité de ces investissements.

89 Les requérantes soulignent, en particulier, que ni Total ni Elf Aquitaine ne déterminaient la politique commerciale d'Arkema pour des activités comme celles de l'espèce, qui ne représentaient qu'une fraction marginale de leur chiffre d'affaires. Elles rappellent, à cet égard, que, en 2002 (dernière année de l'infraction), le chiffre d'affaires mondial réalisé par Arkema au titre de la vente de PMMA s'élevait à 416 millions d'euro, ce qui représentait 2,1 % du chiffre d'affaires global de la branche chimie et 0,4 % du chiffre d'affaires global du groupe Elf Aquitaine/Total.

90 Par ailleurs, les requérantes soulignent que, même à supposer que la présomption d'exercice d'une influence déterminante soit valable, la charge de la preuve pesant sur l'entreprise concernée devrait, pour lui permettre de renverser une telle présomption, porter sur l'absence de contrôle effectif de la société-mère sur la politique commerciale de la filiale sur le marché concerné et donc, en l'espèce, sur le marché du PMMA. À leur avis, une approche différente, consistant à exiger la démonstration d'une autonomie complète à l'égard de la société-mère, et donc la réfutation de la possibilité abstraite, pour la société-mère, d'exercer une influence déterminante sur sa filiale, dans la situation où elle en détient 100 % du capital, relèverait de la probatio diabolica et reviendrait à introduire une présomption irréfragable.

91 En troisième lieu, les requérantes font observer que le contrôle global exercé par Total et Elf Aquitaine sur Arkema contraste avec le contrôle exercé par Arkema sur ses filiales Altuglas et Altumax, qui étaient intégrées au sein d'Arkema, tant au niveau opérationnel qu'au niveau fonctionnel. Les requérantes soulignent, également, qu'Arkema est intervenue tout au long de la procédure en son nom propre et au nom de ses filiales et n'a jamais contesté, au cours de l'enquête, l'existence d'un contrôle effectif sur ses filiales.

92 Ainsi, d'une part, au niveau opérationnel, à la différence d'Elf Aquitaine et de Total, qui étaient absentes du processus de fabrication des méthacrylates, Arkema avait une activité de production de méthacrylate de méthyle, matière première utilisée - en partie - de manière captive par ses filiales Altuglas et Altumax pour la production et la distribution de PMMA.

93 D'autre part, au niveau fonctionnel, bien qu'exercée par des filiales d'Arkema (Altuglas et Altumax), l'activité relative au PMMA aurait toujours été intégrée dans l'organisation commerciale d'Arkema, tout d'abord au sein de la DIOS jusqu'en 2000, puis à travers une unité commerciale spécifiquement dédiée au PMMA, à partir de 2001. De surcroît, au cours de la période concernée, la majorité des membres du conseil d'administration de la société Altuglas aurait été composée de représentants des directions juridiques et financières d'Arkema. Ces derniers auraient, en outre, exercé des responsabilités non seulement au sein d'Arkema, mais également au sein d'Altuglas, qui ne disposait pas de ses propres services juridiques et financiers. Enfin, les employés d'Altuglas impliqués dans les pratiques visées dans la décision attaquée informaient tous régulièrement un membre du management d'Arkema, qui était, pendant la période de l'infraction, M. G., successivement directeur de la DIOS jusqu'en 2000 et membre du comité de direction de la chimie à partir de 2001.

94 Les requérantes relèvent, par ailleurs, que cette intégration fonctionnelle et opérationnelle entre Arkema et ses filiales Altuglas et Altumax a été confirmée en 2004, lors de la réorganisation de la branche chimie du groupe Total et de la création d'Arkema, puis, en mai 2006, avec l'introduction en bourse d'Arkema.

95 En quatrième lieu, les requérantes soulignent qu'aucune des pièces recueillies au cours de la procédure ne montre qu'Arkema ait reçu, directement ou indirectement, une quelconque instruction ou recommandation de la part d'Elf Aquitaine ou de Total concernant la politique commerciale à mener sur les marchés des méthacrylates, alors que des centaines de pièces avaient été saisies par la Commission au siège d'Arkema.

96 En cinquième lieu, les requérantes font valoir que la position adoptée par la Commission dans la décision attaquée est contraire à sa propre pratique antérieure. En effet, dans la décision C (2003) 4570 final de la Commission, du 10 décembre 2003, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/E-2/37.857 - Peroxydes organiques), ci-après la " décision Peroxydes organiques "), la Commission n'aurait pas imputé la responsabilité de l'infraction commise par Arkema à Elf Aquitaine, en dépit du lien capitalistique qui existait entre ces deux entreprises. Ce faisant, la Commission aurait admis qu'Arkema bénéficiait d'une autonomie réelle dans la détermination de sa politique commerciale. De l'avis des requérantes, dès lors que la période couverte par la décision Peroxydes organiques coïncide en partie avec celle visée dans la décision attaquée et que les relations économiques et financières liant Arkema et Elf Aquitaine étaient strictement identiques dans les deux affaires, la Commission n'était pas fondée à s'écarter de la position retenue dans l'affaire ayant donné lieu à la décision Peroxydes organiques.

97 Par ailleurs, le contrôle limité et global exercé par Total et Elf Aquitaine sur leurs filiales aurait été récemment confirmé par le conseil de la concurrence français, qui aurait constaté, dans une décision relative au marché de la distribution de carburants sur autoroutes, que Total Raffinage Distribution SA et Elf Antar France SA disposaient d'une autonomie suffisante dans la détermination de leur politique commerciale.

98 Enfin, les requérantes font valoir que la Commission a commis des erreurs de droit dans l'appréciation de la nature et de la répartition de la charge de la preuve. Elles considèrent que, étant donné que la présomption d'exercice d'une influence déterminante retenue par la Commission ne s'accompagnait d'aucun élément additionnel de nature à établir un contrôle effectif des sociétés-mères sur la politique commerciale d'Arkema concernant le marché du PMMA, le simple fait pour Arkema d'avoir apporté, au cours de la procédure administrative, des éléments de nature à établir son autonomie réelle sur le marché était suffisant pour renverser la charge de la preuve. Selon elles, il revenait, dès lors, à la Commission de démontrer que, en dépit de ces éléments, Total et Elf Aquitaine exerçaient une influence déterminante sur leurs filiales, s'agissant du marché concerné.

99 La Commission fait valoir que les éléments produits par les requérantes lors de la procédure administrative, et repris dans la requête, ne sont pas suffisants, même considérés dans leur ensemble, pour établir l'autonomie de comportement sur le marché d'Arkema par rapport à Elf Aquitaine et, donc, pour renverser la présomption d'exercice d'une influence déterminante.

- Appréciation du Tribunal

100 À titre liminaire, il convient de constater que, contrairement à ce que les requérantes font valoir (voir points 90 et 98 ci-dessus), la Commission n'a pas méconnu en l'espèce les règles en matière de charge de la preuve.

101 À cet égard, il convient de rappeler qu'il ressort de la jurisprudence issue de l'arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (point 35 supra, point 61), que, pour renverser la présomption d'exercice d'une influence déterminante, il incombe à la société concernée d'apporter des " éléments de preuve suffisants " de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché. Quant à la Commission, il lui incombe d'examiner ces éléments de preuve et non de rapporter des éléments positifs pour établir l'exercice d'une telle influence. Par ailleurs, s'il suffisait à la partie intéressée de contester ladite présomption en avançant de simples affirmations non étayées, la présomption serait privée de toute son utilité.

102 Or, il convient de relever d'emblée que, dans leur réponse à la communication des griefs, les requérantes ont apporté très peu d'éléments concrets à l'appui de leurs affirmations quant à l'autonomie d'Arkema sur le marché. En particulier, la partie III.2 de cette réponse, intitulée " Arkema a bénéficié [pendant la période infractionnelle] d'une autonomie réelle dans la détermination de sa politique commerciale ", ne renvoie à aucun document à l'appui des affirmations qu'elle contient. Il apparaît ainsi que la constatation de la Commission, figurant au considérant 272 de la décision attaquée, selon laquelle les éléments avancés par les requérantes constituaient de simples affirmations, non étayées par des preuves suffisantes, est exacte. Ainsi qu'il ressort du point précédent, elle permet de considérer à bon droit que la présomption d'exercice d'une influence déterminante n'a pas été renversée.

103 En outre, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, l'approche adoptée dans la décision attaquée ne relève pas de la probatio diabolica. En effet, il ressort de la jurisprudence que, afin de déterminer si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération l'ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société-mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l'objet d'une énumération exhaustive (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra, points 73 et 74). Par conséquent, il appartenait aux requérantes d'apporter tout élément relatif aux liens économiques, organisationnels et juridiques unissant cette filiale à la société-mère et qu'elles considéraient comme étant de nature à démontrer qu'elles ne constituaient pas une entité économique unique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, point 50 supra, point 65). À supposer que les requérantes n'aient pas été en mesure de produire de tels éléments de preuve en l'espèce, cela ne signifie pas, pour autant, que ladite présomption ne puisse en aucun cas être renversée.

104 C'est dans le cadre de ces observations générales qu'il y a lieu d'examiner les arguments particuliers avancés par les requérantes.

105 En premier lieu, celles-ci s'appuient sur le fait que Total et Elf Aquitaine sont des sociétés holdings et font valoir que l'autonomie de leurs filiales ressort de la structure même du groupe.

106 Force est de constater, d'une part, que les affirmations selon lesquelles Total et Elf Aquitaine seraient des sociétés holdings ne sont étayées par aucun élément de preuve.

107 D'autre part, même à supposer que ces affirmations soient exactes, elles ne sauraient suffire pour exclure que les sociétés-mères en question aient exercé une influence déterminante sur leurs filiales en coordonnant notamment les investissements financiers au sein du groupe. En effet, il a déjà été jugé que, dans le contexte d'un groupe de sociétés, une holding est une société ayant vocation à regrouper des participations dans diverses sociétés et dont la fonction est d'en assurer l'unité de direction (arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T-69-04, Rec. p. II-2567, point 63). En l'espèce, les requérantes affirment elles-mêmes que leurs sociétés-mères intervenaient dans les décisions les plus importantes qui pouvaient avoir un impact à l'échelle du groupe tout entier. Loin d'infirmer la thèse de l'existence d'une entité économique composée par les requérantes et leurs sociétés-mères, ces affirmations confirment plutôt que la fonction de ces dernières était d'assurer une unité de direction et une coordination, de nature à influer sur le comportement des filiales sur le marché.

108 En deuxième lieu, les requérantes font valoir qu'elles ont démontré qu'Arkema était totalement autonome dans la détermination de sa politique commerciale relative au PMMA. En effet, Arkema aurait été la société-mère de la branche chimie et aurait donné des directives à ses propres filiales, telles qu'Altuglas et Altumax. Quant à Total et à Elf Aquitaine, leur rôle se serait limité à l'autorisation des grands investissements et à la réception de l'information comptable et financière concernant les résultats de leur filiale, comme exigé par la législation applicable.

109 À cet égard, il y a lieu de relever, d'une part, que les affirmations des requérantes ne sont étayées par aucun élément de preuve. Or, s'agissant des allégations relatives à l'organisation et à la structure du groupe Total et aux pouvoirs respectifs des différentes sociétés du groupe, la preuve concrète pouvait, en principe, être rapportée.

110 Certes, les requérantes ont produit, en annexe à la requête, une note interne, intitulée " Pouvoirs internes et engagements de dépense ", visant à étayer leur argument selon lequel la société-mère se limitait à approuver les investissements les plus importants réalisés par Arkema. Cependant, comme la Commission l'affirme, sans être contredite par les requérantes, ce document ne figurait pas dans la réponse à la communication des griefs. Par ailleurs, interrogées en ce sens lors de l'audience, les requérantes ont confirmé que ce document n'avait pas été produit lors de la procédure administrative. Or, il ressort de l'arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra (point 61) que, lorsqu'elle applique la présomption d'exercice d'une influence déterminante, la Commission est en mesure de considérer la société-mère comme solidairement responsable du paiement de l'amende infligée à sa filiale, à moins que la société concernée, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n'apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que la filiale se comportait de façon autonome sur le marché. Ainsi, la Commission pouvait valablement conclure, au considérant 272 de la décision attaquée, que les affirmations en question n'avaient pas été étayées par des preuves suffisantes.

111 D'autre part, et en tout état de cause, même à les supposer établies, ces affirmations ne seraient pas suffisantes pour renverser la présomption d'exercice d'une influence déterminante, dans la mesure où elles concernent exclusivement la détermination de la politique commerciale relative au PMMA. En effet, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, afin de déterminer si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération non seulement les éléments relatifs à la politique commerciale dans le domaine des produits cartellisés, mais aussi l'ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société-mère (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, point 35 supra, points 67, 68, 73 et 74, et conclusions de l'avocat général Mme Kokott sous cet arrêt, Rec. p. I-8241).

112 Par ailleurs, certaines affirmations des requérantes contiennent des indices de ce qu'elles formaient une seule entité économique avec leurs sociétés-mères.

113 Ainsi, les requérantes admettent que Total et Elf Aquitaine devaient autoriser les grands investissements de leur filiale. Or, l'exercice d'un tel pouvoir constitue bien un indice que la filiale se comporte sur le marché en tenant compte des intérêts de la société-mère (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T-54-03, non publié au Recueil, point 547).

114 De même, les requérantes évoquent, à plusieurs reprises, l'existence d'une branche chimie de Total. En réponse à une question écrite du Tribunal, les requérantes ont confirmé que, à partir du mois de mai 2000 jusqu'à la fin de la période infractionnelle, la branche chimie incluait non seulement Arkema et ses filiales, mais également d'autres sociétés du groupe Total. Elles ont expliqué que, à l'issue de la fusion entre Total Fina et Elf Aquitaine, l'ensemble des activités chimiques des anciens groupes ont été placées, d'un point de vue fonctionnel, sous l'égide d'Arkema (alors Atofina). Toutefois, ce regroupement fonctionnel ne s'est pas systématiquement accompagné d'un regroupement capitalistique. Or, une telle division du groupe en branches, qui, de surcroît, fait abstraction des liens capitalistiques entre les sociétés du groupe, est un indice fort de ce que la coordination des activités de ces branches revient à la société-mère faîtière du groupe. Une telle fonction de la société-mère est de nature à exclure l'autonomie du comportement sur le marché de la filiale (voir, en ce sens, arrêts Lafarge/Commission, point 113 supra, point 549, et Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 107 supra, point 64).

115 Quant aux affirmations selon lesquelles l'activité relative au PMMA ne constituait qu'une très faible part du chiffre d'affaires global de Total et d'Elf Aquitaine, elles ne sont pas de nature à démontrer que la société-mère ait laissé à la filiale une autonomie totale pour définir son comportement sur le marché. Par ailleurs, ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, l'autonomie d'une filiale par rapport à sa société-mère ne doit pas être appréciée exclusivement au regard de son activité dans le domaine des produits cartellisés. Par conséquent, même à supposer qu'un tel argument soit pertinent, il conviendrait d'apprécier l'importance d'Arkema dans son ensemble pour ses sociétés-mères (voir, en ce sens, arrêt Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 107 supra, point 66). Or, les requérantes n'ont pas présenté d'arguments en ce sens.

116 En troisième lieu, il y a lieu de rejeter l'argument selon lequel le contrôle global exercé par Total et Elf Aquitaine sur Arkema contrasterait avec le contrôle exercé par Arkema sur ses filiales Altuglas et Altumax. D'une part, il s'agit, encore une fois, d'une affirmation qui n'est pas étayée par des éléments de preuve suffisants quant aux rapports entre les sociétés concernées. D'autre part, même à supposer qu'il soit établi que Total et Elf Aquitaine entretenaient des liens moins étroits avec Arkema que celle-ci avec ses propres filiales, cela ne suffirait pas pour établir l'autonomie du comportement d'Arkema sur le marché.

117 En quatrième lieu, s'agissant de l'argument tiré de ce que la réorganisation de la branche chimie du groupe Total et la création d'Arkema en 2004, puis son introduction en bourse en 2006, confirmaient l'autonomie de cette dernière société, il suffit de constater qu'il s'agit d'éléments postérieurs à la période infractionnelle, qui ne sauraient donc attester de l'autonomie de ladite société pendant cette période. En outre, l'expression " réorganisation de la branche chimie du groupe Total " suggère que Total assumait une fonction de coordination s'agissant de ladite branche chimie.

118 En cinquième lieu, s'agissant de l'argument selon lequel aucune pièce du dossier ne montrerait qu'Arkema ait reçu une instruction ou une recommandation de la part d'Elf Aquitaine ou de Total concernant la politique commerciale sur le marché des méthacrylates, il est à lui seul inopérant, dès lors que l'autonomie d'Arkema ne doit pas être appréciée exclusivement par rapport à ce marché. Par ailleurs, comme il a déjà été jugé, le fait qu'il ne ressorte pas des pièces du dossier que la société-mère ait donné des instructions à sa filiale ne saurait prouver que de telles instructions n'ont pas existé (voir, en ce sens, arrêt Lafarge/Commission, point 113 supra, point 545).

119 En sixième et dernier lieu, il y a lieu d'aborder l'argument selon lequel la position adoptée dans la décision attaquée serait contraire à la pratique antérieure de la Commission, telle qu'elle ressort de la décision Peroxydes organiques, dans laquelle elle n'a pas imputé l'infraction commise par Arkema à Elf Aquitaine.

120 À cet égard, il y a lieu de constater qu'il ressort de la décision Peroxydes organiques (considérants 373 à 391), invoquée par les requérantes, que la Commission n'y a pas analysé la problématique de la responsabilité de la société-mère d'Arkema et, en particulier, qu'elle ne s'est pas prononcée sur la question de son autonomie par rapport à la société-mère. Dès lors, même à supposer que les faits dans cette affaire aient été semblables à ceux de l'espèce, il ne peut être soutenu que cette décision constituait une quelconque garantie quant à la façon dont la Commission percevait les rapports entre Arkema et ses sociétés-mères, ni d'ailleurs quant au critère d'imputabilité applicable à ce groupe de sociétés.

121 Par ailleurs, la décision attaquée n'est pas la première dans laquelle la Commission impute la responsabilité de l'infraction commise par Arkema à Elf Aquitaine. En effet, dans la décision C (2004) 4876 de la Commission, du 19 janvier 2005, relative à une procédure de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire C 37.773 - AMCA), ci-après la " décision AMCA "), la Commission avait déjà procédé à une telle imputation à Elf Aquitaine, et ce également sur la base de la présomption d'exercice d'une influence déterminante sur sa filiale, non réfutée.

122 En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence que la Commission n'est pas tenue de vérifier systématiquement si le comportement infractionnel d'une filiale peut être imputé à sa société-mère (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T-259-02 à T-264-02 et T-271-02, Rec. p. II-5169, points 330 et 331, confirmé par l'arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C-125-07 P, C-133-07 P, C-135-07 P et C-137-07 P, Rec. p. I-8681, point 82). Par conséquent, même à supposer que les requérantes et Elf Aquitaine aient formé une seule entreprise également à l'époque des faits incriminés dans la décision Peroxydes organiques, le seul fait que la Commission n'ait pas envisagé la possibilité d'adresser cette décision et d'infliger une sanction à la société-mère des requérantes ne s'opposait pas à ce qu'elle le fasse en l'espèce, en conformité avec les principes dégagés par la jurisprudence en matière d'imputabilité.

123 Au demeurant, même si la Commission avait été tenue d'envisager l'imputation de l'infraction en cause dans la décision Peroxydes organiques, à Elf Aquitaine, le fait qu'elle ne l'ait pas fait témoignerait seulement de l'erreur commise dans cette affaire et ne pourrait donc être utilement invoqué par les requérantes en l'espèce.

124 Compte tenu de ce qui précède, il convient de conclure que les éléments apportés par les requérantes, même pris dans leur ensemble, ne sauraient suffire aux fins de renverser la présomption selon laquelle Total et Elf Aquitaine exerçaient effectivement une influence déterminante sur le comportement de leurs filiales.

125 Partant, la seconde branche du présent moyen doit être rejetée dans sa totalité et, ainsi, le deuxième moyen dans son ensemble.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'obligation de motivation et du principe de bonne administration dans la mise en œuvre des règles d'imputabilité

126 Ce moyen se subdivise en deux branches.

Sur la première branche, tirée d'une violation de l'obligation de motivation

- Arguments des parties

127 Les requérantes font valoir que, dans la mesure où la décision attaquée ne comporte pas de réponse à l'ensemble des arguments d'Arkema tendant à démontrer l'autonomie de sa politique commerciale, la Commission a violé l'obligation de motivation lui incombant. Par ailleurs, les explications apportées par la Commission dans le mémoire en défense ne seraient pas de nature à y remédier.

128 D'une part, les requérantes indiquent que la Commission ne répond pas à l'ensemble des arguments développés par Arkema, lesquels sont résumés au considérant 269 de la décision attaquée. En particulier, elle s'abstiendrait de répondre aux arguments selon lesquels la nomination des membres du conseil d'administration d'Arkema par Elf Aquitaine ne prouvait pas en soi l'exercice d'un contrôle effectif et Arkema bénéficiait d'une totale autonomie dans la détermination de sa politique commerciale, l'obligation de rendre des comptes se limitant aux informations générales communiquées dans le cadre du fonctionnement normal d'un groupe de sociétés et portant principalement sur des questions comptables, financières et d'audit.

129 D'autre part, les requérantes relèvent que la Commission ne répond pas à certains arguments présentés par Arkema dans sa réponse à la communication des griefs, qui ne sont même pas résumés dans la décision attaquée. Il s'agirait des arguments selon lesquels les dirigeants de Total et d'Elf Aquitaine n'ont jamais été impliqués dans les pratiques incriminées et le contrôle exercé par les sociétés-mères se limitait à autoriser les investissements les plus importants et était trop global pour que l'autonomie d'Arkema s'en trouve limitée, notamment en ce qui concerne la fixation des prix.

130 Les requérantes considèrent que, si la Commission n'est pas tenue de discuter tous les points de fait et de droit traités au cours de la procédure administrative, elle est néanmoins tenue d'examiner le bien-fondé de tous les arguments avancés pour renverser la présomption d'exercice d'une influence déterminante, et ceux-ci pris dans leur ensemble. Tout autre approche reviendrait à introduire une présomption irréfragable.

131 Par ailleurs, le défaut de motivation serait d'autant plus préjudiciable en l'espèce que, d'une part, l'approche adoptée par la Commission serait novatrice, ainsi qu'elle le reconnaîtrait au considérant 271 de la décision attaquée, et, d'autre part, à l'égard des autres filiales mises en cause par la décision attaquée, la Commission a relevé la présence d'indices supplémentaires confortant la présomption d'exercice d'une influence déterminante par leurs sociétés-mères. Les requérantes soulignent que, selon la jurisprudence, l'obligation de motivation pesant sur la Commission est renforcée lorsque sa décision va sensiblement plus loin que les décisions précédentes (arrêt de la Cour du 8 novembre 2001, Silos, C-228-99, Rec. p. I-8401, point 28 ; ordonnances du Tribunal du 21 janvier 2004, FNSEA e.a./Commission, T-245-03, Rec. p. II-271, point 52, et FNCBV/Commission, T-217-03, Rec. p. II-239, point 66).

132 La Commission conteste avoir violé l'obligation de motivation qui lui incombe.

- Appréciation du Tribunal

133 Pour ce qui est de l'obligation de motivation qui incombe à la Commission, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 253 CE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 63, et la jurisprudence citée).

134 Il a déjà été jugé que, lorsque, comme en l'espèce, une décision d'application de l'article 81 CE concerne une pluralité de destinataires et pose un problème d'imputabilité de l'infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l'égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d'entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T-327-94, Rec. p. II-1373, point 78, et du 27 septembre 2006, Akzo Nobel/Commission, T-330-01, Rec. p. II-3389, point 93). Ainsi, pour être suffisamment motivée à l'égard des sociétés-mères des requérantes, la décision attaquée devait notamment contenir un exposé circonstancié des motifs de nature à justifier l'imputabilité de l'infraction à ces sociétés (voir, en ce sens, arrêt SCA Holding/Commission, précité, point 80).

135 Par ailleurs, dans la mesure où cette imputation influe sur la situation des requérantes, où elles ont contesté cette imputation durant la procédure administrative et où elles ont donc un intérêt à contester la décision attaquée sur ce point, elles doivent être en mesure, tout comme leurs sociétés-mères, de connaître la justification de la position de la Commission.

136 Il en résulte que, lorsque, comme en l'espèce, la Commission fonde l'imputation de l'infraction sur la présomption d'exercice d'une influence déterminante et que les sociétés concernées ont avancé, lors de la procédure administrative, des éléments visant à renverser cette présomption, la décision doit contenir un exposé suffisant des motifs de nature à justifier la position selon laquelle ces éléments ne permettaient pas de renverser ladite présomption.

137 En l'espèce, dans leur réponse à la communication des griefs, les requérantes ont soutenu notamment qu'Arkema avait bénéficié, pendant toute la période infractionnelle, d'une autonomie réelle dans la détermination de sa politique commerciale. À l'appui de cette affirmation, les requérantes ont avancé, en substance, les mêmes arguments que ceux analysés dans le cadre du deuxième moyen.

138 Or, il ressort de ce qui précède que la Commission a répondu à ces arguments au considérant 272 de la décision attaquée, en affirmant que " [l]es autres arguments [étaient] de simples affirmations [non] étayées par des preuves suffisantes pour renverser la présomption de responsabilité de Total et d'Elf Aquitaine pour les actes commis par leur filiale Atofina ". C'est donc à tort que les requérantes soutiennent que la Commission n'a pas répondu à leur argument, reproduit au considérant 269, sous c), de la décision attaquée, selon lequel Arkema bénéficiait d'une totale autonomie dans sa politique commerciale et dans son comportement sur le marché.

139 Par ailleurs, il convient de juger que, dans les circonstances de l'espèce, cette affirmation figurant au considérant 272 de la décision attaquée remplit les exigences posées par la jurisprudence.

140 En effet, la Commission a ainsi exposé la raison pour laquelle elle avait considéré que les éléments avancés par les requérantes et leurs sociétés-mères n'étaient pas suffisants pour renverser la présomption d'exercice d'une influence déterminante. La décision attaquée leur a donc fourni les indications nécessaires leur permettant de défendre leurs droits. En particulier, les requérantes ont pu soit contester l'exactitude de cette affirmation, en faisant valoir qu'elles avaient étayé leurs affirmations par des preuves suffisantes, soit contester sa pertinence, en faisant valoir que les affirmations en cause, même non étayées, étaient en l'espèce suffisantes pour renverser ladite présomption. Cette motivation prend tout son relief lorsqu'elle est confrontée au passage concerné de la réponse à la communication des griefs, connu des requérantes, qui ne renvoie à aucun document à l'appui des affirmations qu'il contient (voir points 102 et suivants ci-dessus).

141 En outre, comme la Commission le relève à bon droit, il ressort de la jurisprudence que, si, en vertu de l'article 253 CE, elle est tenue de motiver ses décisions en mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l'ont amenée à prendre sa décision, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par chaque intéressé au cours de la procédure administrative (arrêt de la Cour du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, Rec. p. 3831, point 88, et arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Atochem/Commission, T-3-89, Rec. p. II-1177, point 222). Ainsi, si la Commission doit faire apparaître, dans sa décision, pour quelles raisons elle considère que les éléments avancés sont insuffisants pour renverser la présomption d'exercice d'une influence déterminante, il ne s'ensuit pas qu'elle soit tenue, dans chaque cas, de discuter spécifiquement chacun des éléments avancés par les entreprises concernées. Une réponse globale, telle que celle qui a été donnée dans la présente affaire, peut, selon les circonstances de l'espèce, suffire pour que l'entreprise puisse défendre utilement ses droits et pour que le Tribunal puisse exercer son contrôle.

142 Quant au fait que le considérant 269 de la décision attaquée ne reproduit pas tous les arguments d'Arkema, il n'est pas déterminant.

143 D'une part, s'agissant de l'argument selon lequel le contrôle exercé par les sociétés-mères se limitait à autoriser les investissements les plus importants et était trop global pour que l'autonomie d'Arkema s'en trouve limitée, notamment en ce qui concerne la fixation des prix, il se recoupe avec l'argument selon lequel " Atofina joui[ssai]t d'une totale autonomie dans sa politique commerciale et son comportement sur le marché ", qui est reproduit au considérant 269, sous c), de la décision attaquée et auquel il est répondu au considérant 272 de cette dernière. Par ailleurs, il convient de constater que les points 115 et 117 de la réponse des requérantes à la communication des griefs, où cet argument figurait, ne renvoient à aucun document à leur appui. Les requérantes pouvaient donc comprendre que l'affirmation de la Commission figurant au considérant 272 de la décision attaquée constituait également une réponse à cet argument.

144 D'autre part, s'agissant de l'argument selon lequel les dirigeants de Total et d'Elf Aquitaine n'avaient jamais été impliqués dans les pratiques incriminées, il ressort de la réponse des requérantes à la communication des griefs (voir notamment points 91 à 105) qu'elles ont soulevé cet argument, aux points 99 à 101 de celle-ci, non pour renverser la présomption d'exercice d'une influence déterminante, mais pour démontrer qu'" [a]ucune participation, directe ou indirecte, aux pratiques incriminées ne saurait [...] être reprochée à Elf Aquitaine ou à Total ". Or, il résulte de ce qui précède que la Commission ne s'est pas fondée sur cet élément pour imputer l'infraction litigieuse aux sociétés-mères des requérantes. Dès lors, le fait qu'elle n'ait pas mentionné cet argument dans la décision attaquée ne saurait aucunement constituer une violation de l'obligation de motivation.

145 Quant au fait que la Commission n'a pas répondu explicitement à l'argument, reproduit au considérant 269 de la décision attaquée, selon lequel la nomination des membres du conseil d'administration d'Arkema par Elf Aquitaine ne prouvait pas l'exercice d'un contrôle effectif, il convient de souligner que la Commission n'a pas prétendu, dans la décision attaquée, que cet élément était suffisant pour fonder l'imputation de l'infraction litigieuse aux sociétés-mères des requérantes. Certes, la Commission a énoncé, au considérant 264 de la décision attaquée, que " [l]es membres du conseil d'administration d'Arkema [...] étaient nommés par Elf Aquitaine [...] " et que ce fait, ainsi que le lien capitalistique entre ces deux sociétés, lui permettait de présumer qu'Elf Aquitaine avait une influence déterminante et un contrôle effectif sur le comportement de sa filiale Arkema. Toutefois, ainsi qu'il a été constaté aux points 68 et 69 ci-dessus, il ressort de l'économie de la décision attaquée que cet élément a été mentionné seulement à titre surabondant et qu'il n'a pas conditionné l'imputation de l'infraction litigieuse aux sociétés-mères des requérantes. Par conséquent, l'absence de réponse explicite à cet argument n'a pas empêché les requérantes de connaître les justifications de cette imputation, ni de la contester devant le Tribunal.

146 En outre, quant à l'argument tiré du libellé du considérant 271 de la décision attaquée, il convient de relever que la Commission y a constaté ce qui suit :

" [L]e fait que, dans une précédente affaire, la Commission ait adressé sa décision à Atofina exclusivement ne l'empêche pas, comme tel, d'adresser sa décision en l'espèce aussi bien à Atofina qu'à Total/Elf Aquitaine. La Commission dispose d'une marge d'appréciation pour imputer la responsabilité à une société-mère dans des circonstances telles que celles de l'espèce [...] et le fait qu'elle n'ait pas usé de ce pouvoir dans une décision antérieure ne l'oblige pas à ne pas le faire en l'espèce ".

147 Force est de constater que ce passage ne revient nullement à admettre que la Commission ait adopté en l'espèce une position novatrice, comme les requérantes le prétendent. L'affirmation de la Commission vise simplement à écarter l'argument, figurant au considérant 268 de la décision attaquée, tiré de l'absence d'imputation, dans une décision antérieure adressée à Arkema, du comportement de cette dernière à sa société-mère (décision Peroxydes organiques). Par ailleurs, il convient de relever que, antérieurement à la décision attaquée, la présomption d'exercice d'une influence déterminante, fondée sur le seul lien capitalistique, avait déjà été appliquée par la Commission dans la décision AMCA, dans laquelle elle avait imputé l'infraction commise par Arkema à Elf Aquitaine.

148 En tout état de cause, la jurisprudence invoquée par les requérantes exige seulement que la Commission développe son raisonnement de manière explicite lorsqu'elle prend, dans le cadre de sa pratique décisionnelle, une décision qui va sensiblement plus loin que les décisions précédentes. Il ne lui suffit donc pas, dans un tel cas, de fournir une motivation sommaire, notamment par référence à une pratique décisionnelle constante (voir, en ce sens, arrêt Silos, point 131 supra, point 28). Or, ainsi qu'il ressort de ce qui précède, la Commission, dans la décision attaquée, a répondu de façon explicite aux arguments d'Arkema tendant à démontrer l'autonomie de sa politique commerciale.

149 Enfin, le fait que, à l'égard d'autres filiales mises en cause par la décision attaquée, la Commission a relevé la présence d'indices supplémentaires confortant la présomption d'exercice d'une influence déterminante par leurs sociétés-mères ne peut que demeurer sans influence sur le caractère suffisant de la motivation à l'égard des requérantes. Il ressort, par ailleurs, de ce qui précède (voir points 68 et 69 ci-dessus) que c'est seulement à titre surabondant que de tels éléments supplémentaires ont été relevés.

150 Il s'ensuit que la première branche du présent moyen doit être rejetée.

Sur la seconde branche, tirée d'une violation du principe de bonne administration

- Arguments des parties

151 Les requérantes relèvent que, selon la jurisprudence, en vertu du principe de bonne administration, la Commission a l'obligation d'examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d'espèce. Cette obligation revêtirait une importance fondamentale dans les procédures administratives où les institutions disposent d'un pouvoir d'appréciation afin d'être en mesure de remplir leurs fonctions, telles les procédures en matière de concurrence.

152 En l'espèce, en se fondant sur une simple présomption de contrôle et en s'abstenant, comme exposé ci-dessus, de répondre aux arguments avancés par Arkema pour réfuter une telle présomption (en particulier ceux qui avaient trait à l'absence de pertinence de la nomination des membres du conseil d'administration par Elf Aquitaine et à l'autonomie commerciale d'Arkema), la Commission n'aurait pas examiné avec soin les éléments pertinents du cas d'espèce et aurait violé le principe de bonne administration.

153 Par ailleurs, les requérantes rejettent les arguments de la Commission, selon lesquels le présent grief se confondrait avec celui concernant le défaut de motivation. Elles soulignent que le principe de bonne administration est distinct de l'obligation de motivation et poursuit une finalité différente.

154 La Commission conteste cette argumentation.

- Appréciation du Tribunal

155 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans les cas où les institutions de la Communauté disposent d'un pouvoir d'appréciation afin d'être en mesure de remplir leurs fonctions, le respect des garanties conférées par l'ordre juridique de l'Union dans les procédures administratives revêt une importance d'autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure notamment l'obligation pour l'institution compétente d'examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d'espèce (arrêts de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C-269-90, Rec. p. I-5469, point 14, et du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T-44-90, Rec. p. II-1, point 86). Cette obligation procède du principe de bonne administration (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T-62-98, Rec. p. II-2707, point 269).

156 À l'appui du présent grief, les requérantes se bornent à soutenir que la Commission s'est fondée sur une simple présomption d'influence déterminante exercée sur elles par leurs sociétés-mères et s'est abstenue de répondre aux arguments avancés par Arkema pour réfuter une telle présomption, en particulier ceux ayant trait à l'absence de pertinence de la nomination des membres du conseil d'administration par Elf Aquitaine et à l'autonomie commerciale d'Arkema.

157 Toutefois, il ressort de ce qui précède, d'abord, que le recours à une telle présomption est tout à fait légitime. Ensuite, ainsi que cela ressort de l'examen de la première branche du présent moyen, la lecture des passages concernés de la réponse à la communication des griefs et de la décision attaquée permet de constater que la Commission a répondu aux arguments pertinents soulevés par les requérantes et notamment ceux concernant l'autonomie commerciale d'Arkema [argument reproduit au considérant 269, sous c), de la décision attaquée et auquel il est répondu au considérant 272 de cette dernière]. À cet égard, il convient de souligner que le caractère succinct de la motivation y figurant, selon laquelle " [l]es autres arguments sont de simples affirmations [non] étayées par des preuves suffisantes pour renverser la présomption ", ne permet pas de constater, à lui seul, une violation de l'obligation d'examiner avec soin et impartialité les éléments pertinents résultant de la procédure administrative. Par ailleurs, il ressort de ce qui précède (voir points 102 et suivants ci-dessus) que l'assertion mentionnée au considérant 272 de la décision attaquée est exacte, ce qui présuppose un examen soigneux et impartial effectué par la Commission.

158 Enfin, s'agissant de l'argument selon lequel la nomination des membres du conseil d'administration d'Arkema par Elf Aquitaine ne prouve pas en soi l'exercice d'un contrôle effectif, il suffit de constater que la Commission n'a pas prétendu le contraire dans la décision attaquée. En effet, l'influence déterminante exercée par les sociétés-mères des requérantes sur ces dernières a été constatée sur la base d'une présomption qui n'a pas été réfutée lors de la procédure administrative. Ainsi qu'il vient d'être constaté, la nomination des membres du conseil d'administration d'Arkema par Elf Aquitaine a été mentionnée dans ce contexte à titre surabondant. Dans ces conditions, le fait que la Commission n'ait pas spécifiquement répondu à cet argument n'est pas constitutif d'une violation de l'obligation de bonne administration.

159 Au demeurant, il convient de souligner que, hormis le libellé de la décision attaquée, les requérantes n'apportent aucun autre élément à l'appui de leur grief.

160 Partant, la seconde branche du présent moyen doit être rejetée et, par conséquent, le troisième moyen dans son ensemble.

Sur le quatrième moyen, tiré de la méconnaissance du critère de l'impact concret sur le marché dans la fixation du montant de départ de l'amende à 65 millions d'euro

Arguments des parties

161 Dans le cadre du présent moyen, les requérantes avancent que, en fixant le montant de départ de l'amende les concernant à 65 millions d'euro, la Commission a méconnu le critère de l'impact concret sur le marché, énoncé au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices.

162 En premier lieu, les requérantes font valoir que le montant de départ de l'amende, à savoir 65 millions d'euro, est excessif dans la mesure où l'infraction n'a eu qu'un impact très limité sur les marchés de produits en cause.

163 À cet égard, elles soutiennent, premièrement, que, contrairement à ce que la Commission affirme au considérant 329 de la décision attaquée, l'impact de l'infraction sur le marché était mesurable. Par conséquent, il aurait dû être pris en compte dans la détermination de la gravité de l'infraction, conformément à la jurisprudence et aux lignes directrices.

164 En effet, selon une jurisprudence constante, pour apprécier l'impact concret d'une infraction sur le marché, il appartiendrait à la Commission de se référer au jeu de la concurrence qui aurait normalement existé en l'absence d'infraction. Cela supposerait donc de connaître l'évolution de la situation concurrentielle sur le marché concerné pendant la commission de l'infraction et de pouvoir comparer cette évolution avec des données de marché exogènes.

165 Or, dans leur réponse à la communication des griefs, les requérantes auraient fourni à la Commission les données nécessaires à cette fin, à savoir des informations détaillées sur l'évolution des prix des trois produits en PMMA concernés de 1995 à 2003, y compris par rapport à l'évolution du prix de leurs matières premières. De surcroît, l'impact de l'infraction aurait été également mesurable sur la base des informations relatives à l'évolution des parts de marché des différents producteurs durant l'infraction, qui étaient en possession de la Commission, comme en témoignerait le libellé de la communication des griefs.

166 Deuxièmement, les requérantes avancent que, si la Commission avait procédé à une quantification de l'impact de l'infraction sur le marché, elle aurait nécessairement conclu que cet impact était limité et elle aurait alors fixé le montant de départ de l'amende d'Arkema à un niveau inférieur à 65 millions d'euro.

167 À cet égard, les requérantes font valoir que l'impact concret de l'infraction était nécessairement négligeable, dans la mesure où l'évolution des prix des produits en cause était strictement corrélée à celle des prix des matières premières utilisées pour leur fabrication et pour lesquelles aucune infraction n'a été constatée, ainsi qu'il ressortirait des schémas fournis par Arkema en annexe à sa réponse à la communication des griefs.

168 De surcroît, la Commission aurait elle-même reconnu, dans la décision attaquée, que l'infraction n'avait eu qu'un impact extrêmement limité sur les marchés en cause. Ainsi, au considérant 104 de la décision attaquée, relatif à la description générale de la mise en œuvre des accords, elle aurait admis que les hausses de prix convenues n'avaient pas toujours pu être mises en œuvre. De même, il ressortirait de plusieurs considérants de la décision attaquée, consacrés respectivement aux trois produits concernés, que les hausses de prix convenues lors de différentes réunions n'avaient pas pu être mises en œuvre ou n'avaient eu qu'un effet très limité.

169 Par ailleurs, répliquant aux arguments de la Commission, les requérantes précisent qu'elles ne contestent pas que la mise en œuvre, même partielle, d'un accord puisse constituer un indice de l'existence d'un impact concret d'un tel accord sur le marché, ni même que l'entente en cause ait pu avoir un certain impact sur le marché du PMMA. Elles soutiennent, cependant, que cet impact était mesurable et, si la Commission avait procédé à la quantification de cet impact, elle aurait nécessairement conclu qu'il était limité.

170 En second lieu, les requérantes soutiennent que la Commission a violé l'obligation de motivation ainsi que le principe de bonne administration en ce qu'elle a considéré que l'impact concret de l'infraction ne devait pas être pris en compte pour la détermination du montant de départ de l'amende.

171 Premièrement, les requérantes soulignent que la Commission s'est contentée d'affirmer que l'impact de l'infraction n'était pas mesurable, sans apporter le moindre élément à l'appui de cette affirmation, et ce malgré les nombreux éléments sur l'évolution des prix fournis par Arkema au cours de la procédure administrative.

172 Or, selon les requérantes, c'est à la Commission qu'il appartient de démontrer si l'impact de l'infraction est ou non mesurable, en particulier lorsque, comme en l'espèce, les parties à la procédure administrative apportent des éléments relatifs aux effets de l'infraction sur les marchés concernés. À défaut, il suffirait à la Commission d'affirmer que l'impact de l'infraction n'est pas mesurable pour s'affranchir de la prise en compte de cet impact dans la détermination du montant de départ de l'amende.

173 Deuxièmement, les requérantes soutiennent que la Commission a également violé son obligation de motivation et le principe de bonne administration en ce qu'elle n'a pas répondu aux arguments, avancés par Arkema en réponse à la communication des griefs, tendant à démontrer que l'impact de l'infraction sur les marchés concernés était limité.

174 En conclusion, les requérantes demandent au Tribunal d'annuler les dispositions en cause de la décision attaquée et, dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, de fixer le montant de départ de leur amende à un niveau moindre que celui imposé par la Commission, eu égard à l'impact limité de l'infraction sur les marchés en cause.

175 La Commission conteste cette argumentation.

Appréciation du Tribunal

176 Selon le point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices, " [l]'évaluation du caractère de gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché géographique concerné ".

177 Dans le cadre du présent moyen, les requérantes allèguent, en substance, que, contrairement à ce que la Commission affirme dans la décision attaquée, l'impact de l'entente en cause sur le marché était mesurable. Selon les requérantes, si la Commission avait procédé à une quantification de cet impact, elle aurait nécessairement conclu qu'il était limité et elle aurait donc fixé le montant de départ de l'amende d'Arkema à un niveau inférieur à 65 millions d'euro. Par ailleurs, les requérantes avancent une violation de l'obligation de motivation et du principe de bonne administration, en ce que la Commission n'aurait pas étayé son affirmation selon laquelle l'impact n'était pas mesurable et n'aurait pas répondu aux arguments avancés par Arkema en réponse à la communication des griefs.

178 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments, tels que les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte. Figurent parmi les éléments de nature à entrer dans l'appréciation de la gravité des infractions le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d'elles dans l'établissement des pratiques concertées, le profit qu'elles ont pu tirer de ces pratiques, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de la Communauté (voir arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, Rec. p. I-5425, points 241 et 242, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C-534-07 P, Rec. p. I-7415, point 96).

179 Il s'ensuit que l'effet d'une pratique anticoncurrentielle n'est pas, en soi, un critère déterminant dans l'appréciation du montant adéquat de l'amende. En particulier, des éléments relevant de l'aspect intentionnel peuvent avoir plus d'importance que ceux relatifs auxdits effets, surtout lorsqu'il s'agit d'infractions intrinsèquement graves (voir arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 178 supra, point 96, et la jurisprudence citée).

180 Sur ce point, il y a lieu de rappeler qu'il a été jugé de manière constante que les ententes méritent, en raison de leur nature propre, les amendes les plus sévères. Leur éventuel impact concret sur le marché, notamment la question de savoir dans quelle mesure la restriction de concurrence a abouti à un prix de marché supérieur à celui qui aurait prévalu dans l'hypothèse de l'absence de cartel, n'est pas un critère déterminant pour la fixation du niveau des amendes (arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T-127-04, Rec. p. II-1167, point 64). En effet, les trois aspects de l'évaluation de la gravité de l'infraction n'ont pas le même poids dans le cadre de l'examen global. La nature de l'infraction joue un rôle primordial, notamment, pour caractériser les infractions très graves (arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T-73-04, Rec. p. II-2661, point 91).

181 Ainsi, comme la Cour l'a jugé, il ressort des lignes directrices que les ententes horizontales de prix ou de répartition de marchés peuvent être qualifiées d'infractions très graves sur le seul fondement de leur nature propre, sans que la Commission soit tenue de démontrer un impact concret de l'infraction sur le marché. Dans ce cas de figure, l'impact concret de l'infraction ne constitue qu'un élément parmi d'autres qui, s'il est mesurable, peut permettre à la Commission d'augmenter le montant de départ de l'amende au-delà du montant minimal envisageable de 20 millions d'euro (arrêts Prym et Prym Consumer/Commission, point 178 supra, point 75, et Erste Group Bank e.a./Commission, point 122 supra, point 103). La Cour a donc souligné que l'impact concret de l'infraction sur le marché était un élément facultatif, dont la Commission pouvait tenir compte aux fins du calcul de l'amende, si elle l'estimait opportun (voir, en ce sens, arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 178 supra, point 82).

182 En outre, il a été jugé que le fait que la Commission ait précisé, par les lignes directrices, son approche quant à l'évaluation de la gravité d'une infraction ne s'oppose pas à ce qu'elle apprécie ce critère globalement en fonction de toutes les circonstances pertinentes, y compris des éléments qui ne sont pas expressément mentionnés dans les lignes directrices (arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 122 supra, point 237).

183 Au vu de cette jurisprudence, les arguments présentés par les requérantes ne sont pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du montant de départ.

184 En effet, d'une part, il en résulte que, même à supposer que, comme les requérantes le soutiennent, l'impact de l'infraction litigieuse sur l'évolution des prix ait été limité, sa qualification d'infraction très grave resterait toujours appropriée au regard de sa nature et de son étendue géographique (à savoir le territoire de l'EEE). Par ailleurs, il y a lieu de souligner que, dans sa conclusion relative à la gravité de l'infraction, figurant au considérant 331 de la décision attaquée, la Commission a qualifié l'infraction de très grave, au " [v]u [de sa] nature [...] et [du] fait qu'elle couvrait l'ensemble du territoire de l'EEE ". Ainsi, le critère de l'impact concret sur le marché n'a joué aucun rôle dans la qualification de l'infraction.

185 D'autre part, rien, dans la décision attaquée, n'indique que, si la Commission avait conclu que l'impact de l'entente en cause sur le marché était limité, elle aurait fixé le montant de départ de l'amende d'Arkema à un niveau inférieur à 65 millions d'euro.

186 À cet égard, bien que la Commission ait affirmé que l'entente en cause avait bien eu un impact sur le marché, compte tenu de la mise en œuvre des accords et des pratiques concernant les prix (voir considérants 321 et 329 de la décision attaquée), elle a précisé aussitôt que, " [d]ans la présente procédure, il n'[était] pas possible de mesurer l'impact concret [de l'infraction] sur le marché [...] et, par conséquent, la Commission ne se [fonderait] pas spécifiquement sur un impact particulier, en accord avec les lignes directrices selon lesquelles l'impact concret doit être pris en compte lorsqu'il est mesurable " (considérant 321) et que les " effets [de l'entente en cause sur le marché n'étaient] pas mesurables avec précision ". Par ailleurs, comme relevé ci-dessus, sa conclusion relative à la gravité de l'infraction, figurant au considérant 331 de la décision attaquée, ne mentionne pas le critère de l'impact concret sur le marché.

187 Force est donc de constater que cet élément n'a pas été pris en compte aux fins du calcul de l'amende.

188 Par ailleurs, il convient de souligner que les requérantes ne prétendent pas que, sur la base des données en sa possession, la Commission aurait dû constater l'absence d'impact de l'entente en cause sur le marché. Elles admettent que l'infraction a pu avoir un certain impact sur le marché, tout en soutenant que cet impact était limité (voir point 169 ci-dessus). Or, même à supposer que la Commission ait tenu compte, aux fins du calcul de l'amende, de sa constatation selon laquelle l'entente avait eu un impact sur le marché, rien n'indique qu'elle en ait exagéré les effets.

189 De même, il ne saurait être soutenu que le montant de départ appliqué à l'amende des requérantes ait été nécessairement fondé sur la prise en considération d'un impact significatif de l'entente en cause sur le marché, dans la mesure où celui-ci est largement supérieur au montant minimal envisagé par les lignes directrices pour les infractions très graves (c'est-à-dire 20 millions d'euro). En effet, ainsi qu'il ressort de ce qui précède, l'impact concret de l'infraction ne constitue qu'un élément parmi d'autres qui peut permettre à la Commission d'augmenter le montant de départ de l'amende au-delà de ce montant.

190 Ainsi, en l'espèce, le montant de départ est fondé notamment sur la nature de l'infraction, établie compte tenu de ses caractéristiques principales exposées à la section 4.2 de la décision attaquée (voir considérant 320 de la décision attaquée), sur la taille du marché géographique en cause, à savoir le territoire de l'EEE (voir considérant 330 de la décision attaquée), et sur l'application d'un traitement différencié à ces entreprises, afin de tenir compte de leur capacité économique réelle à porter un préjudice important à la concurrence, appréciée au regard des chiffres d'affaires dégagés par la vente de produits en PMMA, pour lesquels elles avaient participé à l'entente en cause (voir considérants 332 à 334 de la décision attaquée). Dans ce dernier contexte, la Commission a également mentionné la taille de l'ensemble du marché des produits en PMMA en 2000 et en 2002, exprimée en volume et en valeur (voir considérant 333 de la décision attaquée).

191 Or, dans le cadre du présent moyen, les requérantes font état du caractère excessif du montant de départ de l'amende exclusivement par rapport au critère de l'impact concret sur le marché. Ainsi qu'il ressort de ce qui précède, cette argumentation est en soi inopérante pour contester le montant de départ de l'amende retenu à l'égard des requérantes.

192 Il s'ensuit également que le fait que le libellé de la décision attaquée ne fasse pas ressortir de façon suffisamment circonstanciée les motifs pour lesquels la Commission a estimé qu'il n'était pas possible, sur la base des informations dont elle disposait, de mesurer l'impact concret de l'infraction litigieuse sur le marché, n'est pas pertinent. En effet, cette circonstance n'a aucune incidence sur la qualification d'infraction très grave ni sur le montant de départ retenu à l'égard de l'amende des requérantes.

193 En outre, il ressort de ce qui précède que les arguments relatifs au caractère limité de l'impact de l'entente en cause sur le marché ne sauraient justifier la réduction de l'amende dans le cadre de l'exercice du pouvoir de pleine juridiction du Tribunal.

194 Partant, il y a lieu de rejeter le présent moyen ainsi que la demande de réduction de l'amende formulée à ce titre par les requérantes.

Sur le cinquième moyen, tiré de l'existence d'erreurs de droit et de fait dans la majoration du montant de départ de l'amende au titre de l'effet dissuasif

195 Dans le cadre de ce moyen, les requérantes contestent la majoration du montant de départ de l'amende au titre de l'effet dissuasif et demandent au Tribunal d'annuler la décision attaquée sur ce point ou, à titre subsidiaire, de réduire substantiellement la majoration effectuée à ce titre.

196 Ce moyen se subdivise en trois branches. En outre, lors de l'audience, les requérantes ont avancé un grief supplémentaire visant à contester la majoration en question.

Sur la première branche, tirée de ce que la Commission n'était pas fondée à augmenter le montant de départ de l'amende au titre de l'effet dissuasif sur la base du chiffre d'affaires de Total, dès lors que l'infraction n'était pas imputable à cette société

- Arguments des parties

197 Les requérantes font valoir que, en appliquant un facteur multiplicateur de 3 au titre de l'effet dissuasif sur la base du chiffre d'affaires réalisé par Total, alors que l'infraction n'était pas imputable à cette société, la Commission a commis une erreur de droit. À leur avis, une éventuelle majoration de l'amende au titre de l'effet dissuasif, à supposer qu'elle ait été nécessaire, n'aurait pu être fondée que sur la seule taille et les ressources d'Arkema.

198 Or, la Commission aurait expressément reconnu qu'un facteur multiplicateur de 3 serait excessif dans une telle hypothèse. Les requérantes relèvent, en effet, que, pour déterminer la fraction de l'amende imputable à la seule Arkema au titre de la récidive, la Commission a indiqué qu'elle aurait appliqué " un facteur multiplicateur de 1,25 " si Arkema avait été la seule destinataire de la décision attaquée (note en bas de page n° 250 de la décision attaquée).

199 La Commission conteste cette argumentation.

- Appréciation du Tribunal

200 Il suffit de constater que cette branche du présent moyen repose entièrement sur la prémisse selon laquelle l'infraction litigieuse ne pouvait être imputée aux sociétés-mères d'Arkema. Or, il ressort de ce qui précède que cette prémisse est erronée.

201 Par conséquent, la première branche du présent moyen doit être rejetée.

Sur la deuxième branche, tirée d'une violation des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement

- Arguments des parties

202 Les requérantes font valoir que, même à supposer que l'infraction soit imputable à Total (ou à Elf Aquitaine), la Commission a violé les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement en ce qu'elle a pris en compte, pour majorer le montant de l'amende d'Arkema au titre de l'effet dissuasif, le chiffre d'affaires de Total.

203 En effet, selon les requérantes, même à supposer que la présomption d'exercice d'une influence déterminante puisse suffire à imputer l'infraction à leurs sociétés-mères, elle ne serait pas suffisante pour appliquer la majoration au titre de l'effet dissuasif sur la base du chiffre d'affaires réalisé par ces dernières. Elles considèrent que le caractère dissuasif de l'amende doit s'apprécier en fonction des circonstances propres à influencer le comportement de l'auteur d'une infraction sur le marché et, en particulier, de l'étendue des ressources mises à la disposition de la filiale qui a commis l'infraction sur le marché concerné. À leur avis, pour que la majoration au titre de l'effet dissuasif puisse être calculée sur la base du chiffre d'affaires réalisé au niveau du groupe, l'appartenance à un groupe de sociétés doit être assortie d'éléments supplémentaires permettant de démontrer que la filiale a effectivement utilisé les ressources du groupe lors de la commission de l'infraction, du fait de la participation des dirigeants de la société-mère à l'infraction et/ou du fait de l'existence d'un contrôle effectif de la société-mère sur la filiale. À défaut, la prise en compte du chiffre d'affaires réalisé par la société-mère constituerait une application disproportionnée et discriminatoire de la notion d'effet dissuasif.

204 Par ailleurs, les requérantes relèvent que, dans sa pratique décisionnelle, la Commission a elle-même considéré que la participation de la société-mère à l'infraction commise par sa filiale et l'utilisation des ressources du groupe dans la commission de l'infraction étaient des critères pertinents aux fins de l'application de l'effet dissuasif [décision 1999-60-CE de la Commission, du 21 octobre 1998, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.691/E-4, Conduites précalorifugées) (ci-après la " décision Conduites précalorifugées ")].

205 La Commission conteste cette argumentation.

206 Elle relève, en particulier, que, dès lors que le périmètre de l'entreprise qui doit être tenue pour responsable de l'infraction a été délimité à suffisance de droit, la nécessité ou non d'appliquer un facteur multiplicateur ainsi que, le cas échéant, la détermination du caractère approprié de son niveau dépendent des ressources globales de cette entreprise. Ces ressources seraient adéquatement reflétées par le chiffre d'affaires global de l'entreprise durant l'année précédant celle de l'adoption de la décision infligeant la sanction et aucune des considérations avancées par les requérantes ne saurait rentrer en ligne de compte.

- Appréciation du Tribunal

207 Il y a lieu de rappeler que, au considérant 337 de la décision attaquée, la Commission a énoncé que, dans la catégorie des infractions très graves, l'échelle des amendes susceptibles d'être infligées permettait également de fixer le montant des amendes à un niveau garantissant qu'elles auraient un effet dissuasif suffisant " compte tenu de la taille et de la puissance économique de chaque entreprise ". Pour apprécier la taille et la puissance économique de l'entreprise à laquelle appartenaient les requérantes, la Commission a tenu compte du chiffre d'affaires mondial de Total en 2005, dernier exercice précédant celui durant lequel a été adoptée la décision attaquée (143,168 milliards d'euro) et a décidé d'appliquer un facteur multiplicateur de 3 à l'amende imposée à Arkema (voir notamment les considérants 338 et 349 de la décision attaquée).

208 Dans le cadre de la présente branche du cinquième moyen, les requérantes contestent cette façon de procéder en affirmant, en substance, que, pour que la majoration au titre de l'effet dissuasif puisse être calculée sur la base du chiffre d'affaires réalisé au niveau du groupe, l'appartenance à un groupe de sociétés doit être assortie d'éléments supplémentaires permettant de démontrer que la filiale a effectivement utilisé les ressources du groupe. Par conséquent, l'imputation de la responsabilité aux sociétés-mères sur la base de la présomption d'exercice d'une influence déterminante sur leur filiale, non réfutée, ne suffirait pas à cet égard.

209 Cette argumentation ne saurait prospérer.

210 Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, s'agissant de la notion de dissuasion, qu'elle constitue l'un des éléments à prendre en compte dans le calcul du montant de l'amende. Il est en effet de jurisprudence constante que les amendes infligées en raison de violations de l'article 81 CE et prévues à l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 ont pour objet de punir les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d'autres opérateurs économiques de violer, à l'avenir, les règles du droit de la concurrence de l'Union. Ainsi, la Commission, lorsqu'elle calcule le montant de l'amende, peut prendre en considération, notamment, la taille et la puissance économique de l'entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C-289-04 P, Rec. p. I-5859, point 16, et la jurisprudence citée).

211 En outre, la Cour considère de façon constante que le chiffre d'affaires global de l'entreprise constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 178 supra, point 243, et la jurisprudence citée). Ainsi, il a déjà été jugé qu'il était loisible à la Commission, en vue de la détermination du montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif, de tenir compte du chiffre d'affaires total de l'entreprise en cause (arrêts de la Cour Showa Denko/Commission, point 210 supra, points 15 à 18, et du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission et Conseil, C-266-06 P, non publié au Recueil, point 120 ; arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220-00, Rec. p. II-2473, point 96).

212 Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que, selon la décision attaquée, Total et Elf Aquitaine forment avec les requérantes une entreprise, qui a commis l'infraction litigieuse. Dans ces conditions, l'argumentation des requérantes revient à exiger que soient pris en compte, aux fins de la détermination du niveau suffisamment dissuasif de l'amende, non pas la taille et la puissance économique de cette entreprise, telle que reflétée par son chiffre d'affaires global, mais seulement une partie de ses ressources, à savoir celles " mises à la disposition de la filiale qui a commis l'infraction sur le marché concerné ". Force est de constater, toutefois, que cette thèse n'est pas compatible avec l'objectif de dissuasion poursuivi par la Commission.

213 En effet, ainsi que le Tribunal l'a déjà jugé, la nécessité d'assurer un effet dissuasif suffisant à l'amende, lorsqu'elle ne motive pas l'élévation du niveau général des amendes dans le cadre de la mise en œuvre d'une politique de concurrence, exige que le montant de l'amende soit modulé afin de tenir compte de l'impact recherché sur l'entreprise à laquelle elle est infligée, et ce afin que l'amende ne soit pas rendue négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l'entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d'une part, de la nécessité d'assurer l'effectivité de l'amende et, d'autre part, du respect du principe de proportionnalité (arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T-279-02, Rec. p. II-897, point 283, et du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T-410-03, Rec. p. II-881, point 379). Par conséquent, c'est notamment la possibilité pour l'entreprise concernée de mobiliser plus facilement les fonds nécessaires pour le paiement de son amende qui peut justifier, en vue d'un effet dissuasif suffisant de cette dernière, l'application d'un multiplicateur (voir, en ce sens, arrêts Showa Denko/Commission, point 210 supra, point 18, et arrêts du Tribunal Degussa/Commission, précité, point 284, et Hoechst/Commission, précité, point 379).

214 Il s'ensuit que l'on ne saurait exiger de la Commission d'établir un lien supplémentaire entre l'utilisation des ressources de l'entreprise et l'infraction commise par elle, pour que ces ressources puissent être prises en compte en vue de déterminer le niveau suffisamment dissuasif de l'amende, dès lors que ce qui importe, dans ce contexte, c'est la taille et la puissance économique de l'entreprise contrevenante en tant que telle.

215 Enfin, s'agissant du renvoi à la décision Conduites précalorifugées, il suffit de rappeler que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence (voir arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, Wieland-Werke/Commission, T-116-04, Rec. p. II-1087, point 85, et la jurisprudence citée). Partant, l'argumentation tirée de la teneur de cette décision est en soi inopérante.

216 Par conséquent, la deuxième branche du présent moyen doit être rejetée.

Sur la troisième branche, tirée du caractère inutile du recours à l'effet dissuasif de l'amende en l'espèce

- Arguments des parties

217 Les requérantes relèvent que, aux termes des lignes directrices, l'amende doit être fixée à un niveau suffisamment dissuasif et, donc, la Commission peut majorer une amende si elle n'atteint pas un tel niveau. Selon les requérantes, la nécessité de majorer une amende à ce titre ne peut être déterminée qu'après le calcul du montant final de l'amende, en tenant compte, le cas échéant, de la condamnation récente de l'entreprise à des amendes. Elles considèrent que le fait d'appliquer une majoration de l'amende au titre de l'effet dissuasif ab initio et in abstracto, sans tenir compte des considérations factuelles propres à l'entreprise incriminée et notamment des amendes précédemment payées par l'entreprise concernée, est contraire aux lignes directrices.

218 À cet égard, les requérantes font remarquer qu'Arkema a été condamnée, au cours d'une période de moins de trois ans, à des amendes conséquentes d'un montant total d'environ 180 millions d'euro, au titre de sa participation à des ententes qui se sont déroulées de manière simultanée, au moins partiellement, avec les pratiques sanctionnées dans la décision attaquée. Ces amendes auraient été infligées par la Commission dans les décisions Peroxydes organiques et AMCA, et dans la décision C (2006) 1766 de la Commission, du 3 mai 2006, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/F/C.38.620 - Peroxyde d'hydrogène et perborate) (ci-après la " décision Peroxyde d'hydrogène et perborate "). Dans chacune de ces trois décisions, la Commission aurait appliqué à Arkema une majoration de l'amende au titre de l'effet dissuasif, en augmentant progressivement le facteur multiplicateur applicable.

219 De l'avis des requérantes, la Commission aurait donc dû considérer que les précédentes amendes pour des faits contemporains de l'entente en cause avaient un caractère suffisamment dissuasif pour éviter qu'Arkema ne commette de nouvelles infractions à l'avenir et qu'il était, par conséquent, inutile d'appliquer une majoration supplémentaire de l'amende au titre de l'effet dissuasif.

220 Par ailleurs, elles relèvent que l'adoption par Arkema d'un programme de respect du droit de la concurrence, peu de temps après l'acquisition d'Elf par Total Fina, atteste de ce qu'elle était déjà suffisamment dissuadée de commettre de nouvelles infractions.

221 La Commission conteste cette argumentation.

- Appréciation du Tribunal

222 À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission dispose d'une marge d'appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d'orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (voir arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, SGL Carbon/Commission, T-68-04, Rec. p. II-2511, point 49, et la jurisprudence citée).

223 En premier lieu, il convient de rejeter l'argument selon lequel la Commission aurait, en l'espèce, procédé à la majoration de l'amende au titre de l'effet dissuasif ab initio, alors que, selon les requérantes, la nécessité de majorer une amende au titre de l'effet dissuasif ne pourrait être déterminée qu'après le calcul du montant final de l'amende.

224 En effet, ainsi qu'il a déjà été jugé, l'exigence d'assurer l'effet dissuasif constitue une exigence générale devant guider la Commission tout au long du calcul de l'amende et n'appelle pas nécessairement que ce calcul soit caractérisé par une étape spécifique destinée à une évaluation globale de toutes les circonstances pertinentes aux fins de la réalisation de cette finalité (voir arrêt Carbone-Lorraine/Commission, point 180 supra, point 131, et la jurisprudence citée). Dès lors, les requérantes ne sauraient prétendre que la Commission ne devait procéder à la détermination de l'effet dissuasif qu'après le calcul du montant final de l'amende.

225 En outre, il convient de constater que, dans les considérants 337 à 350 de la décision attaquée, la Commission a seulement procédé, dans le contexte de l'évaluation de la gravité de l'infraction, à une majoration du montant de départ de l'amende afin de lui garantir " un effet dissuasif suffisant, compte tenu de la taille et de la puissance économique de chaque entreprise " (considérant 337 de la décision attaquée). Cette étape du calcul de l'amende découle de la nécessité d'adapter le montant de départ de manière à ce que l'amende ait un caractère suffisamment dissuasif en considération des ressources globales de l'entreprise et de sa capacité à mobiliser les fonds nécessaires pour le paiement de l'amende. Cependant, cette étape ne s'identifie pas, comme les requérantes le soutiennent, à l'appréciation, ab initio, du caractère dissuasif de l'amende en tant que telle. Comme il ressort du point précédent, cette considération doit guider la Commission tout au long du calcul de l'amende.

226 En deuxième lieu, il convient d'écarter également l'argument selon lequel la Commission aurait procédé à une majoration de l'amende au titre de l'effet dissuasif in abstracto, sans tenir compte des considérations factuelles propres à l'entreprise contrevenante.

227 Cet argument manque en fait. En effet, la prise en compte de la taille de l'entreprise à laquelle appartenaient les requérantes, aux considérants 337 à 350 de la décision attaquée, et la majoration du montant de départ en résultant constituent précisément un élément destiné à adapter l'amende en fonction de facteurs propres à ladite entreprise (voir, en ce sens, arrêt Degussa/Commission, point 213 supra, point 362).

228 En troisième lieu, il convient d'aborder l'argument selon lequel la Commission aurait dû tenir compte des amendes précédemment payées par Arkema, en ce sens qu'elle aurait dû considérer que les trois précédentes amendes qui lui avaient été infligées pour des faits contemporains de l'entente en cause présentaient un caractère suffisamment dissuasif pour éviter qu'elle ne commette de nouvelles infractions à l'avenir et qu'il était donc inutile d'appliquer une majoration supplémentaire de l'amende au titre de l'effet dissuasif.

229 Tout d'abord, il convient de rappeler que la Commission pouvait légitimement infliger à Arkema quatre amendes distinctes, respectant chacune les limites fixées par l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, à condition qu'elle ait commis quatre infractions distinctes aux dispositions de l'article 81 CE (voir, en ce sens, arrêt Carbone-Lorraine/Commission, point 180 supra, point 56). Chacune de ces amendes devait reposer sur l'appréciation de la durée et de la gravité propre de l'infraction qu'elle sanctionnait.

230 Or, force est de constater que l'imposition d'une amende à Arkema pour diverses activités anticoncurrentielles visant d'autres produits n'affecte pas la réalité de l'infraction commise en l'espèce (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T-101-05 et T-111-05, Rec. p. II-4949, point 52). Il faut souligner, à cet égard, que la solution préconisée par les requérantes empêcherait la Commission de fixer une amende donnée en prenant en compte tous les éléments de nature à permettre l'appréciation de la gravité de l'infraction et, notamment, la nécessité d'assurer un niveau suffisamment dissuasif à cette amende, eu égard à la taille et à la puissance économique de l'entreprise concernée.

231 Par ailleurs, la solution préconisée par les requérantes est contraire à l'objectif de dissuasion poursuivi par la Commission concernant sa politique en matière d'amendes. Comme celle-ci l'a fait observer à juste titre, cette solution aboutirait à une situation paradoxale, dans laquelle une entreprise multipliant sa participation à diverses ententes verrait le coût marginal de chaque sanction diminuer progressivement.

232 En outre, il y a lieu de relever que l'argumentation des requérantes repose sur la prémisse selon laquelle la Commission aurait dû fixer le montant de l'amende en fonction de la probabilité qu'Arkema commette de nouvelles infractions à l'avenir, probabilité qu'elle aurait dû apprécier compte tenu du montant total des amendes infligées à cette entreprise durant un certain laps de temps. Or, une telle prémisse est incompatible avec la notion de dissuasion en droit de la concurrence.

233 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes aux entreprises qui, de propos délibéré ou par négligence, commettent une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, CE ou de l'article 82 CE constitue un des moyens attribués à la Commission en vue de lui permettre d'accomplir la mission de surveillance que lui confère le droit de l'Union. Cette mission comprend certainement la tâche d'instruire et de réprimer des infractions individuelles, mais elle comporte également le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, point 105, et arrêt SGL Carbon/Commission, point 222 supra, point 53).

234 Ainsi, les amendes infligées en raison de violations de l'article 81 CE et prévues à l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 ont pour objet de punir les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d'autres opérateurs économiques de violer, à l'avenir, les règles du droit de la concurrence de l'Union (arrêt Showa Denko/Commission, point 210 supra, point 16). Dès lors, le facteur de dissuasion est évalué en prenant en compte une multitude d'éléments, et non la seule situation particulière de l'entreprise concernée (arrêt Showa Denko/Commission, point 210 supra, point 23, et arrêt du Tribunal du 30 avril 2009, Nintendo et Nintendo of Europe/Commission, T-13-03, Rec. p. II-947, point 71). Aussi la Commission n'est-elle nullement tenue, lorsqu'elle apprécie la nécessité de majorer le montant des amendes aux fins de leur assurer un effet dissuasif, de procéder à une évaluation de la probabilité que les entreprises en cause récidivent (arrêt Nintendo et Nintendo of Europe/Commission, précité, point 72).

235 Par conséquent, cette étape du calcul de l'amende consiste à élever le montant de départ de l'amende compte tenu d'éléments objectifs, tels que la taille et la puissance économique de l'entreprise concernée, et non d'éléments subjectifs relatifs à l'appréciation de la probabilité de commettre une nouvelle infraction à l'avenir. Il s'ensuit que le fait que la Commission ait déjà procédé, dans le cadre des décisions invoquées par les requérantes, à des majorations à leur égard au titre de l'effet dissuasif et qu'elle ait augmenté progressivement les facteurs multiplicateurs appliqués est dénué de pertinence.

236 Enfin, il y a lieu de rejeter également l'argument tiré de ce que l'adoption par Arkema du programme de mise en conformité avec le droit de la concurrence attesterait de ce qu'elle était déjà suffisamment dissuadée de commettre de nouvelles infractions, dès lors que cet élément n'est pas pertinent, dans le contexte de la majoration de l'amende, pour tenir compte de la taille et de la puissance économique de l'entreprise concernée. En tout état de cause, il a déjà été jugé que la simple adoption, par une entreprise, d'un programme de mise en conformité avec les règles de concurrence ne saurait constituer une garantie valable et certaine du respect futur et durable par celle-ci desdites règles, de sorte qu'un tel programme ne saurait contraindre la Commission à une diminution de l'amende au motif que l'objectif de prévention que cette institution poursuit serait déjà au moins partiellement atteint (arrêt Degussa/Commission, point 213 supra, point 361 ; voir, également, arrêt BASF et UCB/Commission, point 230 supra, point 52).

237 Partant, la troisième branche du présent moyen doit être rejetée.

Sur le grief, soulevé lors de l'audience, tiré de ce que, au jour de l'adoption de la décision attaquée, les requérantes n'étaient plus contrôlées par Total et Elf Aquitaine

- Arguments des parties

238 Lors de l'audience, les requérantes ont soutenu que, en tout état de cause, la Commission ne pouvait majorer leur amende au titre de l'effet dissuasif pour tenir compte de la taille du groupe Total, dès lors qu'Arkema n'était plus contrôlée par ce groupe au moment de l'adoption de la décision attaquée. Or, des éléments nouveaux, qui ont été apportés par la Commission depuis la fin de la procédure écrite, suggéreraient que l'existence d'un tel contrôle au moment de l'adoption de la décision attaquée constituait une condition nécessaire pour appliquer à Arkema une majoration pour dissuasion, compte tenu de la taille du groupe Total.

239 Ces éléments nouveaux ressortiraient de la réponse de la Commission aux questions du Tribunal, posées dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure relatives à l'affaire T-206-06, portant sur la demande introduite par les sociétés-mères des requérantes à l'encontre de la décision attaquée. La Commission y aurait expliqué qu'elle n'avait pas appliqué de multiplicateurs de dissuasion à Arkema dans des décisions plus récentes [décision de la Commission C (2008) 2626 final, du 11 juin 2008, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/38.695 - Chlorate de sodium) (ci-après la " décision Chlorate de sodium ") et décision de la Commission C (2009) 8682 final, du 11 novembre 2009, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/38589 - Stabilisants thermiques) (ci-après la " décision Stabilisants thermiques ")], parce que Arkema ne faisait plus partie du groupe Total à la date de ces décisions.

240 Or, les requérantes soulignent que l'introduction en bourse d'Arkema date du 18 mai 2006 et que, à partir de cette date, soit presque deux semaines avant l'adoption de la décision attaquée, le 30 mai 2006, Arkema n'était plus contrôlée par Total.

241 Aux arguments de la Commission selon lesquels il s'agirait d'un moyen nouveau, irrecevable en application de l'article 48 du règlement de procédure du Tribunal, les requérantes répondent que leur argumentation est fondée sur des éléments qui ont été révélés après la clôture de la procédure écrite, à savoir la réponse de la Commission aux questions du Tribunal dans l'affaire T-206-06 et les décisions Chlorate de sodium et Stabilisants thermiques. En tout état de cause, les requérantes invitent le Tribunal à examiner d'office un éventuel défaut de motivation de la décision attaquée, dans la mesure où la Commission n'y indiquerait pas pour quelles raisons il aurait été nécessaire de procéder à la majoration de leur amende au titre de l'effet dissuasif en tenant compte de la taille du groupe Total, alors que, à la date de la décision attaquée, Arkema ne faisait plus partie de ce groupe.

242 Enfin, en réponse à une question du Tribunal en ce sens, les requérantes ont admis que, dans le cadre de la présente affaire, elles n'avaient pas spécifiquement informé la Commission du fait que, depuis le 18 mai 2006, elles n'étaient plus contrôlées par Total et Elf Aquitaine. Toutefois, elles ont soutenu que, lors de la procédure administrative, la Commission avait été tenue informée du processus d'introduction en bourse, qui s'est fait selon un calendrier préétabli. Elles notent, par ailleurs, que, en annexe au mémoire en défense, la Commission a produit un prospectus relatif à cette introduction en bourse, de sorte qu'elle ne saurait prétendre ne pas en avoir été informée.

243 La Commission fait valoir que le grief tiré de ce qu'Arkema ne faisait plus partie du groupe Total au moment de l'adoption de la décision attaquée est nouveau et devrait être rejeté comme étant irrecevable, en application de l'article 48 du règlement de procédure. À son avis, les requérantes ne sauraient prétendre que ce grief est fondé sur un élément nouveau, dans la mesure où, précisément, l'introduction en bourse d'Arkema serait antérieure à l'adoption de la décision attaquée, de sorte que ce grief aurait pu être soulevé dans la requête.

244 En tout état de cause, la Commission considère que ce grief doit être rejeté comme étant non fondé. Elle admet que, lorsqu'elle prend en compte les ressources globales d'une entreprise, celles-ci doivent être évaluées, afin d'atteindre correctement l'objectif de dissuasion, au jour où l'amende est infligée (arrêt Degussa/Commission, point 213 supra, point 285). Toutefois, selon la jurisprudence et conformément aux lignes directrices, dans la détermination du montant de l'amende, elle pourrait également tenir compte du fait que les entreprises de grande dimension disposent la plupart du temps de connaissances et d'infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence. Or, cet élément serait apprécié au moment de l'infraction (arrêt Degussa/Commission, point 213 supra, points 289 et 290). En particulier, lorsqu'il s'agit d'un groupe de sociétés constituant une unité économique, les filiales bénéficieraient du fait que leur société-mère dispose de telles ressources.

245 Tout en admettant que le critère des infrastructures juridico-économiques n'est pas explicitement mentionné dans la décision attaquée, la Commission insiste sur le fait qu'il figure dans les lignes directrices. Par conséquent, ce critère aurait été nécessairement appliqué par elle dans la décision attaquée. En tout état de cause, la Commission estime qu'il s'agit tout au plus d'un défaut de motivation sur ce point, que le Tribunal pourrait compléter d'office, en arrivant à la même conclusion en ce qui concerne le montant de l'amende.

246 Enfin, s'agissant des décisions Chlorate de sodium et Stabilisants thermiques, invoquées par les requérantes, la Commission souligne que ces décisions appliquent les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 1-2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les " nouvelles lignes directrices "), qui ne font plus référence au critère des infrastructures juridico-économiques. Cela expliquerait donc une approche différente dans ces décisions ultérieures.

- Appréciation du Tribunal

247 En premier lieu, il convient de rappeler que, dans leur requête, les requérantes ont formulé un moyen, divisé en trois branches, tiré de l'existence d'erreurs de droit et de fait dans la majoration du montant de départ de l'amende au titre de l'effet dissuasif, examiné ci-dessus. Par ailleurs, elles ont également indiqué le fait que, depuis son introduction en bourse le 18 mai 2006, Arkema est devenue une entité totalement indépendante du groupe Total, son capital n'étant plus contrôlé par celui-ci. Cependant, l'argumentation visant à contester la majoration du montant de départ de l'amende au titre de l'effet dissuasif, au motif spécifique que les requérantes n'étaient plus contrôlées par le groupe Total au moment de l'adoption de la décision attaquée, n'a pas été explicitement soulevée dans leurs écritures. Or, comme la Commission l'affirme à juste titre, cette argumentation est fondée, par hypothèse, sur un élément de fait antérieur à la requête et aurait donc pu être soulevée dès ce stade.

248 Toutefois, il n'est pas nécessaire d'examiner, en l'espèce, si cette argumentation constitue un moyen nouveau, irrecevable au titre de l'article 48 du règlement de procédure, ou, au contraire, seulement l'ampliation d'un moyen énoncé dans la requête introductive d'instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci, qui devrait alors être déclaré recevable au titre de cette disposition (voir, en ce sens, ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour du 13 novembre 2001, Dürbeck/Commission, C-430-00 P, Rec. p. I-8547, point 17 ; arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C-402-05 P et C-415-05 P, Rec. p. I-6351, point 278, et arrêt du Tribunal du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T-231-99, Rec. p. II-2085, point 156).

249 En effet, même si, dans leur réponse à la communication des griefs, les requérantes ont exposé explicitement qu' " une majoration du montant de l'amende [d'Arkema] au titre de l''effet dissuasif', pour tenir compte de la taille et des ressources du groupe Elf Aquitaine/Total, serait d'autant moins justifiée que l'entreprise va devenir une entité indépendante du groupe Total au printemps 2006, date prévue de son introduction en bourse ", comme elles l'ont admis lors de l'audience, elles n'ont pas informé la Commission du fait précis que, à partir du 18 mai 2006, elles n'étaient plus contrôlées par le groupe Total. Ainsi, la décision attaquée n'est entachée d'aucune illégalité sur ce point, dès lors que la Commission a pu se fonder sur les éléments factuels énoncés dans la communication des griefs, démontrant que les requérantes formaient une seule entreprise avec leurs sociétés-mères, éléments qui n'ont pas été expressément remis en cause par les intéressées.

250 Par conséquent, le grief soulevé à l'audience est, en tout état de cause, non fondé, dans la mesure où il vise à étayer la demande d'annulation partielle de la décision attaquée.

251 Néanmoins, il y a lieu de rappeler que les requérantes ont conclu, en l'espèce, sur le fondement de l'article 229 CE, à l'annulation ou à la réduction de l'amende qui leur a été infligée par la décision attaquée. De surcroît, elles ont spécifiquement demandé au Tribunal de " réduire substantiellement la majoration de l'amende infligée à Arkema au titre de l'effet dissuasif ". Ainsi, elles ont invité le Tribunal à exercer sa compétence de pleine juridiction, dont il dispose en vertu de l'article 31 du règlement n° 1-2003, en application de l'article 229 CE, et ce même spécifiquement en ce qui concerne la majoration de l'amende au titre de l'effet dissuasif.

252 Or, ainsi qu'il a déjà été jugé, ladite compétence de pleine juridiction habilite le juge à réformer l'acte attaqué, même en l'absence d'annulation, en tenant compte de toutes les circonstances de faits, afin de modifier, par exemple, le montant de l'amende infligée (arrêts de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P, C-247-99 P, C-250-99 P à C-252-99 P et C-254-99 P, Rec. p. I-8375, point 692 ; du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C-534-07 P, Rec. p. I-7415, point 86, et du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T-67-00, T-68-00, T-71-00 et T-78-00, Rec. p. II-2501, point 577).

253 Par conséquent, dans les circonstances de l'espèce, les dispositions de l'article 48 du règlement du procédure ne sauraient s'opposer à ce que le Tribunal prenne en considération, au titre de la pleine juridiction, l'argumentation soulevée par les requérantes lors de l'audience, afin d'examiner si la majoration au titre de l'effet dissuasif était justifiée au regard de l'élément factuel invoqué (voir, en ce sens et par analogie, s'agissant des conclusions présentées lors de l'audience, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 252 supra, points 575 et 578), étant donné par ailleurs que la Commission a eu la possibilité de présenter ses observations sur cette question (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C-197-09 RX-II, non encore publié au Recueil, points 40 à 42 et 57 à 58).

254 En deuxième lieu, il convient de relever que la Commission n'a pas contesté l'exactitude des affirmations des requérantes, selon lesquelles, à partir du 18 mai 2006, elles n'étaient plus contrôlées par Total et Elf Aquitaine. Comme indiqué ci-dessus, cet élément de fait figurait déjà dans la requête. Par ailleurs, il y a lieu de souligner que l'exactitude de cette affirmation est confirmée par la teneur de la décision Stabilisants thermiques, discutée lors de l'audience, et produite ultérieurement par les requérantes (voir point 26 ci-dessus). En effet, aux termes de cette décision, " [d]epuis le 18 mai 2006, Arkema France ne fait plus partie du groupe Total/Elf Aquitaine " (considérant 27) et " n'appartien[t] plus à la même entreprise qu'Elf Aquitaine [...] " (considérant 740).

255 En outre, à la demande du Tribunal (voir point 26 ci-dessus), les requérantes ont produit des éléments de preuve visant à étayer leurs affirmations. La Commission n'a pas contesté ces éléments de preuve et elle a admis explicitement, en réponse à la question du Tribunal que, à partir du 18 mai 2006, les requérantes ne faisaient pas partie de la même entreprise que Total et Elf Aquitaine.

256 Il y a donc lieu de constater que, au jour de l'adoption de la décision attaquée, les requérantes ne faisaient plus partie de la même entreprise que Total et Elf Aquitaine.

257 En troisième lieu, il convient d'examiner l'incidence éventuelle de cette constatation sur le montant de l'amende au paiement duquel les requérantes sont tenues en vertu de la décision attaquée.

258 À cet égard, il convient de rappeler que la nécessité d'assurer un effet dissuasif suffisant à l'amende, lorsqu'elle ne motive pas l'élévation du niveau général des amendes dans le cadre de la mise en œuvre d'une politique de concurrence, exige que le montant de l'amende soit modulé afin de tenir compte de l'impact recherché sur l'entreprise à laquelle elle est infligée, et ce afin que l'amende ne soit pas rendue négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l'entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d'une part, de la nécessité d'assurer l'effectivité de l'amende et, d'autre part, du respect du principe de proportionnalité (arrêts Degussa/Commission, point 213 supra, point 283, et Hoechst/Commission, point 213 supra, point 379). Par conséquent, c'est notamment la possibilité pour l'entreprise concernée de mobiliser plus facilement les fonds nécessaires pour le paiement de son amende qui peut justifier, en vue d'un effet dissuasif suffisant de cette dernière, l'application d'un multiplicateur (voir, en ce sens, arrêts Showa Denko/Commission, point 210 supra, point 18 ; Degussa/Commission, point 258 supra, point 284, et Hoechst/Commission, point 213 supra, point 379 ; voir également les points 210 à 213 ci-dessus).

259 Ainsi, la prise en considération de la taille et des ressources globales de l'entreprise en cause afin d'assurer un effet dissuasif suffisant à l'amende réside dans l'impact recherché sur ladite entreprise, la sanction ne devant pas être négligeable au regard, notamment, de la capacité financière de celle-ci (arrêt de la Cour du 17 juin 2010, Lafarge/ Commission, C-413-08 P, non encore publié au Recueil, point 104).

260 C'est donc pour cette raison qu'il a été jugé que l'objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre lors de la fixation du montant d'une amende ne peut être valablement atteint qu'en considération de la situation de l'entreprise au jour où l'amende est infligée (arrêt Degussa/Commission, point 213 supra, point 278). Ainsi, les ressources globales d'une entreprise, qui peuvent varier, en diminuant ou en augmentant, de manière significative en un laps de temps relativement bref, en particulier entre la cessation de l'infraction et l'adoption de la décision infligeant l'amende, doivent donc être évaluées, afin d'atteindre correctement l'objectif de dissuasion, et ce dans le respect du principe de proportionnalité, au jour où l'amende est infligée (voir, en ce sens, arrêt Degussa/Commission, point 213 supra, points 285 et 288).

261 Par ailleurs, ces considérations ne sont pas contestées par la Commission. Cependant, elle soutient que, dans le cadre de la détermination du montant de l'amende, elle peut également tenir compte du fait que les entreprises de grande dimension disposent, la plupart du temps, de connaissances et d'infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence, élément qui s'apprécierait au moment de l'infraction.

262 À cet égard, il convient de rappeler que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments, tels que les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 178 supra, point 241, et la jurisprudence citée).

263 En outre, s'il est loisible à la Commission, en vue de la détermination du montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif, de tenir compte du chiffre d'affaires de l'entreprise en cause, lequel constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique, il ne faut pas pour autant attribuer à ce chiffre une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d'appréciation et, par conséquent, la fixation d'une amende appropriée ne saurait être le résultat d'un simple calcul arithmétique basé sur le chiffre d'affaires (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Musique Diffusion française e.a./Commission, point 233 supra, point 121 ; Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 178 supra, point 243, et Evonik Degussa/Commission et Conseil, point 211 supra, point 120).

264 Ainsi, comme la Commission le soutient à juste titre, elle peut notamment tenir compte, dans la détermination du montant de l'amende, du fait que les entreprises de grande dimension disposent la plupart du temps de connaissances et d'infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence (voir également, en ce sens, arrêt Evonik Degussa/Commission et Conseil, point 211 supra, point 121), comme le prévoit d'ailleurs le point 1 A, cinquième alinéa, des lignes directrices.

265 La prise en compte de cet élément vise à punir davantage les grandes entreprises, dont il est présumé qu'elles jouissent des connaissances et de moyens structurels suffisants, leur permettant d'avoir conscience du caractère infractionnel de leur comportement et d'en évaluer les bénéfices éventuels. Par conséquent, dans cette hypothèse, le chiffre d'affaires sur la base duquel la Commission apprécie la taille des entreprises en cause, et donc leur capacité à déterminer le caractère et les conséquences de leur comportement, doit se rapporter à leur situation au moment de l'infraction et non au moment de l'adoption de la décision attaquée (arrêt Degussa/Commission, point 213 supra, points 289 et 290).

266 Toutefois, en l'espèce, il ne ressort aucunement de la décision attaquée que les considérations relatives aux infrastructures juridico-économiques aient contribué à la détermination du facteur multiplicateur 3, appliqué à l'amende imposée aux requérantes.

267 Il convient de souligner, en effet, que cet élément n'est pas mentionné aux considérants 337 à 350 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission motive l'application du facteur multiplicateur. En revanche, la Commission énonce clairement qu'il y a lieu de fixer le montant des amendes " à un niveau garantissant qu'elles auront un effet dissuasif suffisant compte tenu de la taille et de la puissance économique de chaque entreprise " (considérant 337 de la décision attaquée) et qu'il convient d'appliquer un facteur multiplicateur " pour fixer l'amende à un niveau qui lui garantisse un effet dissuasif suffisant " (considérant 349 de la décision attaquée). De même, au considérant 346 de la décision attaquée, la Commission indique que " le traitement différencié est fondé sur le chiffre d'affaires de chacun des participants au marché faisant l'objet d'une entente, ce qui donne une juste indication de leur poids respectif pendant l'infraction, alors que le facteur multiplicateur est [fond]é sur le chiffre d'affaires total de l'entreprise qui reflète la nécessité de porter l'amende à un niveau lui assurant un caractère dissuasif ".

268 Force est donc de constater que la justification du facteur multiplicateur repose clairement sur les considérations énoncées aux points 258 à 260 ci-dessus, à savoir, en substance, sur l'impact recherché des amendes sur les entreprises concernées.

269 Par ailleurs, cette conclusion est confirmée par le fait que les facteurs multiplicateurs appliqués aux entreprises concernées sont fondés sur leurs chiffres d'affaires totaux en 2005, soit le dernier exercice précédant la décision attaquée, et ce indépendamment de la date de fin de leurs périodes infractionnelles respectives. Ainsi, par exemple, dans le cas d'ICI, qui s'est vu appliquer le facteur multiplicateur de 1,5, plus de cinq ans séparent la fin de la période infractionnelle (le 1er novembre 1999 selon la décision attaquée) de l'exercice 2005. En revanche, la partie analysée de la décision attaquée ne contient pas d'indications relatives à la taille de ces entreprises lors de leurs périodes infractionnelles respectives. En outre, il est rappelé que Total, dont le chiffre d'affaires est pris en compte pour l'application du facteur multiplicateur, n'a pris le contrôle du groupe qu'en avril 2000, alors que la période infractionnelle des requérantes va du 23 janvier 1997 au 12 septembre 2002.

270 La présente espèce se différencie donc nettement de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Degussa/Commission, point 213 supra, invoqué par la Commission lors de l'audience. En effet, dans la décision qui était en cause dans cette affaire, la Commission a explicitement évoqué l'élément relatif aux infrastructures juridico-économiques (arrêt Degussa/Commission, point 213 supra, notamment point 275). Au demeurant, il ressort de cet arrêt que la nécessité de tenir compte du fait que les grandes entreprises disposent d'infrastructures juridico-économiques constitue, dans le cadre de la majoration de l'amende, un motif distinct de celui relatif à la nécessité d'assurer un effet dissuasif suffisant de l'amende, et qui poursuit des objectifs différents (arrêt Degussa/Commission, point 213 supra, notamment points 277, 278 et 289). Ainsi, il ne saurait être soutenu qu'il sous-tend nécessairement le raisonnement de la Commission dans la décision attaquée.

271 De même, il convient de rejeter l'argument de la Commission selon lequel elle a nécessairement tenu compte de l'élément relatif aux infrastructures juridico-économiques, dès lors qu'il est prévu par les lignes directrices. Il suffit de relever, à cet égard, que le point 1 A, cinquième alinéa, des lignes directrices ne prévoit pas la prise en compte systématique de cet élément, mais seulement la faculté pour la Commission de le faire (" De manière générale, il pourra également être tenu compte du fait [...] "). Ainsi, cet élément n'étant pas retenu de manière impérative, la Commission n'est pas obligée d'en tenir compte dans tous les cas (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T-26-02, Rec. p. II-713, point 49).

272 Il s'ensuit que la taille et la puissance économique des requérantes devaient être appréciées, aux fins de l'application du facteur multiplicateur, au jour de la décision attaquée, compte tenu du chiffre d'affaires global d'Arkema. En particulier, dans la mesure où, ainsi qu'il vient d'être constaté, la prise en considération de ces éléments résidait, en l'espèce, dans l'impact recherché de l'amende sur l'entreprise concernée, et que l'unité économique qui liait Arkema à Total a été rompue avant la date d'adoption de la décision attaquée, les ressources de cette dernière société ne pouvaient être prises en compte pour la détermination du facteur multiplicateur applicable à Arkema (voir, en ce sens et par analogie, s'agissant du plafond de 10 %, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T-71-03, T-74-03, T-87-03 et T-91-03, non publié au Recueil, point 390).

273 Par ailleurs, compte tenu des considérations exposées au point 260 ci-dessus, cette conclusion n'est pas remise en cause par le fait que ladite unité économique a été rompue seulement quelques jours avant l'adoption de la décision attaquée.

274 De même, quand bien même l'erreur que constitue la prise en compte du chiffre d'affaires de Total pour la détermination du coefficient multiplicateur serait imputable aux requérantes (voir point 249 ci-dessus), cette circonstance ne saurait justifier le maintien du montant de l'amende qui leur a été infligée, dans la mesure où il est issu de la prise en considération d'un élément de fait matériellement inexact (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Aristrain/Commission, T-156-94, Rec. p. II-645, point 586, et du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T-322-01, Rec. p. II-3137, point 293).

275 Au demeurant, sans que le Tribunal puisse tenir compte de la réponse de la Commission à ses questions dans l'affaire T-206-06, qui ne fait pas partie du dossier dans la présente espèce, il convient de souligner que cette façon de procéder ressort de la pratique décisionnelle de la Commission discutée à l'audience (voir décisions Chlorate de sodium et Stabilisants thermiques). Par exemple, dans la décision Stabilisants thermiques, la Commission a énoncé que le " facteur multiplicateur [fondé sur le chiffre d'affaires mondial d'Elf Aquitaine] ne d[eva]it pas être appliqué pour Arkema France et CECA SA en raison du fait qu'elles n'appart[enaie]nt plus à la même entreprise qu'Elf Aquitaine " (voir considérant 740 de cette décision). L'argument tiré de ce que ces décisions appliquaient les nouvelles lignes directrices et que celles-ci ne prévoient pas explicitement le critère relatif aux infrastructures juridico-économiques n'est pas pertinent, dès lors que ce critère n'a pas non plus été appliqué en l'espèce, ainsi qu'il vient d'être souligné. Par ailleurs, la même approche ressort également de la décision Peroxyde d'hydrogène et perborate, contemporaine de la décision attaquée et appliquant les mêmes lignes directrices, décision que la Commission elle-même a invoquée lors de l'audience à titre de comparaison avec la décision attaquée, s'agissant du niveau des amendes (voir, s'agissant d'un autre groupe de sociétés, considérants 31 et 463 de la décision Peroxyde d'hydrogène et perborate).

276 La conclusion figurant au point 272 ci-dessus n'est pas remise en cause par le fait que, en vertu de la décision attaquée, la responsabilité d'Arkema pour le paiement de l'amende, dans la mesure où elle repose sur l'application du coefficient multiplicateur de 3 en fonction du chiffre d'affaires du groupe Total, est solidairement partagée avec ses anciennes sociétés-mères. En effet, il n'en reste pas moins que l'article 2, sous b), de la décision attaquée confère à la Commission une pleine liberté quant au recouvrement de l'amende auprès de l'une ou de l'autre des personnes juridiques concernées, à concurrence des montants qui y sont énoncés. Ainsi, la Commission pourrait décider de recouvrer l'entièreté de l'amende auprès des requérantes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, Trioplast Industrier/Commission, T-40-06, non encore publié au Recueil, point 165).

277 Or, il ressort de la décision attaquée que la Commission elle-même considérait que le facteur multiplicateur de 3 ne serait pas adéquat par rapport au chiffre d'affaires d'Arkema seule (environ 5,7 milliards d'euro en 2005, selon le considérant 14 de la décision attaquée). En effet, à la note en bas de page n° 233, relative au considérant 349 de la décision attaquée, la Commission énonce que, " [e]n ce qui concerne Arkema, Altuglas et Altumax [...], un facteur multiplicateur séparé de 1,25 sera appliqué à leur montant de départ de 65 millions d'euro, à partir duquel on pourra calculer la majoration de 55 % pour la durée avant la majoration de 50 % au titre de la récidive [...] " Il est rappelé, à cet égard, que la Commission n'a pas considéré Total et Elf Aquitaine comme des récidivistes (considérant 369 de la décision attaquée) et qu'elle a donc fait appel à un facteur multiplicateur " hypothétique " de 1,25, afin de s'assurer que la majoration au titre de la récidive s'appliquerait seulement aux éléments de calcul de l'amende propres à Arkema et à ses filiales.

278 Au demeurant, il convient de relever qu'ICI et Degussa, avec des chiffres d'affaires respectivement de plus de 8 milliards d'euro et de plus de 11 milliards d'euro en 2005, se sont vu appliquer, respectivement, un facteur multiplicateur de 1,5 et de 1,75 (voir considérant 349 de la décision attaquée). Dans ces conditions, le facteur multiplicateur de 3 à l'égard d'Arkema se justifiait seulement par le fait que, d'après les informations sur lesquelles la Commission s'est fondée dans la décision attaquée, Arkema faisait partie du groupe Total, qui avait un chiffre d'affaires de loin supérieur aux autres entreprises concernées, et qu'elle pouvait donc compter sur ses ressources au jour où l'amende a été infligée. Dès lors qu'il apparaît désormais que cette condition n'est pas remplie, le facteur multiplicateur de 3 est excessif, par rapport aux facteurs appliqués à l'égard des autres destinataires de la décision attaquée.

279 Or, il convient de rappeler que, pour fixer des amendes en vertu de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, la Commission est tenue de respecter les principes généraux du droit, tout particulièrement les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité, tels que développés par la jurisprudence de la Cour et du Tribunal (arrêt Degussa/Commission, point 213 supra, point 77).

280 Par conséquent, le Tribunal estime, dans les circonstances de l'espèce, que le facteur multiplicateur de 3 n'est pas justifié en ce qui concerne les requérantes. Les conséquences de cette analyse pour la détermination du montant de l'amende dont les requérantes sont tenues pour responsables seront examinées ci-après.

Sur le sixième moyen, tiré des erreurs de droit commises par la Commission dans la majoration de l'amende au titre de la récidive

281 Ce moyen se subdivise en deux branches.

Sur la première branche, tirée d'une violation des principes de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique

282 Dans la requête, les requérantes ont fait valoir que, en se fondant sur des condamnations datant de 1984, de 1986 et de 1994, portant sur des faits remontant à plus de 20 ans, voire près de 30 ans avant l'adoption de la décision attaquée, la Commission a violé les principes de légalité des délits et des peines et de sécurité juridique. L'approche de la Commission signifierait, en effet, qu'une entreprise qui a déjà été condamnée resterait sous la menace perpétuelle d'une application des règles relatives à la récidive.

283 Toutefois, dans leur réplique, les requérantes ont fait observer qu'elles avaient pris connaissance de l'arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission (C-3-06 P, Rec. p. I-1331), prononcé postérieurement au dépôt de la requête, et qu'elles n'estimaient " pas utile, au vu de cet arrêt, de revenir sur les arguments " susvisés. Interrogées en ce sens dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure et lors de l'audience, les requérantes ont confirmé qu'elles se désistaient de la présente branche du sixième moyen, tout en maintenant l'argumentation développée dans le cadre de la seconde branche dudit moyen, tirée d'une violation du principe non bis in idem et du principe de proportionnalité.

284 Compte tenu de ce désistement, il n'y a plus lieu d'examiner la première branche du sixième moyen.

Sur la seconde branche, tirée d'une violation du principe non bis in idem et du principe de proportionnalité

- Arguments des parties

285 Les requérantes font observer que, pour justifier la majoration de l'amende au titre de la récidive, la Commission s'est fondée, dans la décision attaquée, sur des condamnations antérieures, qui avaient déjà justifié l'application d'une majoration de l'amende d'Arkema au titre de la récidive dans les décisions Peroxydes organiques, AMCA et Peroxyde d'hydrogène et perborate. Ce faisant, la Commission aurait condamné Arkema quatre fois pour la même infraction et aurait donc violé le principe non bis in idem.

286 Les requérantes rappellent, à cet égard, que la récidive s'applique lorsqu'une personne, après avoir été condamnée définitivement pour une première infraction, en commet une nouvelle dans les conditions définies par la loi et, le plus souvent, dans un délai déterminé. La récidive constituerait donc une mise à l'épreuve dès la première condamnation. Cependant, selon les requérantes, cette mise à l'épreuve ne saurait être perpétuelle et perdurer au-delà de la deuxième condamnation. Selon les requérantes, si le condamné commet une troisième infraction en dépit de l'aggravation de sa sanction du fait de son état de récidiviste, une nouvelle aggravation de la sanction ne pourrait être retenue au titre de la récidive que sur le fondement de la deuxième infraction. À leur avis, toute autre interprétation reviendrait à aggraver deux fois la sanction pour une seule et même infraction.

287 Par conséquent, les requérantes considèrent que, en l'espèce, la Commission aurait dû considérer que les condamnations datant de 1984, de 1986, de 1988 et de 1994 avaient déjà été prises en compte aux fins de la détermination de l'amende dans la décision Peroxydes organiques, de sorte que l'état de récidiviste d'Arkema ne pouvait plus être invoqué dans les affaires suivantes sur la base de ces condamnations. En revanche, selon les requérantes, la Commission aurait pu retenir l'état de récidiviste d'Arkema sur le fondement éventuel des décisions Peroxydes organiques, AMCA ou Peroxyde d'hydrogène et perborate. Elles soutiennent, toutefois, que, dès lors que la période de l'infraction visée dans la décision attaquée était antérieure aux décisions de condamnation adoptées dans ces trois affaires, la récidive n'était pas applicable au cas d'espèce.

288 Par ailleurs, à l'argument de la Commission selon lequel l'application de la circonstance aggravante de récidive était justifiée par la nécessité d'assurer un effet dissuasif aux amendes, les requérantes répliquent que la Commission avait déjà pris en compte cette considération en augmentant le montant de départ de l'amende d'Arkema du fait de son appartenance à un grand groupe. Elles estiment ainsi que, en augmentant à deux reprises le montant de l'amende pour le même motif, la Commission a violé à nouveau le principe non bis in idem.

289 En outre, en appliquant une majoration de l'amende au titre de la récidive sur la base des mêmes condamnations dans quatre affaires différentes, la Commission aurait également violé le principe de proportionnalité. Selon les requérantes, l'objectif de dissuasion auquel répond la majoration d'amende était suffisamment assuré par l'augmentation de 50 % appliquée dans la décision Peroxydes organiques et, a fortiori, par les nouvelles aggravations de 50 % appliquées dans les décisions AMCA, en 2005, et Peroxyde d'hydrogène et perborate, en 2006. Elles soutiennent qu'il n'était donc pas nécessaire d'imposer à nouveau une majoration similaire dans la décision attaquée, et ce d'autant plus que les faits à l'origine des quatre décisions sont contemporains, de sorte qu'Arkema n'avait pas la possibilité d'adapter son comportement pour tenir compte des trois précédentes condamnations de 2003, de 2005 et de 2006.

290 Dans leur réplique, les requérantes soulignent que, dans la mesure où la majoration de l'amende d'Arkema au titre de la récidive serait fondée sur les décisions Peroxydes organiques, AMCA et Peroxyde d'hydrogène et perborate, comme cela ressortirait des arguments de la Commission, cette majoration serait manifestement contraire au principe de proportionnalité. En effet, une telle majoration serait inutile et disproportionnée lorsque les infractions donnant lieu à plusieurs décisions sont contemporaines, de telle sorte que l'entreprise n'était pas en mesure d'adapter son comportement pour tenir compte des précédentes condamnations.

291 La Commission conteste cette argumentation.

- Appréciation du Tribunal

292 Il convient de relever que le principe non bis in idem, principe fondamental du droit de l'Union, consacré par ailleurs par l'article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1), interdit, en matière de concurrence, qu'une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d'un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n'est plus susceptible de recours (voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 252 supra, point 59). L'application du principe non bis in idem est soumise à une triple condition d'identité des faits, d'unité de contrevenant et d'unité de l'intérêt juridique protégé (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, C-213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. p. I-123, point 338).

293 Force est de constater que ce principe n'est nullement violé par le fait que la décision attaquée est fondée sur des condamnations antérieures qui avaient déjà justifié l'application d'une majoration de l'amende d'Arkema au titre de la récidive dans les décisions Peroxydes organiques, AMCA et Peroxyde d'hydrogène et perborate. En effet, le fait que la Commission a, dans quatre décisions, fondé le constat d'une récidive sur les mêmes condamnations antérieures ne signifie nullement que la Commission a " condamné Arkema quatre fois pour la même infraction ", comme les requérantes le prétendent.

294 Il est rappelé, à cet égard, qu'une éventuelle récidive figure parmi les éléments à prendre en considération lors de l'analyse de la gravité de l'infraction en cause (arrêt Groupe Danone/Commission, point 283 supra, point 26). La prise en compte de la récidive vise à inciter les entreprises qui ont manifesté une propension à s'affranchir des règles de la concurrence à modifier leur comportement. La Commission peut, dès lors, dans chaque cas, prendre en considération les indices tendant à confirmer une telle propension, y compris, par exemple, le temps qui s'est écoulé entre les infractions en cause (arrêt Groupe Danone/Commission, point 283 supra, point 39).

295 Or, en commettant chacune des infractions invoquées par les requérantes, Arkema a récidivé, ce qui justifie la prise en compte de cet élément dans le cadre de l'analyse de la gravité de chacune de ces infractions. En particulier, chacune desdites infractions constituait, l'une indépendamment de l'autre, une répétition du comportement infractionnel aux règles de la concurrence, tel que constaté dans le cadre des décisions de 1984, de 1986 et de 1994, témoignant d'une propension d'Arkema à ne pas tirer les conséquences appropriées de ces condamnations (voir, en ce sens, arrêt Groupe Danone/Commission, point 283 supra, point 40).

296 Par conséquent, la prise en considération de l'élément lié à la récidive dans le cadre des affaires invoquées par les requérantes se rapportait nécessairement à l'analyse de la gravité de chacune des infractions concernées. Ainsi, contrairement à ce que les requérantes allèguent, la Commission a condamné Arkema pour quatre infractions distinctes et la condition relative à l'identité des faits (voir point 292 ci-dessus) n'est manifestement pas remplie en l'espèce.

297 Par ailleurs, la solution préconisée par les requérantes aboutirait à ce que la Commission ne soit pas autorisée à tenir compte de la récidive, dans le cadre d'une décision donnée, au seul motif que l'entreprise concernée aurait commis parallèlement d'autres infractions au droit de la concurrence. Une telle solution serait contraire à l'objectif poursuivi par la prise en considération de la récidive dans le cadre de la détermination de l'amende.

298 En outre, il y a lieu de rejeter également l'argument selon lequel la Commission aurait violé le principe non bis in idem en justifiant l'application de la circonstance aggravante de récidive par la nécessité d'assurer un effet dissuasif aux amendes, alors que cette considération avait déjà été prise en compte. En effet, la Commission n'a fait que retenir, aux fins du calcul du montant de l'amende, un ensemble de considérations factuelles considérées comme pertinentes aux fins de la fixation de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif et n'a nullement condamné les requérantes deux fois pour la même infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407, point 358). Il faut rappeler, à cet égard, que l'exigence d'assurer la dissuasion constitue une exigence générale devant guider la Commission tout au long du calcul de l'amende (arrêt Carbone-Lorraine/Commission, point 180 supra, point 131).

299 En tout état de cause, il convient de souligner que la prise en considération de chacun de ces critères d'évaluation de la gravité de l'infraction relève de motifs distincts. Ainsi, la prise en compte du chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée trouve sa justification dans la nécessité de fixer l'amende à un niveau qui soit suffisamment dissuasif au regard de sa taille et de sa puissance économique. Quant à la prise en compte de la récidive, elle se justifie par le besoin de dissuasion supplémentaire dont témoigne le fait que trois constats d'infraction antérieurs n'ont pas suffi à empêcher la réitération d'une quatrième infraction (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, point 298 supra, point 358).

300 Quant au grief tiré de ce que la Commission aurait violé le principe de proportionnalité, les requérantes semblent soutenir que celle-ci aurait dû tenir compte de l'effet dissuasif qu'ont eu sur la requérante les majorations effectuées dans les décisions Peroxydes organiques, AMCA et Peroxyde d'hydrogène et perborate. Or, il convient de rappeler que, pour les raisons exposées aux points 228 à 235 ci-dessus, dans sa recherche de l'effet dissuasif de l'amende, la Commission n'est pas obligée de tenir compte des amendes qu'elle a infligées à la même entreprise dans le cadre d'autres affaires. Cette conclusion est également valable pour ce qui concerne les majorations effectuées au titre de la récidive. En particulier, il serait contraire à l'objectif de dissuasion de ne pas tenir compte du fait que l'entreprise en cause a récidivé, au seul motif que, parallèlement à l'infraction litigieuse, elle était également engagée dans d'autres comportements infractionnels, lesquels ont, eux aussi, été sanctionnés par la Commission.

301 Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, le taux de majoration de 50 % n'est pas disproportionné par rapport à cet objectif.

302 Enfin, contrairement à ce que les requérantes suggèrent (voir point 290 ci-dessus), il ressort clairement des considérants 358 et 369 de la décision attaquée que le constat de récidive n'a pas été fondé, en l'espèce, sur les décisions Peroxydes organiques, AMCA et Peroxyde d'hydrogène et perborate.

303 Partant, la seconde branche du sixième moyen, seule restant en litige, doit être rejetée.

Sur le septième moyen, tiré d'une erreur de fait en ce que la Commission n'aurait pas accordé aux requérantes une réduction de l'amende au titre de la " non-application effective " de certaines pratiques incriminées par Arkema

Arguments des parties

304 Les requérantes relèvent qu'Arkema a démontré, au cours de la procédure administrative, qu'elle n'avait appliqué que de manière partielle certains accords litigieux, comme la Commission l'aurait d'ailleurs reconnu elle-même dans la décision attaquée. Elles estiment, par conséquent, que, conformément aux lignes directrices et à la jurisprudence, la Commission aurait dû tenir compte de cette circonstance atténuante lors de la détermination du montant de l'amende. Elles demandent donc au Tribunal de réduire substantiellement le montant de l'amende, afin de tenir compte de la " non-application effective " par Arkema de certaines pratiques incriminées.

305 À cet égard, les requérantes relèvent que, à plusieurs reprises, Degussa s'est plainte du non-respect par Arkema des accords sur les hausses de prix convenues entre producteurs, ainsi qu'en attesterait la description de plusieurs réunions dans la décision attaquée (considérants 123, 128 et 133 de cette dernière).

306 Les requérantes soulignent également que, selon la pratique décisionnelle de la Commission, une réduction de l'amende peut être accordée au motif de la non-application partielle des accords infractionnels. Elles estiment, par conséquent, que, contrairement à ce que la Commission affirme dans le mémoire en défense, le simple fait qu'une entreprise ait appliqué seulement certaines pratiques incriminées n'est pas en soi de nature à exclure le bénéfice de circonstances atténuantes.

307 La Commission conteste cette argumentation.

Appréciation du Tribunal

308 Ainsi qu'il ressort de la jurisprudence, ce qui importe aux fins de l'octroi du bénéfice de la circonstance atténuante relative à la non-application effective des accords infractionnels, c'est de vérifier si les circonstances avancées sont de nature à établir que, pendant la période au cours de laquelle l'entreprise concernée a adhéré auxdits accords, elle s'est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, qu'elle a clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre cette entente, au point d'avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci (arrêts du Tribunal Daiichi Pharmaceutical/Commission, point 271 supra, point 113, et Carbone-Lorraine/Commission, point 180 supra, point 196).

309 Ainsi, en l'espèce, contrairement à ce que la Commission soutient dans ses écritures, la circonstance que les requérantes admettent une application partielle de certains accords litigieux ne suffit pas, à elle seule, à justifier le refus de leur accorder le bénéfice de la circonstance atténuante invoquée (voir, en ce sens, arrêts Daiichi Pharmaceutical/Commission, point 308 supra, points 102 et 116, et Carbone-Lorraine/Commission, point 180 supra, points 197 et 223). En effet, il importe de vérifier encore si les requérantes ont démontré qu'elles avaient clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre l'entente en cause, au point d'avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci.

310 Il y a lieu de rappeler que, dans leur requête, les requérantes fondent leurs prétentions sur trois circonstances précises, qui visent à démontrer que Degussa s'est plainte à plusieurs reprises du non-respect par Arkema des accords sur les hausses de prix convenues entre producteurs.

311 Premièrement, elles relèvent que, au considérant 123 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la réunion qui s'était tenue au cours de l'été 1999 avait pour objectif de " redonner confiance à Degussa dans la fiabilité du comportement sur le marché d'[Arkema] et d'ICI, qui avait été mise à mal dans le passé lorsque les objectifs de prix n'avaient pas été mis en application, ou en partie uniquement " par ces deux entreprises.

312 Deuxièmement, les requérantes invoquent le considérant 128 de la décision attaquée, dans lequel la Commission a constaté que la réunion en date du 24 février 2000, concernant les composants de moulage, avait été convoquée par Degussa en réponse au comportement d'Arkema à l'égard de certains clients du secteur automobile. La Commission précise que, lors de cette réunion, " [Degussa] a reproché indirectement à [Arkema] de ne pas avoir respecté la hausse dans le domaine automobile ".

313 Troisièmement, les requérantes s'appuient sur le libellé du considérant 129 de la décision attaquée, où il est fait référence à une réunion du 27 juin 2000, concernant les composants de moulage, faisant suite à la conclusion par Arkema d'un contrat de fourniture de long terme avec le principal client du marché, à un niveau de prix inférieur aux objectifs de prix qui avaient été convenus entre concurrents lors de la réunion de Dublin (Irlande), au mois d'octobre 1999. La Commission y constate que " le fait qu'Arkema se soit abstenue délibérément d'appliquer les objectifs de prix a été considéré comme une grave rupture de confiance par Degussa ". De même, au considérant 133 de la décision attaquée, la Commission a également fait référence au " conflit important " ayant opposé Degussa et Arkema lors de cette réunion.

314 Force est toutefois de juger que la seule invocation de ces passages de la décision attaquée ne suffit pas à démontrer que les conditions rappelées au point 308 ci-dessus sont remplies.

315 Tout d'abord, il convient de souligner que les passages susvisés concernent tous des réunions relatives aux composants de moulage à base de PMMA, c'est-à-dire seulement l'un des trois produits faisant l'objet de l'infraction unique mise en cause par la Commission dans la décision attaquée. Or, les requérantes n'ont produit aucun élément objectif qui permettrait au Tribunal d'apprécier l'incidence du non-respect des accords concernant ce produit sur le fonctionnement de la totalité de l'entente en cause. Au demeurant, ainsi qu'il ressort du considérant 5 de la décision attaquée, les composants de moulage en PMMA constituent seulement 36 % du total du marché du PMMA, en termes de ventilation du méthacrylate de méthyle entre les trois produits en PMMA.

316 Ensuite, s'agissant plus particulièrement de l'affirmation figurant au considérant 123 de la décision attaquée, selon laquelle " dans le passé [...], les objectifs de prix n'avaient pas été mis en application, ou en partie uniquement " par Arkema et ICI, force est de constater que les requérantes n'apportent aucun élément qui permettrait d'en saisir la portée concrète, tant en substance qu'en durée.

317 D'une part, il convient de souligner qu'il ressort du considérant 123 de la décision attaquée que les objectifs de prix ont été mis en application partiellement. Or, les requérantes ne précisent pas quelle était l'ampleur de cette " non-application partielle ". En particulier, elles n'allèguent pas qu'elle ait atteint un niveau tel que le fonctionnement même de l'entente en cause en aurait été perturbé. Par ailleurs, il ressort de la décision attaquée que, lors de cette même réunion, les participants ont bien mis en œuvre un des volets de l'entente en cause, concernant l'échange d'informations commercialement sensibles (voir la dernière phrase du considérant 123 de la décision attaquée ainsi que le considérant 117 de cette dernière, auquel il est renvoyé).

318 D'autre part, les requérantes ne précisent pas de quelle période il s'agissait. Or, alors que la réunion en question a eu lieu au cours de l'été 1999, l'infraction a débuté le 23 janvier 1997 (voir considérant 109 de la décision attaquée). Entre-temps, Arkema a participé à plusieurs réunions anticoncurrentielles, dont la description dans la décision attaquée ne fait pas état de perturbations, en particulier s'agissant du fonctionnement de l'entente en cause (voir considérants 111 à 119 de la décision attaquée).

319 Quant aux arguments des requérantes tirés des considérants 128, 129 et 133 de la décision attaquée, ceux-ci reposent en substance sur un contrat de fourniture de long terme, conclu à un niveau de prix inférieur aux objectifs de prix qui avaient été convenus entre concurrents lors de la réunion de Dublin, qui s'était tenue au mois d'octobre 1999. Même si la Commission qualifie cette entreprise de " gros client " (considérant 129 de la décision attaquée) et qu'elle mentionne qu'il s'agit de " 5 000 T/an " (note en bas de page n° 131 de la décision attaquée), les requérantes n'apportent aucun élément concret qui permettrait d'apprécier l'importance de ce contrat au regard de la coopération entre les participants de l'entente en cause dans le domaine des composants de moulage à base de PMMA ni, a fortiori, dans le cadre de l'infraction unique portant sur les trois produits en PMMA.

320 Par ailleurs, il convient de souligner qu'il s'agit d'un contrat signé au cours du premier semestre de l'année 2000 (voir considérants 128 et 129 de la décision attaquée) et ne respectant pas des hausses de prix décidées seulement en octobre 1999, alors qu'Arkema a participé à l'entente du 23 janvier 1997 au 12 septembre 2002. De même, il convient de souligner que, même si la décision attaquée évoque un " conflit important " (considérant 133) et une " grave rupture de confiance " (considérant 129), il apparaît clairement que la coopération entre Atofina et les autres participants s'est poursuivie nonobstant ce conflit (voir en particulier les considérants 131 et 134 de la décision attaquée) et concernait même, lors de la réunion du 9 février 2001, un échange d'informations sur les prix concernant ce même client (voir considérant 131 de la décision attaquée, à propos de la réunion du 9 février 2001).

321 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que les circonstances avancées par les requérantes établissent, tout au plus, certaines déficiences dans l'efficacité de l'entente en cause s'agissant des composants de moulage à base de PMMA et un cas de non-application à un client, par Arkema, des objectifs de prix convenus dans le domaine de ce produit. Par ailleurs, la Commission a elle-même reconnu qu'il y avait eu des périodes durant lesquelles les participants de l'entente en cause se sont écartés des accords conclus (voir considérant 329 de la décision attaquée) et que certaines décisions n'ont pas été totalement exécutées (considérant 379 de cette dernière). Cependant, compte tenu du fait que l'infraction en cause constitue, selon la décision attaquée, une infraction unique concernant trois produits, que cette infraction a duré du 23 janvier 1997 au 12 septembre 2002 et qu'elle comportait plusieurs volets, y compris un échange d'informations confidentielles sur les marchés et sur les entreprises (voir considérant 3 de la décision attaquée), ces circonstances ne sont pas suffisantes pour satisfaire aux conditions mentionnées au point 308 ci-dessus. Par ailleurs, les requérantes n'allèguent même pas avoir enfreint les obligations visant à mettre en œuvre l'entente en cause au point d'avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci, comme la jurisprudence l'exige.

322 Il convient donc de conclure, d'une part, que c'est à bon droit que la Commission n'a pas retenu la circonstance atténuante relative à la non-application effective des accords infractionnels et, d'autre part, que la réduction du montant de l'amende à ce titre n'est pas non plus justifiée dans le cadre de la compétence de pleine juridiction du Tribunal.

323 Partant, il y a lieu de rejeter le présent moyen ainsi que la demande de réduction de l'amende formulée à ce titre par les requérantes.

Sur le huitième moyen, tiré des erreurs de droit et de fait constituées par le refus de la Commission d'accorder aux requérantes une réduction de l'amende au titre d' " autres facteurs "

Arguments des parties

324 Les requérantes relèvent que, dans sa réponse à la communication des griefs, Arkema a demandé à bénéficier d'une réduction de l'amende susceptible de lui être infligée au titre d' " autres facteurs ", au sens des lignes directrices, pour tenir compte des amendes importantes qui lui avaient été récemment imposées par la Commission. En refusant d'accorder cette réduction au motif qu'Arkema n'avait " invoqué aucun argument tendant à indiquer qu'elle se trouvait dans une situation très difficile " (considérant 396 de la décision attaquée), la Commission aurait commis des erreurs de droit et de fait.

325 Les requérantes relèvent que, dans deux décisions récentes, la Commission a réduit le montant final de l'amende, au titre du point 5, sous b), des lignes directrices, au motif que l'entreprise en cause avait déjà été condamnée, peu de temps auparavant, au paiement d'amendes substantielles. Il s'agirait de la décision C (2002) 5083 final de la Commission, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d'application de l'article [81 CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/E-2/37.667 - Graphites spéciaux) (ci-après la " décision Graphites spéciaux "), et de la décision C (2003) 4457 de la Commission, du 3 décembre 2003, relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité [CE] et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/38.359 - Produits à base de carbone et de graphite pour applications électriques et mécaniques) (ci-après la " décision Produits à base de carbone et de graphite "). Selon les requérantes, si, dans chacune de ces décisions, la Commission a semblé indiquer que la réduction était fondée également sur la situation financière de l'entreprise concernée, la réduction de l'amende ne pouvait résulter, en réalité, que de la prise en compte de la condamnation récente à des amendes importantes.

326 En effet, il ressortirait de ces mêmes décisions que la Commission a estimé que la prise en compte de la situation financière d'une entreprise pour réduire le montant de son amende reviendrait à conférer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins bien adaptées aux conditions du marché et pourrait aboutir à une discrimination à l'égard des autres entreprises visées par la procédure. Dès lors, les requérantes considèrent que la Commission n'était pas fondée à invoquer la situation financière de l'entreprise concernée, y compris conjointement avec d'autres facteurs, pour lui accorder une réduction de l'amende.

327 Les requérantes avancent qu'Arkema s'est récemment vu imposer par la Commission des amendes conséquentes, d'un montant total d'environ 180 millions d'euro, au titre de sa participation à des activités collusoires, qui se sont déroulées, au moins partiellement, de manière simultanée avec les pratiques sanctionnées dans la décision attaquée. Il s'agirait des décisions Peroxydes organiques, AMCA et Peroxyde d'hydrogène et perborate.

328 Compte tenu de ces condamnations, les requérantes considèrent qu'il n'était pas nécessaire de leur infliger la totalité du montant final de l'amende (soit 219,13125 millions d'euro) pour assurer une dissuasion effective. À leur avis, la Commission aurait donc dû en tenir compte au titre d'" autres facteurs ". Par conséquent, elles demandent au Tribunal de réduire le montant de leur amende afin de tenir compte des amendes récemment payées par Arkema.

329 La Commission conteste cette argumentation.

Appréciation du Tribunal

330 Tout d'abord, il convient de rappeler que la pratique décisionnelle de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence. En effet, la Commission dispose dans le domaine de la fixation du montant des amendes d'un large pouvoir d'appréciation et n'est pas liée par les appréciations qu'elle a portées antérieurement (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T-329-01, Rec. p. II-3255, points 108 à 110, et la jurisprudence citée). Ainsi, la simple invocation par les requérantes des décisions Graphites spéciaux et Produits à base de carbone et de graphite est en soi inopérante, dans la mesure où la Commission n'était pas tenue d'apprécier de la même manière la présente affaire (voir, en ce sens, arrêt Archer Daniels Midland/Commission, précité, point 111).

331 Par ailleurs, il convient de constater que, dans ces deux décisions, la Commission a réduit le montant de l'amende infligée à la société en cause dans cette affaire en raison de ses graves difficultés financières combinées, respectivement, à une, puis à deux condamnations récentes de celle-ci au paiement d'amendes pour des infractions commises simultanément au droit de la concurrence. Or, les requérantes n'allèguent pas qu'elles se trouvaient dans une situation comparable à cette société, en particulier sur le plan de la santé financière (voir considérants 556 à 559 de la décision Graphites spéciaux et considérant 360 de la décision Produits à base de carbone et de graphite).

332 Quant à l'argument selon lequel la réduction du montant de l'amende ne pouvait être fondée que sur les condamnations récentes de cette entreprise, parce que la Commission n'était pas fondée, au regard de la jurisprudence et selon les propres termes de ces décisions, à prendre en compte, seule ou avec d'autres éléments, la situation financière de l'entreprise concernée, il y a lieu de souligner qu'il se heurte aux propres termes de ces décisions. Par ailleurs, il y a lieu de renvoyer, sur ce point, à l'arrêt Carbone-Lorraine/Commission, point 180 supra (points 311 à 317), dans lequel le même argument, soulevé par l'un des destinataires de la décision Produits à base de carbone et de graphite, avait été rejeté.

333 Par conséquent, la Commission n'a commis aucune erreur, au considérant 396 de la décision attaquée, en rejetant l'argument des requérantes invoqué dans la section " Autres facteurs ", au motif qu'Arkema n'avait invoqué aucun argument tendant à indiquer qu'elle se trouvait dans une situation financière très difficile.

334 En outre, il n'y a pas lieu de procéder, dans l'exercice du pouvoir de pleine juridiction du Tribunal, à la réduction de l'amende demandée par les requérantes.

335 En effet, le seul fait que les requérantes ont été récemment condamnées à trois autres amendes, pour des infractions en partie simultanées, ne saurait justifier la réduction de l'amende infligée en l'espèce. Par ailleurs, si le fait d'avoir déjà été sanctionné justifiait la réduction d'une amende ultérieure, cela aboutirait à une situation paradoxale où une entreprise multipliant sa participation dans des ententes verrait le coût marginal de chaque sanction diminuer progressivement. Une telle situation serait manifestement contraire à l'objectif de dissuasion poursuivi par les amendes.

336 Or, les requérantes ne font valoir aucun élément de nature à démontrer que l'imposition de l'amende en l'espèce, combinée avec d'autres amendes récentes, les aurait placées dans une situation particulière. Par ailleurs, il convient de souligner que, à l'exception de l'amende infligée dans la décision Peroxydes organiques, la responsabilité d'Arkema pour le paiement de ces amendes est, en grande partie, solidairement partagée avec Elf Aquitaine et Total. En tout état de cause, le montant combiné des amendes infligées à Arkema en vertu de ces quatre décisions reste même en dessous du seuil de 10 % du chiffre d'affaires d'Arkema en 2005, indiqué au considérant 14 de la décision attaquée, qui est établi par le règlement n° 1-2003 pour une seule amende.

337 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent moyen ainsi que la demande de réduction de l'amende formulée à ce titre par les requérantes.

Conclusion

338 Il ressort de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité, à l'exception de la demande des requérantes visant à la réduction de la majoration de l'amende qui leur a été appliquée au titre de l'effet dissuasif.

339 Compte tenu des considérations qui précèdent (voir points 247 à 280 ci-dessus), le Tribunal estime qu'il convient, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, de réduire le montant de l'amende dont les requérantes sont tenues pour responsables, afin de tenir compte du fait que, au jour où l'amende leur a été infligée, elles n'étaient plus contrôlées par le groupe Total.

340 Afin de recalculer ce montant, le Tribunal estime approprié de suivre la méthodologie appliquée dans la décision attaquée, en remplaçant le facteur multiplicateur de 3 appliqué à l'égard des requérantes, au considérant 349 de la décision attaquée, par un facteur multiplicateur de 1,25. En effet, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment des majorations appliquées à l'égard des autres destinataires de la décision attaquée, le Tribunal considère qu'une telle majoration est adéquate pour assurer un effet dissuasif suffisant de l'amende infligée aux requérantes.

341 En particulier, il n'y a pas lieu d'accéder à la demande de la Commission formulée lors de l'audience, visant, en substance, à ce que le Tribunal tienne compte de l'élément relatif aux structures juridico-économiques de l'entreprise en question au moment de l'infraction pour maintenir le facteur multiplicateur de 3 appliqué aux requérantes.

342 Il convient de rappeler que l'exercice d'une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes qui leur sont infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C-291-98 P, Rec. p. I-9991, point 97, et du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C-407-04 P, Rec. p. I-829, point 152). Or, dans la mesure où cet élément n'a pas été pris en compte à l'égard des autres destinataires de la décision attaquée (voir points 266 à 271 ci-dessus), il ne serait pas justifié de majorer le montant de l'amende imputable aux requérantes à ce titre.

343 En tout état de cause, même s'il y avait lieu de tenir compte de cet élément dans la détermination du montant de l'amende, il ne saurait justifier l'application du facteur multiplicateur de 3 au titre de l'effet suffisamment dissuasif de l'amende à l'égard des requérantes. En effet, cela aboutirait à l'application aux requérantes du même facteur multiplicateur que celui qui est applicable à leurs anciennes sociétés-mères, alors qu'elles se trouvent dans une situation manifestement différente au regard des objectifs essentiels poursuivis par l'imposition d'une telle majoration (voir également, en ce sens, arrêt Degussa/Commission, point 213 supra, point 340).

344 Par ailleurs, il a été jugé qu'il n'y avait pas lieu de distinguer entre deux entreprises dont les chiffres d'affaires justifient en tout état de cause qu'elles soient qualifiées de grandes entreprises disposant de connaissances et d'infrastructures juridico-économiques leur permettant de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent (arrêt Degussa/Commission, point 213 supra, point 340). Or, en l'espèce, toutes les entreprises mentionnées au considérant 349 de la décision attaquée, ainsi d'ailleurs qu'Arkema au regard de son propre chiffre d'affaires, auraient pu être considérées comme de grandes entreprises, disposant d'infrastructures juridico-économiques leur permettant de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement (voir, en ce sens, arrêt Degussa/Commission, point 213 supra, point 294). Par conséquent, en l'espèce, compte tenu des facteurs multiplicateurs appliqués à d'autres entreprises (1,75 à Degussa, 1,5 à ICI et le facteur " hypothétique " de 1,25 à Arkema), le facteur multiplicateur de 3 se justifie seulement au regard du chiffre d'affaires très important de Total au jour où l'amende a été infligée.

345 S'agissant du nouveau calcul du montant de l'amende dont les requérantes sont tenues pour responsables, il convient de rappeler le libellé de l'article 2 de la décision attaquée, en vertu duquel " [l]es amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées à l'article 1er : [...] b) Arkema [...], Altuglas International [...] et Altumax Europe [...], conjointement et solidairement responsables : [219 131 250] euro, dont Total [...] est tenue responsable conjointement et solidairement pour 140,4 millions d'euro et dont Elf Aquitaine [...] est tenue responsable conjointement et solidairement pour 181,35 millions d'euro ".

346 Au regard de ce libellé, ainsi qu'aux motifs de la décision attaquée consacrés au calcul de l'amende, il convient de distinguer entre deux parties de l'amende.

347 En premier lieu, les requérantes ont été tenues solidairement pour responsables du paiement d'un montant de 37 781 250 euro, la responsabilité d'Elf Aquitaine et de Total ne portant pas sur ce montant.

348 Ainsi qu'il ressort de la décision attaquée, il s'agit du montant issu de la majoration au titre de la récidive, dont Elf Aquitaine et Total n'ont pas été tenues pour responsables, auquel la Commission a ensuite appliqué une réduction de 40 % au titre de la communication sur la coopération. Or, il y a lieu de rappeler que, afin de déterminer le montant de la majoration au titre de la récidive, la Commission s'est elle-même fondée sur un facteur " hypothétique " de 1,25 au titre de l'effet suffisamment dissuasif (voir note en bas de page n° 233, relative au considérant 349 de la décision attaquée). Ainsi, les considérations mentionnées aux points 247 à 280 ci-dessus n'ont pas d'incidence sur ce montant et, partant, ce montant de 37 781 250 euro pour lequel les requérantes sont responsables à l'exclusion de leurs anciennes sociétés-mères doit rester inchangé.

349 En second lieu, les requérantes ont été tenues solidairement pour responsables avec Elf Aquitaine du paiement d'un montant de 181,35 millions d'euro, dont Total a été tenue pour responsable solidairement à hauteur de 140,4 millions d'euro. Il s'agit donc du montant de l'amende qui ne résulte pas de la prise en compte de la récidive.

350 Ce montant de 181,35 millions d'euro résulte notamment de l'application du facteur multiplicateur de 3. L'application de ce facteur à l'égard des requérantes n'étant pas justifié, ce montant doit donc être recalculé en ce qui les concerne à partir du facteur multiplicateur de 1,25 et en suivant la méthodologie employée par la Commission dans la décision attaquée.

351 Par conséquent, la responsabilité solidaire des requérantes pour le paiement de cette partie de l'amende est ramenée à 75 562 500 euro.

352 Enfin, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, pour chaque entreprise participant à l'infraction, l'amende n'excède pas 10 % de son chiffre d'affaires total réalisé au cours de l'exercice social précédent. Selon la jurisprudence, ce n'est que s'il s'avère que plusieurs destinataires de la décision infligeant l'amende constituent l'entreprise, au sens de l'entité économique responsable de l'infraction sanctionnée, et ce encore à la date d'adoption de cette décision, que le plafond peut être calculé sur la base du chiffre d'affaires global de cette entreprise, c'est-à-dire de toutes ses composantes cumulées. En revanche, si cette unité économique a entre-temps été rompue, chaque destinataire de la décision a le droit de se voir appliquer individuellement le plafond en cause (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 272 supra, point 390).

353 Ainsi, il y a encore lieu de vérifier si le montant de l'amende au paiement duquel les requérantes sont tenues n'excède pas 10 % du chiffre d'affaires global d'Arkema en 2005. Les requérantes sont désormais tenues solidairement pour responsables du paiement de l'amende à concurrence de 113 343 750 euro (le montant de 37 781 250 euro visé au point 348 ci-dessus plus le montant de 75 562 500 euro visé au point 351 ci-dessus). Il convient donc de constater que ce montant n'excède pas 10 % du chiffre d'affaires d'Arkema en 2005, tel qu'il ressort du considérant 14 de la décision attaquée. Par ailleurs, il en est de même s'agissant du montant intermédiaire fixé avant l'application de la réduction au titre de la communication sur la coopération.

Sur les dépens

354 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, dudit règlement, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs de conclusions.

355 En l'espèce, il a été partiellement fait droit aux conclusions des requérantes. Cependant, dans la mesure où l'argumentation qui a conduit à la réduction du montant de l'amende a été soulevée seulement au stade de l'audience, alors qu'elle aurait pu l'être dans la requête (voir point 247 ci-dessus), il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1) Le montant de l'amende au paiement duquel Arkema SA (devenue Arkema France), Altuglas International SA et Altumax Europe SAS sont tenues solidairement, en vertu de l'article 2, sous b), de la décision C(2006) 2098 final de la Commission, du 31 mai 2006, relative à une procédure d'application de l'article 81 CE et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/F/38.645 - Méthacrylates), est ramené à 113 343 750 euro.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Arkema France, Altuglas International et Altumax Europe sont condamnées aux dépens.