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Décisions

CA Versailles, 5e ch. B, 4 décembre 2008, n° 07-04057

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Masson

Défendeur :

Reuters Financial Software (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Minini

Conseillers :

Mmes Rouaud-Folliard, Ollat

Avocats :

Mes de Saint Sernin, Fabiani, Durand

Cons. prud'h. Nanterre, sect. encadr., d…

21 septembre 2007

Exposé des faits et de la procédure,

La société Reuters Financial Software SA ci-après dénommée Reuters, développe et commercialise des progiciels financiers qu'elle crée ; elle applique la convention collective dite Syntec.

M. Le Masson a été engagé - par la société Effix devenue Reuters - en qualité d'ingénieur financier selon contrat de travail à durée indéterminée du 8 juin 1998. Il a été promu à compter du 1er juillet 2002 aux fonctions de chef de produit puis, à compter du 1er mai 2005, en qualité de directeur gestion des risques de crédit et de marché.

La rémunération mensuelle moyenne de M. Le Masson était de 10 694,30 euro sur les douze derniers mois de son activité.

Par requête postée le 22 mai 2006, M. Le Masson a saisi le Conseil de prud'hommes de Nanterre d'une demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par lettre du 8 septembre 2006, M. Le Masson a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux motifs :

- qu'il n'avait pas été cité une seule fois dans la note interne de la société se félicitant du projet DBS dont il avait la charge,

- qu'il était écarté de toutes les réunions d'orientation stratégique puisqu'il avait été informé la veille d'une réunion qui devait se tenir le lendemain 5 septembre alors que la société savait qu'il avait posé un jour de congé,

- la prime qui lui avait été promise pour juillet ne lui avait pas été versée en juillet ni août.

Par jugement du 21 septembre 2007, le Conseil de prud'hommes de Nanterre a débouté M. Le Masson de ses demandes sans faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. Le Masson a régulièrement relevé appel de cette décision.

Vu les écritures déposées et développées oralement à l'audience du 17 octobre 2008 par lesquelles M. Le Masson conclut à l'infirmation du jugement en faisant valoir qu'à compter de mai 2005, il a intégré, en tant que cadre dirigeant, le comité de direction de la société et participait aux comités de pilotage et aux business rewiews ;

Qu'il avait sous sa responsabilité 3 équipes de 27 collaborateurs (chefs de produits, équipe conception, équipe de développement) ; qu'il rapportait à M. Roussote ;

Qu'en octobre 2005 M. White a pris la tête de l'activité Trade et Risk management, faisant perdre un échelon à M. Roussote, lui-même devenant le N-2 (et non plus de N-1) ;

Qu'il n'était plus convié aux comités de pilotage ;

Qu'après le départ de M. Roussote en avril 2006, la société a annoncé une réorganisation au prétexte de l'acquisition de la société Application Network ;

Que les aspects développement et production lui ont été retirés pour être confiés à M. Rumfels à qui la majorité des équipes devait être rattachée, lui même ne couvrant plus que 3 personnes ;

Que lui a été proposé le poste d'exécutant de chef de produit qu'il avait occupé de 2002 à 2005 ;

Qu'il a informé la société de sa demande faite le 18 mai 2006 tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Que la société l'a alors rattaché à nouveau aux équipes conception et développement pour donner l'impression de rétablir la situation ;

Qu'il a tout de même été tenu à l'écart des circuits décisionnels et contraint de prendre acte de la rupture de son contrat de travail le 8 septembre 2006; que par mail du 19 mai 2006, il lui a été demandé de faire valider la stratégie d'évolution du produit par M. Simon, son nouveau supérieur nommé après l'acquisition de la société Application network, alors qu'auparavant il n'avait pas à recueillir l'aval de M. Roussote ;

Qu'il a ensuite appris que les équipes commerciales étaient poussées à privilégier, à la place de son produit, un produit de la société acquise alors que cela rendait caduque toute sa stratégie ;

Qu'il n'a pas été invité au comité de pilotage des 18 et 19 juillet 2006 et n'en a reçu aucun compte rendu ; que les réunions auxquelles il a été convié n'étaient pas décisionnelles ; qu'il n'a reçu qu'en septembre la prime reçue par les autres salariés en août 2006 ; qu'il a été écarté d'une réunion fixée le 5 septembre alors qu'il avait posé un jour de congé ; qu'il a donc été rétrogradé et ses fonctions vidées de leur substance ; que les modifications du contenu de ses fonctions ont constitué une modification de son contrat de travail alors que la réorganisation qui la sous-tendait n'était pas justifiée ; qu'il n'a retrouvé un emploi à la Société Générale qu'en décembre 2006 soit plus de six mois après sa demande en résiliation de contrat de travail et avait une ancienneté supérieure à deux années ; que son indemnité de licenciement devait être calculée sur la base de 0,25 mois par année ; qu'un accord de non-sollicitation avait été conclu entre les sociétés Reuters et Sophis qui l'a empêché de rejoindre M. Roussote qui avait intégré cette dernière ;

Que cette clause de non-sollicitation qui était sans contrepartie financière lui a causé un préjudice ;

Qu'ayant atteint ses objectifs, il aurait dû percevoir sa rémunération variable pour 2006 ;

Que la société lui oppose son départ alors que l'avenant du 17 juin 2002 ne soumet pas le versement de la prime à une obligation de présence et qu'il avait refusé de signer un avenant prévoyant cette exclusion et qu'il avait été contraint de prendre acte de la rupture de son contrat de travail à la suite de l'attitude de l'employeur.

M. Le Masson demande à la cour de dire que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Reuters à lui payer les sommes de :

* 22 725,38 euro à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 128 332 euro pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 110 100 euro à titre du préjudice subi du fait de la clause de non-sollicitation,

* 18 200 euro à titre de rappel de rémunération variable pour l'année 2006,

* 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Reuters répond que dans l'ensemble du groupe Reuters, l'activité Risk a été organisée sous forme de divisions regroupant les activités de Conseil, vente, support des produits ;

Qu'à la suite du projet d'acquisition de la société Application Network et du départ de M. Roussotte, en avril 2006, il a été envisagé de réorganiser cette division en opérant une scission nette entre les activités de gestion de produits et développement de produits afin de délimiter clairement les différentes sphères de responsabilités ;

Que jusqu'alors les responsables produits étaient chargés aussi bien de l'aspect conception que de l'aspect développement d'où des dysfonctionnements ;

Que la réorganisation mise en place en avril 2006 avait pour objectif de séparer les équipes;

Qu'elle prévoyait que M. Le Masson gère l'équipe de chefs de produits ;

Qu'il s'agissait d'un rôle stratégique avec une dimension internationale ;

Que M. Le Masson ne s'est pas opposé à cette réorganisation lors des réunions la présentant ;

Que la nouvelle organisation a été progressivement mise en œuvre à compter du 24 avril 2006 ;

Que par lettre du 25 avril, M. Le Masson a informé la direction de son hostilité à cette réorganisation ; qu'aucune discussion n'a réduit cette opposition ;

Que prenant acte de ce refus de M. Le Masson, elle a décidé de le maintenir dans ses fonctions de directeur de gestion des risques de crédit et de marché en lui restituant dès le 19 mai 2006 les équipes qui auraient dû être transférées au pôle développement couvert par M. Rumfels ;

Que la décision de M. Le Masson de saisir le conseil de prud'hommes l'a conduite à faire une mise au point écrite à ce salarié le 23 août 2006 dans les termes suivants "nous avons finalement décidé de modifier de façon substantielle notre projet en écornant le principe de séparation des équipes qui le sous-tendait ... vous restez donc responsable de nos produits phares ... tant en matière de conception et de développement que de management... Les équipes qui devaient initialement travailler sous la responsabilité de M. Rumfels ont été finalement maintenues sous votre responsabilité";

Que M. Le Masson a tout de même pris acte de la rupture de son contrat de travail le 8 septembre suivant ; que tant en mai 2006 - date de saisine du conseil de prud'hommes - qu'au 8 septembre 2006, M. Le Masson exerçait ses fonctions de directeur de gestion des risques crédit et marché ;

Qu'hormis la réorganisation écornée par le refus de M. Le Masson, le changement provenait de la seule intégration des salariés de la société Application Network dans l'organigramme après le 13 juin 2006 ;

Qu'une nouvelle ligne de reporting s'est intercalée entre M. Le Masson et M. White avec l'arrivée de Messieurs Simon et Van Hersten ; que cette modification du rang hiérarchique ne modifie pas en soi le contrat de travail ;

Que M. Le Masson s'offusque de n'avoir pas été nommé dans une note interne relative au projet DBS alors qu'il était impossible de remercier nominativement toutes les personnes ayant participé à cette réussite et qu'il a été décidé de n'en nommer aucune ;

Que la réunion d'information du 5 septembre 2006 avait pour objet de présenter à M. Simon qui venait d'intégrer la société d'un projet en cours ;

Que M. Le Masson avait été convié mais a préféré prendre le jour de congé qu'il avait posé ;

Qu'il n'était pas possible de reporter la date de cette réunion avec le client ; que la prime exceptionnelle de 10 262 euro qui devait lui être versée en août n'a pu l'être que le mois suivant suite à une difficulté de communication avec le service de paie ;

Que M. Le Masson n'a pas été évincé des instances décisionnelles et a continué à bénéficier des avantages attachés (véhicule de fonction et congés payés) à celles-ci ;

Que seule l'équipe de direction avait été conviée au comité de pilotage tenu les 18 et 19 juillet 2006, Messieurs Simon et Van Hersten étant présents pour l'aspect produit;

Que M. Le Masson a été invité aux réunions nécessitant sa présence (4 au 7 juillet, 14 septembre) ;

Qu'il est resté libre de définir sa politique de stratégie présentée lors de réunions produits ;

Qu'il était normal que M. Simon décide en matière de stratégie commerciale en qualité de supérieur hiérarchique de M. Le Masson ;

Qu'il n'a jamais été demandé aux commerciaux de privilégier un autre produit au détriment du sien ;

Qu'en réalité, M. Le Masson souhaitait rejoindre M. Roussote dans l'entreprise Sophis et le départ de ce dernier marque le commencement du changement d'attitude de M. Le Masson ;

Que M. Le Masson pouvait trouver du travail au sein de nombreuses autres sociétés ;

Que M. Le Masson a très vite retrouvé un emploi ;

Qu'il a perçu la somme due au titre de l'indemnité de licenciement (20 854 euro) ;

Que le contrat de travail de M. Le Masson indique expressément que le versement effectif de l'ensemble de la prime est subordonné au fait que le contrat de travail n'avait pas pris fin et que le salarié n'ait pas été en période de préavis ;

Qu'à la date de notification de la prime, il avait pris acte de la rupture de son contrat de travail ;

Que la notification individuelle des primes est intervenue en février 2007 alors qu'il avait quitté l'entreprise.

La société Reuters demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en une démission et débouté M. Le Masson de toutes ses demandes ; elle demande paiement de la somme de 3 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 17 octobre 2008.

Motifs de la décision,

Considérant que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit d'une démission dans le cas contraire ;

Que les griefs invoqués au fondement de cette prise d'acte doivent être établis et constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur ;

Que les juges ne sont pas liés par les griefs énoncés dans la seule lettre de licenciement ;

Considérant que la modification unilatérale du contrat de travail peut constituer un motif de prise d'acte de la rupture imputable à l'employeur ;

Considérant que M. Le Masson a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre datée du 8 septembre 2006 ;

Qu'aux termes de cette correspondance, il reproche à la société de n'avoir pas cité son nom dans le cadre d'une note interne relative au succès du projet DBS dont il avait la charge ;

Que cependant, la communication produite dont s'agit félicitait les équipes développement et management ayant contribué à ce succès et que l'intéressé dirigeait ;

Qu'y était rapportés les propos de M. White, supérieur hiérarchique de M. Le Masson ; que le nombre de collaborateurs ayant participé à l'opération ne permettait pas de les citer tous ;

Que ce reproche n'est pas fondé ;

Qu'ensuite, M. Le Masson fait grief à la société de l'avoir écarté de la réunion du 5 septembre fixée alors qu'il avait posé un congé à cette date pour accompagner son enfant à la rentrée scolaire ;

Que cependant, M. Le Masson a été convié à cette réunion selon mail produit et ne pouvait exiger le déplacement d'une réunion intéressant plusieurs personnes pour lui permettre d'y participer ;

Que le salarié fait état du défaut de paiement d'une prime annoncée pour le mois de juillet;

Qu'il résulte des courriels et bulletin de paie produits que cette prime annoncée en juillet devait être payée en août ;

Que son versement sur la paie de septembre ne constitue pas un manquement de l'employeur à ses obligations ;

Considérant que M. Le Masson fonde sa décision de rompre son contrat de travail sur son déclassement résultant de la création de deux échelons hiérarchiques intermédiaires suite à l'intégration de salariés de la société acquise Application Networks et de la perte de substance de ses fonctions confinées à l'exécution ;

Considérant que suivant avenant du 26 avril 2005 à effet du 1er mai 2005, M. Le Masson était promu aux fonctions de "directeur entreprise wide risk management" ;

Qu'il devenait membre du comité de direction et cadre dirigeant bénéficiant d'un véhicule de fonction ;

Qu'il est établi par les organigrammes, note interne et attestation (Hugon) que M. Le Masson qui rapportait à M. Roussotte, avait la responsabilité de 3 équipes représentant 27 collaborateurs ;

Qu'à la fin de l'année 2005, M. White est venu chapeauter la division, reléguant ainsi Messieurs Roussotte et Le Masson aux niveaux N-1 et N-2 ;

Qu'après le départ de M. Roussotte - concomitant à l'acquisition de la société Application Networks et à l'intégration de certains de ses salariés - une nouvelle organisation a été exposée par note interne du 24 avril 2006 qui scindait les équipes : conception et développement (précédemment managées par M. Le Masson) sous la responsabilité de M. Rumfels et le product management qui relèvera à M. Le Masson ;

Que l'organigramme versé en pièce 26 confirme cette répartition transférant les équipes Hugon et Benito à M. Rumfels et laissant 3 collaborateurs à M. Le Masson ;

Que par courriel du 3 mai 2006, M. Rumfels a pris acte des responsabilités que lui conférait cette réorganisation ;

Que parallèlement, s'intercalaient entre Messieurs White et le Masson deux niveaux intercalaires (Messieurs Van Hesten et Simon) ;

Que l'absence de protestation immédiate de M. Le Masson est indifférente puisque justifiée par son interrogation légitime au fur et à mesure des changements annoncés ; qu'en tout état de cause, M. Le Masson a exprimé son opposition dès le 25 avril 2006 avant d'informer son employeur le 18 mai 2006 de la saisine du conseil de prud'hommes aux fins de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail ;

Qu'il résulte tant du mail d'Éric Rumfels du 19 mai 2006 que de l'organigramme daté du13 juin suivant que la scission annoncée le 24 avril et mise en place le 3 mai était abandonnée au profit de M. Le Masson qui recouvrait la responsabilité des deux équipes "transférées" temporairement à l'autorité de M. Rumfels ;

Que la lettre du 23 août 2006 de l'employeur a entendu confirmer à M. Le Masson son rétablissement intégral dans ses fonctions reçues en mai 2005 ;

Considérant qu'à la date de la prise d'acte par M. Le Masson de la rupture de son contrat de travail, ce salarié avait recouvré - au moins officiellement - la responsabilité des trois équipes de la division ;

Qu'il convient d'examiner l'effectivité de ce revirement au regard de la réalité des pouvoirs concédés à l'intéressé et de l'ajout de deux niveaux hiérarchiques intermédiaires ;

Considérant qu'il ne revenait pas à M. Le Masson de juger du bien-fondé de la réorganisation consécutive à l'acquisition de la société Application Networks marquant le pouvoir de direction de l'employeur ;

Que M. Le Masson avait à nouveau, dès juin 2006, recouvré le lien hiérarchique avec ses 27 collaborateurs ; que ses feuilles de paie ont continué à indiquer le bénéfice de sa voiture de fonction accordé aux termes de l'avenant de mai 2005 ;

Considérant cependant, que le rapport hiérarchique de M. Le Masson avec la direction de la société a été distendu après la création de deux échelons intermédiaires (Messieurs Van Hestern et Simon) le rétrogradant de N-1 à N-3 ;

Que l'éloignement de la sphère dirigeante s'est accompagné de son éviction de la réunion du comité de pilotage tenue les 17 et 18 juin 2006 à Londres ;

Que la société explique cette absence par la seule présence de l'équipe dirigeante en infraction avec le statut de cadre dirigeant de M. Le Masson ;

Que les réunions auxquelles il a par ailleurs été convié ne relevaient pas de la sphère décisionnelle ;

Que M. Le Masson n'apparaît pas sur l'organigramme édité en septembre 2006 alors que M. Waltinger - au même niveau hiérarchique sur l'organigramme de juin - est indiqué sur celui de septembre ;

Que l'attitude de l'employeur est confirmée par l'attestation de M. Hugon faisant état de la mise à l'écart de l'intéressé des réunions stratégiques ;

Qu'il apparaît ainsi que le revirement officiellement opéré en mai et juin 2006 par la société en réponse à la saisine initiale du conseil de prud'hommes (et qui confirmait le bien-fondé de celle-ci) n'a pas été conforté dans les faits, M. Le Masson ayant été écarté de la sphère dirigeante ;

Que cette situation constituait de la part de l'employeur une modification unilatérale du contrat de travail de l'appelant et justifiait sa prise d'acte ;

Que celle ci produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant que M. Le Masson avait une ancienneté supérieure à deux années et doit percevoir des dommages et intérêts à hauteur minimale des six derniers mois de salaire étant précisé qu'il a commencé un nouvel emploi dès le mois de décembre 2006 ;

Que compte tenu de son ancienneté et de son âge, la société devra lui verser la somme de 70 000 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Considérant que M. Le Masson demande paiement de la somme de 22 725,38 euro à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Qu'au regard des dispositions de l'article 19 de la convention collective dite Syntec, l'indemnité de licenciement est calculée sur la base de 0,25 de mois (salaire mensuel moyen des douze derniers mois primes incluses) par année d'ancienneté dès lors que cette dernière est comprise entre 2 et 20 ans ;

Qu'au regard de l'attestation Assedic, M. Le Masson a perçu une rémunération globale de 128 331,83 euro soit une rémunération moyenne de 10 694,30 euro sur les 12 derniers mois ;

Que la société devra lui verser la somme de 22 725,38 euro de ce chef ;

Considérant que M. Le Masson demande paiement de la somme de 18 200 euro au titre de la rémunération variable de l'année 2006 ;

Que cependant, le contrat de travail prévoit que "le versement effectif de l'ensemble de la prime est subordonné au fait que le contrat de travail n'ait pas pris fin ou que le salarié ne soit pas en période de préavis lors de la date de notification individuelle du montant de la prime" ;

Que les deux avenants n'ont pas modifié cette clause ;

Que M. Le Masson ne prouve pas l'usage dans l'entreprise d'un paiement au prorata ;

Qu'il ne prouve pas que la notification de cette prime a été antérieure à sa période de préavis voire à son départ de la société ;

Qu'il sera débouté de ce chef ;

Considérant que M. Le Masson sollicite l'indemnisation du préjudice résultant des effets de la clause de non-sollicitation liant les sociétés Reuters et Sophis ;

Que la réalité de cette clause, non contestée par la société, est établie par le mail émanant de M. White en date du 17 octobre 2006 évoquant l'impossibilité pour M. Le Masson de rejoindre l'autre société jusqu'au mois de février 2008 ;

Que la liberté de travailler du salarié a été amputée sans contrepartie alors que son ancien supérieur hiérarchique (M. Roussotte) avait rejoint la société Sophis ;

Que M. Le Masson a subi un préjudice qui sera réparé par le paiement de dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euro ;

Considérant que la société sera condamnée à payer à M. Le Masson la somme globale de 3 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile (1re instance et appel confondus) ;

Considérant que la société qui succombe supportera les dépens.

Par ces motifs, La COUR, statuant publiquement et par décision contradictoire, Infirme le jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre du 21 septembre 2007 et statuant à nouveau : Dit que la rupture du contrat de travail de M. Le Masson produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Condamne la société Reuters Financial Software à payer à M. Le Masson les sommes suivantes : * 70 000 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 22 725,38 euro à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, * 15 000 euro à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la clause de non-sollicitation ; Déboute les parties des autres demandes ; Condamne la société à payer à M. Le Masson la somme globale de 3 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne la société aux dépens.