Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 6 ch. 2, 28 octobre 2010, n° 10-02370

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Kasic

Défendeur :

Capitalys Conseil (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Taillandier

Conseillers :

Mmes Bezio, Cantat

Avocats :

Mes Gessat, Lhomme, Biais, Matthess-Mauriac

Cons. prud'h. Paris, du 1er févr. 2010

1 février 2010

Statuant sur le contredit formé par Sena Kasic à l'encontre d'un jugement rendu le 1er février 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris (départage) qui a dit que le Conseil de prud'hommes n'était pas compétent pour connaître du litige l'opposant à la société Capitalys Conseil et a dit le Tribunal de commerce de Bordeaux compétent ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 17 septembre 2010 de Sena Kasic qui demande à la cour de dire le conseil de prud'hommes compétent et évoquant l'affaire de condamner la société Capitalys Conseil à lui payer les sommes de :

- 8 225,32 euro à titre de rappel de salaire,

- 822,53 euro à titre de congés payés afférents,

- 4 800 euro à titre de commissions,

- 1 308,91 euro à titre d'indemnité de préavis,

- 130,89 euro à titre de congés payés afférents,

- 7 860 euro à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 1 308,91 euro à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

- 7 860 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

et d'ordonner à la société défenderesse de lui remettre une attestation Assedic, un certificat de travail, des bulletins de paie sous astreinte de 50 euro par jour de retard et par document ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 17 septembre 2010 de la société Capitalys Conseil qui demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Mademoiselle Kasic de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Sur ce, LA COUR :

Considérant que la demanderesse au contredit soutient qu'elle a conclu avec la société défenderesse, le 10 décembre 2007 un contrat d'agent mandataire aux termes duquel il lui était confié le mandat de procéder à la recherche d'acheteurs potentiels pour les produits qu'elle commercialise moyennant la perception de commissions et qu'elle a mis fin à cette relation contractuelle par lettre en date du 20 mai 2008 ; qu'elle soutient que son contrat doit être requalifié en contrat de travail dès lors qu'elle ne disposait d'aucune autonomie dans l'organisation et l'exécution de ses activités, qu'elle devait effectuer des comptes rendus de tous ses rendez-vous qui étaient pris par une plate-forme téléphonique de la société, qu'elle était tenue à des horaires et à des réunions hebdomadaires et mensuelles, qu'elle était soumise à des contrôles permanents, son manager l'accompagnant systématiquement aux rendez-vous importants et n'était pas informée des suites des dossiers qu'elle avait traités; qu'elle pouvait, également, subir des sanctions, dans la mesure où la société Capitalys Conseil pouvait la priver de tout rendez-vous pris par la plate-forme téléphonique ;

Considérant que la société défenderesse s'oppose à la demande de requalification de la relation existante entre la demanderesse et elle-même et soutient que Sena Kasic qui était inscrite de qualité d'agent commercial, avait le statut de travailleur indépendant, n'étant soumise à aucun lien de subordination et disposant de toute liberté dans l'organisation et l'exécution de son travail ;

Considérant qu'en application de l'article L. 8221-6 du Code du travail, il appartient à la demanderesse, immatriculée au registre du commerce en qualité d'agent commercial, de rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail la liant à la société Capitalys Conseil ;

Que le contrat de travail se caractérise par la fourniture d'un travail, une rémunération et un lien de subordination ;

Qu'en l'espèce, si l'existence d'un travail et d'une rémunération est établie, il appartient à la demanderesse de justifier qu'elle était placée sous la subordination de la société défenderesse ; que le lien de subordination se caractérise par l'accomplissement d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements éventuels du salarié ;

Considérant qu'au soutien de ses prétentions, la demanderesse invoque le fait qu'elle était tenue de rendre compte à son manager de chacun de ses rendez-vous, immédiatement après la tenue de ceux-ci et que celui-ci l'accompagnait systématiquement lors des rendez-vous importants ; que cependant, force est de constater que l'obligation de prendre contact téléphoniquement avec le responsable de l'équipe dont faisait partie la demanderesse ne résulte d'aucun document interne à l'entreprise et n'est matériellement pas prouvée, la production d'un listing téléphonique attestant de communications entre l'agent commercial et le responsable de l'équipe ne permettant pas de conclure à une telle obligation ; que d'autre part, s'il est établi et reconnu que ce responsable accompagnait fréquemment les agents commerciaux aux rendez-vous de signature, rien n'indique que cette présence avait pour but de surveiller et de contrôler le travail de celui-ci ;

Considérant d'autre part, que l'assistance d'une plate-forme téléphonique ne peut être considérée comme une contrainte pour la demanderesse qui avait la possibilité de rechercher en toute indépendance des clients potentiels (ce qu'elle revendique) et qui ne rapporte pas la preuve qu'elle était tenue d'honorer les rendez-vous qui lui étaient fixés ; que de même, elle ne justifie pas avoir été tenue à des horaires de travail ni à une présence au sein de l'entreprise, l'attestation de Monsieur Pignot précisant que des horaires lui étaient imposés pour des séances de "phoning" ou de "training" et qu'il s'agissait d' "un régime commun pour tous les agents présents aux dates indiquées : S. Kasic et moi-même inclus" étant bien trop générale et imprécise pour démontrer concrètement qu'elles étaient les obligations exactes de la demanderesse ;

Considérant, par ailleurs, que l'obligation de rendre compte de son activité apparaît légitime dans le cadre d'un mandat d'agent mandataire, de même que la participation à des réunions d'information destinées à faire le bilan des activités de l'ensemble d'une équipe ;

Qu'enfin, il n'est justifié d'aucune sanction expressément prévue à l'encontre de la demanderesse, la fourniture de rendez-vous grâce à la plate-forme téléphonique n'étant qu'une facilité accordée aux agents et ayant, au surplus, un caractère facultatif pour la société défenderesse ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle était placée sous la subordination de la société Capitalys Conseil ; qu'il convient, en conséquence, de rejeter le contredit ;

Considérant que les circonstances de l'espèce ne conduisent pas à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que les frais du contredit seront à la charge de la demanderesse qui succombe en ses prétentions ;

Par ces motifs, Rejette le contredit, Dit le Tribunal de commerce de Bordeaux compétent, Renvoie la cause et les parties devant cette juridiction et dit que le dossier sera transmis par le greffe de la cour d'appel, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Met les frais du contredit à la charge de Sena Kasic.