CA Paris, Pôle 6 ch. 2, 7 octobre 2010, n° 10-01868
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Hamdani
Défendeur :
Jade Conseil Paris Est (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Taillandier
Conseillers :
Mmes Bezio, Cantat
Avocats :
Mes d'Alançon, Charrière, Lezy
Statuant sur le contredit de compétence formé par Monsieur Abderrahim Hamdani à l'encontre d'un jugement du Conseil de prud'hommes de Créteil rendu le 5 janvier 2010 qui s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Créteil pour connaître du litige l'opposant à la SARL Jade Conseil Paris Est ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 30 juin 2010, de Monsieur Abderrahim Hamdani qui demande à la cour de :
- dire le contredit recevable,
- infirmer le jugement,
- dire que le litige relève de la compétence du conseil de prud'hommes,
- condamner la SARL Jade Conseil Paris Est au paiement de la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- à titre subsidiaire, si la cour reconnaissait la compétence prud'homale et évoquait le litige, condamner la SARL Jade Conseil Paris Est :
- au paiement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les créances de nature salariale et du prononcé de la décision pour les autres sommes : 30 802,68 euro à titre d'indemnité de préavis, 3 080,26 euro au titre des congés payés y afférents, 61 605,38 euro à titre de garantie forfaitaire pour travail dissimulé, 120 000 euro à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 16 330,01 euro à titre de rappel de congés payés pour 2007, 9 563,16 euro à titre de rappel de congés payés pour 2006, 10 206,31 euro à titre de 13e mois pour 2007, 7 969,30 euro à titre de 13e mois pour 2006 et 20 000 euro de challenge voiture,
- à la remise du certificat de travail, de l'attestation Assedic et des bulletins de paye sous astreinte de 50 euro par jour ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 30 juin 2010, de la SARL Jade Conseil Paris Est qui demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- constater l'incompétence du conseil de prud'hommes au profit du Tribunal de commerce de Créteil,
- débouter Monsieur Abderrahim Hamdani de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement d'une amende civile au Trésor Public de 1 500 euro au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile et de la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- à titre subsidiaire, de condamner Monsieur Abderrahim Hamdani au versement de la somme de 38 826,43 euro au titre des cotisations sociales 2006/2007;
Sur ce, LA COUR
Considérant que Monsieur Abderrahim Hamdani a signé, le 30 août 2005, un contrat d'agent commercial avec la société Veolia Paris, société ayant notamment pour objet la commercialisation de produits immobiliers et d'assurances, les transactions immobilières et mobilières, le courtage d'assurances, le placement et la gestion des contrats d'assurance ; que la société est devenue la SARL Jade Conseil Paris Est ;
Considérant que Monsieur Abderrahim Hamdani a saisi le Conseil de prud'hommes de Créteil, le 4 juillet 2008, afin d'obtenir la requalification de son contrat en contrat de travail, alors que les relations contractuelles entre les parties avaient cessé ;
Considérant que la SARL Jade Conseil Paris Est a soulevé, in limine litis, l'incompétence de la juridiction prud'homale ;
Que le conseil de prud'hommes, par jugement du 5 janvier 2010, s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Créteil, au motif que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail ;
Que Monsieur Abderrahim Hamdani a formé un contredit de compétence ;
Motivation de la décision
Sur la qualification des relations contractuelles :
Considérant que Monsieur Abderrahim Hamdani affirme qu'il avait la qualité de salarié en raison du lien de subordination qui le liait à la SARL Jade Conseil Paris Est et, plus particulièrement, à Monsieur Briault, le directeur de l'agence Jade Conseil Est ;
Que la SARL Jade Conseil Paris Est soutient que les deux parties se sont engagées dans le cadre d'un mandat et que Monsieur Abderrahim Hamdani n'était pas placé sous l'autorité de son mandant pour la réalisation de ses tâches ;
Considérant que l'article L. 8221-6 du Code du travail prévoit que sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail les personnes immatriculées au registre des agents commerciaux ;
Que l'existence d'un contrat de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leurs conventions, mais se caractérise par les conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité professionnelle ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;
Qu'il appartient à la partie qui entend se prévaloir de l'existence d'un contrat de travail de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de subordination ;
Considérant, qu'en l'espèce, Monsieur Abderrahim Hamdani apporte aux débats plusieurs documents à l'appui de son argumentation ;
Considérant que le contrat d'agent commercial, que Monsieur Abderrahim Hamdani a signé le 30 août 2005, mentionne, qu'il a pour mandat de vendre les produits commercialisés par le mandant, qu'il organisera librement et en toute indépendance son activité de représentation et qu'il sera rémunéré uniquement par le biais de commissions ; que ce contrat prévoit, par ailleurs, qu'il est conclu pour une durée indéterminée et que chaque partie pourra librement y mettre fin par lettre recommandée avec accusé de réception, sous réserve de respecter un préavis de deux mois ;
Que ce contrat est un contrat de représentation permettant à un cocontractant, dit mandataire, d'exécuter des actes juridiques ou d'accomplir des opérations pour le compte d'un autre, le mandant ;
Qu'aucun élément versé aux débats ne laisse apparaître que les relations entre les parties se seraient déroulées de manière non conforme à ce contrat ;
Que la lettre d'observation que l'URSSAF a envoyée à la SARL Jade Conseil Paris Est, le 27 décembre 2007, ne vise que les agents commerciaux de la société non inscrits au registre spécial des agents commerciaux, sans citer le nom de Monsieur Abderrahim Hamdani, lequel était inscrit audit registre ;
Qu'il ne ressort, ni des attestations de Madame Daville et de Messieurs Briault et Leandri qui ont exercé des fonctions au sein de la société, ni des courriels collectifs envoyés à tous les commerciaux, ni des études ou des comptes rendus de rendez-vous réalisés par Monsieur Abderrahim Hamdani pour des clients, ni d'aucun des autres documents produits, que Monsieur Abderrahim Hamdani n'agissait pas en toute indépendance dans l'exécution de sa mission, n'ayant à rendre compte à la SARL Jade Conseil Paris Est que de sa gestion et de ses actions, cette dernière n'ayant pas le pouvoir de contrôler son temps d'activité et ses périodes de congés et de sanctionner ses manquements ;
Que les contraintes alléguées par Monsieur Abderrahim Hamdani, notamment, l'attribution de rendez-vous prospects et l'établissement de comptes-rendus ou l'assistance à des réunions commerciales mensuelles, sont toutes liées à la réalisation du contrat de mandat ; qu'il en est de même des moyens matériels qui étaient fournis à Monsieur Abderrahim Hamdani ;
Qu'ainsi, Monsieur Abderrahim Hamdani ne se trouvait pas placé, de quelque manière que ce soit, dans un lien de subordination vis-à-vis de la SARL Jade Conseil Paris Est ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Monsieur Abderrahim Hamdani avait la qualité de mandataire ; que le conseil de prud'hommes est incompétent pour connaître du litige du litige qui oppose les parties ; qu'il y a lieu de rejeter le contredit de compétence formé par Monsieur Abderrahim Hamdani et de renvoyer les parties devant le Tribunal de grande instance de Créteil, pour qu'il soit statué sur le fond du litige et non devant le tribunal de commerce comme mentionné dans le jugement prud'homal ;
Sur l'amende civile :
Considérant que la SARL Jade Conseil Paris Est demande à la cour de condamner Monsieur Abderrahim Hamdani au paiement d'une amende civile au Trésor Public de 1 500 euro au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile, pour procédure abusive;
Considérant qu'il y a lieu de débouter la SARL Jade Conseil Paris Est de cette demande qui n'est pas justifiée;
Sur les frais irrépétibles et les frais de contredit :
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont dû exposer, que les demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent être rejetées;
Considérant qu'il y a lieu de condamner Monsieur Abderrahim Hamdani aux frais de contredit;
Par ces motifs, Rejette le contredit de compétence, Dit le conseil de prud'hommes incompétent, Déclare le Tribunal de grande instance de Créteil compétent pour connaître des demandes formées par Monsieur Abderrahim Hamdani, s'agissant d'un contrat de mandat, et non le Tribunal de commerce de Créteil comme indiqué dans le jugement du Conseil de prud'hommes de Créteil rendu le 5 janvier 2010, Renvoie les parties devant cette juridiction pour qu'il soit statué sur le fond du litige, Rejette toutes les autres demandes, Met les frais du contredit à la charge de Monsieur Abderrahim Hamdani.