CA Versailles, 6e ch., 30 mars 2010, n° 09-02717
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (SA)
Défendeur :
Jonghes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dauge
Conseillers :
Mmes Burkel, Fournier
Avocats :
Mes Peignard, Bellet
Faits et procédure
Attendu que le Conseil de prud'hommes de Versailles, section encadrement, par jugement contradictoire du 23 juin 2009, rendu en départage, a :
- rappelé qu'après la clôture des débats les pièces et notes adressées en cours de délibéré sont irrecevables
- rejeté l'exception et s'est déclarée compétent pour statuer sur les demandes de Madame Jonghes
- requalifié le contrat de gérance libre en contrat de travail entre Madame Jonghes et la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher
- condamné la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher à payer à Madame Jonghes la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance
- renvoyé la cause et les parties devant le bureau de jugement, la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher étant invitée à conclure sur le fond sur les autres demandes de Madame Jonghes
- rejeté le surplus des demandes ;
Attendu que la cour est régulièrement saisie par un contredit formé par la SA Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher ;
Attendu que Madame Jonghes a été engagée par la société Standyr par contrat à durée indéterminée du 17 mars 1998 en qualité de directrice de magasin, à savoir l'institut Yves Rocher du Forum des Halles à Paris;
Attendu que le 19 mars 1999, Madame Jonghes a constitué avec son conjoint une SARL dénommée "DB Cosmétiques" ayant pour objet : "l'acquisition, l'exploitation, la gérance de salons d'esthétique et de cosmétique et plus particulièrement de salons de soins esthétiques et de vente de produits cosmétiques et annexes" ;
Attendu que les 11 et 19 mars 1999, un contrat de gérance libre, portant sur le fonds de commerce de l'institut Yves Rocher à Vélizy-Villacoublay dans le Centre commercial de Vélizy 2, a été conclu entre la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher et la société DB Cosmétiques, à effet du 2 avril 1999 pour une durée de trois ans ;
Qu'un second contrat de gérance libre a été conclu à compter du 2 avril 2002, pour une nouvelle durée de 3 ans, aux mêmes clauses et conditions que le premier ;
Attendu que le 11 mars 2004, une transaction a été conclue entre la société DB Cosmétiques et Yves Rocher, la société DB Cosmétiques recevant 30 000 euro et chacune des parties renonçant à toutes actions résultant du contrat de gérance (conclusion, validité, exécution et cessation) ;
Attendu que les parties ont décidé de mettre fin au contrat de gérance libre à l'échéance, par lettres du 12 décembre 2004 pour la société DB Cosmétiques et du 20 décembre 2004 pour Yves Rocher ;
Attendu que Madame Jonghes a revendiqué auprès de la société Yves Rocher son embauche en tant que directrice de magasin, en vain ;
Qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de son contrat de gérance libre en contrat de travail sur le fondement des articles L. 7321-1 et 1221-1 du Code du travail, et de sa rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse avec les conséquences de droit afférentes ;
Attendu que la société DB Cosmétiques a été placée en liquidation judiciaire ;
Attendu que SA Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher emploie plus de 11 salariés et est dotée d'institutions représentatives du personnel ;
Que la convention collective applicable au sein de l'entreprise est celle de la Parfumerie Esthétique ;
Attendu que la SA Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher demande à la cour par conclusions écrites, déposées, visées par le greffier et soutenues oralement, de :
- infirmer le jugement en sa totalité
- constater qu'elle n'a toujours eu comme cocontractante que la société DB Cosmétiques
- constater que la société DB Cosmétiques n'est aucunement fictive
- constater que Madame Jonghes ne saurait se prévaloir ni des dispositions des articles L. 781-1, 2° et L. 121-1 du Code du travail
- en conséquence, voir la cour renvoyer Madame Jonghes à mieux se pourvoir devant la juridiction compétente, en l'occurrence le Tribunal de commerce de Vannes qui est la juridiction naturelle de la société commerciale
- condamner Madame Jonghes à lui verser les sommes suivantes :
* 10 000 euro à titre de dommages-intérêts
* 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamner Madame Jonghes en tous les dépens ;
Attendu que Madame Jonghes demande à la cour par conclusions écrites, déposées, visées par le greffier et soutenues oralement, au visa des articles du licenciement 784-1-2, 122-1 du Code du travail, de la convention collective de la Parfumerie Esthétique et du contrat de gérance libre, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent et en ce qu'il a jugé qu'elle remplissait toutes les conditions posées par l'article L. 781-1-2 du Code du travail
- dire et juger que le Conseil de prud'hommes de Versailles est seul compétent pour connaître de ses demandes à l'encontre de la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher
- renvoyer les parties devant cette juridiction pour qu'il soit statué sur ses demandes financières
- débouter la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher de toutes ses demandes, fins et conclusions aussi irrecevables que mal fondées
- condamner la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher à lui verser la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du Code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;
Motifs de la décision :
Attendu que la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher a conclu avec la SARL DB Cosmétiques, en cours d'immatriculation, représentée par sa gérante Madame Jonghes, " et dans le cas où la société ne serait pas immatriculée pour quelque raison que ce soit, le contrat sera réputé avoir été passé avec Madame Jonghes ", le 11 mars 1999, un contrat de gérance libre d'un " fonds de commerce de produits de beauté, d'hygiène et de soins esthétiques, connu sous le nom d'Institut de Beauté Yves Rocher, exploité au magasin 140D niveau 1 centre commercial Velizy II ", pour une durée de 3 années à compter du 2 avril 1999 ;
Que dans le même acte, signé le 19 mars 1999, Monsieur Joliey Bernard et Madame Jonghes se sont portés caution solidaire de la SARL DB Cosmétiques pour toutes sommes qui pourraient être dues à la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher, à concurrence de la somme de 300 000 F ;
Qu'un second contrat de même nature a été conclu les 13 et 23 mai 2002 à effet au 2 avril 2002 pour une nouvelle période de 3 années ;
Que par acte de cautionnement, signé le 13 mai 2002, Madame Jonghes s'est portée caution personnelle solidaire et indivisible de la SARL DB Cosmétiques pour toutes sommes qui pourraient être dues à la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher, à concurrence de la somme de 109 939 euro ;
Attendu que les sociétés Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher et SARL DB Cosmétiques, par lettres respectives des 20 décembre 2004 et 12 décembre 2004, ont décidé de ne pas renouveler le contrat de gérance les liant à l'échéance du 1er avril 2005;
Attendu que la société DB Cosmétiques, dans ses statuts datés du 19 mars 1999, ayant comme siège social le " centre commercial de Velizy ", lieu d'exploitation du fonds de commerce, a défini son objet comme étant :
"l'acquisition, l'exploitation, la gérance de salons d'esthétique et de cosmétiques et plus particulièrement de salons de soins esthétiques et de vente de tous produits cosmétiques et produits annexes et, plus généralement, toutes opérations, de quelque nature qu'elles soient, juridiques, économiques et financières, civiles et commerciales, se rattachant à l'objet sus-indiqué ou à tous autres objets similaires ou connexes, de nature à favoriser, directement, le but poursuivi par la société, son extension ou son développement " ;
Que cette société a fait l'objet d'une décision de liquidation judiciaire prononcée par le Tribunal de commerce de Versailles par jugement du 7 juin 2005;
Attendu que Madame Jonghes, personne physique, a saisi le conseil de prud'hommes le 17 mai 2005 aux fins de voir juger qu'elle remplit les conditions posées aux articles L. 781-1-2 et L. 212-1 du Code du travail, requalifier le contrat de location-gérance en contrat de travail et obtenir les indemnisations financières en résultant ;
Attendu que la cour, saisie dans le cadre d'un contredit, se limitera à déterminer si le litige opposant les parties relève de la compétence ou non des juridictions prud'homales au regard des dispositions de l'article L. 1411-1 du Code du travail, les juridictions prud'homales réglant les différends pouvant s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent Code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient ;
Attendu que l'article 781-1 du Code du travail, devenu L. 7321 et suivants du Code du travail, dans sa rédaction en vigueur au moment de l'introduction de l'instance par Madame Jonghes, a étendu les règles du Code du travail à des catégories de travailleurs particuliers telles notamment les personnes dont la profession consiste essentiellement :
- soit à vendre des marchandises ou denrées de toute nature, des titres, des volumes, publications, billets de toute sorte, qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale ;
- soit à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, à manutentionner ou transporter pour le compte d'une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ;
Attendu que Madame Jonghes, peu important le fait qu'elle ait pu être salariée de la société DB Cosmétiques, revendique auprès de la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher le statut conféré par les dispositions sus rappelées et se doit donc d'établir le lien exclusif ou quasi-exclusif avec une entreprise et l'exercice à titre principal de l'activité, la fourniture ou l'agrément d'un local par l'entreprise, l'exploitation dans des conditions et prix imposés par l'entreprise;
Que ces conditions doivent être cumulativement remplies ;
Que le procès-verbal de transaction signé entre la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher et la société DB Cosmétiques le 11 mars 2004, ne saurait avoir pour effet de priver Madame Jonghes, personne physique, de toute possibilité d'action contre la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher, sur le fondement des dispositions sus rappelées ;
Attendu que préliminairement, il convient de rappeler que pour déterminer si le gérant doit ou non bénéficier des dispositions du Code du travail, le juge n'a pas à rechercher si l'intéressé exerce ou non ses fonctions dans un rapport de subordination juridique avec la société mais seulement à rechercher si les conditions énoncées par l'article susvisé sont en fait réunies ;
Attendu que le bénéfice de l'article L. 781-1 du Code du travail, devenu L. 7321 et suivants du Code du travail, qui ne s'applique pas une personne morale, peut être étendu aux gérants de cette personne lorsque l'activité professionnelle est en fait exercée personnellement par le ou les gérants de la personne morale ;
Attendu que Madame Jonghes, alors qu'elle est directrice salariée d'un institut Yves Rocher, sans que les conditions de rupture des relations contractuelles ne soient connues, à supposer qu'il y ait eu rupture, a constitué avec son époux une société DB Cosmétiques et conclu concomitamment en qualité de gérante de cette société et à défaut d'immatriculation, en son nom personnel, un contrat de location-gérance lui faisant obligation d'exploiter et diriger personnellement l'institut (articles 4 et 5.3) avec possibilité de libre résiliation par la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher en cas de remplacement du gérant (article 13.2) et obligation d'obtenir l'agrément préalable de la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher pour tout changement de dirigeants sociaux et cession de parts (article 15) ;
Qu'elle s'est portée caution personnelle solidaire de sommes susceptibles d'être dues par la société DB Cosmétiques à la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher ;
Attendu que si la gérance a bien été confiée à la SARL DB Cosmétiques, le contrat n'en a pas moins été conclu en considération de la personne de sa gérante, laquelle avait déjà officié en tant que salariée au sein d'un autre institut Yves Rocher et dont les compétences professionnelles et le savoir-faire Yves Rocher étaient reconnus;
Que les activités liées à l'exploitation de l'institut de beauté Yves Rocher, consistant tant en la vente des produits Yves Rocher et en l'exploitation d'un institut de beauté, ont dû être en fait exercées par cette dernière au regard des nombreuses obligations imposées;
Que, dès lors et nonobstant que le contrat ait été conclu entre la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher et la SARL DB Cosmétiques, les dispositions sus rappelées s'attachant aux seules conditions réelles d'exploitation et non à la nature des liens juridiques, quel que soit le montage juridique et le caractère éventuel fictif de la société DB Cosmétiques, Madame Jonghes est recevable à invoquer les droits qu'elle peut tenir à titre individuel du Code du travail du seul fait de l'exploitation de cet institut de beauté Yves Rocher ;
Attendu que l'analyse des contrats de location-gérance met en évidence que la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher est locataire d'un fonds de commerce de vente de produits de beauté, d'hygiène et de soins esthétiques à Velizy II;
Que la gérante libre, qui a exercé son activité dans ce local fourni par la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher, a dû s'approvisionner en produits exclusivement auprès de la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher et assurer la vente selon des conditions d'exploitation et des prix fixés par cette dernière ;
Attendu qu'en effet, le fonds de commerce, remis en location-gérance, selon l'article 1 des deux contrats signés " s'intègre dans le réseau des Instituts de Beauté Yves Rocher " et " devra respecter l'ensemble des normes relatives à l'identité propre et à l'uniformité de ce réseau et bénéficiera du savoir-faire développé par LBV Yves Rocher SA " ;
Que selon l'article 7, la location-gérance comporte "l'engagement de s'approvisionner exclusivement auprès de la société LBV Yves Rocher ", l'obligation de " ne pas approvisionner son institut de beauté Yves Rocher et à ne pas vendre des produits qui n'auraient pas été approuvés expressément par LBV Yves Rocher SA sans avoir informé préalablement et par écrit la société de son intention de le faire, et donnant à celle-ci la possibilité de déterminer si les caractéristiques et les qualités de ces produits sont comparables à ceux qu'elle a antérieurement approuvés et s'ils sont compatibles avec l'image de marque des instituts de beauté Yves Rocher " ;
Que de même concernant les soins esthétiques, délivrés en institut, selon l'article 5, " seuls les produits expressément autorisés par la société et les traitements et méthodes de soins spécifiques mis au point et régulièrement améliorés par la société LBV Yves Rocher SA, pourront être respectivement utilisés et effectués " , la gérante s'engageant " à ne pas pratiquer dans son institut Yves Rocher des soins qui n'auraient pas été préalablement approuvés par écrit par " la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher ;
Que concernant tant l'activité de vente de produits que celle d'activité de soins de beauté, indissociablement liée à la première, les deux activités étant visées dans les deux contrats de location-gérance, Madame Jonghes justifie d'un approvisionnement exclusif auprès de la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher, laquelle ne le conteste pas, concernant tant les produits cosmétiques vendus, utilisés en cabines de soins que tous les consommables soins ;
Attendu que la demanderesse au contredit conteste, par contre, que l'activité de ventes de produits soit essentielle par rapport à celle de soins prodigués dans les cabines ;
Que pour autant pour chaque année d'exercice, le chiffre d'affaires généré par la vente de produits est supérieur à celui généré par les soins et la marge brute générée par la vente de produits est supérieure à celle générée par les soins ;
Que l'activité de Madame Jonghes consiste donc bien essentiellement à la vente de produits Yves Rocher fournis exclusivement par la seule société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher ;
Attendu que concernant les conditions d'exploitation du fonds de commerce, Madame Jonghes établit, par la production des documents contractuels et des multiples écrits de la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher, avoir été tenue d'appliquer et de respecter, dans le moindre détail, l'ensemble des procédures mises au point par cette dernière, concernant tant la décoration de l'institut, son éclairage intérieur et extérieur, le mobilier, l'agencement, l'aménagement et l'équipement des cabines de soins, la tenue vestimentaire des esthéticiennes, la présentation des produits, les techniques de la vente et de conseils, les méthodes de soins, les campagnes publicitaires, la nature et la qualité des services, la comptabilité, les assurances, les catalogues, documents publicitaires et échantillons à remettre à la clientèle;
Que la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher a défini quotidiennement les modalités d'exploitation au sein du magasin ;
Qu'elle a imposé à Madame Jonghes de respecter les campagnes engagées par elle, lui adressant de nombreuses instructions et directives en ce sens, de lui soumettre ses états financiers annuels, de faciliter tout contrôle, notamment pour vérifier le respect des " guides de procédure " ou de " savoir-faire " mis en place par elle ;
Qu'elle s'est livrée à des évaluations régulières de l'exploitation ;
Que sont sans incidences effectives le fait que Madame Jonghes ait pu disposer d'un expert comptable propre ou ait pu définir les horaires effectifs d'ouverture de l'institut ;
Qu'il résulte de l'ensemble des documents, émis par la société demanderesse au contredit, elle-même, que Madame Jonghes n'a disposé d'aucune autonomie, l'exploitation du fonds se faisant selon les prescriptions imposées par la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher, laquelle s'est inscrite dans un objectif d'uniformisation des conditions d'exploitation au sein de son réseau ;
Attendu que concernant les prix pratiqués, la demanderesse au contredit détermine et contrôle seule la politique de prix en vigueur dans son réseau ;
Que l'article 7 des contrats de location-gérance énonce que " Yves Rocher s'engage à vendre à la gérante les produits avec une remise de 31 % sur les prix de vente unitaires hors taxe tels qu'ils ressortent des Livres Verts de la beauté et des tarifs édités par ses soins. Yves Rocher, à sa seule initiative, se réserve le droit de pratiquer des taux de remise promotionnelles plus élevés pour des produits et pour des périodes qu'elle fixera " ;
Que les innombrables pièces versées aux débats par Madame Jonghes établissent, malgré les affirmations de la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher d'une politique de liberté de prix, que les prix appliqués ont dû être ceux figurant dans les catalogues de la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher, la gérante ne pouvant disposer d'aucune autonomie pour mener une politique personnelle de prix, les prix définis par la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher étant annoncés par voie d'affiches ou de bandeaux publicitaires ou gondoles, émises par cette dernière;
Que la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher a procédé régulièrement à des campagnes publicitaires d'information de ses clients relatifs aux tarifs en vigueur et a enjoint à la gérante d'appliquer ses instructions concernant la politique tarifaire mise en place, que ce soient pour les chèques cadeaux ou les réductions ou les remises ;
Que Madame Jonghes établit que la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher, sur son site Internet, renvoie à une pratique commune dans les " 550 centres de beauté Yves Rocher " concernant les " offres privilèges " ;
Que si la demanderesse au contredit verse un "relevé d'écart de prix" constaté, Madame Jonghes en conteste la pertinence, démontrant par des courriels explicites adressés aux gérants que l'utilisation de la touche " prix de vente forcée (PVF) " en caisse ne l'était que sur instruction de la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher pour rectifier une erreur de paramétrage ou organiser une promotion ;
Attendu que les conditions cumulatives édictées par l'article 781-1 du Code du travail, devenu L. 7321 et suivants du Code du travail, dans sa rédaction en vigueur au moment de l'introduction de l'instance par Madame Jonghes, étant réunies, la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur l'action engagée par Madame Jonghes, sans qu'il soit nécessaire de rechercher l'existence d'un lien de subordination ;
Attendu que les premiers juges ont justement retenu leur compétence ;
Attendu que la cour ne peut donc que rejeter le contredit formé par la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher et renvoyer l'évocation de l'affaire devant le Conseil de prud'hommes de Versailles ;
Attendu que la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts en l'absence de preuve d'une faute qui soit de nature à faire dégénérer en abus la procédure engagée à son encontre par Madame Jonghes ;
Attendu que les frais inhérents au contredit resteront à la charge exclusive de la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher, laquelle sera déboutée de sa demande d'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que les considérations d'équité justifient que soit allouée à Madame Jonghes une indemnité de 2 500 euro au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer dans le cadre de la présente procédure ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit le contredit en la forme ; Au fond, le dit infondé ; Renvoie les parties devant le Conseil de prud'hommes de Versailles pour que l'affaire soit fixée à la plus proche audience ; Invite Monsieur le greffier à transmettre au greffe de cette juridiction l'entier dossier ; Déboute la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher à payer à Madame Jonghes une indemnité de 2 500 euro (deux mille cinq cent euro) en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher aux frais de contredit.