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Décisions

CA Riom, 4e ch. civ. soc., 22 juin 2010, n° 10-00482

RIOM

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher (SA)

Défendeur :

Roux Bellio

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Payard

Conseillers :

MM. Thomas, Nicolas

Avocats :

Me Peignard, Kalopissis, Bellet

Cons. prud'h. Clermont-Ferrand, du 3 fév…

3 février 2010

Faits et procédure

Madame Françoise Roux Bellio a signé un contrat de gérance libre de trois ans avec la SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher le 3 février 2003 pour exploiter, par le biais de la SARL Bref en cours de constitution, un fonds de commerce situé dans le Centre Jaude à Clermont-Ferrand.

Le 12 février 2003, la SARL Bref a été immatriculée au RCS, Madame Françoise Roux Bellio apparaissant en qualité de gérante.

Le 6 décembre 2005, la société Yves Rocher a dénoncé le contrat de gérance libre, conformément aux stipulations contractuelles avec effet au 12 mars 2006 et a informé la société Bref que leurs relations se poursuivraient à compter du 13 mars 2006 sous forme d'un contrat à durée indéterminée, ce qui a été accepté par le couple Roux Bellio, le 9 mars 2006.

Le contrat de gérance devait faire l'objet d'un avenant concernant les nouvelles conditions financières en date des 18 mai et 28 juin 2007 mais à effet du 13 mars 2006.

Le 1er août 2008, la société Yves Rocher a informé la SARL Bref qu'elle mettait fin au contrat de gérance libre à durée indéterminée à effet du 31 octobre 2008 au motif qu'elle rejetait l'analyse faite par Madame Françoise Roux Bellio sur la nature juridique du contrat liant les deux sociétés.

Le 13 juin 2008, Madame Françoise Roux Bellio a saisi le Conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand aux fins d'entendre:

- constater qu'au-delà de l'existence de la SARL Bref, l'activité a été exercée par elle-même,

à titre surabondant,

- juger que la société Bref est une société fictive,

- rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société Yves Rocher,

- requalifier le contrat de location-gérance en contrat de travail

- reconnaître la rupture dudit contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse, sollicitant la condamnation de la société Yves Rocher au paiement des sommes de :

* 109,142 euro à titre de rappel d'heures supplémentaires

* 2 375 euro à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

* 5 700 euro au titre de l'indemnité de préavis

* 570 euro au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

* 7 875 euro au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés

* 50 400 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans réelle et sérieuse

- dire que ces condamnations seront assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts,

- condamner la SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à remettre à Madame Françoise Roux Bellio les bulletins de paie correspondant à la période de préavis, un certificat de travail et l'attestation Assedic,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement,

- condamner la SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à verser à Madame Françoise Roux Bellio la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La juridiction prud'homale, par jugement de départage du 3 février 2010 a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher,

- dit que le Conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand est compétent pour connaître du présent litige,

- renvoyé les parties devant le conseil de prud'hommes en sa formation normale pour qu'il soit statué au fond,

- condamné la SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à verser la somme de 1 000 euro à Madame Françoise Roux Bellio au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher aux dépens.

Le 24 février 2010, la SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher a formé un contredit contre cette décision.

Prétentions des parties:

La SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, dans ses conclusions reprises oralement à l'audience soutient ne jamais avoir été employeur de Madame Françoise Roux Bellio, ni avoir exploité de fonds de commerce de vente de cosmétique, mais avoir simplement commercialisé par le biais d'un réseau commercial et de vente par correspondance ou par Internet des produits cosmétiques qu'elle fabrique.

Elle fait observer que Madame Françoise Roux Bellio ne peut pas revendiquer à titre personnel l'application des dispositions de l'article L. 7321-2 du Code de travail sans démontrer au préalable le caractère fictif de la société Bref qui a seule conclu le contrat de gérance libre avec elle.

Elle fait remarquer que l'activité professionnelle en cause est nécessairement dans les faits exercée non par la personne morale mais directement par sa gérante et souligne qu'il y a une confusion entre l'activité de la personne morale qui agit par l'intermédiaire de ses exécutants et l'activité des exécutants eux-mêmes.

Elle soutient l'absence de lien de subordination, précisant que Madame Françoise Roux Bellio s'exprimait non par comme une salariée mais bien comme une gérante, puisqu'elle déterminait librement les horaires de son personnel et les rémunérations qu'elle pouvait allouer en fonction des résultats et des bénéfices de la société.

Elle demande que soient versées aux débats le livre d'entrée et de sortie du personnel de la société Bref ainsi que la justification de l'évolution des salaires de 12 salariées de cette société, pour que la cour se rendre compte de l'indépendance la plus totale de la société Bref dans ses rapports avec celles-ci.

Elle fait observer qu'ayant constaté des difficultés en 2007 la société Bref a décidé de prendre des mesures correctives et ce malgré sa proposition du 26 novembre 2007 de formaliser un plan d'action.

Elle précise que la société Bref a été immatriculée au RCS et s'acquittait chaque année d'une taxe professionnelle et que Madame Françoise Roux Bellio, ès qualité de gérante de cette société, se présentait vis-à-vis de tous les tiers comme commerçante à part entière et signait des contrats avec eux.

Elle soutient que l'article L. 7312-2 du Code du travail n'est pas applicable en l'espèce, car les quatre conditions cumulatives d'application à savoir, l'exercice pour l'essentiel d'une activité de vente de marchandises et de denrées, l'approvisionnement exclusif de ces marchandises par une seule entreprise industrielle et commerciale, la fourniture par l'entreprise industrielle ou commerciale d'un local pour pouvoir réaliser l'activité et enfin l'exercice de l'activité soumis aux conditions et les prix imposés par cette entreprise, n'étaient pas réunies pas plus que les conditions posées par la Cour de cassation pour qu'une société d'exploitation soit considérée comme fictive, puisque la clause intuitu personae concerne la société Bref et non Madame Françoise Roux Bellio, précisant qu'elle n'a pas apporté financièrement son soutien à cette société et que son objet social n'avait aucun rapport avec le fonds de commerce Yves Rocher.

Elle fait valoir qu'elle doit donner seulement son agrément préalablement à toute cession importante de parts sociales ou à tout changement d'administrateurs légaux de la société, et que la SARL Bref s'inscrit dans un réseau des Instituts de Beauté Yves Rocher, devant respecter l'ensemble des normes relatives à l'identité propre et à l'uniformité du réseau, bénéficiant ainsi du savoir-faire développé.

Elle prétend que l'objet social de la société Bref dépasse le simple cadre de l'exploitation d'un Institut de Beauté et d'Esthétique lui permettant ainsi de continuer à travailler postérieurement à la cessation des relations commerciales avec elle, ce qui démontre sa parfaite indépendance et qu'elle n'a versé aucune somme d'argent à la société Bref qui n'a jamais été considérée par elle comme une salariée, mais comme un co-contractant avec lequel elle a respecté ses obligations.

Elle fait observer que celle-ci n'avait aucune obligation de communiquer ses bilans et avait la possibilité de mettre en vente des produits, qui par leur caractéristiques et leur qualités, étaient comparables à ceux commercialisés par elle, précisant que la société Bref a bénéficié de la parfaite autonomie de gestion, et liberté de direction prévue contractuellement, ce qui a permis à Madame Roux Bellio d'être autonome quant à la gestion de ses salariées et du choix de son expert comptable et de la fixation des prix.

Elle fait valoir que la gérante libre a toujours pu décider de modifier les prix à la hausse ou à la baisse sur les supports de marketing et sur les produits.

Elle demande ainsi à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- constater que cette société n'est aucunement fictive,

- constater que Madame Françoise Roux Bellio ne saurait se prévaloir ni des dispositions de l'article L. 7321-1 du Code de travail, ni de celles de l'article L. 1221-1 du même Code,

- en conséquence, la renvoyer à mieux se pourvoir devant la juridiction compétente, en l'occurrence le Tribunal de commerce de Vannes qui est la juridiction naturelle d'une société commerciale,

- la condamner en 10 000 euro à titre de dommages-intérêts et en 5 000 euro au titre des frais irrépétibles,

- la condamner en tous les dépens.

Madame Françoise Roux Bellio dans ses conclusions reprises oralement à l'audience soutient que l'existence d'une société commerciale d'exploitation ne peut priver une personne physique des droits qu'elle tient à titre individuel, au vu de l'article L. 7321-2 du Code du travail.

Elle fait valoir que la SARL Bref a été constituée à la demande expresse de la société Yves Rocher pour tenter de masquer les relations contractuelles et le lien de subordination existant avec elle.

Elle rappelle que la jurisprudence de la Cour de cassation étend aux gérants de succursales les dispositions du Code du travail lorsque les conditions de l'article L. 7321-2 du Code du travail sont réunies, même si la gérance a été confiée par le fournisseur à une société au sein de laquelle travaille celle qui sollicite l'application de ces dispositions.

Elle soutient que des dispositions du Code du travail doivent s'appliquer au vu de l'appréciation des éléments de fait, à savoir le fait que l'activité soit exercée non par la personne morale mais par elle-même.

Elle estime qu'il suffit qu'une personne travaille dans les conditions du salariat pour être qualifiée de salariée sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le caractère fictif ou non de la société avec laquelle le contrat de gérance a été signé.

Elle prétend rapporter la preuve que les indices retenus en faveur de la fictivité d'une société sont réunis en l'espèce, le contrat de gérance libre étant expressément conclu en considération de sa personne dont il est utile d'indiquer qu'elle détenait 55 % des parts, le seul autre porteur de parts étant son mari à qui elle avait été contrainte de faire appel.

Elle précise avoir exercé les deux seules activités prévues au contrat de location-gérance: la vente des marchandises et la dispense de soins et que la SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher a pris en charge certaines pertes qu'elle a enregistrées, lui allouant une somme de 13 000 euro pour compenser le coût du licenciement économique de deux salariées de l'Institut.

Elle fait valoir que l'activité de soins est liée aux produits vendus exclusivement par Yves Rocher et que le prix des soins facturés aux clientes incluait le prix des marchandises vendues exclusivement par Yves Rocher et qu'il n'est pas question ici d'une activité complémentaire distincte, autonome et plus rentable que l'activité principale visée au contrat, soulignant que l'article L. 7321-2 fait seulement référence à l'activité de vente et non pas à la " marge ".

Elle rajoute que la SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher lui a fourni un local d'exploitation, et lui imposait toutes les conditions d'exploitation ainsi que les prix de produits.

Elle estime donc que les conditions posées par les articles L. 7321-1 et L. 1221-1 du Code de travail sont réunies et que l'état de subordination juridique dans lequel elle a été placée résulte de contrat de location-gérance, seul contrat régularisé par les parties, qui doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet, avec toutes les conséquences de droit en découlant.

Elle demande en conséquence à la cour de:

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes

- dire et juger et que le Conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand est seul compétent pour connaître de ses demandes et à l'encontre de la société Laboratoires de biologie végétale et Yves Rocher

- renvoyer les parties devant cette juridiction et pour qu'il soit statué sur ses demandes financières

- débouter la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher de toutes ses demandes, fins et conclusions aussi irrecevables que mal fondées.

- Condamner la SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à lui verser la somme de 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Discussion

La SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher fonde essentiellement son exception d'incompétence sur le fait qu'elle n'a jamais eu aucun lien contractuel, avec Mme Roux-Bellio qui agit à son encontre devant le conseil de prud'hommes.

Dans la mesure où un contrat de location-gérance a été conclu par la SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher, non pas avec Mme Roux-Bellio personne physique mais avec la société Bref, la compétence de la juridiction prud'homale suppose que le fonds donné en location-gérance soit exploité dans des conditions faisant apparaître un lien direct entre la société Yves Rocher et Mme Roux-Bellio à titre personnel et que par ailleurs les conditions prévues à l'article L. 7321-1 du Code du travail soient réunies.

Sur les conditions d'exercice de la gérance

Il résulte des pièces versées aux débats que la société Bref a été créée concomitamment à la conclusion du contrat de gérance libre, sous forme de SARL dont la majorité du capital social (4 300 parts sur 7 500) était détenue par Mme Roux-Bellio gérante l'autre associé étant son mari et n'a eu pour seul objet que l'exploitation sous l'enseigne Institut de beauté Yves Rocher, du fonds de commerce de vente de produits de beauté et soins esthétiques dans le centre commercial Jaude à Clermont-Ferrand, adresse à laquelle la SARL avait également son siège social.

La société Bref étant en cours de constitution lors de la signature du contrat de gérance libre, il est d'ailleurs précisé dans l'acte que " dans le cas où la société ne serait pas immatriculée pour quelque raison que ce soit, le contrat sera réputé avoir été passé depuis sa date d'effet avec Mme Roux-Bellio ".

Il ne peut par ailleurs être contesté notamment à la lecture des articles 13 et 15 que le contrat de gérance libre signé entre la société Yves Rocher et la SARL Bref a été conclu en considération de la personne de Mme Roux-Bellio, gérante de cette dernière, étant notamment précisé que tout changement de dirigeants sociaux et toute cession des parts devraient être soumis à l'agrément préalable et écrit de la société Yves Rocher sous peine de résiliation.

Il n'est pas non plus discutable que Mme Roux-Bellio assurait directement et personnellement l'exploitation du fonds de commerce de vente de produits de beauté et soins esthétiques avec le concours de salariés.

Toutefois il résulte des courriers et lettres versées aux débats que la société Yves Rocher, non seulement fixait les objectifs de l'institut et procédait aux évaluations des résultats commerciaux et de la qualité des prestations et services mais encore donnait des instructions nombreuses et détaillées quant aux conditions d'exploitation du fonds et sur les aspects les plus divers de l'activité : opérations publicitaires, signalétique, agencement et décoration de l'institut, présentation des produits... etc.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que la société Yves Rocher exigeait comme prévu au contrat de gérance libre, d'être tenue informée du chiffre d'affaires, des frais de promotion et de publicité et d'être destinataire d'une copie des états financiers annuels, faisant d'ailleurs comme le démontre un courrier du 26 novembre 2007, des observations sur l'importance de la masse salariale par rapport au chiffre d'affaires réalisé et demandant à Mme Roux-Bellio de formaliser par courrier le plan d'action qu'elle souhaitait mettre en place.

Il convient d'ailleurs d'observer que la production aux débats du livre d'entrée et de sortie du personnel et de l'évolution des salaires, souhaitée par la société Yves Rocher n'est en rien de nature à permettre, au delà de l'aspect formel, une appréciation plus précise sur l'indépendance de la société Bref et de Mme Roux-Bellio en ce qui concerne leurs rapports avec les salariés.

Il résulte de ces éléments que Mme Roux-Bellio exerçait son activité en étant intégrée dans un service organisé, et largement encadrée, sans disposer d'une véritable autonomie étant au contraire soumise dans la direction de l'institut de Beauté à l'autorité de la société Yves Rocher.

Dans ces conditions l'existence de la personne morale que constitue la SARL Bref, dont la réalité juridique ne peut être remise en cause, ne saurait priver Mme Roux-Bellio des droits que celle-ci serait susceptible de tenir à titre individuel en application de l'article L. 7321-1 du Code du travail.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 7321-1 du Code du travail

Aux termes de l'article susvisé, les dispositions du Code du travail sont applicables aux gérants de succursales c'est-à-dire aux personnes dont la profession consiste essentiellement à vendre les marchandises fournies exclusivement ou presque par une même entreprise commerciale, exerçant dans un local fourni par cette entreprise aux conditions et prix imposés par cette société.

Il n'est pas discuté en l'espèce, que les produits commercialisés étaient fournis exclusivement ou presque exclusivement par la société Yves Rocher puisque Mme Roux-Bellio exerçait conformément aux dispositions du contrat de gérance libre une activité consistant en la vente de produits de la société Yves Rocher et en l'exploitation d'un institut de beauté, le contrat comportant l'engagement de la gérante libre de s'approvisionner exclusivement auprès de la société Yves Rocher et à ne pas vendre des produits qui n'auraient pas au préalable été approuvés expressément par ladite société.

La société Yves Rocher ne saurait, pour tenter de réfuter l'application de l'article L. 7321-1 du Code du travail, utilement soutenir que l'activité de vente de produits lorsqu'on la compare avec celle relative à la dispense de soins, n'apparaît pas essentielle.

En effet cette activité de soins de beauté, expressément prévue au contrat de gérance libre, était étroitement liée à l'activité de vente puisque conformément aux exigences de la société Yves Rocher, les soins étaient dispensés en utilisant les produits fournis par cette dernière.

D'autre part le chiffre d'affaires généré par la seule activité de soins (207 024 euro pour l'exercice clos au 28 février 2008) ne représentait qu'une faible partie du chiffre d'affaires total (1 015 546 euro pour le même exercice) même s'il incluait le coût des produits utilisés et si la marge dégagée par l'activité de soins était supérieure en pourcentage à celle dégagée dans le cadre de la vente de produits, la marge brute dégagée par la vente de produits n'en restait pas moins largement supérieure à celle générée par l'activité de soins.

Dans la mesure où l'institut de beauté n'avait aucune autre activité que celles ci-dessus évoquées, il ne peut donc qui être contesté que l'activité de vente de produits représentait son activité essentielle.

La société Yves Rocher ne discute pas que le fonds donné en gérance libre était exploité dans un local dont elle était locataire et par conséquent fourni par elle-même.

S'agissant des conditions d'exploitation du fonds, les dispositions du contrat de gérance libre notamment en son article 5 énumérant les obligations de la gérante libre dans le cadre de l'exploitation du fonds et les autres pièces versées aux débats (courriels, notes, catalogues, guide de procédure, fiches d'audit, rapport qualimétrie, bilan de conformité....) qui établissent que la société Yves Rocher adressait de manière quasi quotidienne des directives à Mme Roux-Bellio et procédait à des contrôles et à des évaluations, établissent que cette exploitation s'effectuait suivant les prescriptions imposées par la société Yves Rocher.

Enfin si concernant la fixation des prix des produits commercialisés, la société Yves Rocher soutient que la société Bref était parfaitement libre de celle-ci, les éléments produits par Mme Roux-Bellio, démontrent qu'en pratique il n'en était rien puisque les prix figuraient dans les catalogues édités par la société Yves Rocher, laquelle par ailleurs décidait des campagnes promotionnelles, faisait réaliser les affiches et les bandeaux publicitaires devant être affichés dans les vitrines et comportant les prix, adressait directement aux clientes des mailings proposant des réductions ou remises et diffusait sur Internet les prix de certains produits, de telle sorte que les gérants libres se trouvaient dans l'impossibilité de pouvoir mener une politique personnelle des prix.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme Roux-Bellio satisfait aux conditions requises par l'article L. 7321-1 du Code du travail pour revendiquer l'application des dispositions du dit Code et que par ailleurs l'existence d'un lien de subordination est établie dans la mesure où Mme Roux-Bellio exerçait son activité sous l'autorité et le contrôle effectif de la société Yves Rocher qui lui en imposait les conditions d'exécution tout en disposant d'un pouvoir de sanction par le biais de la possibilité de résiliation du contrat de gérance libre et c'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes dont le jugement sera confirmé a retenu sa compétence.

La société Yves Rocher ne peut qu'être déboutée de sa demande en dommages et intérêts, laquelle ne repose sur aucun fondement.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

La société Yves Rocher devra supporter les entiers dépens du contredit et ne saurait de ce fait prétendre au bénéfice de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il serait par contre inéquitable de laisser Mme Roux-Bellio supporter l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts devant la cour. Une indemnité de 1 500 euro lui sera donc allouée en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort Confirme en toutes les dispositions le jugement rendu le 3 février 2010 par le Conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand ; Y ajoutant : Déboute la SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher de sa demande en dommages et intérêts. Condamne la SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher à payer à Mme Françoise Roux-Bellio une indemnité de 1 500 euro (mille cinq cents euro) en application de l'article 700 du Code de procédure civile. La condamne en outre aux entiers dépens du contredit.