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Décisions

Cass. com., 13 juillet 2010, n° 09-14.985

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

ITP (Sté)

Défendeur :

Technip France (Sté), Technip UK Limited (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Tric (faisant fonction)

Avocats :

SCP Bénabent, SCP Ortscheidt

Paris, du 18 mars 2009

18 mars 2009

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2009), que les sociétés ITP et Coflexip, qui exercent leur activité notamment dans le domaine de la conception et de la fabrication de conduites sous-marines pour le transport d'hydrocarbures, ont collaboré à plusieurs reprises entre 1993 et 1998, et ont conclu à cette occasion divers engagements de confidentialité et accords de non-exploitation ; que la société ITP expose avoir mis au point en 1996 un système de pipeline à double enveloppe calorifugé utilisant un isolant microporeux fourni par la société Micropore ; qu'elle a notamment conclu en 1997 des accords de secret réciproque avec la société Coflexip, afin de permettre de sélectionner le système approprié d'isolation à double paroi de pipeline pour le projet Shell Etap, puis, de le chiffrer ; qu'un accord de secret et de non-exploitation a été signé en 1998 pour le projet Girasol ; qu'en 1999, la société Coflexip a remporté le marché relatif au projet BP Nile, dans le golfe du Mexique, en faisant fabriquer un pipeline double enveloppe calorifugé au moyen d'un isolant microporeux acheté à un tiers ; que la société ITP a assigné les sociétés Coflexip, aux droits desquelles se trouvent les sociétés Technip France et Technip UK Limited, en réparation du préjudice résultant de la violation de leurs obligations contractuelles ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 4 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour débouter la société ITP de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient que, après différentes péripéties procédurales, elle a indiqué la nature des informations confidentielles qu'elle prétend avoir transmises aux sociétés appelantes, à savoir celles relatives : a) aux bords biseautés des panneaux microporeux, b) à l'utilisation des matériaux isolants microporeux, c) à la taille des panneaux microporeux, d) à la technique de fixation des panneaux microporeux, e) aux informations orales, f) à une méthode de vérification de la performance thermique du matériau microporeux ; qu'il n'apprécie ensuite la violation des accords de confidentialité qu'au regard de ces seuls éléments ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société ITP ne limitait pas dans ses conclusions à ces six éléments les informations qu'elle soutenait avoir transmises aux sociétés Coflexip, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé ;

Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande, l'arrêt retient que s'agissant de l'engagement de secret du 7 avril 1993 et de l'accord de confidentialité du 27 avril 1995, la société ITP ne fait pas référence à la violation de l'une des six informations précitées, qu'elle ne démontre pas, en ce qui concerne les accords de secret réciproque des 6, 8 et 9 janvier 1997 et des 21 mars et 24 avril 1997, avoir transmis par écrit une ou plusieurs des six informations dites confidentielles en exécution de l'un ou l'autre de ces contrats avant qu'ils ne soient terminés, c'est-à-dire avant la sélection et avant le chiffrage, qu'elle ne justifie pas plus que ces six informations auraient été ensuite divulguées ou exploitées par les sociétés appelantes à l'occasion du projet BP Nile, dès lors qu'elle se borne à énumérer des généralités telles que ITP a transféré à Coflexip des informations techniques confidentielles sous formes diverses, sans préciser ni identifier la nature de ces informations ; qu'il ajoute, s'agissant de l'accord de secret et de non-exploitation des 21 et 22 janvier 1998 signé entre les parties à propos du projet Girasol, que la société ITP n'invoque la violation d'aucune des six informations en cause, et qu'elle ne formule pas l'imputation de faits précis quant à la violation des engagements des 8 novembre 1997 et 16 février 1998 ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société ITP avait, en exécution des accords conclus les 7 avril 1993, 27 avril 1995, 6, 8 et 9 janvier 1997, 21 mars et 21 avril 1997, 21 et 22 janvier 1998, 8 novembre 1997 et 16 février 1998, transmis aux sociétés Coflexip des informations relatives au dimensionnement du système, à la tolérance de fabrication et d'installation des panneaux, à leur composition exacte et à leur densité, à leur performance technique au regard des effets de l'installation, à la méthode pour les fermer, et si ces informations avaient été utilisées par les sociétés Coflexip en violation desdits accords, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche : - Vu les articles 1147 et 1382 du Code civil ; - Attendu que pour déclarer irrecevable la demande subsidiaire formée par la société ITP au titre de la concurrence déloyale, l'arrêt retient que les sociétés Technip invoquent, à bon droit, le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle qui exclut, entre les mêmes parties, les demandes subsidiaires fondées sur un autre ordre de responsabilité que celui invoqué au soutien de la demande principale ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que ce principe interdit seulement au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs : Casse et annule, sauf en ce qu'il a dit que la société ITP avait commis des actes de dénigrement, et l'a condamnée au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 18 mars 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.