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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 2 juin 2010, n° 08-05043

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Beauté Passion Académy (SARL), Autrement (SARL)

Défendeur :

International Esthétique (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lagrifoul

Conseillers :

MM. Belières, Roger

Avoués :

SCP Boyer Lescat Merle, SCP Dessart-Sorel-Dessart

Avocats :

SCP Threard Leger Bourgeon Meresse, Me Deschamps

T. com. Toulouse, du 30 juin 2008

30 juin 2008

M. Henin a signé un contrat de réservation de zone avec la SAS International Esthétique par acte du 15 mars 2003.

M. Henin, en qualité de gérant de la SARL Beauté Passion Académy a régularisé, par acte du 14 février 2004, avec la SAS International Esthétique un contrat de franchise de 9 ans pour l'exploitation d'un institut à l'enseigne Epil Center à Cambrai.

Un second institut de beauté a été ouvert le 6 juillet 2004 à Douai par la SARL Beauté Passion Académy.

M. Henin a acquis début 2005 les parts sociales de la SARL Autrement exploitant le magasin Epil Center d'Amiens.

A la suite de la dégradation des relations entre la SARL Beauté Passion Académy et la SAS International Esthétique, cette dernière a fait assigner la SARL Beauté Passion Académy devant le Tribunal de commerce de Toulouse par acte d'huissier du 24 janvier 2006.

Par jugement du 30 juin 2008, cette juridiction a :

- donné acte à la SAS International Esthétique de sa proposition d'achat au prix du marché des fonds de commerce exploités par les SARL Beauté Passion Académy et Autrement à Cambrai,

- débouté la SARL Beauté Passion Académy de sa demande de nullité du contrat de franchise,

- condamné la SAS International Esthétique à payer à la SARL Beauté Passion Académy la totalité des redevances perçues à tort pour le magasin de Douai, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamné la SAS International Esthétique à rembourser à la SARL Autrement la somme de 29 944 euro, avec intérêts au taux légal à la date de l'assignation au titre des redevances perçues à tort,

- débouté les SARL Beauté Passion Académy et Autrement de toutes leurs autres demandes,

- condamné la SARL Beauté Passion Académy à payer à la SAS International Esthétique les sommes de :

* 21 428,58 euro au titre des redevances de franchise et des fournitures de marchandises du magasin de Cambrai,

* 4 142,18 euro au titre des fournitures de marchandises et de prestations du magasin de Douai,

- condamné la SARL Autrement à payer à la SAS International Esthétique la somme de 3 706,59 euro au titre des fournitures de marchandises et de prestations du magasin d'Amiens,

- prononcé la résiliation du contrat de franchise de la SARL Beauté Passion Académy aux torts réciproques de la SARL Beauté Passion Académy et la SAS International Esthétique,

- jugé nulles et de nul effet les clauses de non-affiliation à un réseau et de non-création de réseau,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire.

Les SARL Beauté Passion Académy et Autrement ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 7 octobre 2008.

Les sociétés appelantes ont déposé et signifié leurs dernières écritures le 1er mars 2010. Elles demandent :

- l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a refusé de prononcer la nullité du contrat de franchise signé par la SARL Beauté Passion Académy,

- que le consentement des SARL Beauté Passion Académy et Autrement soit jugé comme ayant été vicié,

- le débouté de la SAS International Esthétique de toutes ses demandes,

- qu'il soit jugé que la SAS International Esthétique a violé son obligation de conseil, de formation et d'assistance et a manqué gravement à l'exécution loyale et de bonne foi du contrat de franchise,

- que la SAS International Esthétique soit condamnée à réparer l'intégralité des préjudices commerciaux consécutifs à ses fautes, notamment ceux nés de la rupture anticipée du contrat de franchise,

- à titre principal :

* le prononcé de la nullité des contrats de franchise pour les centres de Cambrai et d'Amiens,

* le replacement des parties dans l'état antérieur à la signature du contrat de franchise et le prononcé de la restitution par la SAS International Esthétique des sommes versées dans le cadre de ces contrats au profit des SARL Beauté Passion Académy et Autrement, soit :

. le remboursement des sommes perçues au titre de la réservation de zone, du droit d'entrée et des redevances, soit 53 218,11 euro à la SARL Beauté Passion Académy et 29 944 euro à la SARL Autrement,

. 20 000 euro à la SARL Beauté Passion Académy au titre du remboursement de la publicité initiale,

. 37 592 euro à la SARL Autrement et 35 195 euro à la SARL Beauté Passion Académy au titre des pertes d'exploitation pour l'exercice 2004, 187 563 euro à la SARL Beauté Passion Académy et 82 845 euro à la SARL Autrement au titre du remboursement des investissements initiaux non amortis,

. 32 241,96 euro à la SARL Beauté Passion Académy et 11 416,34 euro à la SARL Autrement, correspondant à 20 % des achats, au titre du remboursement des remises et ristournes obtenues des fournisseurs,

. 545 952 euro, avec intérêts au taux légal, équivalent à une année de marge brute prévisionnelle pour deux centres à titre de dommages et intérêts,

- subsidiairement :

Pour la SARL Beauté Passion Académy,

. le prononcé de la résiliation des contrats de franchise pour les centres de Cambrai et Amiens aux torts et griefs exclusifs de la SAS International Esthétique à la date de l'assignation et sa condamnation à verser aux SARL Beauté Passion Académy et Autrement les sommes de :

53 218,11 euro à la BTP,

29 944 euro à la SARL Autrement,

20 000 euro à la SARL Beauté Passion Académy au titre du remboursement de la publicité initiale,

37 592 euro à la SARL Autrement et 35 195 euro à la SARL Beauté Passion Académy au titre des pertes d'exploitation pour l'exercice 2004,

187 563 euro à la SARL Beauté Passion Académy et 82 845 euro à la SARL Autrement au titre du remboursement des investissements initiaux non amortis,

32 241,96 euro à la SARL Beauté Passion Académy et 11 416,34 euro à la SARL Autrement, correspondant à 20% des achats, au titre du remboursement des remises et ristournes obtenues des fournisseurs,

. qu'il soit jugé que la SAS International Esthétique a rompu ses relations avec la SARL Beauté Passion Académy, pour le centre de Douai, de manière brutale et abusive,

. la condamnation de la SAS International Esthétique à payer à la SARL Beauté Passion Académy les sommes de :

272 976 euro de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat,

272 976 euro de dommages et intérêts pour rupture abusive des relations commerciales pour le centre de Douai,

5 776,68 euro en remboursement des frais de changement d'enseigne.

Pour la SARL Autrement, à défaut d'annulation du contrat de franchise :

. qu'il soit jugé que la SAS International Esthétique a rompu ses relations avec la SARL Autrement, pour le centre d'Amiens, de manière brutale et abusive,

. la condamnation de la SAS International Esthétique à payer à la SARL Autrement la somme de 272 976 euro de dommages et intérêts pour rupture brutale et abusive des relations commerciales,

. que ces condamnations portent intérêts au taux légal à compter de l'assignation, avec capitalisation des intérêts échus en vertu de l'article 1154 du Code civil,

. la condamnation de la SAS International Esthétique au paiement d'une indemnité de 12 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les sociétés appelantes soutiennent que :

- la SAS International Esthétique a violé les dispositions d'ordre public de l'article L. 330-3 du Code de commerce,

- la réticence dolosive sur le passé du dirigeant du franchiseur, les mensonges sur les chiffres réalisés par les franchisés et la dissimulation sur l'état réel du réseau et du nombre de centres connaissant des difficultés ont eu pour effet de vicier le consentement des sociétés appelantes au moment de la formation du contrat,

- le contrat de franchise est nul pour défaut de cause, le savoir-faire du franchiseur n'étant ni substantiel ni matérialisé par écrit ni secret,

- le franchiseur a manqué à ses obligations contractuelles de conseil, de formation et d'assistance,

- le franchiseur a manqué à son obligation en matière de publicité ainsi qu'à celle de procurer au franchisé un avantage concurrentiel,

- le franchiseur a imposé les prix au franchisé,

- la SAS International Esthétique ne peut réclamer le paiement de redevances impayées en l'absence de contrepartie à ces redevances et elle ne rapporte pas la preuve de sa créance,

- aucune indemnité de résiliation n'est due au titre des redevances qui auraient dû être payées si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme en l'absence de services rendus en contrepartie,

- les clauses de non-affiliation et de non-création d'un réseau concurrent sont nulles et elles ne s'appliquent pas après la cessation du contrat.

La SAS International Esthétique a déposé et signifié ses dernières écritures le 4 février 2010.

Elle demande :

- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a donné acte à la SAS International Esthétique de sa proposition d'acquérir au prix du marché les fonds de commerce exploités par les SARL Beauté Passion Académy et Autrement,

- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL Beauté Passion Académy de sa demande d'annulation du contrat de franchise,

- le rejet des demandes des sociétés appelantes,

- la constatation de l'existence d'un contrat liant les SARL Beauté Passion Académy et Autrement,

- la constatation que l'institut de Douai a été ouvert et a commencé d'être exploité sous l'enseigne Epil Center par la SARL Beauté Passion Académy au travers d'une concession de franchise, nonobstant la régularisation d'un contrat écrit et distinct portant sur cet établissement secondaire,

- l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a ordonné à la SAS International Esthétique d'avoir à payer à la SARL Beauté Passion Académy la totalité des redevances perçues pour le magasin de Douai et à la SARL Autrement la somme de 29 944 euro,

- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Beauté Passion Académy à payer à la SAS International Esthétique les sommes de 21 428,58 euro au titre des redevances de franchise et des fournitures de marchandises et de prestations du magasin de Douai,

- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Autrement à payer à la SAS International Esthétique les sommes de 3 706,59 euro au titre des fournitures et de prestations du magasin d'Amiens,

- l'élévation respective à 29 428,58 euro et 39 907,71 euro des sommes dues par les SARL Beauté Passion Académy et Autrement au titre des factures laissées impayées,

- le prononcé de la résiliation, aux torts des SARL Beauté Passion Académy et Autrement, des contrats de franchise,

- la condamnation des SARL Beauté Passion Académy et Autrement à payer respectivement à la SAS International Esthétique les sommes de 236 200,84 euro et 105 394,43 euro à titre de dommages et intérêts pour manque à gagner consécutif à la résiliation des contrats de franchise,

- la condamnation des SARL Beauté Passion Académy et Autrement à payer à la SAS International Esthétique la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'intimée fait valoir que :

- la SARL Beauté Passion Académy a ouvert et commencé à exploiter son établissement secondaire à Douai sous l'enseigne Epil Center en sa qualité de franchisée,

- les SARL Beauté Passion Académy et Autrement ont laissé des redevances impayées et sont redevables d'une indemnité de résiliation au titre du manque à gagner du fait de la résiliation anticipée des contrats,

- la clause de non-concurrence post-contractuelle est valable,

- le franchiseur a apporté un véritable savoir-faire et son expérience,

- le défaut d'informations pré-contractuelles n'emporte pas de plein droit la nullité des contrats et il faut établir le vice ayant affecté le consentement,

- la preuve d'un vice du consentement n'est pas établie,

- le franchiseur n'imposait pas les prix aux franchisés,

- les contrats de franchise avaient un objet, la marque Epil Center ayant été régulièrement déposée,

- le franchiseur n'a pas manqué à son obligation de procurer un avantage concurrentiel, les franchisées ne démontrant pas qu'elles auraient pu acquérir en dehors du réseau les mêmes produits à des prix plus avantageux,

- le changement d'enseigne a été adopté par les franchisés et il est intervenu pour promouvoir la marque et rendre le réseau le plus percutant possible.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mars 2010.

Sur ce,

Sur l'existence de contrats de franchise pour les centres de Douai et Amiens :

La preuve du contrat de franchise peut être établie par tous moyens dès lors que l'échange des consentements est parfait.

Le contrat de réservation multi-zones pour un Epil Center à Cambrai, signé par M. Henin le 15 septembre 2003 dans la perspective du contrat de franchise établi le 15 février 2004 au profit de la SARL Beauté Passion Académy, ouvrait le droit de créer d'autres instituts Epil Center dans plusieurs villes dont Douai.

La SARL Beauté Passion Académy a ainsi ouvert un établissement secondaire à Douai le 21 mai 2004 sous l'enseigne Epil Center et il n'est pas contesté que, dans le cadre de son exploitation, elle a acquitté les factures de redevances, accepté les marchandises livrées par le franchiseur et revendiqué sa qualité franchisée, comme en atteste le courrier du 3 janvier 2005 de M. Henin à la SAS International Esthétique : " ...nous avons choisi Epil Center. Nous avons ouvert à Cambrai en février puis à Douai en mai 2004... ".

Il résulte de l'ensemble de ces éléments un faisceau d'indices précis et concordants qui permettent de retenir l'existence d'un contrat de franchise Epil Center pour l'établissement secondaire de Douai, nonobstant l'absence de formalisation d'un contrat écrit entre les parties.

Il en est de même pour ce qui est du centre d'Amiens, pour lequel M. Henin a repris, en qualité de gérant de la SARL Autrement, l'exploitation de l'institut Epil Center après avoir écrit à la SARL Beauté Passion Académy dans le courrier susvisé du 3 janvier 2005 : " nous avons appris il y a quelque temps que l'Epil Center d'Amiens était à céder... nous avons pris la décision de vous soumettre notre candidature au rachat de cette entreprise... " alors que, le contrat de franchise antérieurement signé par le précédent gérant de la SARL Autrement le 5 février 2004 n'ayant été ni dénoncé lors de la reprise de cette société par M. Henin ni résilié par le franchiseur, il est ainsi établi que ce dernier avait donné son agrément implicite au nouveau gérant et que c'est le même contrat de franchise qui s'est poursuivi.

Sur la nullité des contrats de franchise :

Si la SAS International Esthétique ne justifie pas avoir satisfait à ses obligations d'information pré-contractuelles définies par les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce, ses manquements ne sont cependant susceptibles d'entraîner la nullité des contrats de franchise que dans la mesure où les sociétés franchisées rapportent la preuve qu'ils ont vicié leur consentement lors de la signature des contrats.

Il convient à cet effet de relever qu'à la suite de l'ouverture du premier centre Epil Center de Cambrai, M. Henin a ouvert successivement ceux de Douai et d'Amiens et s'est porté candidat pour l'ouverture d'un quatrième centre à Arras ; que, dans son courrier susvisé du 3 janvier 2005 à la SAS International Esthétique, M. Henin écrivait à l'appui de sa candidature pour le centre d'Amiens : " ... Nous avons ouvert à Cambrai en février puis à Douai en mai 2004. Nos résultats sont en constante progression et en phase avec nos prévisions, ce qui nous conforte dans le choix de l'enseigne... Nous sommes persuadés que nous pourrions développer le chiffre d'affaires et pérenniser cette entreprise en appliquant nos méthodes commerciales qui fonctionnent à Cambrai et Douai... après avoir analysé le marché local et réfléchi,... nous sommes prêts à nous impliquer dans le développement de cet établissement où nous avons un intérêt commun de réussite ".

Par ailleurs, dans un autre courrier du 13 septembre 2004, M. Henin écrivait à la SAS International Esthétique : " Concernant le développement d'Epil Center dans notre région, nous acceptons votre proposition sur l'aide à apporter aux futurs franchisés. Nous sommes très fiers de cette collaboration future et notre implication se fera avec le plus grand sérieux ".

Ainsi, dans le cadre de cette collaboration avec la SAS International Esthétique, M. Henin a fait signer le 3 octobre 2005 un contrat de réservation de zone à M. Allogio pour l'ouverture d'un centre Epil Center à Dunkerque.

Il ressort de l'analyse de ces divers éléments que M. Henin, qui avait ouvert son premier centre Epil Center à Cambrai en février 2004, se félicitait du choix de cette enseigne un an après et avait même entrepris de participer au développement de ce réseau pour le compte de la SAS International Esthétique et moyennant rétribution.

C'est dans ces conditions à bon droit que le tribunal a jugé que, du fait de son engagement d'apporteur d'affaires au franchiseur, M. Henin ne peut dans le même temps demander l'annulation des contrats de franchise qu'il a lui-même souscrits tout en faisant parallèlement la promotion de l'enseigne et du concept du réseau.

En tout état de cause, le franchisé ne démontre pas que les manquements de la SAS International Esthétique à son obligation d'information pré-contractuelle ont vicié son consentement et qu'il ne s'est pas engagé en pleine connaissance de cause alors que le chiffre d'affaires réalisé par la SARL Beauté Passion Académy a doublé entre les deux premiers exercices 2004-2005 et que celui de la SARL Autrement est passé de 209 084 euro en 2005 à 276 284 euro en 2006 et que M. Henin ne justifie pas avoir adressé le moindre reproche sur ces résultats durant ses deux premières années d'activité.

M. Henin n'est pas davantage fondé à se prévaloir de l'ignorance qu'il avait de la mesure de faillite personnelle et d'interdiction de gérer dont avait fait l'objet M. Lallement en 1993 alors que, aucune erreur inexcusable ni aucun caractère intentionnel de la non-révélation de cette mesure n'étant établis au regard d'une sanction prononcée onze ans plus tôt et qui avait cessé de produire ses effets depuis cinq ans, il ne démontre pas qu'il ne se serait jamais engagé s'il avait été pleinement informé de ce chef.

Sur le défaut de cause :

La SARL Beauté Passion Académy et la SARL Autrement ne peuvent invoquer valablement un défaut de savoir-faire du franchiseur alors qu'elles n'établissent pas que le concept n'avait aucune consistance. En effet, le manuel opérationnel qualifié de " bible Epil-Center ", même s'il mêle synthèses et emprunts, constitue cependant un outil de travail permettant de transmettre aux franchisés adhérents des informations nécessaires à l'exercice de la profession d'esthéticienne, tant en termes de règles de travail applicables et de techniques et protocoles professionnels que d'argumentaires de marketing et de vente, et M. Henin a également bénéficié de la mise à disposition de produits sélectionnés de la marque du franchiseur ainsi que de l'utilisation de la marque " Epil Center ".

La réalité et l'efficacité de ce savoir-faire sont du reste attestés par le fait que le réseau Epil Center a connu un important développement par le nombre de centres ouverts depuis 2003, date de sa reprise par M. Lallement, et confirmés par M. Henin, en sa qualité de représentant légal des SARL Beauté Passion Académy et Autrement, qui a lui-même choisi d'ouvrir successivement trois centres à un an d'intervalle et qui a participé, moyennant rémunération, au recrutement de nouveaux franchisés.

Enfin, les contrats de franchise établis au profit des SARL Beauté Passion Académy et Autrement font ressortir que la marque Epil Center a été déposée à l'INPI le 1er avril 1998 et que la garantie de son usage a été concédée aux franchisées.

La demande de nullité des contrats de franchise passés entre la SAS International Esthétique et les SARL Beauté Passion Académy et Autrement doit donc être rejetée.

Sur la résiliation des contrats de franchise :

Les contrats de franchise passés par M. Henin prévoient qu'en contrepartie des redevances dues au franchiseur ce dernier garantit aux franchisées " une formation et une assistance initiales et permanentes pour l'acquisition et la reproduction du savoir-faire et des méthodes spécifiques propres à Epil Center ", qu'il s'oblige notamment à leur apporter une " assistance permanente " et notamment " l'envoi des conseillers du réseau qui visitent régulièrement les instituts et procèdent à des audits et compte-rendus de visite afin d'apporter une assistance personnalisée à chaque franchisé " et qu'il organisera chaque année au moins une réunion de franchise nationale à laquelle tous les franchisés seront tenus de participer.

A cet égard, il ressort du courrier de M. Henin à la SAS International Esthétique en date du 13 janvier 2006, dans lequel le franchisé se plaignait des défaillances du franchiseur à son obligation de conseil et d'assistance, que seule une réunion de zones a eu lieu en 2005 au lieu des 4 annoncées et que les deux actions commerciales de février sur Cambrai et Douai ont été menées à la seule initiative des franchisées sans aide du franchiseur pour les mailings et animations.

En outre, deux seuls compte-rendus d'audit ont été établis en juillet 2005 pour les centres de Cambrai et d'Amiens, à l'exception de celui de Douai, et aucune réunion nationale n'a été tenue en 2005, la dernière l'ayant été en septembre 2004.

Dans ces conditions, la SAS International Esthétique, qui ne rapporte pas la preuve d'avoir respecté ses obligations contractuelles en matière d'assistance et de conseil à l'égard des SARL Beauté Passion Académy et Autrement, a manqué à l'exécution loyale et de bonne foi des contrats de franchise litigieux.

Il ressort par ailleurs de deux constats d'huissier, dressés les 24 et 25 octobre 2006 à la requête de la SAS International Esthétique, que les façades des instituts de beauté exploités par la SARL Beauté Passion Académy à Cambrai et à Douai n'arboraient qu'une seule enseigne indiquant la mention " beauté, bien-être " et ne portaient aucun élément distinctif d'appartenance au réseau Epil Center, comme l'enseigne, les sigles et les logos de la franchise.

Il est ainsi établi que la SARL Beauté Passion Académy a manqué à ses obligations contractuelles stipulées à l'article 7.2 desdits contrats en modifiant radicalement l'agencement d'origine des éléments de décoration extérieure de ses locaux sans l'accord préalable du franchiseur.

D'autre part, alors que les contrats de franchise signés respectivement les 15 et 5 février 2004 pour une durée de 9 ans étaient toujours en vigueur, les SARL Beauté Passion Académy et Autrement ont constitué le 19 juin 2006 un groupement d'intérêt économique sous le nom de SARL Beauté Passion Académy Développement à l'effet de poursuivre leur activité sous une enseigne commune Zhao à compter du mois d'août 2006, rompant ainsi brutalement et abusivement leurs relations avec leur franchiseur.

Au vu des fautes respectives de la SAS International Esthétique et des SARL Beauté Passion Académy et Autrement, il convient en conséquence de prononcer la résiliation des contrats de franchise aux torts réciproques des parties à compter du 31 août 2006.

Sur les sommes dues :

Sur les demandes de la SAS International Esthétique :

Au vu des factures produites par la SAS International Esthétique, relatives aux seules fournitures diverses de marchandises, matériels et prestations qui ne sont pas contestées par les franchisées, la SARL Beauté Passion Académy est redevable des sommes de 21 428,58 euro TTC pour le magasin de Cambrai et de 4 142,18 euro TTC pour celui de Douai alors que la SARL Autrement doit celle de 3 706,59 euro TTC pour le magasin d'Amiens.

La SAS International Esthétique sera en revanche déboutée de sa demande de paiement des redevances postérieures au 31 août 2006, date de résiliation des contrats, ainsi que de dommages et intérêts au titre du manque à gagner subi du fait de la résiliation alors que celle-ci est intervenue aux torts réciproques des parties.

Sur les demandes des SARL Beauté Passion Académy et Autrement :

Les sociétés franchisées seront déboutées de leurs demandes relatives au remboursement des sommes versées au titre de la réservation de zones et du droit d'entrée ainsi que des redevances versées avant le 31 août 2006, aucun effet rétroactif ne découlant de la résiliation des contrats de franchise.

Elles seront également déboutées de leurs demandes de remboursement des investissements initiaux non amortis et des remises et ristournes obtenues des fournisseurs alors qu'elles ne produisent aucun justificatif à cet égard, qu'elle profitent pleinement de leurs investissements dans le cadre de la poursuite de leur activité et qu'elle ne justifient pas davantage de leurs allégations selon lesquelles elles n'ont pas bénéficié de l'effet réseau pour leurs achats.

En revanche, la SAS International Esthétique sera condamnée à rembourser à la SARL Beauté Passion Académy la somme de 10 000 euro au titre des frais de publicité initiale pour les magasins de Cambrai et Douai, compte tenu du partage des responsabilités entre les parties dans la résiliation des contrats de franchise (10 000 x 2 : 2).

La SARL Autrement sera par ailleurs déboutée de sa demande de remboursement des pertes d'exploitation au titre de l'exercice 2004 alors que la résiliation est intervenue postérieurement, qu'il ressort du courrier susvisé adressé le 3 janvier 2005 à la SAS International Esthétique que M. Henin a été à l'initiative de l'acquisition du magasin d'Amiens et a accepté les modalités de la cession en toute connaissance de cause du marché local et de la situation du fonds et que, si une perte d'exploitation a été enregistrée pour le premier exercice, l'augmentation très importante du chiffre d'affaires a permis de dégager un résultat positif les deux années suivantes.

Enfin, les SARL Beauté Passion Académy et Autrement seront déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts alors que la rupture des contrats de franchise est intervenue aux torts réciproques des parties et qu'elles ont poursuivi leur activité dès le mois d'août 2006 sous une autre enseigne dans le cadre d'un groupement d'intérêt économique constitué à l'insu de leur franchiseur.

Les parties, qui succombent partiellement dans leurs prétentions respectives, supporteront la charge de leurs propres dépens en vertu de l'article 696 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS International Esthétique à rembourser aux SARL Beauté Passion Académy et Autrement les redevances perçues pour les magasins de Douai et d'Amiens. Statuant à nouveau de ce chef : Déboute la SARL Beauté Passion Académy de sa demande de remboursement des redevances perçues pour le magasin de Douai et la SARL Autrement de sa demande de remboursement de la somme de 29 944 euro au titre des redevances perçues pour le magasin d'Amiens. Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions. Y ajoutant : Dit que les SARL Beauté Passion Académy et Autrement ont régulièrement passé des contrats de franchise avec la SAS International Esthétique pour les magasins de Douai et d'Amiens. Prononce la résiliation des contrats de franchise passés entre la SAS International Esthétique et les SARL Beauté Passion Académy et Autrement pour les magasins de Douai et d'Amiens aux torts réciproques des parties, à compter du 31 août 2006. Dit que la résiliation du contrat de franchise entre la SAS International Esthétique et la SARL Beauté Passion Académy pour le magasin de Cambrai a pris effet au 31 août 2006. Condamne la SAS International Esthétique à rembourser à la SARL Beauté Passion Académy la somme de 10 000 euro au titre des frais de publicité initiale. Rejette les demandes des parties en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens d'appel.