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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 3 juin 2011, n° 09-22683

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

BP France (SA), Maariyaah Trading Lda (Sté)

Défendeur :

Villeroy & Boch Arts de la table (SAS), Villeroy & Boch AG (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Girardet

Conseillers :

Mmes Regniez, Nerot

Avoués :

SCP Menard Scelle Millet, SCP Anne Laure Gerigny Freneaux, Me Huyghe

Avocats :

Mes Joly, Benoliel Claux, Legrand

T. com. Paris, 3e ch., du 22 sept. 2009

22 septembre 2009

La société de droit allemand Villeroy et Boch AG se présente comme appartenant à un groupe économiquement important issu d'une ancienne entreprise familiale dont la division " Arts de la table " jouit d'une renommée et titulaire de droits d'auteur et de modèles sur des articles de vaisselle ayant fait l'objet d'un dépôt de modèle international désignant la France le 14 février 2001, enregistré sous le n° DM/055181 et régulièrement renouvelé, dont les reproductions n° 1.1 à 3 couvrent une tasse à café et une sous-tasse.

Sa filiale française, la SAS Villeroy et Boch Arts de la table, contrôle un réseau de distribution sélective et commercialise un service de table complet en porcelaine dénommé " new ware " (ou " hot ware " à destination des hôtels et des restaurants) dépendant de la collection " Metropolitan " qui comprend, notamment, la tasse et la sous-tasse couvertes par les reproductions 1.1 à 3 du modèle international déposé.

Cet ensemble a été commercialisé en 2001 dans une version tasse à moka (référencé 1419) puis au printemps 2002 dans une version tasse à café (référencé 1299) tant auprès des particuliers que des professionnels.

Ayant constaté que la société pétrolière BP France proposait à sa clientèle, moyennant 50 bons de fidélité et quatre euro, un coffret de six tasses et sous-tasses reproduisant, selon elles, les caractéristiques des modèles déposés en le présentant dans sa brochure publicitaire 2007/2008 comme une nouveauté et un produit " coup de cœur ", elles ont fait dresser un procès-verbal de constat, le 27 novembre 2007, sur le site Internet " www.bpbienvenue.com " où cette société l'offrait aux mêmes conditions à la clientèle, procéder à des opérations de saisie-contrefaçon en son siège, le 20 décembre 2007 puis, par actes des 31 décembre 2007 et 3 janvier 2008, elles ont assigné la société BP France et la société de droit portugais Maariyaah Trading Lda, fournisseur de cette dernière qui importait de Chine les produits litigieux, en contrefaçon, concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement rendu le 22 septembre 2009, le Tribunal de commerce de Paris a, avec exécution provisoire :

- condamné in solidum les sociétés BP France et Maariyaah Trading Lda à payer :

* à la société Villeroy et Boch AG la somme indemnitaire de 40 000 euro réparant l'atteinte portée à ses droits privatifs et " leur dévalorisation ",

* à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme indemnitaire de 10 000 euro en réparation des actes de concurrence déloyale,

* aux sociétés Villeroy et Boch AG et Villeroy et Boch Arts de la table les sommes indemnitaires de 30 000 euro et de 5 793 euro au titre, respectivement, de la marge perdue et des marges indûment réalisées par les sociétés défenderesses ainsi que la somme de 5 000 euro au profit de chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile (" conjointement et solidairement " s'agissant de cette dernière condamnation),

- fait interdiction aux sociétés défenderesses, sous astreinte de 150 euro par infraction constatée, 30 jours après la signification du jugement et pendant une durée de 60 jours, de diffuser tous documents, prospectus, catalogues, tant sur support-papier que par tout autre moyen, présentant des produits portant atteinte aux droits d'auteur et de modèle de la société Villeroy et Boch AG et/ou constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard de la société Villeroy et Boch Arts de la table, de présenter ou exposer de tels produits, de les importer, de les offrir à la vente et de les commercialiser, l'infraction s'entendant de tout acte de présentation, d'offre en vente ou de vente des produits en cause,

- ordonné le retrait du marché, aux frais in solidum des défenderesses et sous astreinte de 1 500 euro par jour de retard, 30 jours après la signification du jugement et pour une durée de 30 jours, de tous les articles contrevenants et/ou constitutifs de concurrence déloyale se trouvant entre leurs mains ou en tout autre lieu,

- ordonné la publication du dispositif du jugement in extenso ou par extraits dans trois journaux ou périodiques au choix des demanderesses et aux frais des défenderesses, dans la limite de 5 000 euro HT par parution,

- condamné les défenderesses aux dépens incluant les opérations de constat et de saisie-contrefaçon.

Les sociétés BP France et Maariyaah Trading Lda en ont successivement interjeté appel.

Par dernières conclusions signifiées le 16 mars 2011, la société anonyme BP France demande à la cour, au visa du Livre V du Code de la propriété intellectuelle et, notamment, de son article L. 513-5, d'infirmer partiellement le jugement et :

- à titre principal, de prononcer la nullité des opérations de saisie-contrefaçon, de rejeter les demandes " de Villeroy et Boch " tant au titre de la contrefaçon de modèle qu'au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, de " condamner Villeroy et Boch " à lui verser la somme de 10 000 euro au titre de ses frais non répétibles et à supporter les entiers dépens,

- à titre subsidiaire et au visa des articles 1134, 1135 du Code civil ainsi que du contrat du 10 juillet 2007, de la dire recevable et fondée en sa demande en garantie à l'encontre de la société Maariyaah Trading ; en conséquence de prononcer sa mise hors de cause en condamnant cette dernière au paiement des sommes réclamées en principal, frais et accessoires, en application, notamment, du contrat visé ainsi qu'au remboursement des sommes qu'elle-même a d'ores et déjà versées au titre de l'exécution provisoire ; en tout état de cause, de condamner la société Maariyaah Trading à la garantir de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et de la condamner, de plus, à lui verser la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter tous les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 28 avril 2011, la société de droit portugais Maariyaah Trading Lda demande à la cour, au visa des Livres I, III et V du Code de la propriété intellectuelle et 1382 du Code civil, d'infirmer le jugement, sauf en ses dispositions portant rejet des demandes au titre du parasitisme et de la garantie poursuivie par la société BP, et :

- principalement de dire la société Villeroy et Boch Arts de la table irrecevable en toutes ses prétentions et les deux sociétés Villeroy et Boch mal fondées en leurs prétentions,

- subsidiairement, de réduire à de plus justes proportions le montant des indemnités, de dire, en toute hypothèse, que la société BP sera seule tenue au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale et de dire, en cas d'infirmation sur l'appel en garantie, que la part mise à sa propre charge ne pourra excéder 5 % des sommes allouées,

- en toute hypothèse, de condamner les sociétés Villeroy et Boch AG et Villeroy et Boch Arts de la table ou, à défaut, la société BP France, à lui verser la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter tous les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 21 avril 2011, la société de droit allemand Villeroy et Boch AG et la société par actions simplifiée Villeroy et Boch Arts de la table demandent à la cour, au visa des Livres I, III et V du Code de la propriété intellectuelle, 1382 du Code civil et de l'article 10 bis de la Convention d'Union de Paris,

* de confirmer le jugement en ses dispositions relatives à la reconnaissance des actes de contrefaçon de droits d'auteur et de modèle ainsi que de concurrence déloyale et en celles portant sur les mesures d'interdiction, de retrait et de publication,

* de l'infirmer pour le surplus et :

- de dire que les appelantes se sont également rendues coupables d'actes de parasitisme au préjudice de la société Villeroy et Boch Arts de la table,

- de leur faire interdiction, sous astreinte de 150 euro par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de diffuser tous documents, prospectus, catalogues, tant sur support-papier que par tout autre moyen, présentant des produits portant atteinte aux droits d'auteur et de modèle de la société Villeroy et Boch AG et/ou constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard de la société Villeroy et Boch Arts de la table, de présenter ou exposer de tels produits, de les importer, de les offrir à la vente et de les commercialiser, l'infraction s'entendant de tout acte de présentation, d'offre en vente ou de vente des produits en cause,

- d'ordonner le rappel des circuits commerciaux et la destruction devant huissier, aux frais in solidum des appelantes et sous astreinte de 1 500 euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de tous les articles contrevenants et/ou constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire se trouvant entre leurs mains ou en tout autre lieu,

- de dire que la cour se réservera la liquidation de l'astreinte,

- de condamner in solidum les sociétés BP France et Maariyaah Trading Lda à verser :

* à la société Villeroy et Boch AG la somme indemnitaire de 75 000 euro, en réparation de l'atteinte portée à ses droits privatifs et à leur dévalorisation, ainsi qu'une somme de 147 051 euro réparant le préjudice résultant de la marge par elle perdue,

* à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme indemnitaire de 538 937 euro réparant le préjudice résultant de la marge qu'elle a perdue outre celle de 50 000 euro au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son préjudice,

* à toutes deux, la somme de 32 016 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des bénéfices indûment réalisés par les appelantes et, à chacune, la somme de 15 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile en les condamnant, de plus, à leur rembourser les frais et honoraires exposés lors des opération de constat et de saisie et à supporter tous les dépens,

- de rejeter les entières prétentions des appelantes et de dire que les publications judiciaires autorisées porteront sur l'arrêt à intervenir.

Sur ce,

Sur la validité des opérations de saisie-contrefaçon :

Considérant que la société BP France reproche au tribunal d'avoir rejeté sa demande d'annulation de ces opérations, alors que la requête aux fins d'autorisation qu'a présentée la société Villeroy et Boch visait, de manière erronée, les articles L. 332-1 et L. 521-1 du Code de la propriété intellectuelle et que ce dernier article n'est pas concerné par les saisies-contrefaçon ; qu'elle a, selon elle, fautivement obtenu une autorisation sur le fondement d'un article de l'autorisant pas ;

Que c'est, cependant, à juste titre que les sociétés Villeroy et Boch lui opposent le fait que le décret d'application de l'article applicable, à savoir l'article L. 521-4 du Code de la propriété intellectuelle, n'a été publié que postérieurement à la présentation de la requête litigieuse et que la société BP France qui s'est abstenue d'agir en rétractation n'établit ni même n'invoque un quelconque grief, contrairement à ce que requiert l'article 114 du Code de procédure civile ;

Qu'ainsi, le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur la recevabilité des demandes fondées sur le Livre III du Code de la propriété intellectuelle :

Considérant que la société BP France soutient, pour la première fois en cause d'appel, que la société Villeroy et Boch vise les dispositions du Livre III du Code de la propriété intellectuelle et que la nouveauté des demandes à ce titre les rendent irrecevables ;

Que, toutefois, ne serait-ce que le contenu de la décision des premiers juges qui se sont prononcés sur la contrefaçon tant de modèle que du droit d'auteur conduit à considérer que la société Villeroy et Boch AG agit, dès l'origine, sur le fondement des Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle, de sorte que ce moyen d'irrecevabilité doit être considéré comme dénué de pertinence ;

Sur la contrefaçon des droits d'auteur et de modèle au préjudice de Villeroy et Boch AG :

Considérant que l'appelante présente de la sorte les caractéristiques des modèles litigieux :

* s'agissant de la tasse (et correspondant aux reproductions n° 1.1 à 1.5 du dépôt de modèle international),

- une base en forme de goutte d'eau qui va en s'élargissant du pied de la tasse vers sa partie supérieure,

- un corps asymétrique en forme de spirale,

- une anse pleine de forme sensiblement triangulaire constituant le prolongement en spirale du corps de la tasse mais dessinant un mouvement ondulatoire inverse,

* s'agissant de la sous-tasse (et correspondant aux reproductions n° 2.1 à 2.3 du dépôt),

- vue du dessus, elle présente une forme sensiblement rectangulaire dans laquelle s'inscrit un large renfoncement de forme circulaire, sur-dimensionné par rapport à la base de la tasse,

- vue de profil, elle est constituée d'une embase arrondie qui va en s'évasant, surmontée d'un rebord dessinant un léger mouvement ondulatoire,

La reproduction n° 3 du dépôt couvrant l'ensemble constitué par cette tasse et cette sous-tasse ;

Considérant que les produits faisant partie des coffrets importés par la société Maariyaah Trading Lda versés aux débats comprennent :

- six tasses comportant une base en forme de goutte qui va en s'élargissant du pied de la tasse vers sa partie supérieure/un corps en forme de spirale/un pourtour asymétrique/une anse pleine sensiblement triangulaire prolongeant le corps de la tasse en s'incurvant de manière inverse, à partir d'une légère rainure, jusqu'à former une virgule,

- six sous-tasses de forme sensiblement rectangulaire/dans laquelle s'inscrit un large renfoncement circulaire, sur-dimensionné par rapport à la base de la tasse/présentant une embase arrondie qui va en s'évasant, surmontée d'un rebord dessinant un léger mouvement ondulatoire ;

Sur la portée du dessin ou modèle et des droits d'auteur :

Considérant qu'aux termes de l'ancien article L. 511-3 alinéa 1 du Code de la propriété intellectuelle applicable au modèle international DM/055181

" Les dispositions du présent Livre sont applicables à tout dessin nouveau, à toute forme plastique nouvelle, à tout objet industriel qui se différencie de ses similaires soit par une configuration distincte et reconnaissable lui conférant un caractère de nouveauté, soit par un ou plusieurs effets extérieurs lui donnant une physionomie propre et nouvelle " ;

Considérant que pour affirmer que la société déposante ne peut bénéficier de la protection du Livre V, la société Maariyaah Lda se prévaut d'antériorités et évoque plus précisément un modèle déposé par la société Rosenthal (pièce 20) présentant une anse pleine de forme "sensiblement triangulaire" ;

Mais considérant qu'aucun des documents qu'elle produit, pas même le modèle international de tasse à café déposé le 27 janvier 1992 par la société Rosenthal qu'elle reproduit dans ses écritures sans pour autant s'attacher à ses caractéristiques, ne permet de dire que le modèle revendiqué ne se différencie pas de ses similaires et qu'il ne possède pas le caractère de nouveauté tel que requis par ce texte ;

Considérant que pour s'opposer à la demande relative aux faits argués de contrefaçon, les sociétés BP et Maariyaah Lda soutiennent que les modèles opposés ne se ressemblent que par des caractéristiques banales et fonctionnelles inhérentes aux services à café en général ;

Qu'elles font, par ailleurs valoir que la taille et les proportions de l'ensemble formé par la tasse (plus grande) et la soucoupe (plus petite) incriminées diffèrent de l'ensemble constitué par le modèle déposé, à l'instar de la courbe de l'anse de la soucoupe (davantage accentuée) et de la surface (plus petite) de la soucoupe ; qu'elles soulignent le caractère régulier ou irrégulier du pourtour des tasses opposées, la virgule plus ou moins accentuée de l'anse et des différences visuelles lorsqu'on observe leur base ou leur profil ;

Mais considérant que le modèle déposé se singularise par la combinaison particulière des arrondis - en forme de goutte d'eau, de spirale asymétrique, de courbe inversée, d'ondulation - conjugués au choix, surdimensionné sans nécessité, du creux de la sous-tasse et à des formes géométriques suggérant le mouvement, qu'il s'agisse de l'anse triangulaire incurvée faisant corps avec la tasse ou du rectangle de la sous-tasse qui présente une surface ondulée et des bords arrondis ;

Qu'il y a lieu de considérer que l'impression globale qu'il produit sur l'observateur averti lui confère une physionomie propre ;

Qu'en outre, la combinaison de ces mêmes caractéristiques porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et fonde son originalité ;

Sur la contrefaçon :

Considérant qu'il s'évince de la comparaison des modèles de tasse et de sous-tasse à café opposés que le produit litigieux reprend cette même combinaison d'arrondis et de formes géométriques particulières avec une anse pleine de forme triangulaire prolongeant le corps de la tasse dans un mouvement incurvé ;

Que c'est vainement que les sociétés BP et Maariyaah soutiennent que l'observateur averti n'y verra pas de différence flagrante dès lors que les différences qu'elles mettent en avant ne sont que de détail, qu'est, en revanche, reprise, sans nécessité, la configuration distincte et reconnaissable qui donne à l'ensemble une physionomie propre et nouvelle et qui ne produira pas sur l'observateur averti, ainsi qu'en dispose l'article L. 513-5 du Code de la propriété intellectuelle d'application immédiate, une impression visuelle d'ensemble différente ;

Qu'il suit que la contrefaçon du modèle déposé DM/055181 est caractérisée ;

Considérant, par ailleurs, que selon l'article L. 335-3 du même Code selon lequel " Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une œuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi " ;

Qu'au cas particulier, la reprise, comme il a été énoncé précédemment, dans une même combinaison, des éléments qui témoignent de l'effort créatif de l'auteur de cet ensemble tasse/sous-tasse et en fondent l'originalité caractérise la contrefaçon des droits d'auteur ;

Que le jugement sera, par voie de conséquence, confirmé de ces chefs ;

Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire commis au préjudice de la société Villeroy et Boch Arts de la table :

Sur la fin de non-recevoir opposée, à ce titre, à la société Villeroy et Boch Arts de la table :

Considérant que la société Maariyaah Lda conteste à cette dernière la qualité de distributeur exclusif en France du modèle de tasse et de sous-tasse revendiqué en faisant valoir que le contrat de concession exclusive du 15 juin 1987 qu'elle produit et complète par une tardive attestation élargissant a posteriori le champ contractuel de l'exclusivité alléguée ne lui donne ni qualité ni intérêt à agir ;

Qu'il en va de même des brochures dont elle se prévaut, imprimées en Allemagne, faisant mention du nom de la société Villeroy et Boch AG, comportant des tarifs et informations destinés aux revendeurs, et qui peuvent, tout au plus, justifier de la qualité de représentante en France ;

Qu'elle estime, en outre, que ne sont nullement probants les documents qu'elle communique sur son chiffre d'affaires ;

Mais considérant que l'intimée établit, par les pièces qu'elle verse aux débats, qu'elle a été constituée à la suite d'un apport partiel d'actif d'un département " Arts de la table " de la société Villeroy et Boch SA et que les incohérences sur son lieu de siège social ne sont que prétendues puisqu'elle n'a fait qu'en changer ; qu'elle bénéficie d'un contrat de concession exclusive signé le 15 juin 1987 couvrant à ce jour l'ensemble du territoire et des produits de la société allemande et que l'attestation du dirigeant du groupe Villeroy et Boch ne vient que confirmer l'adhésion du groupe au fait que l'exclusivité concédée incluait bien la distribution du produit revendiqué ;

Qu'elle est, en outre, mentionnée sur les brochures destinées aux professionnels en qualité de distributeur ;

Qu'elle justifie, enfin, de son chiffre d'affaires, depuis 2001, au titre des produits revendiqués ;

Qu'elle établit, ainsi, qu'elle est fondée à revendiquer la qualité de distributeur exclusif en France de la société Villeroy et Boch AG, contrôlant un réseau de distribution sélective, et, partant, de sa qualité et de son intérêt à agir si bien que la fin de non-recevoir qui lui est opposée sera rejetée ;

Sur les agissements argués de concurrence déloyale et de parasitisme :

Considérant que la société BP France, poursuivant l'infirmation du jugement à ce titre, se prévaut de sa qualité de société pétrolière n'opérant pas sur le même marché que l'intimée et tire argument du fait que le service à café qu'elle offrait à ses clients ne constituait qu'un véhicule publicitaire destiné à fidéliser, moyennant un prix se situant dans le segment du cadeau d'affaire, une clientèle distincte de la clientèle élitiste de Villeroy et Boch acquérant son service à café au prix de 117 euro ; qu'elle a, de plus, fait montre de sa bonne foi en faisant cesser les actes incriminés dès qu'elle a eu connaissance de la réclamation ;

Que la société Maariyaah fait, de son côté, valoir que l'intimée ne démontre ni la notoriété ni le risque de confusion qu'elle allègue, observant que la multiplicité des déclinaisons du modèle " New Wave " ne lui permet pas de se prévaloir d'un risque de confusion ni de dire que le modèle revendiqué constitue l'un de ses modèles-phare ;

Qu'elle ajoute que la mention de son propre nom sur les emballages des coffrets distribués dans les stations-service ne permet pas de dire qu'elle a délibérément cherché à créer une confusion dans l'esprit du public et que la désorganisation et l'atteinte au prestige invoquées ne sont que prétendues, à l'instar des investissements marketing et commerciaux dont elle fait état ;

Mais considérant que la société Villeroy et Boch Arts de la table est fondée à soutenir que la mise sur le marché de modèles reproduisant les caractéristiques de ceux qu'elle commercialise, à travers un réseau de distribution sélective, est constitutif de concurrence déloyale dès lors qu'elle est de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du public ;

Que l'absence d'identité entre la clientèle de la société Villeroy et Boch, qui se distinguerait par son aisance financière, et celle des 435 stations-service du réseau BP, présentée comme " très volatile " en temps de crise, ou le fait que la mention du nom du fabricant sur l'emballage exclurait tout risque de confusion ne procèdent que d'affirmations inopérantes dès lors que la co-existence de circuits de distribution différents n'exclut pas l'existence d'une clientèle commune, que les produits opposés présentent des caractéristiques similaires et que les produits incriminés, eux-mêmes, sont, au surplus, dépourvus de marquage ou d'indication de provenance ;

Qu'au contraire, la mise en vente telle que pratiquée de produits imitant dans la grande distribution des modèles originaux raffinés tend à déprécier l'image des produits authentiques et à porter une atteinte à sa valeur économique en préjudiciant aux intérêts de la société qui en assure la distribution ;

Que les documents produits par la société Villeroy et Boch démontrant que les produits qu'elle commercialise à travers un réseau de distribution sélective bénéficient d'une identité visuelle spécifique et qu'à la faveur d'investissements importants et soutenus elle a su fidéliser une clientèle attachée à son image, il convient de considérer qu'en fabriquant et en distribuant un produit imitant l'un des produits de sa gamme (qui s'est notamment vu décerner deux prix, par un jury de professionnels et de détaillants, en 2003) dans un important réseau de stations-service, les appelantes, créant un risque de confusion dans l'esprit du public qui pourra, notamment, croire que l'emploi de ce véhicule publicitaire a reçu l'aval de la société Villeroy et Boch, ont porté atteinte à ce réseau en le désorganisant et procédé à un détournement de clientèle ;

Que le retrait immédiat du marché invoqué par la société BP France ne permet pas de la dédouaner de sa responsabilité du chef de la concurrence déloyale et relève de l'appréciation des mesures réparatrices ;

Considérant, s'agissant des faits de parasitisme distinctement dénoncés, que les sociétés se trouvent en situation de concurrence en sorte que c'est sur ce terrain et non sur celui du parasitisme qu'il convient de se placer, étant au surplus, relevé qu'il a déjà été répondu à l'argumentation développée à ce titre ;

Que le jugement sera, par conséquent, confirmé en ce qu'il a retenu l'existence de faits de concurrence déloyale imputables aux appelantes et préjudiciables au bénéficiaire exclusif, en France, des produits Villeroy et Boch ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant, s'agissant de la réparation du préjudice résultant de la contrefaçon, qu'en application des dispositions de l'article L. 521-7 du Code de la propriété intellectuelle, doivent être prises en considération ses conséquences économiques négatives, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au bénéficiaire du droit ;

Que pour voir majorer le montant de la réparation du préjudice résultant des actes contrefaisants subis et solliciter les sommes de 75 000 euro, de 147 051 euro et (conjointement avec sa filiale française) de 32 016 euro au titre, respectivement, de l'atteinte portée à ses droits privatifs et de leur avilissement, de sa perte de marge et des bénéfices indûment réalisés, la société Villeroy et Boch AG fait, en particulier, état :

- du fait qu'une première livraison de 8 004 coffrets contrefaisants (soit 48 024 tasses et sous-tasses) a été entièrement écoulée en France entre octobre et décembre 2007 et qu'une nouvelle commande de 8 000 coffrets a été passée fin 2007 du fait de leur succès, lequel est confirmé par le fait que la société Maariyaah s'apprêtait à vendre 25 000 de ces coffrets dans le réseau Intermarché,

- que le prix de vente d'un ensemble tasse/sous-tasse à sa filiale française s'établit en 2007 à 6,46 euro et sa marge moyenne à 47,40 % ;

Que les appelantes font valoir que, certes, 8 000 pièces ont été commandées par BP France à Maariyaah Trading mais que seules 5 793 unités ont été distribuées, ceci en un très court laps de temps, que la société BP France a massivement procédé à un rappel des produits, auprès de 435 stations-service, dès qu'elle a eu connaissance de la revendication, que ces services à café offerts contre remise de 50 points de fidélité et 4 euro n'étaient qu'un véhicule publicitaire, que la société portugaise, qui faisait fabriquer des services à café en Chine, n'a réalisé que 0,19 euro de marge sur chacun des 5 793 coffrets livrés (soit un bénéfice de 1 100,67 euro), que la commercialisation projetée dans les magasins à l'enseigne Intermarché ne concernait que l'Espagne et ne saurait être prise en considération, que l'atteinte porte sur un seul modèle de service à café et non sur les différentes et nombreuses gammes que commercialise la société Villeroy et Boch et que cette dernière, qui faisait d'abord curieusement état d'une taux de marge de 70 %, ne justifie pas d'une baisse des ventes corrélative aux faits litigieux ;

Considérant, ceci exposé, que l'ensemble de ces éléments, au regard du nombre de coffrets effectivement distribués, conduit à minorer la masse contrefaisante telle que définie par l'intimée et à réduire à de plus justes proportions son évaluation tant des bénéfices réalisés que de l'atteinte portée à son droit ;

Qu'ainsi, le préjudice subi par la société Villeroy et Boch AG du fait des actes de contrefaçon et qui prend en compte les différents éléments d'appréciation prévus à l'article L. 527 sus-évoqué sera fixé à la somme de 40 000 euro ;

Considérant, s'agissant du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale subis par la société Villeroy et Boch Arts de la table, qu'elle évalue à la somme de 538 937 euro la marge brute perdue, sollicite, conjointement avec sa société mère, la somme de 32 016 euro au titre des bénéfices indûment réalisés et, ajoutant aux précédents éléments d'appréciation, se prévaut des investissements réalisés pour cet ensemble tasse/sous tasse, du mode de distribution de ce produit et de son prix de vente au public, soit : 19,50 euro sur lequel elle réalise une marge de 57,55 % ;

Qu'elle ne peut, toutefois, raisonnablement prétendre qu'elle aurait vendu, à travers son réseau de distribution sélective et selon ses calculs, plus de 48 000 ensembles tasse/sous-tasse au prix de 19,50 euro durant une période de trois mois en sorte qu'il lui sera alloué la somme de 30 000 euro venant réparer l'entier préjudice généré par ces actes de concurrence déloyale ;

Que les appelantes qui ont concouru à la réalisation de ce dommage seront condamnées in solidum à le réparer ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a, à bon droit, considéré que la clause du contrat dont se prévaut la société BP France pour solliciter la garantie de son fournisseur, ne peut être appliquée aux faits de l'espèce en raison de son imprécision, la cour ajoutant que le courrier du 24 décembre 2007 produit en cause d'appel pour attester d'un engagement de la société portugaise à les garantir ne permet pas de faire droit à sa demande ; qu'en effet, cet écrit, émanant de la société BP France elle-même, évoque une conversation téléphonique qu'elle aurait eue avec un dirigeant de la société Maariyaah portant sur un engagement, dénié par cette dernière, qu'aucun élément extérieur ne vient confirmer ;

Qu'il y a lieu, par ailleurs, de confirmer le jugement en ses dispositions ordonnant une mesure d'interdiction et de retrait, sans qu'il y ait lieu d'y ajouter, ainsi qu'en celles portant sur la mesure de publication, sauf à en modifier le libellé, comme il sera précisé au dispositif ;

Sur les mesures accessoires :

Considérant que l'équité ne conduit pas à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que le jugement, confirmé en ses dispositions portant sur la condamnation aux frais non répétibles sera, toutefois, infirmé en sa condamnation aux dépens mais uniquement en ce qu'ils incluent les frais de constat et de saisie qui n'ont pas vocation à y être inclus ;

Qu'enfin, les appelantes seront condamnées in solidum aux dépens d'appel ;

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré à l'exception de ses dispositions portant sur le quantum des indemnisations du préjudice subi au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, sur le libellé de la mesure de publication et sur la condamnation aux dépens de première instance mais uniquement en ce qu'ils incluent les frais de constat et de saisie, et, statuant à nouveau dans cette limite en y ajoutant ; Rejette le moyen d'irrecevabilité opposé à la demande en ce qu'elle porte sur la contrefaçon de droits d'auteur ; Condamne in solidum la société anonyme BP France et la société de droit portugais Maariyaah Trading Lda à verser : - à la société de droit allemand Villeroy et Boch AG la somme de 40 000 euro en réparation de l'entier préjudice subi résultant des actes de contrefaçon, - à la société anonyme Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 30 000 euro en réparation de l'entier préjudice subi résultant des actes de concurrence déloyale, Dit que la mesure de publication ordonnée par les premiers juges sera ainsi libellé : " par arrêt rendu le 3 juin 2011, la Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement rendu le 22 septembre 2009 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a condamné in solidum la société anonyme BP France et la société Maariyaah Trading Lda pour des faits de contrefaçon et de concurrence déloyale portant sur un ensemble de tasses à café/sous-tasse, objet d'un dépôt de modèle international n° DM/055181 du 14 février 2001 et protégé par le droit d'auteur, commis au préjudice de la société Villeroy et Boch AG et Villeroy et Boch Arts de la table SA " ; Déboute les parties de leurs prétentions respectives fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ; Dit que la condamnation au titre des dépens prononcée par le tribunal ne comprendra pas les frais de constat et de saisie exposés par les sociétés Villeroy et Boch ; Condamne in solidum la société anonyme BP France et la société de droit portugais Maariyaah Trading Lda aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.