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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011, n° 09-09169

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

UFC Que Choisir

Défendeur :

Hewlett-Packard France (SAS), Association de Droit du Marketing

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valantin

Conseillers :

Mmes de Martel, Souciet

Avoués :

SCP Tuset-Chouteau, SCP Keime Guttin Jarry

Avocats :

Mes Nasry, Franck, Philippe

CA Versailles n° 09-09169

5 mai 2011

La SAS Hewlett Packard dont le siège est aux Etats-Unis, fabrique des ordinateurs sous son nom et sous la marque Compacq dont la distribution est assurée en France par la société Hewlett Packard France dans le cadre d'une boutique virtuelle sur le site www.hp.com.

L'association de consommateurs UFC Que Choisir en désaccord avec ses pratiques commerciales, après avoir fait dresser un procès-verbal de constat des offres commerciales présentées sur son site par la société Hewlett Packard France, l'a assignée, par acte d'huissier du 13 décembre 2006, devant le Tribunal de grande instance de Nanterre afin qu'il soit enjoint à cette société :

- de cesser sous astreinte de vendre sur son site http://welcom.hp.com/country/fr/fr/welcom.html des ordinateurs pré-équipés du logiciel d'exploitation Windows et de différents logiciels d'utilisation sans offrir à l'acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction du prix correspondant à leur licence d'utilisation,

- d'indiquer dans le même délai de 8 jours à compter de la signification de la décision, le prix des logiciels d'exploitation et d'utilisation pré-installés, vendus en ligne.

L'association, en outre, a formé une demande de dommages-intérêts et a sollicité que soit ordonnée la diffusion d'un communiqué judiciaire pendant 3 mois, à l'issue d'un délai de 30 jours après la signification de la décision.

L'Association de Droit du Marketing est intervenue à titre accessoire au soutien des intérêts de la SAS Hewlett Packard France.

Dans les conclusions déposées devant le tribunal, l'association UFC Que Choisir a mis en doute la recevabilité de l'action de l'Association de Droit du Marketing.

Par ailleurs, elle a précisé fonder ses prétentions notamment :

* sur plusieurs articles du droit de la consommation (L. 421-1, L. 421-2, L. 421-9, L. 111-1 et L. 113-1, L. 122-1, R. 121-13)

* sur la directive européenne du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs sur le marché intérieur

* sur l'article L. 121-1 du Code de la consommation

et a demandé qu'il soit déclaré que les agissements de la SAS Hewlett Packard France constituaient la contravention de vente liée au sens de l'article L. 122-1 du Code de la consommation,

en tout état de cause, dit que la vente d'ordinateurs avec des logiciels pré-installés sans indication de leur prix et sans possibilité de renoncer sur le lieu de vente aux logiciels, constituait une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation.

En réplique, la SAS Hewlett Packard France a mis en cause la recevabilité à agir de l'association de consommateurs UFC Que Choisir.

Au fond, elle a fait essentiellement valoir qu'il existait une décision rendue par la CJCE le 23 avril 2009 dans une affaire similaire nouée en Belgique ; que la loi belge comme l'article L. 122-1 du Code de la consommation prévoit une interdiction générale de la vente conjointe ou liée et que ce texte belge a été reconnu contraire à la directive du 11 mai 2005 ;

Qu'ainsi, en application du principe de prévalence du droit communautaire, l'article L. 122-1 du Code de la consommation est contraire à la directive de sorte que l'action de l'association UFC Que Choisir est dépourvue de base légale, les faits dénoncés n'étant pas reprochables en prenant pour fondement l'article L. 122-1 du Code de la consommation,

Que l'article L. 121-1 du Code de la consommation ne peut pas davantage servir de support à l'action, la vente d'ordinateurs pré-équipés ne constituant ni une pratique déloyale, ni une pratique trompeuse au sens de la Directive ;

A titre subsidiaire, la SAS Hewlett Packard France a fait valoir que les ordinateurs en cause n'entraient pas dans le champ d'application de la prohibition posée par l'article L. 122-1 du Code de la consommation puisqu'ils répondaient à l'intérêt général des consommateurs ;

Que de toute façon, l'intérêt collectif des consommateurs ne subissait aucun dommage et que la preuve d'un préjudice n'était pas apportée ;

Par jugement rendu le 30 octobre 2009, le Tribunal de grande instance de Nanterre a écarté un courrier de Madame Woeling produit par la société HP, a débouté l'association UFC Que Choisir de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à régler à la SAS Hewlett Packard France la somme de 2 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il a retenu la recevabilité de l'action de l'Association de Droit du Marketing et a condamné l'association UFC Que Choisir à lui régler la somme de 800 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'association UFC Que Choisir a été condamnée aux entiers dépens.

L'association UFC Que Choisir a interjeté appel. La SAS Hewlett Packard France a constitué et conclu. L'Association du Droit du Marketing, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué. L'ordonnance de clôture a été signée le 7 mars 2011.

Aux termes de ses dernières conclusions (9 février 2011), l'association UFC Que Choisir demande à la cour :

- Vu l'article 31 du Code de procédure civile,

- Vu les articles L. 421-1, L. 421-2, L. 421-9, L. 111-1 et L. 113-1, L. 122-1, L. 132-1, R. 121-13 du Code de la consommation,

- Vu la directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur,

- Vu l'article L. 121-1 du Code de la consommation,

- Vu l'article 1382 du Code civil,

- Vu l'arrêté du 3 décembre 1987,

- Vu les articles 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 9 du Code de procédure civile,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté le courrier de Madame Woehling,

- mais de le réformer pour le surplus et de :

- déclarer l'Association Droit du Marketing irrecevable faute d'intérêt à agir,

- dire que la vente par la SAS Hewlett Packard sur son site Internet http://welcom.hp.com/country/fr/fr/welcom.html d'ordinateurs préalablement équipés du logiciel d'exploitation Windows et de différents logiciels d'utilisation sans indication de leur prix et sans indication précise des droits d'usage afférents à ces logiciels, constitue la contravention de vente liée au sens de l'article L. 122-1 du Code de la consommation interprété à la lumière de la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005,

- En tout état de cause, de dire que la vente d'ordinateurs avec des logiciels pré-installés sans indication de leur prix et sans possibilité de renoncer sur le lieu de vente à ces logiciels, constitue une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation.

L'association UFC Que Choisir demande d'enjoindre à la SAS Hewlett Packard France sous astreinte de 10 000 euro par jour de retard, une fois expiré le délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, de cesser de vendre ses ordinateurs avec des logiciels pré-installés sans offrir à l'acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction du prix correspondant à leur licence d'utilisation,

de faire également injonction dans le même délai d'indiquer le prix des logiciels d'exploitation et d'utilisation pré-installés sur les ordinateurs qu'elle vend en ligne sur son site Internet,

d'ordonner la diffusion d'un communiqué judiciaire sur la page d'accueil du site Internet http://welcom.hp.com/country/fr/fr/welcom.html dont elle précise le contenu et de prévoir que cette insertion devra figurer une fois expiré un délai de 30 jours à compter de la signification de la décision pendant une durée de trois mois à peine de même astreinte de 10 000 euro par jour pour tout manquement constaté.

Elle reprend sa demande de condamnation au paiement d'une somme de 30 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à la collectivité des consommateurs.

Elle demande de débouter la SAS Hewlett Packard France et l'Association Droit du Marketing de toutes leurs prétentions fins et conclusions,

de condamner la SAS Hewlett Packard France à lui régler la somme de 15 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens,

de condamner l'Association Droit du Marketing à lui régler la somme de 800 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Elle souligne qu'il est essentiel que le consommateur ait une liberté de choix. Elle soutient que la vente d'ordinateurs pré-installés constitue une vente liée répréhensible : le consommateur n'étant pas informé de ce qu'il peut acquérir uniquement l'ordinateur sans le logiciel d'exploitation, ou les autres logiciels d'application moyennant désactivation et remboursement, ni du prix des autres éléments composant l'ordinateur.

Elle est en désaccord avec la notion juridique retenue par le tribunal à savoir qu'il y a vente juridique unique des pièces et des logiciels avec leur droit d'usage. Elle rappelle que pour la Cour de cassation, la vente d'un ordinateur pré-installé est une vente par lots et elle soutient qu'une telle vente ne peut être valable que si le consommateur a acquis en ayant connaissance de la pré-installation et qu'il lui soit offert la possibilité de désinstaller les logiciels, qu'autrement, il y a vente trompeuse car le consommateur ne connaît pas le prix des droits concédés au titre du contrat de prestation de service liés aux licences des logiciels.

Elle estime que les attentes des consommateurs concernant la présence d'ordinateurs équipés ont évolué depuis les études et avis demandés et qu'il y a bien préjudice à l'intérêt collectif de consommateurs.

La SAS Hewlett Packard France :

- Vu les articles L. 120-1, L. 121-1 et L. 122-1 du Code de la consommation,

- Vu l'article 1382 du Code civil,

- Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

- Vu la Directive 2005-29-CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur,

- Vu le principe de primauté du droit communautaire,

Demande à la cour de :

- confirmer l'intégralité des dispositions du jugement du Tribunal de grande instance de Nanterre du 30 octobre 2009 et en particulier de :

- " constater " que la vente d'ordinateurs pré-équipés par la SAS Hewlett Packard France ne constitue ni une pratique déloyale ni une pratique trompeuse au sens de la Directive et des articles L. 120 et L. 121-1 du Code de la consommation,

- dire, en conséquence, qu'elle n'enfreint pas l'article L. 120-1 et l'article L. 121-1 du Code de la consommation appliqués conformément à la Directive 2005-29-CE du 11 mai 2005,

- constater qu'elle est un simple distributeur d'ordinateurs et n'intervient pas sur les modalités de fabrication des ordinateurs vendus,

- constater que les ordinateurs pré-équipés de système d'exploitation vendus par la SAS Hewlett Packard France constituent des produits uniques,

- dire que la vente des ordinateurs pré-équipés d'un système d'exploitation et de logiciels de base telle qu'elle [l']effectue satisfait l'intérêt général du consommateur,

- que le consommateur peut se procurer des ordinateurs nus ou quasi-nus auprès de concurrents ou sur le site Hewlett Packard France ;

- qu'en conséquence, l'article L. 122-1 du Code de la consommation est inapplicable en l'espèce.

- de constater qu'elle n'est pas soumise à une quelconque obligation d'affichage des prix composant l'ordinateur,

- que de plus, les consommateurs sont parfaitement informés à l'avance de la configuration des ordinateurs Hewlett Packard France proposés à la vente,

- et que l'UFC Que Choisir n'apporte pas la preuve d'un préjudice subi par les consommateurs.

Elle sollicite en conséquence que UFC Que Choisir soit déboutée de toutes ses demandes à l'exception de celles qui tendent à confirmer certaines parties du jugement ;

que soit ainsi confirmée la condamnation de UFC Que Choisir à lui payer la somme de 2 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et que soit ajouté le règlement de la somme de 50 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Enfin, elle demande de condamner UFC Que Choisir aux dépens de première instance et d'appel.

L'Association Droit du Marketing, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avoué.

Sur ce,

- Sur la recevabilité de l'action de l'association UFC Que Choisir

Considérant que la SAS Hewlett Packard France ne reprend pas la fin de non-recevoir développée devant les premiers juges ; qu'en conséquence, la recevabilité de l'action de l'UFC Que Choisir n'est plus remise en cause ;

- Sur la recevabilité à agir de l'Association Droit du Marketing

Considérant que cette association est intervenue aux débats à titre accessoire ; que le premier juge a relevé que selon l'article 3 des statuts de l'association, elle a la possibilité de " défendre les intérêts matériels et moraux de toute personne ou entreprise ayant recours aux techniques du marketing (que ces personnes soient ou non membres de l'association) et intervenir en justice selon les modalités appropriées dans tous les conflits ayant une incidence directe ou indirecte avec le Droit du Marketing " ;

Qu'il a constaté que dans le litige l'opposant à UFC Que Choisir, il était requis la condamnation de la SAS Hewlett Packard France à propos d'une technique de commercialisation (technique de vente subordonnée ou liée) relevant du droit marketing et que l'association poursuivait un intérêt collectif ;

Qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer la décision entreprise qui a déclaré recevable l'intervention accessoire de l'Association Droit du Marketing ;

- Sur la contravention à l'article L. 122-1 du Code de la consommation et à l'article L. 121-1 du même Code

Considérant que selon cet article en sa rédaction issue de la loi 2001-1168 du 11 décembre 2001, " Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service sauf motif légitime et de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit ";

Considérant que cet article est contraire aux dispositions de la Directive 2005-29-CE du 11 mai 2005 relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs ;

Que dans le cadre d'une instance intéressant la Belgique qui a une législation semblable aux dispositions de l'article L. 122-1 du Code de la consommation, la Cour de justice des Communautés européennes dans un arrêt rendu le 23 avril 2009 a été amenée à préciser que la prohibition de la vente conjointe devait être analysée pour chaque espèce et que le caractère déloyal de la pratique commerciale devait être appréciée au regard des critères posés par la directive ;

Que selon la Cour de cassation (arrêt 15 novembre 2010), l'article L. 122-1 du Code de la consommation qui interdit les offres conjointes sans tenir compte des circonstances spécifiques, doit être appliqué dans le respect des critères énoncés par la directive en ce qui concerne les pratiques commerciales déloyales ;

Que la Haute cour invite en conséquence à rechercher, dans chaque cas particulier, si la pratique commerciale dénoncée entre dans les prévisions de la directive relatives aux pratiques commerciales déloyales ;

Considérant que UFC Que Choisir reproche à la SAS Hewlett Packard France de ne pas vendre des ordinateurs sans système d'exploitation ou logiciels d'applications déjà installés et de ne proposer aux particuliers (contrairement aux professionnels) que des ordinateurs avec un logiciel intégré (Windows) et même des logiciels d'application sans possibilité de renoncer immédiatement à ces éléments moyennant déduction de leur prix ou désactivation et sans indication du prix des logiciels des différents éléments, de l'étendue exacte des droits d'usage, ni du prix des logiciels pré-installés ; qu'il y a vente liée dans des conditions répréhensibles ;

Que la SAS Hewlett Packard France oppose que l'ordinateur pré-équipé d'un système d'exploitation est un produit unique et non une vente liée ; que le consommateur n'est pas tenté par d'autres ventes ; que depuis juillet 2008, elle teste la commercialisation d'ordinateurs quasi-nus et pré-équipés de système d'exploitation open source (à licence libre) à destination des particuliers ; et qu'en tout état de cause, l'installation pré-équipée est réalisée dans l'intérêt du consommateur et échappe ainsi à la prohibition de la vente liée ; qu'elle n'est pas une pratique trompeuse ; que la prohibition des ventes liées n'étant pas applicable, elle n'est pas soumise à l'obligation d'affichage des prix des composants de l'ordinateur ;

Considérant que l'association de consommateurs UFC Que Choisir soutient qu'il n'est pas nécessaire de pré-installer le logiciel d'exploitation ; que si un ordinateur a besoin d'un système d'exploitation, il n'a pas besoin d'être sur un disque dur interne ; qu'un ordinateur peut démarrer avec une disquette, un CD-Rom, un DVD-Rom, une clé USB... et que la procédure d'installation est simple ;

Que de même, la procédure de blocage de l'installation du logiciel Windows est simple ainsi que l'a constaté l'huissier qu'elle a requis en décembre 2003/2004 et qu'il est même possible de préinstaller le logiciel Windows avec une option d'activation à la demande du consommateur ;

Que la vente de matériel informatique subordonnée à l'acceptation d'un contrat de prestation de services autorisant l'usage d'un logiciel n'est pas justifiée par l'intérêt du consommateur laissé dans l'ignorance du prix des deux composants du lot et de l'étendue exacte des droits afférents aux logiciels ;

Qu'elle fait en outre valoir, qu'une enquête du Credoc, réalisée en 2007, a révélé que 63 % des français ayant fait l'acquisition d'un ordinateur auraient aimé avoir eu le choix entre différents systèmes d'exploitation ;

Considérant que la SAS Hewlett Packard France est en désaccord sur la présence d'un contexte social favorable à la vente sans système d'exploitation d'ordinateurs " nus " et oppose qu'il n'existe pas de demande suffisante ; que le consommateur demande un fonctionnement " plug and play " (prêt-à-l'emploi) ;

Qu'elle conteste le caractère facile de l'installation de systèmes d'exploitation et leur adéquation à tout ordinateur et souligne qu'elle ne dispose pas actuellement de la fonctionnalité d'activation à la demande et que les frais de recherche augmenteraient le prix de vente ;

Qu'elle soutient en outre que l'installation du système d'exploitation permet de garantir le fonctionnement de l'ensemble et que l'offre d'éléments standardisés a vocation à satisfaire la majorité des consommateurs en la faisant bénéficier du moindre coût ; que son attitude correspond aux souhaits des consommateurs tels que les ont retenus les études Credoc et GFK ;

Considérant qu'un ordinateur est un ensemble complexe qui comporte différents éléments matériels (carte mère, disque dur, carte son ...) dont l'assemblage constitue le hardware ; que son utilisation suppose la présence d'un autre élément : logiciel de base qui permet le fonctionnement de l'ordinateur et des périphériques (imprimantes, scanner...) et l'utilisation des logiciels d'application (software) ;

Considérant que le logiciel de base ou système d'exploitation est indépendant des éléments matériels ; qu'il est d'une nature différente des autres éléments puisqu'il correspond à un élément intellectuel relevant de la prestation de services ; qu'il peut être attaché à un ordinateur et est dit OEM ou transférable sur plusieurs ordinateurs (non OEM) ;

Considérant que la situation particulière d'indépendance de l'élément intellectuel par rapport à l'élément matériel s'est trouvée mise en évidence avec la multiplication de ces procédés et la présence de systèmes libres (Linux, Freedos) dont l'utilisation s'est répandue ;

Considérant que les ordinateurs sur lesquels a été installé le système d'exploitation sont composés de deux éléments répondant à des régimes juridiques différents puisque le logiciel ne peut être vendu et qu'il n'est accordé qu'un droit d'usage, qu'ils se présentent néanmoins comme un seul produit que le consommateur règle globalement ; que tel est le cas de l'ensemble proposé à la vente par la SAS Hewlett Packard France sur son site grand public avec le système d'exploitation Windows ;

Que cette situation a pour origine et justification les exigences du marché puisque ainsi que le montrent les études contemporaines de l'assignation, les consommateurs peu formés aspiraient à l'obtention d'un ordinateur capable d'être immédiatement en état de fonctionnement ; qu'il ressort en effet de deux études GFK 2006 et Credoc 2007, que plus d'un français sur deux ne se sentaient pas compétents en matière informatique, qu'une majorité d'utilisateurs avait besoin d'être aidée pour installer des logiciels sur leur ordinateur et que beaucoup n'osaient pas effectuer une telle opération et que seulement 10 % avaient déjà acheté un ordinateur nu ;

Considérant toutefois qu'avec l'évolution certaine du niveau de connaissance en matière informatique, le consommateur maîtrise de mieux en mieux cette technique et acquiert plus d'autonomie ce qui le conduit vers un souhait accru de liberté de choix orienté d'abord vers des applications complémentaires ; qu'ainsi, selon la même étude Credoc, 41 % des possesseurs d'ordinateurs avaient déjà acheté des logiciels en complément de ceux qui étaient pré-installés puis vers l'installation de systèmes d'exploitation choisi en raison d'un moindre coût ; que les consommateurs les plus jeunes, mieux formés, sont de plus en plus enclins à se doter d'ordinateurs dont ils choisissent le système d'exploitation ;

Considérant qu'il ressort de diverses attestations de personnes autorisées (techniciens ou chercheurs confirmés), que la présence d'un système d'exploitation (ex Windows) n'est pas nécessaire, un ordinateur pouvant même être activé à partir d'un CD-Rom, d'une clé USB ; que l'absence de lien nécessaire se trouve souligné et met en évidence que l'offre avec pré-installation d'un système d'exploitation voire également de logiciels d'application correspond à une vente liée ;

Considérant que la vente ainsi offerte par la SAS Hewlett Packard France aux consommateurs ne peut être tolérée que si elle ne constitue pas une pratique commerciale déloyale au sens de la Directive du 11 mai 2005 ;

Considérant que l'article 5 de la directive qui interdit les pratiques commerciales déloyales retient qu'une pratique commerciale est déloyale si :

2.a) elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et

b) elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique par rapport au produit de consommateur moyen qu'elle touche ou auquel elle s'adresse ... ;

4. En particulier sont déloyales les pratiques commerciales qui sont trompeuses au sens des articles 6 et 7 ou agressives au sens des articles 8 et 9 ;

Considérant que la présence de pratiques agressives n'est pas en cause ; que l'article 6 de la Directive définit les actions trompeuses et l'article 7 les omissions trompeuses ;

Que selon l'article 6,

1 - une pratique est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses ou qu'elle est donc mensongère ou que d'une manière quelconque y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d'induire en erreur le consommateur moyen même si les informations présentées sont factuellement correctes en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects [a) l'existence ou la nature du produit, b) les caractéristiques principales du produit, c) l'engagement du professionnel, d) le prix ou le mode de calcul, e) la nécessité du service, f) les droits du professionnels, g) les droits du consommateur], son exécution mentionnée après et que dans un cas comme dans l'autre, elle l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ;

2 - une pratique commerciale est réputée trompeuse si dans son contexte factuel compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle amène ou est susceptible d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement et qu'elle implique ;

Que selon l'article 7 :

1 - une pratique commerciale est réputée trompeuse si dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisée, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin compte tenu du contexte pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et par conséquent l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ;

2 - ... lorsque le professionnel compte tenu des aspects mentionnés au 1, dissimule une information substantielle visée au paragraphe 1 ou la fournit de façon peu claire, inintelligible, ambigüe ou à contretemps, ou lorsqu'il n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque dans l'un ou l'autre cas, le consommateur moyen est amené ou susceptible d'être amené à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ;

Considérant que la SAS Hewlett Packard France souligne que toutes les caractéristiques de ses offres sont exactes et que le consommateur dispose des informations suffisantes puisqu'il a accès à l'accord de licence utilisateur final et même au contrat de licence d'utilisateur final de Microsoft ; que s'il le souhaite, il peut en s'orientant sur le site dédié aux professionnels trouver des ordinateurs avec des logiciels Linux ou Freedos ; que l'installation d'un système d'exploitation libre reste une démarche délicate dont elle ne pourrait pas garantir le fonctionnement ; que la présence d'un système d'activation suppose un nouvel accord avec l'éditeur ;

Que l'UFC Que Choisir fait remarquer que le consommateur n'a pas de choix réel puisqu'il peut seulement accepter ou refuser la licence et que dans ce cas, le seul recours est de "retourner l'ensemble du produit", c'est-à-dire de renvoyer le logiciel et le matériel et doit, à cette fin, exposer des frais ; qu'il ne peut pas obtenir la désinstallation du logiciel, ni acquérir le matériel sans le système d'exploitation ;

Considérant que l'étude du Credoc de 2007, déjà citée, a recensé que plus de la moitié des consommateurs souhaiteraient, au moment de leur achat, avoir le choix du système d'exploitation et des logiciels et qu'une majorité regrette de ne pas avoir eu le choix ;

Considérant que sur le site qui lui est consacré, le consommateur n'est pas averti directement de la possibilité d'acquérir un ordinateur non muni du système Windows ; que cette possibilité offerte par la société HP, encore récente, n'existe en effet que sur le site pour les professionnels où il est offert la possibilité d'acheter un ordinateur avec un système d'exploitation libre (Linux ou Freedos) ;

Que le site Grand public ne contient pas davantage de précision sur le prix des composants de l'ordinateur et, en particulier, du logiciel dont la valeur est variable, ni sur le contenu des licences utilisateur final ou utilisateur final Microsoft soumis à l'adhésion permettant à l'utilisateur de connaître avec exactitude les droits qui lui sont accordés ;

Considérant qu'il n'existe pas d'obstacle technique à l'absence de proposition sans pré-installation puisque la SAS Hewlett Packard France le propose aux professionnels et qu'elle peut reprendre l'avertissement sur l'exigence d'une compétence minimale telle que prévue sur ce site et des problèmes de compatibilité ;

Qu'elle ne peut justifier l'absence de proposition d'ordinateurs sans pré-installation par le fait qu'il existe la possibilité pour le consommateur de s'adresser à des vendeurs extérieurs ;

Considérant que la SAS Hewlett Packard France, qui oppose n'être que distributeur, se trouve toutefois en lien direct avec le constructeur lequel s'il n'a que des droits d'utilisation tirés de la licence qui lui a été concédée conserve un intérêt à adapter sa concession de licence à la demande en s'adressant à l'éditeur du logiciel d'exploitation ; qu'il n'est pas démontré que la désactivation, lors de la vente, est un réel obstacle technique ;

Que cette attitude est contraire aux exigences de la diligence professionnelle;

Considérant que l'information sur la valeur des éléments composant l'offre de vente avec pré-installation concerne des éléments substantiels à savoir le prix du logiciel dans la mesure où une licence OEM peut représenter entre 18 et 20 % du prix d'un ordinateur et une licence non OEM jusqu'à 27 % ;

Que l'absence d'information du consommateur sur ces composants réduit ses choix en ce qu'il ne peut comparer leur valeur avec d'autres propositions qu'il s'agisse du logiciel ou de l'ordinateur nu ; que surtout, il se trouve privé de la possibilité d'acquérir sans logiciel et ce alors que la demande des consommateurs ne cesse d'augmenter ;

Que dans ces conditions, le consommateur, sans information suffisante sur ces éléments importants dans la détermination de la valeur de l'ordinateur, peut se trouver ainsi amené à prendre une décision à propos de l'achat d'un ordinateur, qu'autrement il n'aurait pas prise ; que par le comportement induit par le manque d'information, la vente est "trompeuse" au regard de l'article 7 de la Directive et contraire à l'article L. 121-1 du Code de la consommation ; que le choix imposé est constitutif d'un préjudice pour le consommateur ;

Considérant que la vente par la société Hewlett Packard France sur son site ouvert aux particuliers: http://welcom.hp.com/country/fr/fr/welcom.html d'ordinateurs avec des logiciels pré-installés sans mention du prix que représentent les logiciels et sans possibilité d'y renoncer avec déduction du prix correspondant à la licence, est contraire aux exigences de la diligence professionnelle eu égard aux possibilités techniques actuelles et étant susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen auquel elle s'adresse, elle constitue une pratique commerciale déloyale prohibée au sens de l'article 5 de la Directive de 2005;

Considérant en conséquence, qu'il sera enjoint à la SAS Hewlett Packard France de cesser de vendre sur le site dédié aux consommateurs particuliers, des ordinateurs avec des logiciels pré-installés sans mention du prix que représentent le ou les logiciels et sans offrir la possibilité de renoncer aux logiciels moyennant déduction du prix correspondant à leur licence d'utilisation ;

Considérant que le préjudice causé aux consommateurs par la pratique commerciale déloyale utilisée par la SAS Hewlett Packard France sera dédommagé par la somme de cinq mille euro de dommages-intérêts à verser à l'association de consommateurs ;

Considérant que la modification imposée des conditions de vente et la mesure financière fixée apparaissent suffisantes sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la publication de la décision sur le site de la SAS Hewlett Packard France ;

Considérant que la SAS Hewlett Packard France perdante au sens de l'article en application de l'article 700 du Code de procédure civile devra régler une indemnité de procédure à l'UFC Que Choisir pour les frais exposés à l'occasion du présent recours ; qu'il n'y pas lieu de prononcer condamnation à ce titre à l'encontre de l'Association Droit du Marketing ;

Que s'agissant des frais non répétibles et les dépens de première instance, les dispositions du jugement seront confirmées pour l'ensemble des parties ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevables l'action de l'association UFC Que Choisir et l'intervention accessoire de la société Droit du Marketing et les dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, L'infirmant pour le surplus, Dit que la vente par la SAS Hewlett Packard France d'ordinateurs pré-installés sur le site http://welcom.hp.com/country /fr/fr/welcom.html constitue une pratique commerciale déloyale prohibée au sens de la Directive du 11 mai 2005, Enjoint à la SAS Hewlett Packard France à l'issue de la période d'un mois à compter de la signification du présent arrêt d'indiquer le prix des logiciels d'exploitation et d'utilisation pré-installés sur les ordinateurs qu'elle vend en ligne sur son site Internet http://welcom.hp.com/country/fr/fr/welcom.html et de cesser de vendre sur ce site ses ordinateurs avec des logiciels pré-installés sans offrir à l'acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction du prix correspondant à leur licence d'utilisation, et ce à peine d'une astreinte de 1 500 euro par jour de retard, Condamne la SAS Hewlett Packard France à payer à l'association UFC Que Choisir la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts pour le préjudice collectif causé, Dit n'y avoir lieu d'ordonner la publication judiciaire sur le site de la SAS Hewlett Packard France, Condamne la SAS Hewlett Packard France à régler à l'association UFC Que Choisir la somme de 3 500 euro pour les frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Hewlett Packard France aux dépens d'appel avec droit pour la SCP Tuset-Chouteau, avoués, de recouvrer directement les dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.