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Décisions

CA Paris, Pôle 6 ch. 11, 16 septembre 2010, n° 08-11852

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sabbah

Défendeur :

AB Courtage (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Depommier

Conseillers :

Mmes Gil, Brogly

Avocats :

Mes Bourguignon, Fessler

Cons. prud'h. Paris, 1re ch., du 23 oct.…

23 octobre 2008

Vu l'appel régulièrement interjeté par Monsieur Richard Sabbah à l'encontre du jugement prononcé le 23 octobre 2008 par le Conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, statuant en formation de départage sur le litige l'opposant à la SARL AB Courtage prêt immobilier dite AB Courtage.

Vu le jugement déféré aux termes duquel le conseil de prud'hommes:

- a rejeté l'exception d'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes soulevée en défense par la société AB Courtage.

- a condamné la société AB Courtage à verser à Monsieur Richard Sabbah les sommes suivantes:

* 5 428,85 à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

* 542,48 au titre des congés payés y afférents.

* 5 500 à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive.

- a ordonné à la société AB Courtage de remettre à Monsieur Richard Sabbah un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation Assedic conformes au jugement.

- a rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R. 516-17 du Code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail...) ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes dues au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R. 516-18 du Code du travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne des salaires des trois derniers mois doit être fixée à 2 880 euro.

- a condamné la société AB Courtage à payer à Monsieur Richard Sabbah la somme de 1 500 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- a rejeté le surplus des demandes des parties.

- a condamné la société AB Courtage aux dépens.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience, aux termes desquelles:

Monsieur Richard Sabbah, appelant, poursuit la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que tous les éléments caractérisant le contrat de travail étaient réunis, et son infirmation quant aux conséquences de la rupture fautive du contrat de travail par la société AB Courtage.

Il demande en conséquence à la cour statuant à nouveau;

- de condamner la société AB Courtage à lui verser la somme totale de 108 421 euro assortie des intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, ainsi décomposée:

* 21 250 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

* 2 125 euro à titre de congés payés y afférents.

* 1 046 euro à titre d'indemnité légale de licenciement.

* 85 000 euro à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

* 7 083 euro à titre subsidiaire pour non-respect de la procédure de licenciement.

- d'ordonner à la société AB Courtage de lui remettre sous astreinte de 100 euro par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir l'intégralité des documents de fin de contrat, à savoir: l'attestation Assedic, le reçu pour solde de tout compte, le certificat de travail,

- de condamner la société AB Courtage à lui payer la somme de 42 500 euro à titre d'indemnité forfaitaire correspondant à 6 mois de salaire, pour travail dissimulé.

- de la condamner en tout état de cause aux dépens, ainsi qu'à lui verser la somme de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société AB Courtage, poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée devant les premiers juges et demande en conséquence à la cour, statuant à nouveau de se déclarer incompétente et de renvoyer les parties devant la juridiction compétente.

La société AB Courtage sollicite la condamnation de Monsieur Richard Sabbah à lui verser la somme de 3 000 euro pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile, ainsi que sa condamnation au paiement de la somme de 2 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Cela étant exposé

Monsieur Richard Sabbah a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris afin de se voir reconnaître le statut de salarié de la société AB Courtage, qui exerce une activité de courtage de prêt immobilier, et d'obtenir la condamnation de cette dernière au paiement de diverses sommes.

Sur l'exception d'incompétence soulevée par la société AB Courtage

Au soutien de son appel, la société AB Courtage fait valoir:

- que les personnes immatriculées au registre du commerce et des sociétés, comme Monsieur Richard Sabbah en l'espèce, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail, en vertu de l'article L. 8221-6 du Code du travail.

- que, selon ce même article, l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées fournissent directement ou par personne interposée, des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

- que tel n'est pas le cas de Monsieur Sabbah qui ne démontre nullement l'existence d'un contrat de travail, c'est-à-dire l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

- que Monsieur Bitton, Directeur associé de la société AB Courtage n'attribuait pas directement la gestion des clients aux conseillers avec les informations nécessaires pour les traiter, puisque c'est un autre agent commercial, Monsieur Toledano qui était chargé par la société de réceptionner les demandes des clients et de les dispatcher aux différents agents commerciaux.

- que les instructions données à Monsieur Sabbah ne sont pas caractéristiques d'un lien de subordination dès lors qu'elles ne reflètent que les conditions d'exercice classique d'un agent commercial.

- qu'il n'y a jamais eu d'ordre ni de contrôle dans l'activité professionnelle de Monsieur Sabbah, que l'organisation de réunions régulières avec un ordre du jour défini, est insuffisant pour considérer qu'il était placé dans un lien de subordination juridique, que d'ailleurs en aucun cas, la présence obligatoire des agents n'était requise.

- qu'aux termes de chacun des contrats d'agent commercial, l'agent commercial et le mandant s'engageaient à se concerter régulièrement et plus précisément les premiers lundis de chaque mois pour étudier ensemble les perspectives et les difficultés rencontrées,

- que la relation de travail entre Monsieur Sabbah et la société AB Courtage s'est toujours déroulée dans le strict respect d'un devoir réciproque de loyauté et d'information propre au droit commun du mandat.

- qu'elle n'a jamais contrôlé le rendement de l'activité de Monsieur Sabbah, ni son agenda, qu'elle n'a jamais imposé ses techniques de travail dans les relations commerciales avec la clientèle.

- que le fait qu'elle ait octroyé des moyens matériels et intellectuels à Monsieur Sabbah est insuffisant à démontrer l'existence d'un lien de subordination juridique permanente.

- qu'elle n'a jamais adressé la moindre réprimande à l'endroit de Monsieur Sabbah.

- que le fait qu'elle ait proposé à Monsieur Sabbah de prendre la direction d'une des agences de la société est simplement la marque d'une confiance et non la preuve d'un quelconque lien de subordination.

- que Monsieur Sabbah ne justifie nullement son affirmation selon laquelle la société aurait procédé à une évaluation régulière de ses résultats et aurait établi un classement de ses conseillers en fonction de leurs résultats respectifs.

Monsieur Richard Sabbah réplique:

- qu'il a été recruté le 1er septembre 2004 par la société AB Courtage en qualité de conseiller clientèle, sans contrat écrit, avec mission de vendre aux clients de cette société la souscription de prêts destinés au financement de leurs acquisitions immobilières.

- que la société AB Courtage qui exerce une activité de courtage de prêt immobilier en négociant les meilleures offres auprès de ses partenaires bancaires, dispose d'un portefeuille de clientèle déjà constitué via Internet et lui a attribué, comme aux autres conseillers, une série de rendez-vous avec les futurs souscripteurs de prêt.

- qu'il était exclusivement chargé de conseiller les clients appartenant à AB Courtage.

- qu'en décembre 2004, dans l'attente des premiers règlements, il a interrogé Monsieur Bitton, directeur général d'AB Courtage quant aux modalités de sa rémunération.

- que la société AB Courtage a exigé la création d'une SARL et que c'est dans ces conditions qu'il a procédé à la création de la société R'S Conseil à forme unipersonnelle à compter du 1er janvier 2005 qui facturait AB Courtage pour les commissions dues.

- qu'au-delà de cette création, les conditions d'exercice de son activité n'ont pas été celles de l'agent commercial mais celles d'un salarié tenu dans un lien de subordination.

- que la société AB Courtage a exercé sur lui son pouvoir de direction en l'intégrant dans un service parfaitement organisé dans son intérêt exclusif.

- que la société AB Courtage lui a remis de nombreux documents de travail dont un modèle lui imposant une méthodologie propre et spécifique d'exécution du travail.

- qu'AB Courtage lui a imposé de recevoir tous les clients dans une de ses agences à savoir l'Agence Beaumarchais, de respecter un code vestimentaire, une durée minimum de rendez-vous, de procéder au nettoyage des bureaux de rendez-vous en fixant des directives très précises pour les entretiens téléphoniques.

- qu'AB Courtage exigeait un délai de prévenance pour la prise de vacances, étant précisé que celles-ci étaient exclues au cours du mois d'août, au cours duquel, selon la société, la période d'activité était intense.

- qu'AB Courtage lui a imposé l'ensemble des instruments matériels et contractuels nécessaires à sa mission, soit un formulaire type "demande de prêt", un logiciel de gestion et de suivi de clientèle.

- qu'elle fournissait aux agences le matériel, les conseillers ayant une ligne téléphonique, une boîte mail et des cartes de visite AB Courtage.

- que la société s'est adressée systématiquement à lui par notes de service et mails quotidiens portant instruction écrite à l'ensemble des conseillers.

- qu'elle a exercé son pouvoir de contrôle en exigeant des rapports détaillés, la participation à des réunions avec ordre du jour prédéterminé, la justification de l'activité et la soumission de son agenda au contrôle de Monsieur Bitton.

- qu'elle a exercé son contrôle sur la facturation et la rémunération, la détermination et le règlement des commissions étant subordonné au visa préalable du service comptable de la société, qu'il n'était donc pas maître de la facturation.

- qu'il a été soumis au contrôle des chefs d'équipe salariés de la société AB Courtage qui avaient notamment la charge de répartir les clients entre les différents conseillers.

- que la société AB Courtage a exercé son pouvoir disciplinaire à son encontre en exigeant de lui, la remise des clés de l'Agence Beaumarchais, en coupant son accès Internet et en mettant fin unilatéralement à son contrat.

- que les clients par lui traités appartenaient exclusivement à la société qui décidait seule de lui attribuer les clients, qu'il était donc dans un lien de dépendance économique.

- que les conditions d'exercice de son activité de conseiller caractérisent l'existence d'un contrat de travail.

- qu'entre le mois de mai 2006 et le 31 décembre 2006, la société AB Courtage a réduit à néant son volume de clientèle sans explication entraînant ainsi une baisse corrélative des ses revenus.

- que la société AB Courtage a opposé une résistance abusive dans le paiement de ses commissions.

- qu'elle lui a retiré les moyens matériels nécessaires à son activité en exigeant la restitution des clés de l'agence et en désactivant sa messagerie.

- qu'elle a violé deux obligations d'employeur à savoir, celle de la fourniture de travail et des moyens nécessaires pour son exécution.

- que la société AB Courtage ne peut arguer d'un quelconque reproche à son encontre et qu'elle ne procède que par allégation quant au prétendu détournement de clientèle en s'abstenant de produire la moindre pièce sur ce point.

- que la rupture du contrat de travail doit lui ouvrir droit aux indemnités légales de rupture du contrat.

- que le préjudice résultant de la cessation des relations contractuelles doit être réparé.

- qu'enfin, la société AB Courtage a volontairement dissimulé du travail salarié en lui imposant la création d'une société.

Sur ce

Sur la compétence " ratione materiae " de la juridiction sociale

En vertu de l'article L. 1411-1 du Code du travail, le conseil de prud'hommes règle les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du Code du travail entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient.

En l'espèce, la société AB Courtage conclut à l'incompétence du conseil de prud'hommes en raison de l'absence de tout contrat de travail la liant à Monsieur Sabbah en invoquant les dispositions de l'article L. 8221-6 I du Code du travail selon lesquelles " sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail les personnes immatriculées au registre du commerce et des sociétés ", ce qu'est Monsieur Richard Sabbah en l'espèce.

Cependant, l'article L. 8221-6 II dispose que " l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au numéro I fournissent directement ou par personne interposée, des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ".

L'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des circonstances de faits dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle.

Le contrat de travail se caractérise par l'existence d'un lien de subordination dont il résulte que l'activité est exercée sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.

En l'espèce, en l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.

En effet, il est établi que la société AB Courtage a remis à Monsieur Richard Sabbah un document qu'elle a rédigé dénommé " business model ", aux termes duquel Monsieur Richard Sabbah devait effectuer ses rendez-vous exclusivement à l'agence de la société, en l'occurrence l'agence Beaumarchais, en respectant un code vestimentaire décidé par la société (les conseillers de clientèle doivent être irréprochables, rasés, tenue impeccable, la cravate n'étant pas obligatoire). Au surplus, il était obligé de procéder au nettoyage des locaux de l'agence ainsi qu'il ressort du mail de Monsieur Bitton, Directeur Général de la société AB Courtage en date du 6 février 2005.

Il est également constant:

- que la présence de Monsieur Richard Sabbah dans les locaux de cette agence était quotidienne ainsi qu'en attestent Madame Levy, Assistante de Direction de l'agence Beaumarchais, et Madame Auezmery, Assistante commerciale.

- que les rendez-vous avec les clients se déroulaient dans le respect d'un processus fixé par la société AB Courtage et décrit tant par le document Business Model que par le dossier client assorti de fiches pratiques remis à Monsieur Sabbah et dans un temps minimal d'une demi-heure imposé par la société AB Courtage.

- que les rendez-vous avec les clients étaient attribués à Monsieur Sabbah ainsi que le reconnaît la société qui désigne Monsieur Toledano comme étant celui chargé de répartir les rendez-vous entre les différents conseillers, étant observé que Monsieur Bitton lui-même attribuait des rendez-vous aux conseillers ainsi qu'il ressort d'un de ses mails du 26 février 2005.

- que l'organisation du travail au quotidien de Monsieur Sabbah faisait l'objet d'instructions très précises ainsi qu'il ressort notamment de mails collectifs adressés (des 18 février, 4, 9, 31 mai et 11 juin 2005) par Monsieur Bitton à l'ensemble des conseillers aux termes desquels ce dernier donnait des instructions très précises sur la nécessité de rayer sur les agendas, les jours d'absence pour éviter les erreurs de programmation des rendez-vous ou celles relatives aux rendez-vous annulés.

- que la société AB Courtage a fixé dans un document remis à Monsieur Sabbah le cadre des appels téléphoniques en rédigeant des questions et des réponses types que devaient suivre les conseillers, l'activité téléphonique étant surveillée de près par Monsieur Bitton ainsi qu'il ressort de son mail du 18 février 2006 adressé à l'ensemble des conseillers et ainsi rédigé " Rappel : lorsque l'un de vos clients appelle deux fois sans arriver à vous joindre, j'ai prévenu le standard de m'avertir. Je n'accepterai plus qu'un client ne soit pas rappelé par le conseiller lui-même (jusqu'à la délégation d'assurance signée) ".

- que la société AB Courtage sollicitait également un délai de prévenance pour la prise de congés et interdisait toute prise de congés en août au motif qu'il s'agissait d'une période d'activité intense ainsi qu'il ressort d'un mail de Monsieur Bitton en date du 29 mars 2005.

- que la société AB Courtage fixait des réunions de travail avec un ordre du jour par elle fixé avec rappel des instructions et consignes d'arriver à l'heure, ces réunions étant précédées de demandes de rapport détaillé sur l'activité de chaque conseiller pour le mois précédent (nombre de rendez-vous, nombre de dossiers en banque, nombre de rendez-vous sans suite, dossiers à facturer), étant observé que la date de remise des factures était fixée par Monsieur Bitton, ainsi qu'il ressort d'un mail en date du 19 avril 2005.

- que non seulement l'activité professionnelle de Monsieur Sabbah donnait lieu à un contrôle précis dans son volume et sa qualité ainsi qu'il ressort de la mention portée sur le récapitulatif de l'activité des mois de juin, juillet et août 2005 : "s'est ralenti, doit se reprendre", mais qu'elle était par ailleurs supervisée par des chefs d'équipe ainsi qu'il ressort d'un mail adressé le 11 juin 2005 par Monsieur Bitton en ces termes : " je vois sur Edatis que certains n'ont pas encore changé les statuts des rendez-vous sur avril et que la réunion approche ... veillez au grain, Messieurs les Responsables d'équipe ", complété par celui du 13 juin 2005 adressé aux chefs d'équipe, Messieurs Epelbaum et Oiknine : " A quoi sert d'avoir des chefs d'équipe pour avoir un travail pas fait par leurs équipes ... les statuts que j'ai demandés ne sont pas remplis, prenez l'exemple sur l'agenda de Richard ".

De l'ensemble de ces éléments constants, il ressort que Monsieur Richard Sabbah a exécuté l'intégralité de son activité professionnelle dans les locaux de la société AB Courtage en recevant les clients qui lui étaient affectés, en suivant l'intégralité des instructions données par la société AB Courtage dans l'exécution de ses tâches qui étaient contrôlées de près, que Monsieur Sabbah à l'encontre duquel la société ne rapporte pas la preuve d'une quelconque défaillance était donc soumis au pouvoir de contrôle de la société AB Courtage qui se reconnaissait le pouvoir de dénoncer à la fois une activité estimée insuffisante ou un comportement non conforme aux instructions.

Monsieur Richard Sabbah exerçait donc son activité dans le cadre d'un lien de subordination caractéristique d'un contrat de travail et non pas dans le cadre d'un contrat d'agent commercial,

Ce contrat a pour date d'effet le mois de septembre 2004, la date du 16 décembre 2004 portée sur la pièce 13 bis de la société ne permettant pas d'établir la date de début de la relation de travail, s'agissant d'une date de modification de la fiche informatique et l'employeur reconnaissant dans ses écritures que " de septembre 2004 à juillet 2006, la relation commerciale entre les parties s'est déroulée sans aucune difficulté ".

Par suite, le jugement déféré doit être confirmé en qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée en défense par la société AB Courtage.

Sur la rupture du contrat de travail.

Là encore, en l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties,

En effet, l'employeur a pour obligation première de fournir au salarié le travail convenu et aux conditions arrêtées entre les parties, faute de quoi il engage sa responsabilité contractuelle.

De l'examen comparé des documents que Monsieur Sabbah verse aux débats et intitulés " synthèse mensuelle d'activité du compte courant de la société RS Conseil ", il ressort que:

- durant l'exercice 2005, les encaissements ont oscillé entre 3 811,06 euro et 14 391,68 euro.

- durant l'exercice 2006 jusqu'au mois de juillet 2006, le compte courant n'a pas connu d'encaissements au cours des mois de janvier, février, avril et mai 2006.

Ces pièces corroborent l'allégation de Monsieur Sabbah quant aux difficultés qu'il rencontrait pour obtenir paiement des factures à compter du mois de janvier 2006, allégation étayée s'il en est besoin par les facturations détaillées qu'il a émises et les nombreux mails de relance adressées à la société AB Courtage.

Cette diminution des revenus atteste que l'employeur qui attribuait à Monsieur Richard Sabbah les rendez-vous et qui était donc à l'origine de la facturation, a cessé de lui fournir du travail à compter de janvier 2006, à l'exception des mois de mars et juin 2006.

Il est également établi que la société AB Courtage a réclamé à Monsieur Richard Sabbah les clés de l'agence Beaumarchais à la fin du mois de juillet 2006 et qu'elle a désactivé en août 2006, l'adresse mail qu'elle lui avait attribuée.

La société AB Courtage ne fournit aucune explication sur le retard apporté au paiement des factures présentées par Monsieur Sabbah, ni sur le volume de l'activité qu'elle lui a confiée.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la rupture du contrat de travail est imputable à la société AB Courtage et doit être fixée au 31 juillet 2006.

Le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a dit et jugé que la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de la rupture.

Au soutien de son appel sur le montant des sommes qui lui ont été allouées par les juges de première Instance. Monsieur Richard Sabbah se réfère à la rémunération annuelle de 85 000 euro qu'il a perçue au cours de l'année 2005, soit une moyenne mensuelle de 7 083,33 euro.

Monsieur Sabbah, engagé le 1er septembre 2004, et dont la rupture du contrat de travail imputable à la société AB Courtage a été fixée au 31 juillet 2006, disposait d'une ancienneté inférieure à 2 ans.

Faute de toute justification de ses revenus par Monsieur Sabbah, autre que la fiche de synthèse qu'il a produite, les encaissements qui figurent sur cette fiche permettent d'établir le salaire moyen mensuel sur l'année précédent la rupture à la somme de 5 424,85 euro.

Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société AB Courtage à verser à Monsieur Sabbah la somme de 5 424,85 euro au titre d'indemnité compensatrice de préavis correspondant à un mois de salaire, et ce conformément aux dispositions de l'article L. 1234-1 du Code du travail, ainsi que la somme de 542,48 euro au titre des congés payés y afférents.

Le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Richard Sabbah de sa demande d'indemnité légale de licenciement: en effet, Monsieur Richard Sabbah n'est pas fondé à invoquer les dispositions de l'article L. 1234-9 du Code du travail qui ont été introduites dans ledit Code par la loi du 21 janvier 2008, soit postérieurement à son licenciement.

Aux termes de l'article L. 1235-5 du Code du travail, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi en cas de licenciement abusif.

Monsieur Sabbah qui a déclaré avoir retrouvé un emploi dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ne justifie pourtant pas de sa situation professionnelle postérieurement à la rupture de la relation de travail avec la société AB Courtage.

Il n'en demeure pas moins que le licenciement abusif dont il a fait l'objet lui a nécessairement causé un préjudice dont la cour estime que les premiers juges l'ont exactement apprécié à la somme de 5 500 euro.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Monsieur Richard Sabbah doit être déclaré bien fondé en sa demande subsidiaire en paiement d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement: il lui sera alloué la somme de 5 424,85 euro à ce titre correspondant à un mois de salaire.

Sur l'indemnité sollicitée au titre du prétendu travail dissimulé.

Soutenant que la société AB Courtage s'est de manière intentionnelle soustraite aux obligations auxquelles elle était tenue en qualité d'employeur, à raison du lien de subordination sous lequel elle plaçait ses salariés, Monsieur Richard Sabbah sollicite la somme de 42 500 euro à titre d'indemnité forfaitaire en application des dispositions de l'article L. 8221-5 du Code du travail.

Il y a lieu de rappeler que la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article susvisé n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, entendu faire obstacle aux dispositions d'ordre public sur l'emploi salarié.

En l'espèce, le seul fait que la société AB Courtage ait choisi de développer son activité par la mise en place d'agents commerciaux ne suffit pas à établir l'intention de dissimulation d'emploi salarié.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Richard Sabbah de sa demande de ce chef.

Sur la demande de remboursement de solde de factures au titre des commissions

Monsieur Richard Sabbah sollicite pour la première fois en cause d'appel le remboursement de deux factures qu'il a émises respectivement les 20 novembre 2006 et 27 février 2007 au titre de ses commissions pour des dossiers traités lorsqu'il travaillait pour le compte exclusif de la société AB Courtage.

Cependant, Monsieur Richard Sabbah ne justifie pas suffisamment par les deux seuls tableaux récapitulatifs qu'il verse aux débats, à l'exclusion d'autres pièces telles des lettres de mise en demeure, les sommes dont il prétend que la société AB Courtage lui reste devoir, de sorte qu'il doit être débouté de cette demande.

Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.

La société AB Courtage doit être déboutée de cette demande dès lors qu'il a été fait partiellement droit aux demandes de Monsieur Richard Sabbah.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Restant débitrice du salarié, la société AB Courtage sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société AB Courtage au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Monsieur Richard Sabbah peut être équitablement fixée à 1 000 euro.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré en qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée en défense par la société AB Courtage. Confirme le jugement précité en toutes ses autres dispositions. Y ajoutant, condamne la société AB Courtage à verser à Monsieur Richard Sabbah la somme de 5 424,85 euro à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement. Déboute Monsieur Richard Sabbah de ses autres demandes dont celles formées pour la première fois en cause d'appel. Déboute la société AB Courtage de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive. Condamne la société AB Courtage aux dépens d'appel, ainsi qu'à verser à Monsieur Richard Sabbah la somme de 1 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.