CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 19 mai 2011, n° 09-09134
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bodum France (Sté)
Défendeur :
Nestlé Nespresso (Sté), Nespresso France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
Mme Poinseaux, M. Testut
Avoués :
SCP Debray Chemin, SCP Bommart Minault
Avocats :
Mes Delile, Destremau
Vu l'appel interjeté le 26 novembre 2009, par la société Bodum France d'un jugement rendu le 9 novembre 2009, par le Tribunal de commerce de Nanterre qui a:
* dit recevable mais mal fondée la demande de Bodum France en sursis à statuer,
* dit que la société Bodum France s'est livrée à des actes de dénigrement à l'encontre de Nestlé Nespresso et Nespresso France,
* débouté Nestlé Nespresso et Nespresso France de leurs demandes visant à qualifier de parasitaire le comportement de Bodum France,
* condamné Bodum France à verser à titre de la réparation du préjudice pour dénigrement la somme de 25 000 euro à chacune des demanderesses,
* condamner Bodum France à retirer de son site Internet, de ses catalogues et plus généralement tous supports, toute référence au système Nespresso ou aux capsules qu'il utilise et ce, sous astreinte provisoire de 1 000 euro par jour de retard à compter du 30e jour qui suivra la signification du jugement, en ce notamment la reproduction de l'image des capsules figurant en page 4 dudit catalogue, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte,
* débouté Bodum France de ses demandes en publication tant sur son site Internet que dans des revues,
* débouté Bodum France de sa demande pour procédure abusive,
* condamné Bodum France à verser au titre de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 5 000 euro à chacune des sociétés Nespresso France et Nestlé Nespresso,
* rejeté toutes autres demandes,
* condamné la société Bodum France aux dépens;
Vu les dernières écritures en date du 14 décembre 2010, par lesquelles la société Bodum France, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise sauf en ce qu'elle a rejeté les demandes en condamnation pour parasitisme et de publication, demande à la cour de:
* débouter les intimées de toutes leurs demandes,
* les condamner in solidum au paiement de la somme de 100 000 euro pour procédure abusive, de celle de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens dont distraction;
Vu les dernières écritures en date du 19 novembre 2010, aux termes desquelles les sociétés Nespresso France et Nestlé Nespresso, formant appel incident, prient la cour, au visa des articles 1382 du Code civil, L. 121-8 et L. 121-9 du Code de la consommation de:
* confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Bodum France s'est livrée à des actes de dénigrement à leur encontre, en ce qu'il lui a ordonné sous astreinte de retirer de tous supports toute référence au système Nespresso ou aux capsules qu'il utilise,
* le réformer en ce qu'il a limité le préjudice à la somme de 25 000 euro pour chacune d'elles,
en conséquence, statuant à nouveau:
* le réformer en ce qu'il les a déboutées de leur demande visant à qualifier de parasitaire le comportement de la société Bodum France et de leur demande de publication de la décision sur le site de cette dernière et dans la presse,
* condamner la société Bodum France au versement à chacune d'elles des sommes de 125 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre des actes de dénigrement,
* dire que les agissements de la société Bodum France sont également constitutifs de parasitisme à leur encontre,
* condamner la société Bodum France à leur verser à chacune la somme de 125 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre des actes de parasitisme,
* ordonner sous astreinte de 2 000 euro par jour de retard, la publication de la décision à intervenir en page d'accueil du site Internet de la société Bodum France (www.bodum.fr), ce dans les huit jours de la signification de l'arrêt à intervenir et pendant une durée qui ne saurait être inférieure à deux mois, sous le titre " Communiqué judiciaire " écrit en lettres rouges sur fond blanc d'au moins 15 mm de haut, avec le texte suivant dans des polices de caractère noires sur fond blanc d'au moins 10 mm de hauteur :
" par arrêt du ... la Cour d'appel de Versailles a condamné la société Bodum France pour avoir commis des actes de dénigrement et de parasitisme au préjudice des sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France ",
* ordonner également la publication de l'arrêt à intervenir dans 5 revues et/ou journaux à leur choix, ce aux frais de la société Bodum France dans la limite de 7 500 euro HT par publication,
* condamner la société Bodum France à payer à chacune d'elles la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens, qui comprendront le coût des deux procès-verbaux de constat du 13 mars 2009, effectués par la SCP Jezequel-Pinheiro-Gruel, dont distraction;
Sur ce, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il convient de rappeler que :
* au cours des années 1970, le groupe Nestlé a développé des machines à café fonctionnant avec des capsules de café hermétiques,
* la société de droit suisse Nestlé Nespresso a été créée en 1986, pour promouvoir ce concept dénommé Nespresso,
* elle conditionne le café en capsules qu'elle commercialise,
* en France, la société Nespresso France assure la promotion de ce système et la distribution des capsules,
* d'importantes campagnes publicitaires ont popularisé le système Nespresso dont la diffusion en 2008, d'un film intitulé " la capsule " avec Georges Clooney, des publicités dans la presse ou diffusés par voie d'affichage notamment sur les Champs Elysées,
* la société Bodum France fait partie du groupe Bodum fondé en 1944 au Danemark,
* elle commercialise depuis 1974, une cafetière à piston dénommée " French press ", permettant de faire du café sans filtre, ne générant pas de déchets si ce n'est le marc de café qui peut être recyclé,
* les sociétés Nespresso France et Nestlé Nespresso ont découvert à l'occasion du salon professionnel " Ambiente " qui s'est tenu à Francfort en Allemagne du 13 au 19 février 2009, le stand de la société Bodum comportant un panneau divulguant un amoncellement de capsules percées et/ou déformées et un slogan " make taste not waste ",
* des catalogues ont été diffusés au cours de ce salon montrant sur une double page, d'une part, le visuel utilisé sur le stand, associé au slogan et d'autre part, une cafetière Bodum surmontée du slogan " clearly the best way to brew coffee ",
* les sociétés Nespresso France et Nestlé Nespresso se sont aperçues que le catalogue était diffusé en France par la société Bodum France, filiale française de la société Bodum,
* les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France ont fait constater que ce catalogue était diffusé dans deux corners Bodum situés aux Galeries Lafayette et au Printemps, dans les boutiques de la société Bodum France et sur le site Internet www.bodum.fr,
* ces dans ces circonstances, que le 13 mai 2009, les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France ont assigné la société Bodum France devant le Tribunal de commerce de Nanterre pour dénigrement, concurrence déloyale ou parasitaire,
* ces sociétés ont également découvert au mois de juillet 2009, après la délivrance de l'acte introductif d'instance, qu'avaient été mis en place de nouveaux éléments de PLV, notamment dans un magasin à l'enseigne du BHV, reprenant le visuel incriminé associé au slogan " tout l'arôme du café, sans polluer ",
* au mois de novembre 2009, le visuel litigieux a été de nouveau diffusé sur un présentoir au BHV et dans le magazine Elle;
Sur la publicité litigieuse:
Considérant que les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France reprochent à la société Bodum France des actes de dénigrement et de parasitisme;
Qu'elles exposent que la société Bodum France a voulu profiter de la notoriété d'un référent sur le marché, lui permettant de se hisser au niveau d'un concurrent notoire et dans le même temps le dénigrer en dénonçant ses faiblesses réelles ou supposées;
Que, se fondant sur un sondage révélant que 25 % des personnes interrogées ont spontanément fait un rattachement entre l'univers Nespresso et le visuel de capsules figurant dans la publicité de la société Bodum France, elles font valoir que dans cette publicité diffusée en France, Nespresso est parfaitement identifiable et que la société Bodum France, qui se présente comme concurrente, s'est à tout à la fois, appuyée sur sa notoriété et sur ce qu'elle estime être les défauts de ses produits;
Qu'elles rappellent que toute représentation péjorative ou dépréciative des produits d'un concurrent est prohibée et soutiennent que l'assimilation des capsules Nespresso à un tas de détritus dans le visuel est dénigrant, de même que les messages véhiculés;
Qu'elles ajoutent que le fait pour un annonceur de se livrer à une publicité comparative ne saurait le faire échapper aux dispositions générales de l'article 1382 du Code civil, si, comme en l'espèce, la publicité incriminée ne satisfait pas aux conditions prévues par les articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation et s'analyse en une publicité comparative illicite;
Considérant que la société Bodum France, qui conteste tout acte dénigrant ou parasitaire à l'égard des sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France, réplique que la publicité litigieuse s'analyse en une publicité comparative dans le respect des conditions visées aux articles L. 121-8 et L. 121-9 du Code de la consommation ;
Considérant en droit que l'article L. 121-8 du Code de la consommation dispose que toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant implicitement ou explicitement un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si:
- elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur,
- elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif,
- elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie;
Considérant que le visuel utilisé divulgue d'un côté, des capsules de café percées, tordues ou écrasées, associées au slogan "make taste not waste" et de l'autre côté, une cafetière Bodum surmontée du slogan "clearly the best way to brew coffee";
Considérant qu'il n'est pas contesté que l'illustration litigieuse montre des capsules commercialisées par plusieurs fabricants et destinées à des machines pour faire du café, parmi lesquelles se trouvent des capsules Nespresso qui sont implicitement identifiables;
Considérant que les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France font valoir que les critères de validité de la publicité comparative ne sont pas réunies, dès lors que la comparaison n'est pas objective en ce qu'elle se fonde sur une notion subjective telle que le goût et ne porte pas sur des biens répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif, une cafetière manuelle ne pouvant être comparée à des capsules de café; qu'elles ajoutent qu'à supposer que la comparaison ait porté sur deux systèmes, celle-ci reste factice, les cafetières manuelles à piston ne répondant pas aux mêmes besoins que les machines à expresso;
Considérant que pour être licite, la comparaison doit être objective et porter sur une caractéristique essentielle du produit;
Considérant que contrairement à ce que soutiennent les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France, la publicité incriminée ne compare pas les mérites des cafés produits par l'une ou l'autre méthode, le slogan "Make taste, not waste" ne comparant pas de manière subjective le goût des cafés et ne suggérant pas que celui obtenu avec une cafetière à piston serait au moins aussi bon que celui des expressos;
Considérant que pour être licite, la comparaison doit aussi porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif;
Considérant que la publicité de la société Bodum France oppose deux méthodes pour faire du café, l'une sophistiquée, l'autre simple, les produits comparés présentant un certain degré de substitution entre eux en raison de leur nature et de leur fonction;
Qu'en effet, d'une part, il ne s'agit pas de la comparaison entre une machine à café et des consommables, mais entre deux systèmes différents pour faire du café, cafetière à piston d'une part, machines à capsules d'autre part, de sorte qu'il s'agit de biens répondant au même besoin ou ayant le même objectif, le visuel incriminé mettant l'accent sur la production de capsules engendrée par l'utilisation d'un système à l'inverse de l'autre ;
Que d'autre part, si un appareil à capsules ne fait pas le même café qu'une cafetière manuelle à piston, il n'en subsiste pas moins que sont comparées deux méthodes de préparation du café lesquelles présentent un certain degré de substituabilité;
Que les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France soutiennent vainement fabriquer et commercialiser quasi-exclusivement du café, alors que leur communication globale porte sur les machines à café Nespresso, de sorte que dans l'esprit du consommateur moyennement attentif et normalement avisé, les capsules de café et les machines à café sont étroitement associées;
Considérant que la publicité met en comparaison deux méthodes dont l'une laisse des emballages et l'autre pas;
Que la circonstance que les cafetières à piston Bodum ne génèrent pas de déchets, à l'exception du marc, est un fait objectif et s'analyse en une caractéristique essentielle de ce système de cafetières;
Que cette caractéristique est pertinente et représentative dès lors que le système consistant à faire du café, que ce soit celui de Nespresso ou d'autres fabricants qui distribuent également ce type de capsules, laisse, pour chaque tasse de café produite, un emballage vide, à l'inverse de la cafetière à piston;
Que cette caractéristique est également vérifiable, le fait que les dosettes du type Nespresso laissent des déchets étant incontestable, l'impact des emballages en aluminium sur l'environnement résultant des propres déclarations des sociétés Nespresso dans la presse (articles publiés dans les magazines Coop en juillet 2009);
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la publicité incriminée s'analyse en une publicité comparative au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation précitées;
Considérant que les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France font valoir que cependant le recours à la publicité comparative n'autorise ni le parasitisme, ni le dénigrement;
Qu'elles observent que le visuel divulgue des capsules écrasées et un slogan parlant de " déchets "; qu'elles soutiennent que la société Bodum France ne saurait, dans un but commercial, prétexter du respect de l'environnement pour affirmer que les produits d'un concurrent sont polluants et néfastes pour la nature et illustrer cette affirmation par un visuel dépréciatif;
Considérant que la société Bodum France réplique n'avoir fait que mettre en évidence dans la publicité l'atout de ses cafetières à piston au regard du respect de l'environnement en communiquant sur un thème constituant une préoccupation majeure de la clientèle, sans intention de nuire aux fabricants de capsules de café;
Considérant que cette préoccupation d'intérêt général est amplement démontrée par les pièces versées aux débats, notamment par plusieurs articles publiés sur Internet ou dans la presse magazine:
- le 2 septembre 2008, sur le site Internet www.tsr.ch relatant: "Les dosettes de café emballées, les études ont montré que l'on produisait huit à dix fois plus de déchets qu'avec du café en vrac (...) Nespresso se vante de proposer une capsule en aluminium 100 % recyclable (...) Il a fallu non seulement organiser la collecte des capsules, mais surtout inventer la machine capable de rendre cet aluminium recyclable. Elles sont d'abord broyées. Ce hachis d'aluminium et de marc de café passe ensuite dans un four à 160° pour être séché, afin que les deux composants puissent être séparés (...) Nespresso estime avoir trouvé une bonne solution en précisant que le taux de recyclage des capsules Nespresso en Suisse est actuellement de 60 %",
- le 22 juillet 2008, sur le site Internet Once upon a time en ces termes: "Chez Nespresso, les capsules sont faites en aluminium qui est un métal parfaitement recyclable. Le hic ! En France, il n'existe aucune collecte des capsules pour les recycler (...) La présence de marc de café fait que la capsule ne peut être considérée aux yeux de la législation française comme un déchet d'emballage. Nous sommes donc contraints de les jeter avec les ordures ménagères (...)",
- le 5 juin 2009, sur le site Coeur côte fleurie exposant: "Les dosettes peuvent être rigides ou souples. Elles sont constituées pour les premières d'aluminium ou bien d'un mélange (...), et pour les secondes de cellulose (...) Seules les dosettes en cellulose sont compostables. Il n'existe pas encore de circuit de collecte et de recyclage pour les dosettes en aluminium en France. Où jeter ? Dans la poubelle des ordures ménagères",
- le 7 juillet 2009, dans le journal Coop, sous l'intitulé Nespresso Le recyclage comme une renaissance : "C'est une petite capsule suisse qui donne du bon café mais mauvaise conscience. Nespresso n'aspirant qu'au premier de ces deux éléments, le fabricant de café a fait construire deux installations pour éliminer les capsules et recycler l'aluminium et relatant : Le café est certes bon, mais les capsules en alu.... (....) Plus de capsules signifie aussi plus d'alu utilisé (...) Or l'alu devrait autant que possible être évité ou tout au moins recyclé. En Suisse, les citoyens ont pris l'habitude de recycler les capsules en alu (...)",
- le 25 mars 2010, dans le magazine Le Nouvel Observateur: "Le casse-tête de la dosette. Un juge de paix écologique, l'Ademe, qui estime qu'un paquet de 250 g de dosettes génère jusqu'à dix fois plus de déchets qu'un paquet de café",
- le 9 avril 2009, dans le journal La Dépêche: L'utilisation de capsules ou dosettes est-elle bien compatible avec le concept de développement durable ;
Considérant que selon l'article L. 121-9 du Code de la consommation, la publicité comparative ne peut:
1° tirer indûment profit de la notoriété attachée à une marque de fabrique, de commerce ou de service, à un nom commercial, à d'autres signes distinctifs d'un concurrent (...),
2° entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d'un concurrent (...);
Considérant que la société Bodum France fait justement observer que la cafetière à piston qu'elle a lancée en 1974, a été désignée par les médias internationaux comme la machine à café la plus écologique, est distribuée dans 55 pays, a été vendue à plus de 100 000 millions d'exemplaires;
Que n'est pas démentie la connaissance de cette cafetière sur le marché, amplement divulguée à l'occasion d'opérations de communication et de campagnes publicitaires; que force est de constater que la société Bodum France, lors de la parution de la publicité litigieuse, occupait une place reconnue sur le marché et bénéficiait d'une notoriété certaine;
Que par la publicité incriminée qui compare le système à piston des cafetières Bodum n'engendrant pas de déchets, contrairement aux systèmes à capsules, qui, eux, en génèrent, la société Bodum France n'a pas cherché indûment, voire par ricochet, à profiter de la renommée et du succès des produits Nespresso, étant rappelé que d'autres entreprises commercialisent des capsules similaires à celles fabriquées et distribuées par les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France;
Considérant que la charte graphique adoptée pour le visuel de la publicité, divulguant une amoncellement de capsules usagées et trouées, est une convention de représentation répandue (cf: pièces produites n° 70 à 79: plusieurs représentations d'objets divers de la vie quotidienne compressés, de compactage de bouteilles de lait ou d'eau, de moules à biscuits, de cannettes, de boites);
Que ce visuel n'est pas dénigrant par nature, n'est pas accompagné d'images dévalorisantes et est conforme à l'esprit général épuré de la présentation du catalogue Bodum;
Considérant que le slogan en langue anglaise "Make taste, not waste", que les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France traduisent en français par "Faites du goût, pas de déchets", à supposer qu'il soit compris par un consommateur moyen possédant des rudiments de la langue anglaise, n'excède pas la simple critique d'un concurrent, dès lors qu'il illustre un constat objectif, incontestable selon lequel le système à dosettes laisse des capsules d'aluminium vides après usage et provoque ainsi des déchets, ce qui exclut tout dénigrement;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que ni la publicité comparative illicite, ni le dénigrement et pas davantage le parasitisme ne sont caractérisés, de sorte que la décision entreprise sera réformée;
Qu'il s'ensuit que les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France seront intégralement déboutées de leurs demandes;
Sur les autres demandes:
Considérant que la société Bodum France ne caractérise pas, à la charge des sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France, la mauvaise foi, l'intention de nuire ou la légèreté blâmable susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive;
Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France ne sauraient bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'en revanche, l'équité commande de les condamner in solidum, sur ce même fondement, à verser à la société Bodum France une indemnité de 20 000 euro;
Par ces motifs, Statuant par décision contradictoire, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a : - débouté les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France de leurs demandes formées au titre du parasitisme, - débouté la société Bodum France de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive, Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau : Déboute les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France de l'intégralité de leurs demandes, Condamne in solidum les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France à payer à la société Bodum France la somme de 20 000 euro au titre des frais irrépétibles, Rejette toutes autres demandes contraires à la motivation, Condamne in solidum les sociétés Nestlé Nespresso et Nespresso France aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.