CA Paris, Pôle 5 ch. 12, 16 février 2010, n° 09-09891
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Beauquis
Conseillers :
Mmes Filippini, Schoonwater
Avocat :
Me Simon
La procédure:
La saisine du tribunal et la prévention. Par ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 27 février 2008 suivie d'une citation X Laurent, a été poursuivi devant le tribunal, pour avoir à Paris, en tout cas sur le territoire national, courant novembre 2006 et décembre 2006, depuis temps non prescrit, étant acheteur de produits, omis de réclamer des factures comportant la quantité et la dénomination précise des produits vendus,
Faits prévus par l'article L. 441-3 al.1 du Code de commerce et réprimée par les articles L. 441-4, L. 470-2 du Code de commerce;
Le jugement
Le Tribunal de grande instance de Créteil - 11e chambre, par jugement contradictoire, en date du 12 septembre 2008, a déclaré X Laurent coupable des faits qui lui sont reprochés, et, en application des articles susvisés;
Sur l'action publique:
A condamné Laurent X une amende délictuelle de 15 000 euro dont 7 500 euro avec sursis;
A prononcé la confiscation des scellés;
A ordonné la publication du jugement dans le Figaro et le Parisien sans que le coût de l'insertion n'excède la somme de 1 500 euro.
Les appels
Appel a été interjeté par Monsieur X Laurent, le 22 septembre 2008, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles;
M. le Procureur de la République, le 22 septembre 2008 contre Monsieur X Laurent.
Ont été entendus:
Le Ministère public, en ses réquisitions;
Maître Simon, avocat du prévenu Laurent X en sa plaidoirie;
Le prévenu Laurent X qui a eu la parole en dernier
Puis la cour a mis l'affaire en délibéré et le président a déclaré que l'arrêt sera rendu à l'audience publique du 16 février 2010.
Et ce jour 16 février 2010, il a été en application des articles 485, 486 et 512 du Code de procédure pénale donné lecture de l'arrêt par Christiane Beauquis, ayant assisté aux débats et au délibéré.
Décision:
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme
Considérant que les appels de Laurent X, prévenu, et du Ministère public, sont intervenus dans les formes et délais de la loi;
Au fond
Considérant que référence faite aux énonciations du jugement déféré pour plus ample rappel des faits, il suffit de rappeler qu'à la suite de la dénonciation d'un salarié de la SAS "Y", dont l'activité est la vente de viande en gros, qui avait notamment déclaré : " qu'étant chargé des livraisons aux clients, pour certains d'entre eux, notamment ceux pour lesquels les factures comportaient un astérisque, il livrait le double de quantité de marchandises portée sur la facture, la différence entre ce qui était vraiment livré et ce qui était facturé, étant soit récupérée en espèces, en fin de mois par son patron Monsieur Z, soit par lui-même au moment de la livraison ", les fonctionnaires de la "DGCCRF" et les services de police procédaient au contrôle de plusieurs véhicules quittant les locaux de l'entreprise, sise <adresse> à Créteil et constataient que sur une quantité de soixante-seize colis transportés, vingt-huit correspondaient à des factures comportant un astérisque, et que sur les factures seules la moitié des quantités de viande livrée était mentionnée;
Que les époux Z, reconnaissaient tout au long de l'enquête puis encore devant les premiers juges, les faits reprochés à savoir, que les factures revêtues d'un astérisque mentionnaient une somme nettement minorée par rapport aux quantités de viande réellement vendues à une centaine de clients, essentiellement des restaurateurs, et notamment au profit des trois restaurants de Monsieur X, à savoir "A", "B" et "C"; qu'ils expliquaient qu'il s'agissait d'un usage dans la profession et que la plupart du temps ils n'acceptaient de procéder ainsi qu'à la demande expresse des clients eux-mêmes, notamment de Monsieur X;
Considérant que tout au long de l'enquête et encore devant la cour, Monsieur X conteste avoir participé à ce circuit de fraude, bien qu'une partie des factures émises par la société "Y" à destination de ses restaurants supportent un astérisque;
Qu'il fait ainsi valoir pour sa défense, que sur la liste des clients bénéficiant d'une prétendue minoration ne figurent pas l'établissement "A" et que lors du contrôle routier du 5 décembre 2006 aucune commande contrôlée n'a révélé que l'un des établissements de Monsieur X aurait usé du système de facturation en cause, alors même qu'une livraison était intervenue au "B" le jour du contrôle, selon facture n° 114232, portant un astérisque; que la perquisition effectuée au sein de l'établissement "A", n'a permis d'établir une quelconque infraction; qu'enfin Monsieur Z a reconnu au cours d'un interrogatoire que "l'étoile reste une fois créée", même si les clients ne demandent pas à bénéficier d'une telle pratique;
Sur ce
Considérant que Monsieur Z tant lors d'une confrontation devant les enquêteurs de police que devant les premiers juges, a confirmé que Monsieur X bénéficiait du système mis en place au sein de sa société ayant au surplus indiqué lors de son audition devant les policiers "c'est à chaque fois à la demande des clients, concernant par exemple Monsieur X, gérant des restaurants "C", "A" et "B" c'est bien lui qui m'a imposé cette fausse facturation";
Considérant que si, certes, les établissements "A" et "C" ne figurent pas sur la liste saisie au sein de la société "Y", y est mentionné comme bénéficiant du système de fausse facturation "B";
Considérant qu'à ce titre Monsieur W, ex-employé de la société "Y", a précisé "Au départ il était marqué sur les bons de commandes la mention 50/50, cela signifiait que seule la moitié de la marchandise livrée était facturée. Ensuite, Monsieur Z détruisait les bons de commandes, puis il y a eu le système des petites étoiles sur les bons de livraisons",
Que de même Madame V, en charge de la facturation au sein de la société "Y" a expliqué aux enquêteurs de police "Certains clients demandent une minoration de 50 % sur la facture par rapport à leur commande... je la soumets à Monsieur Z qui donne son accord ... je mets une étoile à coté des noms, je n'ai pas de registre mais l'étoile apparaît à l'écran... en substance les clients payent deux fois le montant de la facture, l'une par chèque, correspondant au montant de la facture et l'autre en espèces correspondant au même montant... environ 20 % soit une centaine de clients bénéficie de ce système... je peux vous indiquer que certains clients ont la totalité de leur facture minorée, d'autres ont la moitié de leur facture minorée, et enfin certains n'ont que quelques factures sur la totalité de leurs commandes. C'est moi, sur instructions de Monsieur Z, qui ai instauré le système d'étoiles afin de repérer les factures concernées;
Qu'également Madame Z a déclaré devant le magistrat instructeur, que si la liste retrouvée dans les locaux de la société ne correspondait pas à la liste des clients établie par les policiers à partir des factures ponant des astérisques " c'était à raison de l'ancienneté de la liste mais que Claudine V avait une excellente mémoire, et qu'elle n'avait pas besoin de liste, car connaissant tous les codes clients "; que Monsieur Z a précisé de son côté " le client qui est référencé chez moi et qui a une étoile, c'est à son choix que l'étoile figure sur la facture, ce n'est pas systématique, il me demande une fois par mois ou tous les lundis ou mardis par exemple ";
Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure et notamment du rapport dressé par les agents de la direction départementale de la concurrence et de la consommation et de la répression des fraudes, à la suite du contrôle, des quatre camions transportant les denrées alimentaires pour le compte de la société "Y ", qu'aucune facture comportant une étoile, ni aucune marchandise correspondante n'était destinée à l'établissement "B", mais à d'autres établissements de restauration;
Qu'au cours de ce contrôle des moyens de transport ont été saisies toutes les factures du 5 décembre 2006:
À savoir:
76 factures ne comportant pas d'étoile et 28 factures comportant une étoile;
Qu'étaient ainsi constaté, après pesée des marchandises, que les colis relatifs aux factures sans étoile correspondaient bien aux quantités facturées, et qu'à l'inverse les colis relatifs aux factures avec étoile étaient d'un poids double des quantités facturées;
Considérant dès lors que la facture du 5 décembre 2006, produite en original par le prévenu devant la cour et qui porte une étoile, ne démontre nullement, comme il le prétend, que la marchandise livrée correspondait à la facture, la dite marchandise n'ayant fait l'objet d'aucun contrôle par les services de la "DGCCRF" lors de l'opération du 5 décembre 2006;
Considérant qu'il est établi, que de nombreuses factures, émises par la société "Y" en direction des restaurants "B" et "A" portant un " astérisque ", ont été saisies en cours de procédure, soit dans les locaux de la société "Y", soit de la société "A", à savoir :
* 51 factures concernant l'établissement "B" pour la période octobre/novembre 2006,
* 58 factures concernant l'établissement " Comptoir du 7e " pour la période septembre/octobre/novembre 2006;
Considérant qu'il résulte dès lors de l'ensemble des développements ci-dessus que Laurent X s'est bien rendu coupable des faits visés à la prévention;
Qu'en conséquence le jugement déféré sera confirmé sur la déclaration de culpabilité;
Qu'en revanche, la cour, tenant compte du nombre très important de factures litigieuses, aggravera la sanction en infligeant au prévenu une peine d'amende de 40 000 euro;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard du prévenu et cri second ressort; En la forme : Reçoit les appels de Laurent X et du Ministère public; Au fond : Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité; L'infirme sur le prononcé de la peine; Condamne Laurent X à la peine de quarante mille euro (40 000 euro) d'amende. Dit que si Laurent X s'acquitte du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro. Dit que le paiement ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours.