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Décisions

Cass. com., 7 juin 2011, n° 10-19.742

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Potentier, Potentier (SAS)

Défendeur :

Cofalu Kim'play (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Pezard

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Piwnica, Molinié

TGI Bordeaux, 1re CH., du 4 dec. 2007

4 décembre 2007

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 avril 2010), que M. Potentier est titulaire d'une marque semi-figurative comprenant l'expression boîte à meuh, associée au dessin d'une vache stylisé, enregistrée le 29 mars 2002 sous le n° 02 3 156 575, désignant des produits des classes 16, 25, 28, 30, ainsi que des services de la classe 41 et la société Potentier d'un modèle n° 03 4497, déposé le 18 septembre 2003, représentant l'emballage sous "blister" du jouet dénommé boîte à meuh ; qu'estimant que la société Cofalu Kim'play contrefaisait leurs marque et modèle, M. Potentier et la société éponyme, après avoir fait procéder à trois saisies-contrefaçons, ont assigné cette société en contrefaçon de marque et modèle et en concurrence déloyale ; qu'à titre reconventionnel, la société Cofalu Kim'play a demandé la nullité des saisies-contrefaçons, marque et modèle précités ;

Sur le premier moyen : - Attendu que M. Potentier et la société Potentier font grief à l'arrêt de déclarer nulles les trois saisies-contrefaçons pratiquées les 14, 24 et 27 septembre 2004 respectivement au supermarché de Champion de Léon, à l'entreprise FDG Sud Aquitaine à Saint-Paul-lès-Dax et à l'entreprise Cofalu Kim'play à Bordeaux, en considérant que cette nullité s'étendait à la description des objets saisis, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 716-7, alinéa 3, du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable en l'espèce, antérieure à la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007, "à défaut pour le requérant de s'être pourvu soit par la voie civile, soit par la voie correctionnelle dans le délai de quinzaine, la saisie est nulle de plein droit, sans préjudice des dommages-intérêts qui peuvent être réclamés" ; que, bien que ce texte réserve la nullité à la seule saisie et non pas à la description des produits en cause, la cour d'appel a, au contraire, retenu que l'annulation prononcée pour défaut d'assignation dans le délai de quinzaine s'étendait également à la description des objets saisis ; qu'en statuant ainsi, sans réserver le sort des constatations descriptives de l'huissier, qui n'étaient pas affectées par l'annulation prononcée en application de l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable en l'espèce, la cour d'appel a violé le texte précité ;

Mais attendu qu'ayant constaté que M. Potentier et la société Potentier avaient été autorisés à faire pratiquer des saisies-contrefaçons et qu'ils ne s'étaient pas pourvus dans le délai de quinze jours, la cour d'appel a décidé à bon droit que l'annulation pour défaut d'assignation dans le délai de quinzaine à compter de la saisie-contrefaçon s'étendait à la description des produits en cause ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que M. Potentier et la société Potentier font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) que se rend coupable d'actes de concurrence déloyale l'opérateur économique qui commercialise des produits sous une présentation de nature à induire un risque de confusion, dans l'esprit du public, avec les produits vendus par ses concurrents; qu'en l'espèce, il n'était pas reproché à la société Cofalu Kim'play d'avoir simplement commercialisé une boîte à vache, mais d'avoir commercialisé celle-ci sous une présentation de nature à induire une confusion dans l'esprit de la clientèle ; qu'en se bornant à relever que la "boîte à meuh" serait un jouet déjà très ancien, dont les caractéristiques seraient "reproduites partout", et que seul le "packaging" aurait, en l'espèce, "fait l'objet d'une actualisation", sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la présentation adoptée par la société Cofalu Kim'play pour commercialiser ses boîtes à vache n'était pas de nature à créer un risque de confusion, dans l'esprit du public, avec celles vendues par la société Potentier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'en relevant que la société Cofalu Kim'play commercialise des boîtes à vache depuis plus longtemps que la société Potentier, sans constater qu'elle aurait commercialisé ces jouets sous la présentation litigieuse antérieurement à la société Potentier, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les similitudes de présentation des boîtes à meuh de la société Cofalu Kim'play s'inscrivaient dans des courants de mode le plus souvent éphémères dont chaque commerçant essaie de bénéficier et qu'aucun élément n'établissait que cette société ait commis de pratiques déloyales destinées à fausser le jeu de la libre concurrence, la cour d'appel qui a pu en déduire l'absence de comportement déloyal, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche : - Vu l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 3, § 1, sous b) de la Directive 89-104 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ; - Attendu que le caractère distinctif d'une marque doit s'apprécier au regard de chacun des produits et services visés au dépôt ;

Attendu que pour prononcer la nullité de la marque semi-figurative n° 02 3 156 375 incluant la dénomination boîte à meuh pour l'intégralité des produits et services visés par celle-ci dans les classes 16, 25, 28, 30 et 41, l'arrêt retient que l'adjonction d'un dessin naïf à la dénomination boîte à meuh devenue générique ne peut suffire à lui conférer un caractère distinctif suffisant dès lors que des jouets présentant des caractéristiques très voisines de forme, de fonction et de décoration étaient diffusés antérieurement au dépôt des marque et modèle précités ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui constatait, tout au plus, que la marque serait dépourvue de caractère distinctif pour les seuls jeux et jouets d'enfants reproduisant le meuglement d'une vache, et non pour chacun des produits et services couverts par la marque, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré nul le dépôt le 29 mars 2002 de la marque "Boîte à Meuh avec dessin de vache" par Arnaud Potentier, pour défaut de caractère distinctif, l'arrêt rendu le 8 avril 2010, entre les parties, par la Cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.