Cass. com., 7 juin 2011, n° 10-17.141
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Carrefour proximité France (Sté)
Défendeur :
Diapar (Sté), Groupe G20 (Sté), Francap (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Odent, Poulet, SCP Gatineau, Fattaccini
LA COUR : - Donne acte à la société Carrefour proximité France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Francap ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 février 2010), que la société Socalis, souhaitant exploiter son fonds de commerce d'alimentation sous l'enseigne Shopi, a conclu un contrat de franchise et un contrat d'approvisionnement avec les sociétés Prodim et Logidis, pour une durée déterminée ; qu'ayant appris que la société Socalis souhaitait s'affilier à un réseau concurrent lui permettant de vendre des produits distribués par les sociétés Francap et Distribution alimentaire parisienne (Diapar), la société Prodim a adressé à ces dernières copie du contrat de franchise qu'elle entendait voir exécuté jusqu'à son terme ; que la société Socalis, invoquant des fautes commises dans l'exécution de ces contrats, a notifié le mois suivant son intention de les résilier avant terme et saisi la commission d'arbitrage conformément aux accords conclus ; que les sociétés Prodim et Logidis, soutenant que les sociétés Francap et Diapar avaient été complices de la violation des contrats, les ont poursuivies en réparation de leurs préjudices ; que par une sentence arbitrale devenue irrévocable, la résiliation du contrat de franchise a été qualifiée de fautive et la société Socalis condamnée à verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts à la société Prodim ; qu'ayant constaté que l'enseigne adoptée par la société Socalis ne dépendait pas des sociétés assignées mais de la société G20, la société Prodim, qui a seule poursuivie l'instance, l'a assignée à son tour ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Carrefour proximité France, anciennement Prodim, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son action en responsabilité délictuelle à l'encontre des sociétés concurrentes Diapar et G20, alors, selon le moyen : 1°) que le concurrent qui contracte avec un franchisé en toute connaissance du contrat en cours avec un franchiseur engage sa responsabilité à l'égard de celui-ci ; qu'en l'espèce, la cour qui, pour dégager les sociétés Diapar et G20 de toute tierce complicité dans la rupture abusive du contrat de franchise en cours, a retenu que la société Socalis s'était régulièrement dégagée de ce contrat, alors qu'elle n'avait pas respecté les formalités prévues par l'article 7 dudit contrat qui, d'une part, ne constituait pas une clause résolutoire de plein droit et, d'autre part, prévoyait une mise en demeure préalable suivie d'un délai d'un mois avant la résiliation du contrat, a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que la tierce complicité en matière de grande distribution engage la responsabilité de son auteur ; qu'en l'espèce, la cour, qui a dégagé les sociétés Diapar et G20 de toute responsabilité pour tierce complicité, en énonçant que rien ne pouvait être retenu à la charge des sociétés Diapar et G20 avant la rupture du 17 novembre 2000, quand, le 16 octobre 2000, le contrat de franchise - en toutes ses clauses, notamment la clause de non-réaffiliation post-contractuelle - leur avait été notifié par la société Prodim, ce dont il résultait que les concurrentes avaient contracté avec la société Socalis en toute connaissance du contrat de franchise en cours, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la société Prodim n'établissait à la charge des sociétés Diapar et G20 aucun fait positif, antérieur à la dénonciation du contrat de franchise le 17 novembre 2000, démontrant qu'elles auraient fourni leur aide à la société Socalis pour parvenir à cette résiliation, la cour d'appel a ainsi, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Carrefour proximité France fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en indemnisation dirigée contre les sociétés Diapar et G20 au titre de la violation de la clause de non-réaffiliation alors, selon le moyen : 1°) qu'une sentence arbitrale est opposable aux tiers ; qu'en l'espèce, la cour, qui s'est crue en droit d'annuler la clause de non-réaffiliation insérée dans le contrat de franchise conclu par la société Socalis avec la société Prodim, alors que cette clause avait été reconnue comme licite par sentence arbitrale du 28 janvier 2002, a violé les articles 1476 du Code de procédure civile et 1351 du Code civil ; 2°) qu'une clause de non-réaffiliation post-contractuelle est valable lorsqu'elle est limitée et vise à protéger un intérêt légitime du franchiseur ; qu'en l'espèce, la cour, qui a déchargé les sociétés Diapar et G20 de toute responsabilité au regard de la violation de la clause de non-réaffiliation en cause, en l'invalidant, alors que cette clause était limitée dans son objet, puisqu'il ne s'agissait que d'une simple clause de non-réaffiliation et non de non-concurrence, permettant à l'ex-franchisé de se rétablir sous une enseigne locale et qu'elle était proportionnée, dès lors qu'il s'agissait de protéger, d'une part, un savoir-faire confidentiel (dont il ne pouvait être fait état publiquement), principalement transmis au moyen d'un logiciel mis à la disposition du franchisé et constamment remis à jour, contenant des données relatives à la politique commerciale du franchiseur et à la gestion personnalisée qu'il transmet pour chaque point de vente, et, d'autre part, la renommée des produits à marques propres du franchiseur, qui constitue l'une des applications du savoir-faire, a violé l'article 1382 du Code civil ; 3°) que les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige ; qu'en l'espèce, la cour, qui a énoncé que la société Prodim n'avait pas justifié de son préjudice résultant de la violation de la clause de non-réaffiliation, alors qu'elle l'avait établi dans ses conclusions, a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que le tribunal arbitral a condamné la société Socalis à payer à la société Prodim une certaine somme au titre de la violation de la clause de non-réaffiliation, l'arrêt relève que la société Prodim ne précise pas la consistance du préjudice allégué au même titre ; que la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que le préjudice dont il était demandé réparation n'était pas établi, a, par ce motif suffisant et sans méconnaître les termes du litige, rejeté à bon droit la demande de la société Prodim ;
Attendu, en second lieu, que l'absence de préjudice indemnisable rend inopérants les griefs des première et deuxième branches ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Carrefour proximité France fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il l'avait condamnée à payer des dommages-intérêts pour procédure abusive aux sociétés Diapar et G20, alors, selon le moyen 1°) que la contradiction entre les motifs et le dispositif d'un arrêt équivaut à un défaut de motifs; qu'en l'espèce, la cour qui, dans ses motifs, a débouté les sociétés Diapar et G20 de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, puis, dans le dispositif de l'arrêt, a confirmé le jugement - qui avait accordé une telle indemnité aux défenderesses - en toutes ses dispositions, a méconnu les prescriptions de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que l'abus du droit d'ester en justice doit être caractérisé ; qu'en l'espèce, la cour, qui a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la société Prodim à régler une indemnité pour procédure abusive à ses adversaires, sans caractériser la moindre faute à son encontre, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir décidé dans ses motifs qu'il n'est pas démontré que la société Prodim, qui a pu se méprendre sur le bien-fondé de son action, ait commis un abus du droit d'agir en justice, l'arrêt, dans son dispositif, confirme le jugement en toutes ses dispositions, incluant la condamnation pour procédure abusive au bénéfice des sociétés Diapar et G20 ; qu'il s'ensuit que la contradiction alléguée entre les motifs et le dispositif procède d'une erreur purement matérielle, pouvant donner lieu à une requête en rectification d'erreur matérielle selon l'article 462 du Code de procédure civile ; que le moyen n'est pas recevable ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.