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Décisions

Cass. com., 7 juin 2011, n° 10-12.038

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, Conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Bas-Rhin, Conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes des Pyrénées-Orientales, Conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Saône-et-Loire, Conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Var, Conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Vaucluse

Défendeur :

Santéclair (SA), Président de l'Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Jenny

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Thiriez, SCP Tiffreau, Corlay, Marlange

Cass. com. n° 10-12.038

7 juin 2011

LA COUR : - Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2010), que la société Santéclair effectue des analyses de devis, afin de renseigner les assurés sur l'adéquation de la proposition de leur praticien libéral à leurs besoins et celle du prix ; que le développement d'un réseau de chirurgiens-dentistes partenaires qui s'engagent à ne pas dépasser un tarif maximum pour un certain nombre de prestations fait partie des buts de Santéclair ; que le 7 novembre 2002, le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes (le CNOCD) a décidé le retrait de l'avis favorable émis le 20 septembre 2001 au protocole Santéclair en faisant valoir que "les modalités d'application de cet accord de partenariat ne sont pas conformes à la déontologie" ; que cette décision a été notifiée à la société Santéclair le 14 novembre 2002 ; que le même jour, le CNOCD a fait connaître par une circulaire aux Conseils départementaux de l'ordre des chirurgiens-dentistes et aux Conseils régionaux de l'ordre des chirurgiens-dentistes que les modalités d'application de l'accord de partenariat proposé par Santéclair n'étaient pas conformes aux recommandations déontologiques que s'était engagée à respecter cette société d'assurance par courrier du 21 novembre 2001 ; que dans sa décision n° 09-D-07 du 12 février 2009, le Conseil de la concurrence a dit que le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes et plusieurs Conseils départementaux de l'ordre des chirurgiens-dentistes ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

Attendu que le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes et les Conseils départementaux de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Bas-Rhin, des Pyrénées-Orientales, de Saône-et-Loire, du Var et du Vaucluse reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur recours contre la décision de l'Autorité de la concurrence du 12 février 2009, alors, selon le moyen : 1°) qu'il résulte des articles L. 4121-2, L. 4122-1 et L. 4127-1 du Code de la santé publique que l'ordre des chirurgiens-dentistes a notamment pour mission de veiller au respect par ses membres des devoirs professionnels leur incombant ainsi que des règles édictées par le Code de déontologie prévue à l'article L. 4127-1 ; qu'il résulte des articles L. 4113-9 à L. 4113-12 du Code de la santé publique que les chirurgiens-dentistes doivent communiquer les contrats relatifs à l'exercice de leur profession et que le conseil de l'ordre a l'obligation de faire connaître ses observations sur les projets qui lui sont soumis ; que cette mission générale de surveillance et d'information ne peut être réduite à l'exercice d'un pouvoir de sanction et à l'utilisation de moyens contraignants, si bien qu'en retenant que les attributions conférées à l'ordre par le Code de la santé publique étaient limitées au contrôle de l'accès à la profession de chirurgiens-dentistes, au pouvoir disciplinaire et à l'édiction des règles de la pratique pour la protection des malades, la cour d'appel a violé les textes précités ; 2°) qu'il résulte des articles L. 4121-2, L. 4122-1, L. 4127-1 du Code de la santé publique que l'ordre des chirurgiens-dentistes a notamment pour mission de veiller au respect par ses membres des devoirs professionnels édictés par les articles L. 4113-1 et suivants du Code de la santé publique, ainsi que des règles déontologiques édictées par les articles R. 4127-201 et suivants du Code de la santé publique, si bien qu'en retenant qu'en informant les chirurgiens-dentistes de sa décision de retrait de l'avis déontologique favorable précédemment émis concernant l'accord de partenariat proposé par Santéclair fondée sur la constatation de ce que les modalités d'application dudit accord n'étaient pas conformes aux réglementations déontologiques et en attirant leur attention sur le risque d'éventuelles poursuites disciplinaires qu'entraînerait le non-respect des règles déontologiques, le Conseil national de l'ordre et certains Conseils départementaux de l'ordre des chirurgiens-dentistes étaient sortis de leur mission de service public, la cour d'appel a violé les textes précités ; 3°) qu'il résulte de l'article L. 4121-2 du Code de la santé publique que l'ordre des chirurgiens-dentistes a pour mission de veiller à l'observation par tous ses membres des devoirs professionnels ainsi que des règles édictées par le Code de déontologie prévu à l'article L. 4127-1, si bien qu'en retenant qu'en prenant parti sur la conformité aux règles de déontologique de certains pratiques, le Conseil national et les Conseils départementaux de l'ordre des chirurgiens-dentistes sont sortis de leur mission de service public et "sont intervenus dans une activité de service et ont pris position sur une question marchande", la cour d'appel a violé les textes précités ;

Mais attendu que l'arrêt relève que le Conseil national de l'ordre et certains Conseils départementaux, en adressant une lettre-type et une circulaire à l'ensemble des chirurgiens-dentistes de leur ressort, afin de les inciter à ne pas adhérer ou à résilier leur adhésion aux conventions litigieuses, et en laissant clairement entendre que sa décision de retrait de l'avis du 20 septembre 2001 impliquait de telles conséquences, ont diffusé une interprétation de la portée d'avis déontologiques sur les protocoles proposés aux chirurgiens-dentistes, qu'ils n'ont usé d'aucune prérogative de puissance publique lorsqu'ils ont adressé d'abord à une société tierce une lettre dans laquelle ils se livraient à une interprétation de la législation applicable à l'activité mutualiste et lorsqu'ils ont fait connaître, ensuite, par circulaire, aux praticiens inscrits à l'ordre le contenu de cette lettre, que les menaces dirigées contre ces praticiens dans la circulaire qui leur a été adressée n'ont pas davantage constitué la mise en œuvre d'un dispositif contraignant, de nature disciplinaire et articulé au nom de l'intérêt général et de l'action publique, qu'au contraire, les ordres du Conseil national et des Conseils départementaux sont intervenus dans une activité de service et ont pris position sur une question marchande et qu'ils sont corrélativement entrés dans le champ d'application de l'article L. 410-1 du Code de commerce ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte invoqué, abstraction faite du moyen surabondant critiqué par la première branche du moyen ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.