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Décisions

Commission, 20 juillet 2010, n° 2011-346

COMMISSION EUROPÉENNE

Décision

Concernant l'aide d'État C 33-09 (ex NN 57/09, ex CP 191/09) accordée par le Portugal sous la forme d'une garantie d'État en faveur de BPP

Commission n° 2011-346

20 juillet 2010

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les parties directement intéressées à présenter leurs observations conformément auxdites dispositions (1) et vu ces observations, considérant ce qui suit:

(1) La présente décision concerne une aide d'État accordée par le Portugal sous la forme d'une garantie d'État en faveur de Banco Privado Português (ci-après "BPP").

1. PROCÉDURE

(2) Le 13 mars 2009, par décision (2) (ci-après "la décision relative à l'aide au sauvetage"), la Commission européenne a approuvé une garantie d'État sur un prêt de 450 millions EUR qui avait été accordé par six banques portugaises à BPP le 5 décembre 2008. La mesure a été autorisée sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité CE [article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE], pour une période de six mois, sous réserve de la présentation d'un plan de restructuration dans un délai de six mois (soit pour le 5 juin 2009), conformément à l'engagement des autorités portugaises.

(3) Le 15 juillet 2009, la Commission a invité les autorités portugaises à présenter sans délai le plan de restructuration de BPP. Celui-ci n'ayant pas été présenté, la Commission a envoyé, par lettre du 6 octobre 2009, un rappel officiel conformément à l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 (devenu article 88) du traité CE (3).

(4) Le 10 novembre 2009, la Commission a ouvert une procédure formelle d'examen de la mesure d'aide d'État incriminée. Dans la même décision, la Commission a émis une injonction de fournir des informations et a invité le Portugal à présenter le plan de restructuration le 22 décembre 2009 au plus tard.

(5) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne le 6 mars 2010 (4). La Commission a invité les parties directement intéressées à présenter leurs observations sur la mesure d'aide. Dans une lettre du 6 avril 2010, une partie intéressée, qui a souhaité garder l'anonymat, a présenté des observations.

(6) Par lettre du 12 mars 2010, la Commission a demandé des informations au Portugal, qui lui a répondu par lettre du 13 avril 2010 (dont la réception a été enregistrée le 14 avril 2010).

(7) Les observations des parties directement intéressées ont été transmises au Portugal par lettre du 15 avril 2010. Le Portugal a répondu à ces observations par lettre du 13 mai 2010 (enregistrée le 14 mai 2010).

(8) Le 29 avril 2010, la Commission a demandé des informations supplémentaires, que le Portugal a fournies dans une lettre du 13 mai 2010. Les 15 et 21 juin 2010, le Portugal a fourni de nouvelles informations.

2. BÉNÉFICIAIRE ET MESURE

2.1. Bénéficiaire

(9) BPP est un établissement financier basé au Portugal, qui fournit des services de gestion de patrimoine, de conseil aux entreprises et de capital-investissement. Les clients de BPP sont, entre autres, des déposants privés et institutionnels, dont cinq caisses de crédit agricole mutuel, une caisse d'épargne, plusieurs fonds de pension et des compagnies d'assurance. BPP est active au Portugal, en Espagne et, dans une moindre mesure, au Brésil et en Afrique du Sud.

(10) Les actions de BPP ne sont pas cotées en bourse. Il n'est donc pas possible de suivre sa valeur de marché. Le 30 juin 2008, les actifs inscrits au bilan de BPP s'élevaient en tout à 2,9 milliards EUR, soit moins de 1 % de l'ensemble des actifs du secteur bancaire au Portugal. BPP est détenue à 100 % par le groupe Privado Holding SGPS (sociedade gestora de participações sociais) SA Le 30 juin 2008, la majorité des actions de cette société holding (51,5 %) était détenue par douze actionnaires. En 2009, le groupe Privado Holding comptait 187 employés, dont 148 travaillaient au sein de BPP.

2.2. Difficultés financières de la banque

(11) Selon les autorités portugaises, BPP a connu des problèmes de trésorerie en raison de la détérioration de la situation économique mondiale, qui a sensiblement réduit la capacité de la banque à gérer ses liquidités.

(12) Le 24 novembre 2008, BPP a informé la Banque centrale du Portugal ("la Banque du Portugal") qu'elle risquait de ne pas être en mesure d'honorer ses obligations en matière de paiements. Par conséquent, BPP a été autorisée à suspendre tous ses paiements à compter du 1 er décembre 2008.

(13) Le 5 décembre 2008, BPP a reçu un prêt de 450 millions EUR, accompagné d'une garantie de l'État, aux conditions décrites ci-après. Le prêt et la garantie ne portent que sur les éléments de passif inscrits au bilan de BPP à la date du 24 novembre 2008, le prêt ne devant servir qu'à rembourser les déposants et les autres créanciers, et en aucun cas à couvrir les dettes des autres entités du groupe.

2.3. Mesure d'aide au sauvetage

(14) Le 5 décembre 2008, BPP a conclu un contrat de prêt (ci-après "le contrat de prêt"), accompagné d'une garantie de l'État, d'un montant de 450 millions EUR avec six grandes banques portugaises (Banco Comercial Português, SA, Caixa Geral de Depósitos, SA, Banco Espírito Santo, SA, Banco BPI, SA, Banco Santander Totta, SA et Caixa Central - Caixa Central de Crédito Agrícola Mútuo CRL, ci-après "le syndicat bancaire"). Le prêt a été accordé pour une période de six mois, renouvelable dans la limite de deux ans, à un taux d'intérêt égal au taux EURIBOR + 100 points de base. La rémunération du prêt a été calculée sur la base du coût du financement pour les banques créancières, à la date de l'opération.

(15) Selon les autorités portugaises, compte tenu de la gravité de la situation financière de BPP, aucun organisme prêteur n'aurait été disposé à assurer le financement de la banque à un taux raisonnable sans une garantie de l'État. La garantie de l'État accompagnant le prêt a été accordée conformément à la loi n° 112-97, soit en dehors du cadre du régime portugais de garanties (loi n° 60-A/2008), approuvé par la Commission le 29 octobre 2008 (5). En particulier, les autorités portugaises ont affirmé que le régime général de garanties, réservé aux banques solvables, ne constituait pas un cadre adapté à l'intervention de l'État en faveur de BPP, en raison de la détérioration financière croissante de l'établissement et des risques particuliers liés à cette opération.

(16) La rémunération de la garantie de l'État a été fixée à 20 points de base, compte tenu des sûretés offertes par BPP.

(17) Les sûretés sont les suivantes: 1) droit de garantie prioritaire concernant divers actifs, précisés dans le contrat conclu entre le Portugal, BPP et la Banque du Portugal; et 2) hypothèque en premier rang sur les actifs immobiliers appartenant à BPP. Au moment de la signature du contrat de prêt et de l'accord de garantie, la valeur de ces sûretés était estimée par les autorités portugaises à 672 millions EUR environ (6). L'octroi de sûretés est régi par un accord entre la direction générale du trésor, BPP et la Banque du Portugal, aux termes duquel cette dernière a été désignée dépositaire et gestionnaire des sûretés, au nom de la direction générale du trésor. Selon les autorités portugaises, en vertu du droit national, l'État portugais a des droits privilégiés et prioritaires sur ces sûretés.

(18) Pendant toute la durée du prêt couverte par la garantie de l'État, BPP s'engage à ne pas vendre ni à donner en garantie ses actifs actuels et futurs, ni même à n'en disposer de quelque forme que ce soit.

(19) Dans le cadre de l'examen de la mesure d'aide au sauvetage effectué par la Commission, le Portugal s'est engagé à présenter un plan de restructuration de BPP dans un délai de six mois à compter de l'intervention de l'État (soit le 5 juin 2009 au plus tard).

(20) Dans sa décision du 13 mars 2009, la Commission a approuvé la mesure pour une période de six mois à compter de l'octroi de la garantie de l'État, soit jusqu'au 5 juin 2009. La Commission a également considéré que la présentation du plan de restructuration pour le 5 juin 2009 était indispensable compte tenu du niveau exceptionnellement bas de la rémunération.

(21) Aux fins de la prolongation de la garantie au-delà de la durée initiale de six mois, les autorités portugaises se sont engagées à adresser à la Commission une notification spécifique.

(22) Le Portugal n'a pas honoré ses engagements précités.

2.4. Prolongation de la mesure d'aide au sauvetage

(23) Par courrier électronique du 23 juin 2009, le Portugal a informé la Commission de sa décision de prolonger la garantie d'État pour une période de six mois (ordonnance n° 13364-A/2009 du ministère des finances du 5 juin 2009). Cependant, le Portugal n'a pas notifié cette prolongation ni demandé l'accord de la Commission.

(24) La décision de la Commission n'ayant approuvé cette mesure que jusqu'au 5 juin 2009, l'aide au sauvetage est devenue illégale à compter du 6 juin 2009.

(25) Le 24 avril 2009, les administrateurs de BPP ont présenté un plan de restructuration à la Banque du Portugal.

(26) Par lettre du 5 juin 2009, les autorités portugaises ont expliqué à la Commission que la présentation tardive du plan de restructuration de BPP était due au rejet par la Banque du Portugal du plan de redressement et d'assainissement de BPP.

(27) Le 9 juin 2009, le ministère des finances et de l'administration publique a publié un document intitulé "Information du ministère des finances et de l'administration publique - décision relative à Banco Privado Português" (ci-après "le document du 9 juin 2009"), dans lequel il indiquait que le plan de redressement et d'assainissement présenté par BPP à la Banque du Portugal le 24 avril 2009 prévoyait, notamment, une opération de recapitalisation avec une participation de l'État à hauteur de 150 à 200 millions EUR sous la forme d'actions ordinaires, d'actions privilégiées et de prestations supplémentaires sans aucune rémunération. Ce plan n'a pas été accepté, car il a été considéré qu'il n'était pas conforme "aux règles du régime de recapitalisation, définies par la loi n° 63-A/2008, ni aux lignes directrices en la matière définies au niveau de l'Union européenne, qui visent à garantir le respect des règles communautaires en matière de concurrence, étant donné qu'en l'espèce, nous sommes en présence d'aides d'État".

(28) Le document du 9 juin 2009 indiquait également qu'un grand nombre de clients de BPP avaient confié à la banque la gestion de leur épargne, que celle-ci avait utilisée pour acquérir des instruments financiers auprès de plusieurs dizaines d'entités ad hoc "offshore". Malgré les risques inhérents à ce type de produits (investissement à "rendement absolu"), BPP avait fixé un taux de rémunération et garantissait, à échéance, la totalité du capital investi par ses clients. L'existence d'une telle garantie n'a jamais été communiquée aux autorités de contrôle, ni même reconnue ou inscrite au bilan de la banque. La dissimulation de cet engagement a permis d'éviter aux actionnaires de la banque de devoir injecter des capitaux supplémentaires afin de respecter les exigences juridiques et réglementaires applicables. En outre, selon le document du 9 juin 2009, l'inspection réalisée par la Commission du marché des valeurs mobilières portugaise (Comissão do Mercado de Valores Mobiliários - CMVM) et la Banque du Portugal a mis en évidence de graves irrégularités correspondant à des pratiques frauduleuses de BPP.

2.5. Situation des produits d'investissement à rendement absolu

(29) Dans le document du 9 juin 2009, les autorités portugaises ont également déclaré qu'elles recherchaient avec les autorités de contrôle une solution visant à limiter les pertes des clients de BPP détenant des produits "à rendement absolu", dont les placements avaient été risqués. La solution envisagée par les autorités aurait présenté les caractéristiques suivantes, entre autres: 1) création d'un nouvel instrument financier, représentatif du portefeuille actuel à rendement absolu indirect, destiné à remplacer les placements des investisseurs; 2) émission et gestion de l'instrument financier par une entité indépendante de BPP, détenue et gérée par des établissements bancaires nationaux.

2.6. Procédure formelle d'examen et deuxième prolongation de la mesure d'aide au sauvetage

(30) Le 15 juillet 2009, la Commission a invité les autorités portugaises à présenter sans délai le plan de restructuration de BPP, même à titre provisoire, rappelant que l'aide au sauvetage était considérée comme illégale depuis le 6 juin 2009.

(31) Celui-ci n'ayant pas été présenté, la Commission a envoyé, par lettre du 6 octobre 2009, un rappel officiel conformément à l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 659-1999.

(32) Le 10 novembre 2009, la Commission a ouvert une procédure formelle d'examen de la mesure d'aide d'État incriminée. Dans la même décision, la Commission a émis une injonction de fournir des informations et a exigé du Portugal qu'il présente le plan de restructuration le 22 décembre 2009 au plus tard.

(33) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (7). La Commission a invité les parties directement intéressées à présenter leurs observations sur la mesure d'aide.

(34) Le 3 décembre 2009, les autorités portugaises ont informé la Commission que la garantie d'État serait à nouveau prolongée de six mois. Selon elles, l'État était contraint de renouveler cette garantie, car la défaillance immédiate de BPP aurait manifestement compromis la solution à l'étude à ce moment. Comme il est apparu clairement que BPP n'était pas en mesure de rembourser le prêt, les banques créancières ont accepté de prolonger sa durée de six mois sans modification des conditions associées ni financement supplémentaire, à la condition que la garantie d'État correspondante soit également prorogée.

(35) En conséquence, le 5 décembre 2009, la garantie d'État correspondante a également été prolongée de six mois. Cette extension n'a pas été notifiée à la Commission: les autorités portugaises ont simplement informé la Commission que la garantie du prêt serait prolongée.

(36) Dans une lettre envoyée le 25 février 2010, les autorités portugaises ont expliqué les éléments qu'elles estimaient devoir servir de base à une solution aux problèmes créés par BPP à une part importante de ses clients: ceux ayant investi dans le produit à rendement absolu.

(37) Dans cette même lettre, les autorités portugaises ont informé la Commission du contenu de leur décision du 11 décembre 2009:

i) constitution d'un fonds spécial d'investissement (Fundo Especial de Investimento - FEI), fermé, non harmonisé, constitué des ressources (actifs et passifs bruts) investies dans le produit d'investissement à rendement absolu, et présentant les caractéristiques suivantes: a) gestion passive du FEI; b) souscription des parts en numéraire; c) durée de quatre ans, prorogeable jusqu'à dix ans par décision de l'assemblée générale des actionnaires (1 part = 1 voix); d) souscription sur une base volontaire;

ii) renouvellement de la garantie de l'État relative au prêt de 450 millions EUR jusqu'à la constitution du FEI;

iii) appel au fonds de garantie des dépôts (Fundo de Garantia de Depósitos - FGD), qui garantit le remboursement intégral du solde créditeur des comptes de liquidités de tous les déposants, dans la limite de 100 000 EUR, et au système d'indemnisation des investisseurs (Sistema de Indemnização aos Investidores - SII), qui permet une indemnisation jusqu'à concurrence de 25 000 EUR par investisseur, dans les conditions prévues par la loi, et qui ne bénéficie d'aucun financement public;

iv) attribution d'une couverture d'assurance pouvant aller jusqu'à 250 000 EUR aux clients ayant adhéré au FEI et satisfaisant aux critères du FGD et du SII; ainsi, le solde négatif, le cas échéant, entre les sommes perçues par le client - sous la forme de remboursements du FGD et du SII et de paiements du FEI - et la valeur nominale de son investissement, dans la limite de 250 000 EUR, à la date du 24 novembre 2008, est assuré par l'État.

(38) L'engagement de l'État portugais auprès des investisseurs du FEI, tel qu'il résulte de son système juridique, ne deviendra applicable qu'à compter de l'échéance du fonds - quatre ans après sa constitution -, soit le 30 mars 2014 (8).

(39) Le 1 er février 2010, la CMVM a autorisé la constitution du FEI sur la base des caractéristiques indiquées ci-dessus, avec Privado Fundos - Sociedade Gestora de Fundos de Investimento, SA -, comme gestionnaire du fonds et Banif - Banco de Investimento, SA -, comme dépositaire du fonds.

(40) Le FEI a été constitué le 30 mars 2010.

(41) Le 16 avril 2010, la Banque du Portugal a publié un communiqué dans lequel elle annonçait le retrait de la licence bancaire de BPP par décision du 15 avril, compte tenu de l'impossibilité de restructurer ou de recapitaliser la banque. Le 22 avril 2010, la Banque du Portugal a lancé auprès du tribunal compétent (tribunal de commerce de Lisbonne) une procédure de liquidation de BPP et a proposé simultanément la désignation d'un conseil de mise en liquidation. Ce sont les règles portugaises en matière de liquidation applicables en particulier aux établissements bancaires qui président à la liquidation de BPP. Selon les autorités portugaises, les différentes étapes juridiques prévues par la législation pertinente font que la liquidation pourrait prendre environ un an.

(42) Le 13 mai 2010, les autorités portugaises ont informé la Commission que, sur la base du contrat de prêt (9), la garantie a été appelée par le syndicat bancaire et exécutée le 7 mai 2010, et que le Portugal a remboursé les 450 millions EUR aux six établissements bancaires. L'État portugais a indiqué qu'il avait déjà pris les mesures nécessaires pour exercer ses droits de créancier privilégié et prioritaire sur les sûretés associées à la garantie accordée, et qu'il avait déjà fait valoir ses droits auprès du tribunal compétent (10).

3. DÉCISION DE LA COMMISSION CONCERNANT LA PROCÉDURE FORMELLE D'EXAMEN

(43) Dans sa décision du 10 novembre 2009 ouvrant la procédure formelle d'examen, la Commission a donné une évaluation préliminaire et fait état de ses doutes quant à la compatibilité des mesures examinées avec le marché intérieur. Les questions portaient sur les aspects suivants:

- le niveau de rémunération de la garantie inférieur à ce qui est normalement exigé conformément à la communication bancaire (11). La Commission doutait que le niveau de la rémunération soit adapté au risque correspondant. La Commission n'a autorisé ce niveau de rémunération qu'à la condition que le Portugal présente un plan de restructuration compensant, à long terme, cet avantage de manière appropriée,

- l'absence de présentation d'un plan de restructuration malgré le rappel officiel adressé aux autorités portugaises par lettre du 6 octobre 2009,

- la prolongation de la garantie (le 5 juin 2009) au-delà des six mois initialement autorisés par la Commission.

4. OBSERVATIONS PRÉSENTÉES PAR LE PORTUGAL

(44) Dans leurs observations relatives à l'ouverture de la procédure formelle d'examen, les autorités portugaises ont affirmé qu'elles n'ignoraient pas leur engagement vis-à-vis de la Commission de présenter un plan de restructuration de BPP. Toutefois, elles ont indiqué dans leur lettre du 13 avril 2010 que la responsabilité de la présentation d'un tel plan de restructuration (approuvé par la Banque du Portugal) incombait en dernier ressort à BPP, l'État portugais étant lui seulement chargé de transmettre ce plan à la Commission. Les autorités portugaises n'ont pas présenté de plan de restructuration à la Commission uniquement parce que le plan présenté par BPP n'a pas reçu l'approbation de la Banque du Portugal. Malgré l'action politique exercée par l'État portugais afin que BPP remplisse ses obligations vis-à-vis de la Banque du Portugal, de l'État et, en dernière analyse, de la Commission, il n'a pas été possible de répondre à l'injonction adressée par la Commission dans sa décision du 10 novembre 2009.

(45) En ce qui concerne l'aide d'État à BPP, le Portugal considère que cette mesure était et est encore compatible avec le marché intérieur, conformément aux dispositions de l'article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE, dans la mesure où elle a été accordée dans le but de garantir la stabilité du système financier national, à l'instar de ce qui a été effectué dans le contexte européen.

(46) Concernant les prolongations de la garantie de l'État d'un montant de 450 millions EUR, le Portugal affirme qu'elles ne constituaient pas une nouvelle aide, étant donné que la situation ayant conduit à l'approbation des mesures d'aide par la Commission était inchangée. Les conditions de la garantie de l'État, prolongée à deux reprises, n'ont pas été modifiées: i) le montant du prêt n'a pas augmenté; ii) les obligations liées à ce prêt n'ont pas été modifiées (12); iii) conformément à l'accord de garantie, celle-ci devait expirer seulement trente jours après la date du dernier remboursement du capital et du dernier paiement des intérêts, et la Commission savait que le contrat de prêt avait une durée de deux ans (13).

(47) Pour ce qui est de la notification des prolongations de la garantie, les autorités portugaises soulignent que le renouvellement du contrat de prêt ne dépendait même pas de l'État portugais, mais de la décision du syndicat bancaire et de BPP, et que la non-prolongation de cette garantie aurait eu les mêmes répercussions négatives sur le système financier portugais que celles qui ont pleinement motivé l'approbation de la mesure d'aide d'État par la Commission. En outre, le Portugal considère que les prolongations de la garantie étaient automatiques, en vertu du contrat régissant l'accord de prêt, et qu'elles ont néanmoins été formalisées pour des raisons de sécurité juridique vis-à-vis du syndicat bancaire.

(48) Par ailleurs, selon les autorités portugaises, les prolongations (même s'il était considéré qu'elles constituaient une nouvelle aide) n'ont donné lieu à aucun avantage économique, car dans la pratique, BPP n'était plus en activité, au moins depuis le 1 er décembre 2008. Par conséquent, la mesure, avec ou sans les prolongations, n'a "donné aucun avantage économique à BPP et n'a pas renforcé sa position vis-à-vis de ses concurrents, pour la simple raison que BPP n'était plus active sur le marché et, en conséquence, qu'elle ne se trouvait plus en concurrence avec les autres banques" (14). Aussi le Portugal considère- t-il que la mesure n'a affecté ni la concurrence ni les échanges entre les États membres.

(49) Dans leur réaction aux observations des parties intéressées (voir ci-dessous), les autorités portugaises ont affirmé que le prêt de 450 millions EUR a été utilisé de manière transparente, dans le but d'éviter une contagion systémique et de faire face au passif inscrit au bilan de BPP à la date du 24 novembre 2008.

(50) Les autorités portugaises observent également que le Portugal fera valoir ses droits sur les sûretés liées à la garantie dans le cadre de la procédure de liquidation de BPP. Compte tenu de son statut de créancier prioritaire de BPP, le Portugal est convaincu qu'il sera en mesure de récupérer l'intégralité des 450 millions EUR remboursés aux banques créancières. À cet égard, les autorités portugaises soulignent qu'à la date du 7 mai 2010, la valeur des sûretés était supérieure de plus de 20 % au montant total du prêt garanti.

(51) En ce qui concerne l'engagement de l'État à compenser les pertes des détenteurs de produits à rendement absolu ayant adhéré au FEI jusqu'à concurrence de 250 000 EUR, le Portugal considère qu'il ne constitue pas une aide d'État dans la mesure où: 1) il n'entraîne aucun transfert de ressources publiques vers la société gestionnaire du FEI ou vers une autre entité présente sur le marché; 2) il relève d'un mécanisme régulier et accepté dans le contexte plus large du système d'indemnisation des investisseurs; 3) il ne comporte aucun avantage économique pour les investisseurs, auxquels il s'adresse globalement et exclusivement, conformément aux exigences légales nationales et européennes, et n'entraîne aucune distorsion de la concurrence sur le marché et des échanges entre les États membres.

(52) Par ailleurs, le Portugal affirme que les paiements réellement effectués aux clients ayant adhéré au FEI en application de cet engagement seraient minimes, voire nuls. Les autorités portugaises considèrent que la couverture de 250 000 EUR constitue une mesure destinée à rétablir la confiance des clients du FEI, mais qu'elle ne donnera pas lieu à un remboursement effectif dans la majeure partie des cas. Dans un scénario prudent, basé sur l'hypothèse d'une détérioration, dans les quatre années à venir, des actifs du FEI en deçà des valeurs d'octobre 2009, le Portugal estime que le niveau maximal de remboursement par client serait de 68 000 EUR environ. Dans un scénario plus favorable, il se pourrait même qu'aucun remboursement ne soit effectué.

5. OBSERVATIONS DES AUTRES PARTIES DIRECTEMENT INTÉRESSÉES

(53) Dans le cadre du paragraphe 6 de sa décision du 10 novembre 2009 d'ouvrir une procédure formelle d'examen, la Commission a reçu, le 6 avril 2010, des observations de certaines parties intéressées ayant souhaité conserver l'anonymat. Dans leurs observations relatives à l'ouverture de la procédure formelle d'examen, les parties intéressées ont souligné qu'aucune des conditions sur la base desquelles la garantie d'État relative au prêt avait été accordée (limitation à une période de six mois et présentation d'un plan de restructuration) n'a été respectée. Par conséquent, l'aide serait abusive et la Commission devrait enjoindre le Portugal de supprimer la garantie. Par ailleurs, les 450 millions EUR qui devaient servir à la restructuration de la banque auraient en fait servi à rembourser certains clients de BPP, aux dépens de tous les autres.

6. APPRÉCIATION

6.1. Qualification des mesures en tant qu'aide d'État

(54) L'article 107, paragraphe 1, du TFUE dispose ce qui suit:

"Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions."

(55) Pour que l'article 107, paragraphe 1, du TFUE soit applicable, il doit exister une mesure d'aide imputable à l'État et accordée au moyen de ressources publiques, qui affecte les échanges entre les États membres et fausse la concurrence sur le marché intérieur, en procurant à certaines entreprises un avantage sélectif.

6.1.1. Garantie de l'État relative au prêt de 450 millions EUR

(56) La Commission rappelle qu'il a déjà été établi dans la décision du 13 mars 2009 relative à l'aide au sauvetage que la garantie de l'État constituait une aide d'État (15). La mesure est financée au moyen de ressources publiques dans la mesure où elle consiste en une garantie accordée par l'État portugais. De fait, le remboursement effectué par l'État portugais au syndicat bancaire en date du 13 mai 2010 (voir le considérant 42) démontre clairement l'utilisation de ressources publiques.

(57) Comme cela a également été établi dans la décision du 13 mai 2009 relative à l'aide au sauvetage (16), la garantie de l'État a permis à BPP d'obtenir le prêt à de meilleures conditions financières que celles qu'auraient normalement obtenues d'autres entreprises sur le marché dans les mêmes circonstances, si tant est que de tels prêts aient même été disponibles, comme l'ont admis les autorités portugaises. À cet égard, la décision relative à l'aide au sauvetage avait déjà établi que la rémunération de 20 points de base était largement inférieure au niveau résultant de l'application de la recommandation de la Banque centrale européenne du 20 octobre 2008. Malgré le niveau élevé des sûretés réelles, la Commission a conclu que la rémunération de la garantie de l'État était nettement inférieure au niveau généralement considéré comme approprié pour les banques en difficulté. Ce niveau de rémunération n'a été considéré comme approprié que pour la phase de sauvetage sous réserve qu'un plan de restructuration soit présenté avant le 5 juin 2009.

(58) Contrairement aux autres établissements du secteur bancaire qui n'ont bénéficié d'aucune garantie de l'État, BPP a obtenu un avantage économique dans la mesure où la rémunération relative à la garantie de l'État était clairement inférieure au niveau du marché.

(59) L'argument des autorités portugaises selon lequel BPP a cessé d'être actif sur le marché le 1 er décembre 2008 n'est pas recevable. Étant donné que la licence bancaire de BPP n'a été retirée par la Banque du Portugal que le 15 avril 2010, BPP aurait pu entrer ou revenir sur le marché à court terme. En effet, des plans de redressement de BPP ont été présentés entre décembre 2008 et avril 2009, ce qui illustre le potentiel de la banque à continuer d'exercer une activité économique grâce à la mesure d'aide au sauvetage. Compte tenu des activités de BPP et de sa position sur les marchés financiers domestiques et internationaux, cet avantage pourrait affecter la concurrence et les échanges entre les États membres, au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE. Ce n'est que le 15 avril 2010, date du retrait de la licence bancaire, que tout risque que BPP revienne sur le marché et puisse affecter la concurrence et les échanges entre les États membres a disparu.

(60) Compte tenu de ce qui précède, la Commission a conclu que la garantie de l'État a procuré un avantage économique à BPP au moyen de ressources publiques imputables à l'État portugais. Cet avantage est susceptible de fausser la concurrence et les échanges entre les États membres au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE. La mesure en cause constitue, dès lors, une aide d'État.

6.1.2. Garantie de 250 000 EUR accordée aux clients du FEI

(61) Comme indiqué précédemment, les bénéficiaires de cette mesure sont les clients de BPP qui ont investi dans les produits à rendement absolu et choisi d'adhérer au FEI. Sans la solution appliquée par le Portugal, les clients du FEI risqueraient de ne pas obtenir de remboursement ou, plus vraisemblablement, de recevoir un remboursement inférieur à celui correspondant à la garantie. Selon les estimations réalisées par le Portugal, il est probable que leur retour, en tant que clients du FEI, soit plus élevé grâce à cette garantie. Aussi les clients du FEI bénéficient-ils d'un avantage lié à l'adoption de cette mesure.

(62) Néanmoins, le seul dépôt de fonds ne constitue pas nécessairement une activité commerciale au sens de la réglementation en matière d'aides d'État et, de fait, selon le document présenté par le Portugal, la majeure partie des adhérents du FEI sont des particuliers qui ne constituent pas des entreprises. Toutefois, la couverture des montants relevant du FEI par une garantie de l'État pouvant bénéficier à des entreprises, elle peut constituer une aide d'État.

(63) Cependant, les données présentées par le Portugal montrent clairement que les paiements de l'État seront nettement inférieurs au seuil de minimis de 200 000 EUR sur une période de trois ans (17), si l'on tient compte de la couverture offerte par le système d'indemnisation des investisseurs et par le fonds de garantie des dépôts, ainsi que des montants probables que, dans un scénario prudent, les investisseurs récupéreront des actifs sous- jacents.

6.2. Compatibilité au regard de l'article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE

6.2.1. Garantie de l'État relative au prêt de 450 millions EUR

(64) Le Portugal observe que l'élément d'aide doit être apprécié à la lumière de l'article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE. Ladite disposition prévoit que la Commission peut considérer une aide comme compatible avec le marché intérieur si elle vise à remédier à "une perturbation grave de l'économie d'un État membre". La Commission rappelle que, conformément à la jurisprudence du Tribunal, l'article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE doit être appliqué de manière restrictive et doit remédier à une perturbation grave de l'ensemble de l'économie d'un État membre (18).

(65) La Commission a déjà reconnu que la crise financière actuelle peut engendrer une perturbation grave de l'économie d'un État membre et que les mesures de soutien aux banques peuvent être considérées comme susceptibles de remédier à cette situation. Cette analyse a été confirmée dans la communication bancaire (19), la communication sur la recapitalisation des banques (20), la communication sur les actifs dépréciés (21) et la communication relative à la restructuration des banques (22). Dans ces circonstances, l'article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE peut donc servir de base juridique aux mesures d'aide adoptées pour faire face à cette crise systémique. En ce qui concerne plus particulièrement la situation économique du Portugal, il s'agit également de la base juridique appropriée pour les différentes décisions de la Commission portant approbation des mesures exécutées par les autorités portugaises pour lutter contre la crise financière, notamment les décisions d'approbation puis de prolongation du régime de recapitalisation des organismes de crédit au Portugal, la dernière d'entre elles ayant été adoptée en mars 2010 (23).

(66) Concernant la présente affaire, la Commission souligne également que, dans sa décision portant approbation de l'aide au sauvetage, elle a examiné l'applicabilité de l'article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE et a conclu que celui-ci était applicable, étant donné que si BPP ne parvenait pas à honorer ses obligations financières, cela aurait des conséquences négatives pour le secteur financier portugais (voir considérants 33 à 45 de la décision relative à l'aide au sauvetage).

(67) Au-delà du fait de n'avoir pas présenté le plan de restructuration, malgré les différents rappels et même l'injonction de fournir des informations, comme indiqué aux considérants 30 à 32, le Portugal a prolongé la garantie à deux reprises sans en informer la Commission au préalable et solliciter son accord.

(68) L'argument des autorités portugaises selon lequel la Commission savait que la durée de la garantie pouvait, en vertu de l'accord, être de deux ans et que les conditions de la garantie de l'État n'ont fait l'objet d'aucune modification n'est pas recevable. La décision relative à l'aide au sauvetage subordonne l'approbation de la garantie de l'État au respect de l'engagement des autorités portugaises de présenter un plan de restructuration dans un délai de six mois. Or les autorités portugaises n'ont pas respecté cet engagement.

(69) En outre, l'existence d'une disposition contractuelle prévoyant le renouvellement de la garantie de l'État sur la base d'une décision du syndicat bancaire et de BPP n'exonère le Portugal ni de ses obligations spécifiques découlant des engagements pris vis-à-vis de la Commission et sur lesquels s'est fondée la décision relative à l'aide au sauvetage, ni de ses obligations en vertu de l'article 108, paragraphe 3, du TFUE.

(70) Concernant l'obligation de présenter un plan de restructuration, la position du Portugal selon laquelle son seul devoir était de transmettre ce plan à la Commission n'est pas non plus recevable à la lumière des engagements sur lesquels s'est fondée la décision relative à l'aide au sauvetage. En tout état de cause, le fait est que le plan de restructuration n'a pas été présenté dans le délai fixé dans la décision relative à l'aide au sauvetage et que, par conséquent, la condition à laquelle était subordonnée l'approbation de la mesure d'aide n'a pas été respectée.

(71) Il s'ensuit que la rémunération de la garantie était inférieure au niveau normalement requis par la communication bancaire pour considérer une aide comme compatible et que la Commission n'a autorisé ce niveau de rémunération dans sa décision relative à l'aide au sauvetage qu'à la condition que le Portugal présente un plan de restructuration ou de liquidation permettant de limiter de manière appropriée toute distorsion de la concurrence. Aucun plan de cette nature n'ayant été présenté à la date du 5 juin 2009, la Commission en conclut donc que la garantie fournie par le Portugal le 5 décembre 2008 ainsi que sa prolongation au-delà du 5 juin 2009 sont incompatibles avec le marché intérieur.

(72) Si le Portugal n'a pas présenté de plan de restructuration de BPP, les autorités portugaises ont transmis des informations indiquant que la procédure de liquidation lancée le 15 avril 2010 avec le retrait de la licence bancaire de BPP conduira à sa liquidation. Par ailleurs, aucune indemnisation ne sera accordée aux actionnaires de BPP au-delà des sommes éventuelles découlant de la procédure de liquidation elle-même. Sur cette base, la Commission estime qu'il n'existera pas, dans l'avenir, de risque de distorsion de la concurrence associé à BPP. Néanmoins, cette conclusion ne résout pas la question de l'incompatibilité de l'aide accordée par le Portugal entre le 5 décembre 2008 et le 15 avril 2010.

Montant de l'aide

(73) Aux fins de la détermination d'un taux de marché pour les intérêts du prêt, la Commission fonde son analyse sur sa communication relative à la révision de la méthode de calcul des taux de référence et d'actualisation (24). La Commission définit les taux de référence devant refléter le niveau moyen des taux d'intérêt sur le marché des prêts à moyen et à long terme accompagnés de garanties normales. Ce taux de référence est un taux plancher qui peut être augmenté dans des situations de risque particulier (par exemple lorsqu'une entreprise se trouve en difficulté, lorsque les garanties normalement exigées par les banques ne sont pas fournies, etc.). Dans des circonstances exceptionnelles, l'élément d'aide peut correspondre au montant effectivement couvert par la garantie.

(74) La garantie a permis à BPP d'obtenir le prêt à de meilleures conditions financières que celles normalement disponibles sur les marchés. La Commission considère que l'élément d'aide de la garantie peut être calculé sur la base de la différence entre le taux d'intérêt que BPP aurait obtenu pour un prêt dans les conditions du marché, à savoir sans garantie, et le taux d'intérêt associé au prêt effectivement accordé, bénéficiant de la garantie. Cette différence peut être considérée comme la prime qu'un garant aurait demandée pour de telles garanties dans une économie de marché.

(75) En l'espèce, la Commission considère que sans garantie, BPP aurait obtenu un taux d'intérêt au moins égal au taux d'intérêt de référence augmenté de 400 points de base, étant donné qu'il s'agit d'une entreprise connaissant des difficultés et offrant un niveau élevé de sûretés. La Commission estime que la marge de 400 points de base est appropriée, compte tenu du niveau élevé de sûretés réelles associées à l'emprunt (voir considérant 17), qui améliorait la probabilité pour l'organisme prêteur de récupérer au moins une partie de la somme prêtée, malgré les grandes difficultés de BPP. Par conséquent, l'élément d'aide de la garantie consiste en la différence entre le taux d'intérêt de référence augmenté de 400 points de base et le taux d'intérêt associé au prêt garanti effectivement accordé (à savoir le taux Euribor + 100 points de base), après déduction du coût effectivement payé pour la garantie, soit 20 points de base.

(76) Dans ce contexte, la Commission constate également que le Portugal a déclaré avoir déjà effectué les démarches nécessaires pour exercer ses droits privilégiés et prioritaires sur les sûretés détenues par BPP et continuer à les faire valoir jusqu'à récupération du montant total de la somme prêtée (25). La Commission considère que le Portugal est tenu d'agir ainsi afin de mettre en œuvre les dispositions de l'accord de garantie; de fait, le non- exercice de ses droits sur les sûretés afin de récupérer la totalité du montant du prêt constituerait une aide d'État en faveur de BPP.

6.3. Utilisation du prêt de 450 millions EUR par BPP

(77) La partie intéressée ayant présenté des observations à la suite de la décision de la Commission d'ouvrir une procédure formelle d'examen a affirmé que le prêt de 450 millions EUR qui devait être utilisé pour la restructuration de BPP avait en fait servi à rembourser certains clients de la banque, aux dépens de tous les autres. La Commission a reçu des autorités portugaises des informations qui montrent que le prêt a servi à rembourser les créanciers de BPP dont les créances étaient dues ou dont les lignes de crédit arrivaient à expiration, et qui avaient décidé de ne pas prolonger les créances ou renouveler les lignes de crédit. La Commission n'a trouvé aucun élément de preuve à l'appui des allégations de la partie intéressée.

7. CONCLUSION

(78) À la lumière de ce qui précède, la Commission conclut que la garantie accordée par l'État à BPP constitue une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE qui ne peut pas être déclarée comme compatible avec le marché intérieur.

8. REMBOURSEMENT

(79) Le règlement (CE) n° 659-1999 prévoit, en son article 14, paragraphe 1, qu'en cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire. Seules doivent être remboursées les aides incompatibles avec le marché intérieur.

(80) Un tel remboursement a pour but de rétablir la situation existant avant l'octroi de l'aide. Cet objectif est atteint au moment du remboursement de l'aide illégale par BPP, supprimant ainsi l'avantage dont la banque bénéficiait par rapport à ses concurrents sur le marché. Le montant à rembourser doit permettre d'annuler l'avantage économique dont a bénéficié BPP.

(81) Conformément au point 3.1 de la communication de la Commission sur l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État sous forme de garanties (ci- après "la communication de la Commission relative aux garanties") (26), dans le cas d'une garantie individuelle accordée par l'État, l'élément d'aide doit être apprécié sur la base des conditions de la garantie et du prêt. Compte tenu des graves difficultés financières que connaissait BPP au moment où la garantie lui a été accordée, il était peu probable que la banque fût en mesure d'obtenir un prêt bancaire sur le marché sans l'intervention de l'État.

(82) Concernant la quantification exacte du montant de l'aide, étant donné qu'il est impossible de déterminer un prix de marché approprié pour la rémunération de la garantie de l'État, une valeur de référence raisonnable doit être établie. Comme indiqué au point 3.2, premier tiret, de la communication de la Commission relative aux garanties, "l'équivalent-subvention" d'une garantie de prêt pour une année donnée peut être calculé de la même façon que l'équivalent-subvention d'un prêt à taux privilégié. En l'espèce, le montant de l'aide peut être calculé sur la base de la différence entre le taux d'intérêt théorique du marché et le taux d'intérêt obtenu grâce à la garantie de l'État, après déduction des primes éventuellement payées.

(83) Dans le cas d'espèce, compte tenu des difficultés financières de la banque et des sûretés qu'elle offrait, pour un prêt aux conditions du marché, c'est-à-dire sans garantie, BPP se serait vu accorder le taux d'intérêt de référence augmenté d'une prime de risque de 400 points de base. Par conséquent, le montant de l'aide doit être calculé sur la base de la différence entre le taux de marché théorique et le taux d'intérêt auquel le prêt garanti lui a été accordé (à savoir le taux EURIBOR + 100 points de base), après déduction du prix effectivement payé pour la garantie, c'est-à-dire 20 points de base.

(84) En ce qui concerne le montant total du prêt proprement dit, selon les autorités portugaises, l'État portugais a déjà pris toutes les mesures et entrepris toutes les démarches nécessaires pour exercer ses droits prioritaires sur les sûretés offertes par BPP (estimées à une valeur sensiblement supérieure au montant du prêt) (27). La Commission suppose que l'État portugais continuera à faire valoir ses droits et récupérera ainsi la totalité du montant du prêt dans le cadre de la procédure de liquidation, comme indiqué dans la réponse du 15 juin 2010 (28).

(85) Le montant indiqué au considérant 83 est le montant à récupérer, augmenté des intérêts effectivement encourus sur ce montant entre la date à laquelle l'aide a été mise à la disposition du bénéficiaire (le 5 décembre 2008) et celle de son remboursement effectif. Ces intérêts ne peuvent être inférieurs au montant calculé conformément à l'article 9 du règlement (CE) n° 794-2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil (29),

A adopté la présente décision:

Article premier

L'aide d'État résultant de la garantie associée à un prêt de 450 millions EUR, octroyée illégalement par le Portugal, en violation de l'article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en faveur de Banco Privado Português, est incompatible avec le marché intérieur.

Article 2

1. Le Portugal est tenu de se faire rembourser l'aide visée à l'article 1 er par le bénéficiaire.

2. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire, jusqu'à leur récupération effective.

3. Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) n° 794-2004.

Article 3

1. La récupération de l'aide visée à l'article 1 er est immédiate et effective.

2. Le Portugal veille à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans les quatre mois suivant la date de sa notification.

Article 4

1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, le Portugal communique les informations suivantes à la Commission:

a) le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès du bénéficiaire;

b) une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision;

c) les documents démontrant que l'État portugais a exercé ses droits prioritaires sur les sûretés offertes par Banco Privado Português dans le cadre de la garantie fournie.

2. Le Portugal tient la Commission informée de l'avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision jusqu'à la récupération complète de l'aide visée à l'article 1 er . Il transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision. Il fournit aussi des informations détaillées concernant les montants de l'aide et les intérêts déjà récupérés auprès du bénéficiaire.

Article 5

La République portugaise est destinataire de la présente décision.

Notes :

(1) JO C 56 du 6.3.2010, p. 10.

(2) JO C 174 du 28.7.2009, p. 1.

(3) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(4) Voir note 1 de bas de page.

(5) Décision du 29 octobre 2008 dans l'affaire NN 60/08 - Regime de garantias a favor das instituições de crédito em Portugal.

(6) Les autorités portugaises ont présenté une nouvelle estimation réalisée par la Banque du Portugal, le 7 mai 2010, selon laquelle ces sûretés représentaient 582 millions EUR.

(7) Voir note 1 de bas de page.

(8) Selon les autorités portugaises, cette période peut être prolongée jusqu'à une durée maximale de dix ans à partir de la date de constitution du FEI.

(9) Le contrat de prêt stipule que la dissolution ou l'insolvabilité de BPP déclenche le remboursement anticipé par BPP de la somme faisant l'objet de la garantie (article 16). Selon les autorités portugaises, le retrait de la licence de BPP par la Banque du Portugal conduit à une telle dissolution. Par conséquent, en vertu du contrat, le montant des prêts est devenu exigible et a été appelé par la banque agissant en qualité d'agent aux termes du contrat de prêt.

(10) Page 8 de la réponse du 15 juin 2010.

(11) Communication de la Commission - Application des règles en matière d'aides d'État aux mesures prises en rapport avec les institutions financières dans le contexte de la crise financière mondiale ("Communication bancaire") (JO C 270 du 25.10.2008, p. 8).

(12) Réponse II du 15 juin 2010, points 1 et 2.

(13) Réponse II du 13 avril 2010, point 1.2.

(14) Réponse du 15 juin 2010.

(15) Voir les considérants 21 à 24 de la décision.

(16) Voir les considérants 34, 38 et 39.

(17) Règlement (CE) n° 1998-2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis (JO L 379 du 28.12.2006, p. 5).

(18) Concernant les principes, voir les affaires jointes T-132-96 et T-143-96, Freistaat Sachsen et Volkswagen AG contre Commission, Rec. 1999, p. II-3663, point 167, sur lesquelles se sont fondées la décision de la- Commission dans l'affaire C 47-1996, Crédit Lyonnais (JO L 221 du 8.8.1998, p. 28), point 10.1, la décision de la Commission dans l'affaire C 28-2002, Bankgesellschaft Berlin (JO L 116 du 4.5.2005, p. 1), considérants 153 et suivants, et la décision de la Commission dans l'affaire C 50-06, BAWAG, non encore publiée, considérant 166. Voir également la décision de la Commission du 5 décembre 2007 dans l'affaire NN 70-07, Northern Rock (JO C 43 du 16.2.2008, p. 1), la décision de la Commission du 30 avril 2008 dans l'affaire NN 25/08, Aide au sauvetage en faveur de WestLB (JO C 189 du 26.7.2008, p. 3), ainsi que la décision de la Commission du 4 juin 2008 dans l'affaire C 9-2008, SachsenLB, non encore publiée.

(19) Communication de la Commission - Application des règles en matière d'aides d'État aux mesures prises en rapport avec les institutions financières dans le contexte de la crise financière mondiale (JO C 270 du 25.10.2008, p. 8).

(20) Communication de la Commission - Recapitalisation des établissements financiers dans le contexte de la crise financière actuelle: limitation de l'aide au minimum nécessaire et garde-fous contre les distorsions indues de concurrence (JO C 10 du 15.1.2009, p. 2).

(21) Communication de la Commission concernant le traitement des actifs dépréciés dans le secteur bancaire de la Communauté (JO C 72 du 26.3.2009, p. 1).

(22) Communication de la Commission sur le retour à la viabilité et l'appréciation des mesures de restructuration prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle, conformément aux règles relatives aux aides d'État (JO C 195 du 19.8.2009, p. 9).

(23) Voir la décision portant approbation du régime de recapitalisation des organismes de crédit au Portugal: décision de la Commission du 20 mai 2009 dans l'affaire N 556/08 (JO C 152 du 7.7.2009), notamment les considérants 65 à 67, ainsi que la décision portant prolongation de ce régime: décision de la Commission du 17 mars 2010 dans l'affaire N 80/10 (JO C 119 du 7.5.2010, p. 2).

(24) JO C 14 du 19.1.2008, p. 6.

(25) Voir pages 8 et 13 de la réponse du 15 juin 2010.

(26) JO C 155 du 20.6.2008, p. 10.

(27) Voir page 8 de la réponse des autorités portugaises du 15 juin 2010.

(28) Voir page 13.

(29) JO L 140 du 30.4.2004, p. 1.