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Décisions

CA Orléans, ch. com., économique et financière, 5 mai 2011, n° 10-00269

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mazak Laser France (SARL), Yamazaki Mazak Optonics Europe NV (Sté)

Défendeur :

RPMO (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Raffejeaud

Conseillers :

MM. Garnier, Monge

Avoués :

SCP Desplanques-Devauchelle, SCP Laval-Lueger

Avocats :

Me Roumeas, SCP Arcole-Nail Chas, Associés

T. com. Blois, du 20 nov. 2009

20 novembre 2009

Prononcé le 5 mai 2011 par mise à la disposition des parties au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

La société Yamazaki Mazak Optonics Europe (la société Yamazaki), venant aux droits de la société Mazak Laser France (la société Mazak), a notifié le 2 juillet 2007 à son agent commercial, la société RPMO, en invoquant une faute grave, la rupture immédiate du contrat les liant depuis le 4 mars 1998, et cette dernière l'a assignée, ainsi que la société Mazak, par acte du 16 janvier 2009, en paiement d'arriérés de commissions et de l'indemnité de rupture.

Par jugement du 20 novembre 2009, le Tribunal de commerce de Blois a condamné :

- la société Yamazaki à payer à la société RPMO la somme de 57 473,78 euro au titre de commissions et celle de 40 000 euro à titre d'indemnité de rupture ;

- la société Mazak à payer à la société RPMO la somme de 12 978,99 euro également à titre de commissions.

Les sociétés Yamazaki et Mazak ont relevé appel.

Par conclusions signifiées le 18 mars 2010, elles font valoir que si le taux de commission avait été fixé initialement à 3,50 %, il avait été réduit à 2,50 % en 2001 en raison de l'état de santé de l'agent commercial, empêché de se rendre sur le terrain. Elles considèrent que le consentement peut être tacite et résulte, en l'occurrence, des factures adressées par la société RPMO, de sorte que les sommes réclamées ne sont pas dues, ce d'autant plus que certaines ventes sont intervenues sans l'intervention de la société intimée ou après la rupture du contrat. S'agissant de l'indemnité de rupture, elles prétendent que la demande est irrecevable à défaut pour la société RPMO d'avoir fait valoir ses droits dans le délai d'un an prévu par l' article L. 134-12 du Code de commerce. Subsidiairement, elles invoquent l'absence de prospection, le défaut d'information et une activité concurrentielle, ces griefs constituant une faute grave exclusive du versement d'indemnité compensatrice de rupture. Très subsidiairement, elles indiquent que les dommages et intérêts ne devraient pas excéder la somme de 40 000 euro.

Par ses dernières écritures du 27 juillet 2010, la société RPMO conteste avoir conclu un accord sur la réduction du taux des commissions. Elle fournit le détail des commissions qu'elle estime dues et conclut à la confirmation du jugement à ce titre. Elle souligne que sa demande d'indemnité de rupture est recevable dès lors qu'elle a fait savoir qu'elle entendait solliciter cette indemnité dès le 20 juillet 2007. Elle relève que la société Yamazaki ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute grave, alors qu'elle-même a été confrontée à des entraves de la part de la mandante et estime son préjudice à la somme de 140 000 euro.

Sur quoi

Sur les commissions impayées

Attendu que le contrat conclu le 4 mars 1998 entre la société Mazak et Monsieur Ruano, au droit duquel vient la société RPMO, prévoit que l'agent bénéficie de l'exclusivité de la représentation des machines de découpe laser Mazak pour quatre départements et que la rémunération est fixée à 3,50 % ;

Que, selon l'article L. 134-6 du Code de commerce, l'agent commercial, qui est chargé d'un secteur géographique, ou d'un groupe de personnes déterminé, a droit à une commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe et, aux termes de l'article L. 134-7, pour les opérations conclues après la cessation du contrat d'agence, si l'ordre du tiers a été reçu avant celle-ci ;

Que les sociétés appelantes prétendent que la société RPMO avait accepté de réduire sa commission à 2,50 % en raison de l'état de santé de Monsieur Ruano et en veulent pour preuve les factures adressées par l'agent à sa mandante ;

Mais attendu qu'il résulte du contrat que le mandant devait envoyer à son agent copie des factures, confirmations de commande et indications de prix et qu'il apparaît que la société Yamazaki manquait à ses obligations puisque le conseil de la société RPMO avait dû, en mars 2006, mettre en demeure Yamazaki de fournir ces documents à sa cliente pour lui permettre d'établir ses facturations ; qu'en réalité, et sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail des affaires concernées, les factures de commissions étaient éditées à réception de télécopies adressées par la société Yamazaki indiquant les montants à facturer mais sans mention des bases de la facturation ; que les sociétés appelantes ne démontrent donc pas que la société RPMO aurait accepté la baisse du taux des commissions ;

Que pour une affaire TPS, la société Yamazaki se borne à soutenir que la vente a été réalisée après la rupture du contrat mais sans préciser la date de la commande ; qu'enfin, s'agissant d'un dossier ASP Technologies, l'article 3 du contrat d'agent stipule que la rémunération est due sur toutes les affaires acceptées par le mandant, et les modalités de règlement par imputation partielle du prix de reprise d'un matériel ancien sont indifférentes ;

Attendu que le jugement n'est donc pas critiquable en ce qu'il a condamné les sociétés appelantes à payer les arriérés de commissions réclamées par la société RPMO, étant ajouté que les intérêts au taux légal seront dus sur ces sommes à compter du16 janvier 2009, date d'assignation ;

Sur la forclusion de la demande d'indemnité compensatrice

Attendu qu'en vertu de l'article L. 134-12 du Code de commerce, l'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits à une indemnité compensatrice de rupture ; que l'intention de faire valoir ses droits à indemnité peut se manifester par l'envoi d'un courrier suffisamment explicite pour réclamer cette indemnité ; que la société RPMO justifie de l'avis de réception par Yamazaki le 20 juillet 2007 d'une lettre recommandée non datée, mais se référant au courrier de rupture du 2 juillet précédent, indiquant qu'elle va être contrainte de réclamer en justice le paiement de l'indemnité de rupture ; que la société Yamazaki nie avoir reçu cette correspondance mais sans spécifier ce qu'aurait contenu l'envoi recommandé du 20 juillet ;

Qu'en tout état de cause, dans une assignation en référé du 30 août 2007, tendant à voir désigner un huissier de justice aux fins de diverses constatations, la société RPMO a mentionné qu'elle allait solliciter du juge du fond la condamnation de la société Mazak à lui payer ladite indemnité et l'ordonnance de référé rendue le 11 octobre 2007 par le président du Tribunal de commerce de Blois reprend cette indication dans l'exposé du litige ; que la société RPMO a ainsi marqué, sans équivoque, peu après la rupture, sa volonté de réclamer à la société mandante une indemnisation au titre de la cessation du contrat d'agent commercial ;

Sur l'indemnité de rupture

Attendu que, par application des dispositions des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, mais cette réparation n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent, ou qu'elle résulte de son initiative, à moins que cette cessation ne soit justifiée par les circonstances imputables au mandant ; que la faute grave doit s'entendre comme celle qui porte atteinte à la finalité du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel ;

Qu'en l'espèce, la lettre de résiliation du contrat adressée à la société RPMO par la société Yamazaki le 2 juillet 2007 invoque le fait que l'agent commercial aurait proposé des produits concurrents à une société SPL et lui reproche un manque de résultats lié à une insuffisance de prospection et l'absence de comptes rendus ;

Mais attendu que la société Yamazaki n'apporte pas de preuve de son accusation que Monsieur Ruano aurait tenté de placer des produits concurrents chez une société SPL, alors que deux anciens salariés de cette entreprise se félicitent des relations entretenues avec l'agent commercial sur les produits Mazak ; que, s'agissant des autres griefs, il apparaît que la société Yamazaki n'a pas considéré les manquements allégués comme constitutifs d'une faute grave dans la mesure où elle ne les lui avait jamais notifiés auparavant et qu'au contraire Monsieur Ruano avait l''impression, depuis le début 2006, ainsi qu'il ressort d'une lettre adressée le 2 avril 2006 à la société Yamazaki, que le mandant voulait mettre fin à la collaboration, mais sans avoir de faute caractérisée à lui reprocher ;

Attendu que l'indemnité de cessation de contrat due à l'agent commercial au titre de l'article L. 134-12 du Code de commerce a pour objet de réparer le préjudice subi résultant de la perte pour l'avenir des revenus tirés de la prospection et de l'exploitation de la clientèle commune ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne détermine les modalités de calcul de cette indemnité, et les dommages et intérêts doivent être appréciés en fonction des commissions antérieurement perçues par l'agent commercial, de la durée de ses fonctions, et du préjudice effectivement subi, c'est à dire la perte des commissions auxquelles l'agent pouvait raisonnablement prétendre dans la poursuite du mandat ; qu'eu égard à la durée de la coopération entre les parties qui s'est poursuivie pendant sept années, la cour dispose des éléments suffisants pour confirmer l'indemnité compensatrice de 40 000 euro fixée par le tribunal en fonction des commissions des deux dernières années ;

Attendu que la société Yamazaki supportera les dépens d'appel et versera, en outre, la somme de 5 000 euro à la société RPMO sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Y ajoutant ; Dit que l'arriéré de commissions sera assorti des intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2009 ; Condamne la société Yamazaki Mazak Optonics Europe aux dépens d'appel et à payer la somme de 5 000 euro à la société RPMO au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Accorde à la SCP Laval-Lueger, titulaire d'un office d'avoué, le droit reconnu par l'article 699 du même Code.