CA Nancy, 2e ch. com., 11 mai 2011, n° 08-02165
NANCY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Rousselot
Défendeur :
Sir Tiles Spa (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Cunin
Conseillers :
Mme Zecca-Bischoff, M. Bruneau
Avoués :
SCP Chardon & Navrez, SCP Millot-Logier, Fontaine
Avocats :
Mes Philippot, Behr, Morel
Exposé du litige
Monsieur Robert Rousselot était lié à la société de droit italien Sir Tiles par un contrat d'agent commercial.
Par lettre du 15 mai 2003, la société Sir Tiles a informé Monsieur Rousselot qu'elle mettait fin à ce contrat, au motif qu'elle procédait à une importante restructuration générale de ses activités.
A cette date, Monsieur Rousselot était débiteur vis-à-vis de la société Sir Tiles de la somme de 8 807,27 euro au titre de marchandises livrées.
Le 6 octobre 2003, Monsieur Robert Rousselot a fait parvenir à la société Sir Tiles un facture d'acompte d'indemnités de "fin de rapport d'agence" d'un montant de 2 027,53 euro.
La société Sir Tiles prenait en compte cette facture en déduction de sa créance, et sollicitait le règlement du solde soit, après imputation de frais, la somme de 6 786,42 euro.
Monsieur Rousselot n'ayant pas réglé cette somme, la société Sir Tiles l'a fait citer devant le Tribunal de commerce de Nancy.
Monsieur Rousselot s'opposait à la demande, faisant valoir qu'il était créancier d'une indemnité de fin de contrat, et qu'après compensation, la société Sir Tiles restait redevable à son égard de la somme de 4 418,58 euro.
Par jugement du 30 juin 2008, la juridiction a fait droit à la demande de la société Sir Tiles, au motif que d'une part Monsieur Rousselot ne justifiait pas du calcul de l'indemnité sollicitée, et d'autre part qu'il n'avait pas réclamé d'indemnité complémentaire à la somme de 2 027,53 euro dans le délai d'un an prévu par l'article L. 134-12 du Code de commerce.
Monsieur Robert Rousselot a interjeté appel de cette décision.
Prétentions et moyens des parties
Aux termes de ses dernières conclusions du 21 juin 2010, Monsieur Robert Rousselot conclut à l'infirmation de la décision contestée.
Il expose en premier lieu que la demande d'indemnité est formée sur demande reconventionnelle, et donc par voie d'exception, et qu'une exception ne se prescrit pas.
Il soutient en deuxième lieu qu'il a régulièrement fait valoir son droit à indemnisation dans le délai légal, la société Sir Tiles en ayant accusé réception et fait valoir sa position sur le montant de l'indemnité qu'elle estimait être due ; que la demande par laquelle l'agent commercial fait valoir son droit à indemnisation n'impose pas un chiffrage exact de l'indemnité réclamée ; que par ailleurs la décision du tribunal est contradictoire puisque, tout en énonçant que Monsieur Rousselot n'a pas présenté de demande dans le délai d'un an, elle valide sa créance au titre de la facture du 6 octobre 2003, laquelle valait demande d'indemnité.
En troisième lieu, Monsieur Rousselot expose qu'il reste créancier de sommes au titre de factures qui ne lui ont pas été réglées.
Monsieur Robert Rousselot demande donc de :
- lui donner acte de ce qu'il ne conteste pas devoir la somme de 6 779,74 euro,
- dire et juger que la société Sir Tiles est redevable à son égard de la somme de 10 491,90 euro,
- constater que des factures ne lui ont pas été réglées,
- compte tenu de celles-ci, ordonner la compensation et la condamner à lui payer la somme de 5 425,59 euro outre intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2003,
- condamner la société Sir Tiles à lui payer la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, ainsi que la somme de 2 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Sir Tiles Spa conclut, aux termes de ses dernières écritures du 8 février 2011, à la confirmation de la décision.
Elle soutient que l'article L. 134-12 du Code de commerce impose à l'agent commercial de présenter une demande dans un délai d'un an à peine de déchéance de son droit à indemnisation ; que la demande présentée à ce titre devant le premier juge est intervenue au-delà de ce délai ; que, de plus, le contrat fixe le montant maximal de cette indemnité à une année de commission, mais qu'elle est définie par rapport à plusieurs éléments ; que la facture du 6 octobre 2003 correspond donc à l'indemnité due à Monsieur Rousselot, qui en a accepté le montant et n'a jamais formulé d'autre proposition.
Qu'enfin, l'appelant ne justifie pas du bien-fondé des factures dont il réclame le règlement.
La société Sir Tiles Spa demande donc de voir confirmer la décision entreprise, et de condamner Monsieur Rousselot à lui payer la somme de 1 500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2011.
Motifs de la décision
Attendu que, par convention du 1er mars 2001, la société de droit italien Sir Tiles Spa a conclu avec Monsieur Robert Rousselot un contrat d'agence commerciale pour une durée indéterminée ;
Que, par lettre du 15 mai 2003, la société Sir Tiles SPA a notifié à Monsieur Robert Rousselot qu'elle entendait mettre fin à cette convention, avec effet immédiat ; que, par lettre du 31 juillet 2003, elle adressait à Monsieur Rousselot un courrier aux termes duquel elle lui communiquait un "relevé des indemnités de fin d'agence", et se reconnaissait débitrice d'une "indemnité pour manque de préavis" d'un montant de 2 027,53 euro ;
Sur le droit à indemnité
Attendu en premier lieu que la société Sir Tiles Spa soutient que, conformément aux dispositions de l'article 21.4 de la convention, l'indemnité de résiliation n'est pas due en cas de violation par l'une des parties de ses obligations ; qu'en l'espèce, Monsieur Rousselot n'a pas atteint l'objectif minimal prévu en matière de volume de vente ;
Mais attendu d'une part que la société Sir Tiles Spa n'apporte aucun élément chiffré permettant de déterminer le niveau de ce volume de vente ;
Que d'autre part elle ne démontre aucune faute relative à la charge de son agent quant à un éventuel manquement de celui-ci aux obligations contractuelles relatives à la loyauté des relations entre les parties ;
Qu'enfin, la lettre du 15 mai 2003 justifie la rupture des relations entre les parties en raison " d'une importante restructuration générale " de l'activité de la société Sir Tiles Spa ;
Attendu en second lieu que la société Sir Tiles Spa fait valoir que Monsieur Robert Rousselot a perdu son droit à indemnité de fin de contrat d'agence commerciale en ce qu'il a présenté sa demande au-delà du délai prévu par l'article L. 134-12 du Code de commerce ;
Attendu que ce texte dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice, en réparation du préjudice subi ; l'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ;
Attendu que, dans son courrier du 15 mai 2003, la société Sir Tiles Spa indiquait qu'à la suite de la résiliation du contrat, elle proposait à Monsieur Rousselot de discuter du montant de son "éventuelle indemnité" ;
Que, par lettre du 30 juin 2003, Monsieur Robert Rousselot indiquait qu'il souhaitait vivement faire valoir ses droits en raison du préjudice qu'il estimait subir du fait de la rupture des relations entre les parties ;
Que, par courrier du 7 octobre 2003, il précisait que l'indemnité de 2 027,53 euro pour solde de tout compte était inacceptable ;
Qu'il ressort de ces éléments que Monsieur Rousselot a, dans le délai prévu par l'article précité, expressément manifesté auprès de la société Sir Tiles Spa qu'il entendait faire valoir ses droits à indemnité, la société Sir Tiles Spa ayant elle-même proposé une discussion sur ce point ;
Que le droit à indemnité de Monsieur Rousselot n'est pas contestable en son principe ;
Sur le montant de l'indemnité
Attendu que l'indemnité de fin de contrat d'agence commerciale possède une nature indemnitaire dont l'objet est de réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte du revenu procuré par le contrat, sans distinction entre la clientèle apportée par l'agent et la clientèle préexistante ;
Attendu que la convention, en son article 21.1, prévoit que le montant de l'indemnité ne dépassera pas une année de commission ; que l'article 21.5 dispose que l'indemnité de clientèle tient lieu d'indemnisation pour toute perte ou tout préjudice résultant du terme ou de la résiliation du contrat ;
Que la société Sir Tiles Spa soutient que le calcul de cette indemnité doit prendre en compte un certain nombre d'éléments, sans être plus précise sur ce point ;
Qu'il y a lieu de relever que les relations entre les parties n'ont duré que deux années, mais que la rupture relève d'une décision propre de la société Sir Tiles Spa, fondée sur un motif (la restructuration générale) étranger à l'agent ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que le montant des commissions dues à Monsieur Rousselot s'établit, pour les deux années précédant la rupture du contrat, à la somme de 20 983,80 euro ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité de fin de contrat à la somme de 10 491,90 euro ;
Sur le compte entre les parties
Attendu en premier lieu que Monsieur Robert Rousselot ne conteste pas devoir à la société Sir Tiles Spa la somme de 6 779,74 euro ; qu'il justifie par ailleurs rester créancier de la société Sir Tiles Spa pour une somme de 1 713,43 euro ;
Qu'après compensation, la société Sir Tiles Spa est donc débitrice de Monsieur Robert Rousselot pour une somme de 5 425,59 euro, au paiement de laquelle elle sera condamnée ;
Attendu qu'il ne ressort pas du dossier que l'attitude de la société Sir Tiles Spa caractérise une résistance abusive ; que la demande sur ce point sera rejetée ;
Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Robert Rousselot l'intégralité des frais par lui exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande sur ce point selon les modalités indiquées au dispositif ;
Attendu enfin que la société Sir Tiles Spa supportera les dépens de première instance et d'appel, lesquels seront directement recouvrés par la société civile professionnelle Chardon Navrez, Avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Dit l'appel recevable ; Infirme le jugement rendu le 30 juin 2008 par le Tribunal de commerce de Nancy ; Statuant à nouveau : Ordonne la compensation des créances respectives ; Condamne la société Sir Tiles Spa à payer à Monsieur Robert Rousselot la somme de cinq mille quatre cent vingt cinq euro et cinquante neuf centimes (5 425,59 euro) outre intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2003 ; Condamne la société Sir Tiles Spa à payer à Monsieur Robert Rousselot la somme de deux mille euros (2 000 euro) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette les autres demandes ; Dit que la société Sir Tiles Spa supportera les dépens d'appel, lesquels seront directement recouvrés par la société civile professionnelle Chardon Navrez, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.