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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 10 mai 2011, n° 10-02319

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Diffusion 226 (SARL)

Défendeur :

Hyper Saint-Aunès (SAS), Agence Générale de chaussures (SARL), Sanchez (ès qual.), Mirand (SAS), Albert frères (SAS), Marli (SAS), SCP Pimouguet-Leuret (ès qual.), Leray (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

M. Chassery, Mme Olive

Avoués :

SCP Argellies-Wattremet, SCP Touzery Cottalorda, SCP Auche Hédou Auche Auche, SCp Nègre Pepratx-Nègre

Avocats :

Mes Adrai-Lachkar, Alle, Parnot, Guers, Alran

TGI Montpellier, du 23 févr. 2010

23 février 2010

Faits et procédure, moyens et prétentions des parties

La SARL Diffusion 226, ayant pour activité la création et la commercialisation de chaussures, diffuse les marques " P'etites Bombes " et " Too Much " ; elle bénéficie d'une licence exclusive pour la première et est titulaire de la seconde.

Ayant appris que les magasins " Intermarché " de Juvignac et " Leclerc " de Saint-Aunès proposaient à la vente des chaussures de marques " P'etites Bombes " et " Too Much " à des prix dérisoires, la société Diffusion 226, après y avoir été autorisée, a fait procéder, les 19 décembre 2007 et 14 janvier 2008, à des saisies-contrefaçons dans les locaux de ces deux magasins.

Lors des opérations de saisie, il est apparu que la SAS Mirand et la SAS Hyper Saint-Aunès, exploitant les deux hypermarchés concernés, avaient acheté, l'une 900 paires de chaussures, l'autre 176 paires de chaussures, à une SARL Agence Générale de la Chaussure (la société AGC), leur fournisseur habituel, cette société ayant elle-même acquis, en octobre 2007, un lot de 17 600 paires de chaussures auprès d'une SAS Albert Frères, transporteur à Mazamet (81).

La société Albert Frères avait elle-même fait l'acquisition d'un lot 33 340 paires de chaussures dépendant des actifs d'une SAS Marli, mise en redressement judiciaire par un jugement du Tribunal de commerce de Cahors en date du 2 octobre 2006, en vertu d'une ordonnance du juge-commissaire du 23 avril 2007 autorisant la cession de gré-à-gré de ce lot de chaussures sur lequel la société Albert Frères, impayée de prestations de transport, avait exercé son droit de rétention.

Par actes des 31 décembre 2007, 24 et 25 janvier 2008, la société Diffusion 226 a fait assigner en contrefaçon et concurrence déloyale les sociétés Mirand Hyper Saint-Aunès, AGC et Albert Frères devant le Tribunal de grande instance de Montpellier.

La société Albert Frères a ensuite, par acte du 7 mai 2008, appelé en garantie les organes de la procédure collective de la société Marli.

Pour sa part, la société Mirand a appelé en intervention forcée, par acte du 27 juillet 2009, M. Sanchez pris en sa qualité de liquidateur de la société AGC.

Après jonction des instances connexes, le tribunal a notamment, par jugement du 23 février 2010 :

- déclaré l'action de la société Diffusion 226 recevable,

- débouté cette société de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Hyper Saint-Aunès de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la société Diffusion 226 à payer à la société Albert Frères, à la société Hyper Saint-Aunès et à la société Mirand la somme de 3 000 euro, chacune, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration reçue le 23 mars 2010 au greffe de la cour, la société Diffusion 226 a régulièrement relevé appel de ce jugement.

La société Hyper Saint-Aunès a formé un appel provoqué à l'encontre de la société Marli, non intimée, en faisant assigner, par actes du 25 novembre 2010, la SCP Pimouget et Leuret, d'une part, M. Leray, d'autre part, pris en leurs qualités de liquidateur ou de mandataire judiciaire de la société Marli.

La société Diffusion 226 conclut à la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre de son action en concurrence déloyale et condamnée au paiement d'indemnités pour frais irrépétibles ; elle demande, en conséquence, à la cour de :

Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil, L. 420-5 et L. 442-2 du Code de commerce,

- dire qu'en revendant des modèles à des prix anormalement bas et nettement inférieurs à ceux habituellement pratiqués et en visant des grossistes, qui se présentent comme des concurrents directs de la société 226, la société Albert Frères s'est rendue coupable de faits de concurrence déloyale,

- dire qu'en revendant des modèles de collections anciennes, à des prix anormalement bas, et en revendant ses modèles à des grandes surfaces, points de vente non autorisés par la société 226, la société AGC s'est rendue coupable de faits de concurrence déloyale,

- dire qu'en revendant au public des modèles de collections anciennes, dans des conditions dégradantes et à des prix anormalement bas et en revente à perte, la société Intermarché s'est rendue coupable de pratiques illicites et de faits de concurrence déloyale,

- dire qu'en revendant au public des modèles de collections anciennes, dans des conditions dégradantes et à des prix anormalement bas, la société Hyper Saint-Aunès enseigne Leclerc s'est rendue coupable de faits de concurrence déloyale,

En conséquence,

- condamner solidairement les sociétés Albert Frères, AGC, Intermarché, Hyper Saint-Aunès à payer à la société 226, au titre de la concurrence déloyale, une somme de 250 000 euro,

- condamner solidairement les défenderesses à payer la somme de 12 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouter les intimées de l'ensemble de leurs demandes.

La société Diffusion 226 fait essentiellement valoir que :

- la société AGC a revendu aux sociétés Hyper Saint-Aunès et à la société Mirand des modèles de chaussures à des prix, compris entre 7 et 12 euro HT la paire, anormalement bas par rapport aux prix de vente à ses propres revendeurs et les hypermarchés les ont revendus à des prix public, nettement inférieurs aux prix pratiqués dans ses propres boutiques,

- la société Mirand a même revendu à perte les modèles " Andorre " et " Caracas ", au prix de 10,41 euro HT, alors qu'elle les avait achetés à des prix unitaires de 12 et 11,40 euro HT, ce qui constitue une pratique illégale au regard des dispositions de l'article L. 442-2 du Code de commerce,

- ces pratiques de revente à perte et à des prix anormalement bas caractérisent l'existence d'actes de concurrence déloyale, d'autant que certaines de ses boutiques sont situées à proximité ou dans les galeries marchandes des centres Leclerc et Intermarché,

- les conditions de présentation et de vente en hypermarché des modèles de chaussures " P'etites Bombes " et " Too Much " sont également dévalorisantes et caractérisent un fait de concurrence déloyale, portante atteinte à la valeur des marques,

- le fait d'avoir commercialisé d'anciens modèles correspondant à la saison 2005 jette le discrédit sur sa politique de commercialisation, dès lors qu'elle s'attache, chaque année, à promouvoir de nouveaux modèles de chaussures en fonction des tendances et des attentes de la clientèle,

- la vente de ses produits en grande surface, en très grande quantité, à des conditions dégradantes et à vil prix, lui a causé, d'une part, un trouble commercial, caractérisé par la perte d'une chance de développement commercial ou économique et par la détérioration auprès du public de la valeur attractive de ses créations, et, d'autre part, un préjudice moral.

M. Sanchez, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société AGC, conclut qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'en rapporte la justice ; il souligne néanmoins qu'aucune condamnation pécuniaire ne peut être prononcée à l'encontre de la société en liquidation judiciaire.

La société Albert Frères conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; elle soutient qu'exerçant la profession de transporteur routier, elle ne se trouve pas en concurrence avec la société Diffusion 226 et que la revente d'un stock de chaussures, sur lequel elle avait exercé son droit de rétention, n'a rien d'illicite, ni d'interdit ; elle rappelle que dans le jugement dont appel, définitif sur ce point, le tribunal a estimé qu'il n'y avait pas de contrefaçon.

La société Mirand, exploitant le magasin à l'enseigne " Intermarché " de Juvignac, conclut également la confirmation du jugement ; subsidiairement, elle demande à être relevée et garantie par M. Sanchez, liquidateur à la liquidation judiciaire de la société AGC, des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ; elle sollicite, en toute hypothèse, la condamnation de la société Diffusion 226 et de M. Sanchez ès qualités à lui payer la somme de 10 000 euro en remboursement de ses frais irrépétibles.

Elle expose en particulier que :

- elle exploite un hypermarché et vend donc ses produits aux consommateurs à la différence de la société Diffusion 226, qui ne traite qu'avec des professionnels, ce dont il résulte que les deux sociétés, exerçant leurs activités sur des marchés différents, ne sont pas en situation de concurrence,

- contrairement à ce qui est affirmé, les produits litigieux n'ont pas été vendus dans des conditions dégradantes, mais au rayon " chaussures " de l'hypermarché,

- la Cour de cassation a écarté l'application de la concurrence déloyale dans une espèce où un concurrent pratiquait des " prix anormalement bas ",

- la société Diffusion 226 n'a subi aucune perte d'exploitation, dès lors que les modèles mis en vente dataient de 2005 et étaient donc vendus au rabais, qu'elle ne les a pas utilisés comme produits d'appel et qu'elle les a retirés de la vente le jour même de la saisie-contrefaçon, pratiquée le 14 janvier 2008.

La société Hyper Saint-Aunès, exerçant sous l'enseigne Leclerc, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Diffusion 226 de l'intégralité de ses demandes et de condamner celle-ci à lui payer la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; subsidiairement, elle demande à être relevée et garantie, solidairement, par la société AGC, la société Albert Frères, M. Leray et la SCP Pimouget et Leuret des condamnations pouvant être prononcées à son encontre ; elle sollicite, en tout état de cause, la condamnation de la société Diffusion 226 à lui payer la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

En réplique à l'argumentation de l'appelante, elle fait valoir que :

- elle n'a aucun lien de concurrence avec la société Diffusion 226, dès lors qu'à la différence de celle-ci, elle s'adresse directement à une clientèle de consommateurs à faible pouvoir d'achat et que fin 2007, la société Diffusion 226 ne vendait plus les chaussures de la collection 2005, objet du litige,

- celle-ci ne démontre pas en quoi les modalités de vente des produits en hypermarché auraient été dégradantes,

- le prix de vente des chaussures ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale, d'autant qu'à la fin de la saison 2005, soit deux ans auparavant, les revendeurs de la société Diffusion 226 ont eux-mêmes très certainement vendu les mêmes produits à des prix équivalents, en période de soldes, pour écouler leurs stocks avant l'arrivée des nouvelles collections,

- la société Diffusion 226 ne rapporte pas la preuve de pertes financières en lien avec les ventes litigieuses, alors qu'elle a connu, à l'époque des faits, une importante augmentation de son chiffre d'affaires,

- elle était parfaitement informée, par l'intermédiaire de son gérant, M. Guigui, de l'existence d'un stock de chaussures et de sa vente, autorisée par le tribunal de commerce, à la société Albert Frères, compte tenu des liens étroits existant entre elle-même, la société de droit portugais Catatua Azul, qui détenait 50 % de son capital, et la société M arli,

- enfin, la société Diffusion 226 n'aurait jamais revendu ce stock, même si elle l'avait acquis, puisqu'il portait sur des modèles de chaussures de l'année 2005, qu'elle ne commercialisait plus en 2007,

- celle-ci ne démontre pas, non plus, avoir subi un préjudice moral, alors que la quantité de chaussures acquise est très faible, soit 176 paires, qu'aucune communication publicitaire n'a été réalisée au sujet de la commercialisation de ses produits, qui concerne des chaussures de la collection 2005, démodées, que sa clientèle est une clientèle aisée, n'achetant pas ses chaussures au sein d'hypermarchés, et qu'il n'existe pas de revendeurs des marques " P'etites Bombes " et " Too Much " dans la région de Montpellier,

- si une condamnation pour concurrence déloyale était prononcée à son encontre, la responsabilité civile professionnelle des mandataires judiciaires, ayant sollicité l'autorisation de la vente du stock litigieux auprès du Tribunal de commerce de Cahors, sera alors engagée sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil.

La SCP Pimouget et Leuret, d'une part, M. Leray, d'autre part, pris en leurs qualités de liquidateur ou de mandataire judiciaire de la société Marli, n'ont pas constitué avoué, bien que régulièrement assignés.

C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 31 mars 2011.

Le 4 avril 2011, la société Albert Frères a déposé de nouvelles conclusions, sollicitant la révocation de l'ordonnance de clôture.

Motifs de la décision :

Sur la procédure :

Attendu qu'il convient de déclarer irrecevables les conclusions déposées par la société Albert Frères après l'ordonnance de clôture du 31 mars 2011, conformément à l'article 783 du Code de procédure civile, applicable par renvoi de l'article 910 du même Code ; que le fait que ces conclusions ont été prises en vue de répondre à celles de la société Hyper Saint-Aunès, déposées le jour du prononcé de l'ordonnance de clôture, mais dont le rejet n'a pas été sollicité, ne saurait à lui seul constituer une cause grave de révocation de l'ordonnance de clôture ;

Sur le fond :

Attendu que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a débouté la société Diffusion 226 de son action en contrefaçon, en considérant que l'importation en France, via le Portugal, par la société Marli, de modèles de chaussures provenant de la collection 2005 des marques " P'etites Bombes " et " Too Much " avait été faite avec le consentement, au moins implicite, de la société Diffusion 226, tenant les liens capitalistiques et économiques qu'elle entretenait avec cette société, ainsi qu'avec la société de droit portugais Catatua Azul à l'origine de l'importation au Portugal des modèles litigieux, fabriqués en Chine ;

Attendu qu'il résulte, en effet, des pièces produites que la société de droit portugais Catatua Azul a détenu, de 2004 à 2007, une participation de 12 % dans le capital de la société Diffusion 226 dont les autres porteurs de parts étaient les membres de la famille Guigui, qu'en février 2005, Jean-Jacques Guigui, gérant de la société Diffusion 226, a acheté en bloc, avec deux autres cessionnaires, dont le dirigeant de la société Catatua Azul (Alberto José da Rocha Fonseca), les actions de la société Marli, ce dernier en devenant le président, et que, parallèlement, monsieur Guigui a accepté de cautionner les engagements de la société Marli auprès de divers organismes financiers ; qu'il s'avère également que la société Catatua Azul a déposé au Portugal, le 24 octobre 2005, la marque " Too Much Paris " et était alors présentée comme le concessionnaire dans ce pays de la marque " P'etites Bombes " ;

Attendu qu'il n'est pas discuté, par ailleurs, qu'en décembre 2005, la société Catatua Azul a vendu à la société Marli un lot de 10 928 paires de chaussures issues de la collection 2005 de la société Diffusion 226, importées de Chine auprès du propre fabricant de cette société, que la société Marli a ensuite confié le transport de 33 340 paires de chaussures, y compris celles achetées à la société Catatua Azul, à la société Albert Frères, qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société Marli, celle-ci a obtenu la cession de gré-à-gré de ce stock de 33 340 paires de chaussures, qu'elle détenait, en vertu d'une ordonnance du juge-commissaire en date du 23 avril 2007 et qu'elle en a revendu 17 600 paires à la société AGC, grossiste en articles d'habillement et de chaussures, fournisseur des sociétés Hyper Saint-Aunès et Mirand exploitant des hypermarchés à Saint-Aunès et Juvignac ;

Attendu que dans le cadre des opérations de saisie-contrefaçon effectuées, les 19 décembre 2007 et 14 janvier 2008, il a été constaté qu'étaient à la vente dans le magasin " Leclerc " de Saint-Aunès, des paires de bottes " P'etites Bombes ", modèles " Helsinki " et " Moscou ", au prix de 29,90 euro, et dans le magasin " Intermarché " de Juvignac, des paires de bottes " P'etites Bombes ", modèle " Andorre " au prix de 12,45 euro et des paires de bottes " Too Much ", modèle " Caracas " au prix de 12,45 euro ;

Attendu que la société Diffusion 226 soutient, en premier lieu, que ces modèles, mis à la vente 12,45 euro ou 29,90 euro dans les hypermarchés, sont vendus en boutiques 69 ou 69,90 euro ; qu'elle justifie, en outre, que les modèles " Helsinki ", " Moscou " et " Andorre " ont été vendus par la société AGC à des prix HT de 10 et 12 euro, nettement inférieurs aux prix qu'elle-même facture à ses revendeurs, soit 29,90 euro ou 24 euro HT ; qu'enfin, elle relève que les modèles " Andorre " et " Caracas ", achetés 12 euro et 11,40 euro HT par la société Mirand à la société AGC, ont été revendus à perte, dans l'Intermarché de Juvignac, à 10,41 euro HT ;

Attendu que la pratique d'un prix bas, fût-il inférieur au prix de revient du produit, ne constitue pas en soi une faute de concurrence déloyale, sauf si elle s'accompagne d'autres circonstances propres à établir la déloyauté ;

Attendu qu'en l'occurrence, si les sociétés Hyper Saint-Aunès et Mirand ont mis en vente, au cours du 4e trimestre 2007 et du 1er trimestre 2008, dans les rayons " chaussures " de leurs magasins respectifs, 176 paires pour l'une, 900 paires pour l'autre, de chaussures des marques " P'etites Bombes " et " Too Much ", à des prix nettement inférieurs aux prix de vente de tels produits dans les points de vente desservis directement par la société Diffusion 226, il n'en demeure pas moins que les articles mis en vente, correspondant à la collection " automne hiver 2005 ", étaient démodés et ne pouvaient dès lors qu'être vendus au rabais, ce qui ne pouvait échapper à une clientèle féminine, habituée à suivre l'évolution de la mode ; que la société Diffusion 226 indique elle-même, dans ses conclusions d'appel, s'attacher à promouvoir chaque année de nouveaux modèles de chaussures en fonction des tendances et des attentes des clients ; qu'ainsi, la vente, à bas prix, de modèles anciens n'est pas suffisante à caractériser l'existence d'une atteinte à l'image de marque des produits, constitutive de concurrence déloyale ;

Attendu qu'il n'est pas établi que les prix de vente des divers modèles de chaussures, pratiqués par les sociétés Hyper Saint-Aunès et Mirand, ont constitué des prix d'appel, ni que la mise en vente de ces modèles s'est accompagnée d'une publicité particulière, destinée à détourner la clientèle des points de vente habituels des produits des marques " P'etites Bombes " et " Too Much " ; qu'à cet égard, il n'est pas soutenu, ni même justifié, qu'à la date des faits, des modèles, comparables à ceux commercialisés dans les deux hypermarchés, étaient proposés à la vente dans des boutiques situées à proximité, dans la même zone de chalandise ; que la société Diffusion 226 produit une liste de son " catalogue clients ", éditée le 5 mars 2008, détaillant les divers points de vente, approvisionnés par elle dans la région montpelliéraine, mais ne fournit aucun élément permettant d'identifier ceux des points de vente dans lesquels étaient diffusés les modèles de chaussures griffées de ces marques ;

Attendu que la société Diffusion 226 reconnaît elle-même que les modèles de chaussures, vendus sous les marques " P'etites Bombes " et " Too Much " ne relèvent pas d'une gamme de luxe (sic) ; qu'elle n'établit pas dès lors en quoi la vente de ces modèles dans les magasins " Leclerc " et " Intermarché " aurait eu lieu dans des conditions dégradantes pour les marques, alors que les paires de chaussures étaient présentées à la vente en tête de gondole ou en rayon avec leurs boites, et non " en vrac " et que seuls deux modèles étaient présentés dans chaque magasin lors de l'établissement des procès-verbaux de saisie-contrefaçon ; qu'au surplus, la société Diffusion 226 ne justifie pas avoir mis en place un réseau de distribution sélective de ses produits, dont les hypermarchés auraient été exclus ;

Attendu que la preuve d'un comportement déloyal des sociétés Hyper Saint-Aunès et Mirand dans la mise en vente de certains modèles de chaussures marquées " P'etites Bombes " et " Too Much " de la collection 2005, n'est donc pas rapportée, dans des conditions de nature à engager la responsabilité de ces deux sociétés sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Attendu que la société Albert Frères a obtenu la cession de gré-à-gré d'un stock de 33 340 paires de chaussures dépendant des actifs de la société Marli moyennant le prix de 200 000 euro, soit 5,99 euro la paire, dont elle a revendu 17 600 paires en octobre 2007, à prix coûtant, à la société AGC, fournisseur des deux hypermarchés ;

Attendu qu'en vendant, même à bas prix, à la société AGC un lot de 17 600 paires de chaussures, importées de Chine par la société Catatua Azul, la société Albert Frères n'a commis aucun acte de concurrence déloyale, puisque les produits vendus avaient été introduits en France régulièrement par la société Marli, avec laquelle la société Diffusion 226 entretenait des liens étroits, et qu'il n'existait aucun obstacle apparent à la vente de ces produits sur le territoire français, dont cette société aurait pu avoir connaissance ; que la société Albert Frères n'était pas, de surcroît, en situation directe de concurrence avec la société Diffusion 226 ;

Attendu qu'il a été indiqué que la société Diffusion 226 ne démontrait pas avoir mis en place un réseau de distribution sélective de ses produits, dont les hypermarchés auraient été exclus ; qu'il ne peut ainsi être fait grief à la société AGC, grossiste en articles d'habillement et de chaussures, d'avoir revendu, en toute connaissance de cause, aux sociétés Hyper Saint-Aunès et Mirand, 176 paires de chaussures pour l'une, 900 pour l'autre ; que la pratique de prix bas, s'agissant d'articles démodés, ne peut davantage être retenu comme constitutif d'un agissement de concurrence déloyale ;

Attendu que c'est donc à juste titre que le premier juge a débouté la société Diffusion 226 de ses demandes en paiement de dommages et intérêts, fondées sur la concurrence déloyale ; que le jugement entrepris doit, en conséquence, être confirmé en toutes ses dispositions ;

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile :

Attendu que la société Diffusion 226, qui succombe sur son appel, doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Hyper Saint-Aunès, à la société Mirand et à la société Albert Frères la somme de 1 000 euro, chacune, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Déclare irrecevables les conclusions déposées par la société Albert Frères le 4 avril 2011, Au fond, confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de grande instance de Montpellier en date du 23 février 2010, Condamne la société Diffusion 226 aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Hyper Saint-Aunès, à la société Mirand et à la société Albert Frères la somme de 1 000 euro, chacune, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code.